Heures supplémentaires : 4 mai 2023 Cour d’appel de Nancy RG n° 21/02964

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Heures supplémentaires : 4 mai 2023 Cour d’appel de Nancy RG n° 21/02964
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ARRÊT N° /2023

PH

DU 04 MAI 2023

N° RG 21/02964 – N° Portalis DBVR-V-B7F-E4OG

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de VERDUN

20/00038

08 novembre 2021

COUR D’APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE – SECTION 2

APPELANT :

Monsieur [E] [K]

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représenté par Me Gérard CHEMLA substitué par Me BARNEFF de la SCP SCP ACG & ASSOCIES, avocats au barreau de REIMS

INTIMÉE :

DISTRIFAST SAS immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Châlons-en-Champagne sous le numéro 813 256 187 prise en la personne de son représentant légal domicilié de droit audit siège,

[Adresse 1]

[Localité 5]

Ni comparante ni représentée

INTERVENANTS FORCÉS

Maitre [G] [S], ès qualité de liquidateur judiciaire de la SAS DISTRIFAST, désignée par jugement du tribunal de commerce de Châlons-en-Champagne en date du 5 mai 2022, dont le siège social est situé [Adresse 4] à [Localité 8]

Ayant pour avocat Maître Sandy HARANT, avocat au barreau de Reims,

CENTRE DE GESTION ET D’ETUDES AGS (CGEA) d'[Localité 7], Unité déconcentrée de l’UNEDIC, association déclarée, agissant poursuites et diligences de son Président, en qualité de gestionnaire de l’AGS ‘ Association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés

[Adresse 3]

[Localité 7]

Ni comparant ni représenté

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats et du délibéré,

Président : WEISSMANN Raphaël,

Conseiller : BRUNEAU Dominique,

Greffier lors des débats : RIVORY Laurène

Lors du délibéré,

En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue en audience publique du 23 février 2023 tenue par Raphaël WEISSMANN, Président, et Dominique BRUNEAU, conseiller, qui ont entendu les plaidoiries, les avocats ne s’y étant pas opposés, et en ont rendu compte à la Cour composée de Raphaël WEISSMANN, président, Dominique BRUNEAU, Stéphane STANEK, conseillers, dans leur délibéré pour l’arrêt être rendu le 04 mai 2023;

Le 04 mai 2023, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l’arrêt dont la teneur suit

EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES

Monsieur [E] [K] a été engagé sous contrat de travail à durée indéterminée, par la société DISTRIFAST à compter du 26 septembre 2016, en qualité de chauffeur poids-lourds.

La convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport s’applique au contrat de travail.

Le 28 octobre 2020, le salarié a exercé son droit de retrait, puis a été placé en arrêt de travail à compter du 29 octobre 2020 jusqu’au 28 février 2021, pour maladie.

Par requête du 10 décembre 2020, M. [E] [K] a saisi le conseil des prud’hommes d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail.

Par décision du 01 mars 2021 du médecin du travail dans le cadre d’une visite de reprise, le salarié a été déclaré inapte à son poste de travail de chauffeur poids-lourds, avec la précision qu’il pourrait être apte dans un autre environnement professionnel.

Par courrier du 02 avril 2021, Monsieur [E] [K] a été convoqué à un entretien préalable au licenciement, avec notification de sa mise à pied à titre conservatoire.

Par courrier du 29 avril 2021, il a été licencié pour faute grave.

Par requête du 10 décembre 2020, Monsieur [E] [K] a saisi le conseil de prud’hommes de Verdun, en application de l’article 47 du code de procédure civile dans la mesure où la dirigeante de la société DISTRIFAST était conseiller prud’homale au conseil de Prud’hommes de Châlons-en-Champagne, aux fins :

– de prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l’employeur, produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– de condamner la société DISTRIFAST à lui verser les sommes suivantes :

– 40 462,00 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 10 115,50 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

– 1 011,55 euros à titre de congés payés sur préavis,

– 5 268,48 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,

– 4 775,23 euros à titre de rappel d’heures supplémentaires pour décembre 2017 et janvier 2018,

– 477,52 euros au titre des congés payés y afférents,

– 148 942,07 euros à titre de rappel d’heures supplémentaires entre février 2018 et octobre 2020,

– 14 894,20 euros au titre des congés payés y afférents,

– 17 764,95 euros à titre de dommages-intérêts en raison de l’absence de contrepartie obligatoire en repos pour 2018,

– 22 813,56 euros à titre de dommages-intérêts en raison de l’absence de contrepartie obligatoire en repos pour 2019,

– 16 707,90 euros à titre de dommages-intérêts en raison de l’absence de contrepartie obligatoire en repos pour 2020,

– 30 346,54 euros à titre de dommages-intérêts pour travail dissimulé,

– 3 000,00 euros à titre de dommages-intérêts pour dépassement de la durée maximale hebdomadaire de travail,

– 5 000,00 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi en raison du manquement commis par l’employeur à son obligation de sécurité,

– 3 000,00 à titre d’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens,

– d’ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir.

Vu le jugement du conseil de prud’hommes de Verdun rendu le 08 novembre 2021, lequel a :

– débouté Monsieur [E] [K] de l’ensemble de ses demandes,

– débouté la société DISTRIFAST de l’ensemble de ses demandes,

– condamné aux dépens partagés les parties.

Vu l’appel formé par Monsieur [E] [K] le 17 décembre 2021,

Par jugement du tribunal de commerce de Châlons-en-Champagne rendu le 05 mai 2022, la société DISTRIFAST a été placée en liquidation judiciaire avec la nomination de Maître [G] [S] en qualité de liquidateur judiciaire.

Vu l’intervention forcée à la procédure de Maître [G] [S], en qualité de liquidateur judiciaire de la société DISTRIFAST, et de l’association CGEA-AGS d'[Localité 7],

Vu l’article 455 du code de procédure civile,

Vu les conclusions de Monsieur [E] [K] déposées sur le RPVA le 06 décembre 2022, et celles de Maître [G] [S] en qualité de liquidateur judiciaire de la société DISTRIFAST déposées sur le RPVA le 04 novembre 2022,

L’association CGEA-AGS n’étant pas représentée à l’instance,

Vu l’ordonnance de clôture rendue le 25 janvier 2023,

Monsieur [E] [K] demande :

– de confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Verdun du 8 novembre 2021 en ce qu’il a débouté la société DISTRIFAST de l’ensemble de ses demandes,

– d’infirmer le jugement pour le surplus,

Statuant à nouveau :

A titre principal :

– de prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l’employeur, produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– en conséquence, de fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société DISTRIFAST, prise en la personne de Maître [G] [S], en qualité de liquidateur judiciaire, à hauteur des sommes suivantes :

– 40 462,00 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 10 115,50 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

– 1 011,55 euros à titre de congés payés sur préavis,

– 5 268,48 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,

– 3 033,40 euros au titre de la mise à pied conservatoire,

A titre subsidiaire :

– de juger que son licenciement pour faute grave est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

– en conséquence, de fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société DISTRIFAST, prise en la personne de Maître [G] [S], en qualité de liquidateur judiciaire, à hauteur des sommes suivantes :

– 40 462,00 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 10 115,50 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

– 1 011,55 euros à titre de congés payés sur préavis,

– 5 268,48 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,

– 3 033,40 euros au titre de la mise à pied conservatoire,

A titre infiniment subsidiaire :

– de juger que son licenciement pour faute grave repose sur une cause réelle et sérieuse,

– en conséquence, de fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société DISTRIFAST, prise en la personne de Maître [G] [S], en qualité de liquidateur judiciaire, à hauteur des sommes suivantes :

– 10 115,50 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

– 1 011,55 euros à titre de congés payés sur préavis,

– 5 268,48 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,

– 3 033,40 euros au titre de la mise à pied conservatoire,

En tout état de cause :

– de fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société DISTRIFAST, prise en la personne de Maître [G] [S], en qualité de liquidateur judiciaire, à hauteur des sommes suivantes :

– 4 775,23 euros à titre de rappel d’heures supplémentaires pour décembre 2017 et janvier 2018,

– 477,52 euros au titre des congés payés y afférents,

– 148 942,07 euros à titre de rappel d’heures supplémentaires entre février 2018 et octobre 2020,

– 14 894,20 euros au titre des congés payés y afférents,

– 17 764,95 euros à titre de dommages-intérêts en raison de l’absence de contrepartie obligatoire en repos pour 2018,

– 22 813,56 euros à titre de dommages-intérêts en raison de l’absence de contrepartie obligatoire en repos pour 2019,

– 16 707,90 euros à titre de dommages-intérêts en raison de l’absence de contrepartie obligatoire en repos pour 2020,

– 30 346,54 euros à titre de dommages-intérêts pour travail dissimulé,

– 3 000,00 euros à titre de dommages-intérêts pour dépassement de la durée maximale hebdomadaire de travail,

– 5 000,00 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi en raison du manquement commis par l’employeur à son obligation de sécurité,

– 6 000,00 à titre d’article 700 du code de procédure civile pour l’ensemble de la procédure

– de juger que la présente décision est opposable à l’association CGEA-AGS d'[Localité 7],

– de condamner Maître [G] [S], en qualité de liquidateur judiciaire de la société DISTRIFAST, aux entiers dépens de l’instance.

Maître [G] [S], en qualité de liquidateur judiciaire de la société DISTRIFAST, demande :

– de confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Verdun le 8 novembre 2021 en ce qu’il a débouté Monsieur [E] [K] de l’intégralité de ses demandes,

– de débouter Monsieur [E] [K] de sa demande de rappel d’heures supplémentaires, outre les congés payés y afférents, faute pour lui de rapporter la preuve des horaires effectués et des heures accomplies,

– de débouter Monsieur [E] [K] de sa demande de dommages-intérêts pour absence de repos compensateur qui en découle,

– de débouter Monsieur [E] [K] de sa demande de dommages-intérêts pour travail dissimulé dans la mesure où il ne rapporte pas la preuve de l’intention frauduleuse de son employeur de dissimuler son activité,

– de débouter Monsieur [E] [K] de ses demandes de dommages-intérêts pour violation de la durée légale du travail et de manquement à l’obligation de sécurité de résultat dans la mesure où la faute commise par l’employeur n’est pas établie, pas plus qu’un préjudice d’un montant aussi important que ce qui est demandé et qui serait résulté de la faute reprochée à l’employeur

– de débouter Monsieur [E] [K] de sa demande de résiliation judiciaire et des demandes financières découlant de la rupture du contrat de travail, dans la mesure où le salarié est dans l’incapacité de rapporter la preuve, dont la charge lui incombe, de manquements suffisamment graves à même de justifier la rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur et dans la mesure où la situation avait été régularisée pour l’essentiel au moment où l’affaire a été plaidée,

En tout état de cause :

– de fixer la date d’effet de la résiliation judiciaire au 29 avril 2021, date d’envoi de la notification du licenciement,

– de donner acte à la concluante qu’elle s’en rapporte à la sagesse de l’appréciation de la Cour sur la demande de mise à pied conservatoire, de préavis, de congés payés sur préavis, d’indemnité de licenciement, étant souligné que le salarié ne communique aucun élément à même de permettre à la Cour de déterminer le salaire moyen,

– de limiter la demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à l’indemnisation minimale prévue à hauteur de 3 mois de salaires compte tenu de l’absence de toute preuve apportée par le salarié quant au préjudice subi en suite de la rupture de son contrat de travail,

– d’infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Verdun le 8 novembre 2021 en ce qu’il a débouté la société DISTRIFAST de sa demande de remboursement de la somme de 10 000,00 euros,

– de condamner Monsieur [E] [K] à régler à Maître [G] [S] la somme de 10 000,00 euros au titre du prêt dont il a bénéficié,

– de statuer ce que de droit quant aux dépens et à la formulée au visa de l’article 700 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR

Pour plus ample exposé sur les moyens et prétentions des parties, il sera expressément renvoyé aux dernières écritures qu’elles ont déposées sur le RPVA, s’agissant de l’employeur le 04 novembre 2022, et en ce qui concerne le salarié le 06 décembre 2022.

Sur la demande au titre des heures supplémentaires

M. [E] [K] indique qu’il utilisait la carte conducteur de son supérieur hiérarchique, M. [T] [L], sur directive de ce dernier et de la gérante de la société, Mme [D].

Il ajoute que les trajets qui lui étaient confiés en connaissance de cause par l’employeur nécessitaient l’accomplissement d’heures supplémentaires.

En ce qui concerne les heures supplémentaires de décembre 2017 et janvier 2018, M.[E] [K] affirme qu’il travaillait en semaine de 3 heures du matin à 18 heures, et le samedi de 3 heures à 11 heures.

S’agissant des heures réclamées de février 2018 à septembre 2020, il indique qu’il travaillait de 11 heures du matin à 7 heures le lendemain.

Il précise que par ailleurs l’employeur n’a pas appliqué le nouveau taux horaire prévu à l’avenant.

Maître [S], ès qualités fait valoir que l’appelant ne produit pas d’élément suffisant pour étayer sa demande, estimant que les pièces qu’il produit ne permettent pas de justifier des horaires allégués, et que les attestations qu’il verse aux débats sont trop imprécises, ou soumises à caution.

Elle indique également que ne sont pas connues les conditions dans lesquelles l’analyse en pièce 34 de M. [E] [K] a été faite.

Motivation

L’article L. 3171-4 du code du travail dispose qu’ en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction.

Il ressort de cette règle que la preuve des heures de travail effectuées n’incombe spécialement à aucune des parties mais que le salarié doit appuyer sa demande en paiement d’heures supplémentaires par la production d’éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l’employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.

M. [E] [K] produit en pièce 31 une analyse faite le 08 mars 2021, à la demande de son conseil de l’époque, par la société NBC ERS « spécialiste de l’analyse chronotachygraphique et de la rémunération du personnel roulant ».

Cette analyse porte sur les cartes de conducteur portant le nom de M. [E] [K], ainsi qu’il résulte des tableaux « synthèse des temps de travail effectif » contenus dans ce document.

L’analyse porte sur les périodes suivantes : 18 octobre 2019 au 31 décembre 2019 ; 1er janvier 2020 au 31 octobre 2020.

M. [E] [K] ne verse aux débats aucune autre pièce indiquant ses horaires de travail en dehors des plages visées par la pièce 31 précitée : en pièces 5, des lettres de voiture ne concernant que certaines courses dans la journée ; en pièce 25 lettre de voiture de La Poste pour un chargement le 19 septembre 2020 à 04h10, et un déchargement le 19 septembre 2020 à 06h25 ; en pièce 4 un avis de contravention pour le 08 juillet 2017 à 06h03 ; des attestations de collègues qui indiquent qu’il travaillait selon une amplitude horaire « de 18 à 20 heures par jour ».

Les éléments produits aux débats par M. [E] [K] sont suffisamment précis sur la période du 18 octobre 2019 au 30 septembre 2020, M. [E] [K] ne réclamant rien au titre d’octobre 2020, pour permettre à l’employeur d’y répondre.

Maître [S], ès qualités ne produit aucun élément justifiant des horaires de travail sur la période précitée ; elle critique simplement la force probante des éléments versés aux débats par le salarié.

Il résulte de la pièce 31 de l’appelant qu’il a travaillé au-delà de la durée légale de 151,67 heures en novembre 2019 (158,58 heures), en décembre 2019 (163,30 heures), et en janvier 2020 (180,03 heures).

A la lecture des bulletins de paie produits par le salarié en pièces 23 et 24, il ressort que les heures supplémentaires de novembre 2019 lui ont été réglées ; celles de janvier 2020 lui ont été réglées à hauteur de 174,70 heures de travail ; celles de décembre 2019 n’ont pas été réglées.

Ces éléments permettent à la cour de faire droit à la demande au titre des heures supplémentaires à hauteur de 350 euros.

Le jugement sera réformé en ce qu’il a débouté M. [E] [K] de cette demande.

Sur la demande de dommages et intérêts pour non-respect de la contrepartie en repos

M. [E] [K] expose ne pas avoir bénéficié de la contrepartie obligatoire en repos pour la partie au-delà du contingent annuel d’heures supplémentaires ; il indique que la convention collective des transports fixe ce contingent à 195 heures.

Il précise réclamer : 17 764,95 euros pour le dépassement en 2018 ; 22 813,56 euros pour 2019, en ce compris l’indemnité de congés payés afférents ; 16 707,90 euros pour 2020, en ce compris l’indemnité de congés payés afférents. (p21 et 22)

Maître [S], ès qualités fait valoir qu’il convient de débouter M. [E] [K] « tout autant de la demande de dommages et intérêts pour défaut de repos compensateur qui ne peut se justifier que si des heures supplémentaires sont obtenues et que si la demande était justifiée, ce qui n’est en rien le cas » (page 7) ; elle ne discute pas des calculs et bases de calcul présentés par M. [E] [K] dans ses conclusions.

Motivation

Aux termes des dispositions de l’article L3121-30 du code du travail, des heures supplémentaires peuvent être accomplies dans la limite d’un contingent annuel. Les heures effectuées au-delà de ce contingent annuel ouvrent droit à une contrepartie obligatoire sous forme de repos.

Les heures prises en compte pour le calcul du contingent annuel d’heures supplémentaires sont celles accomplies au-delà de la durée légale.

Les heures supplémentaires ouvrant droit au repos compensateur équivalent mentionné à l’article L. 3121-28 et celles accomplies dans les cas de travaux urgents énumérés à l’article L.3132-4 ne s’imputent pas sur le contingent annuel d’heures supplémentaires.

En l’absence d’élément fourni par les parties sur un accord collectif relatif au contingent d’heures supplémentaires, il convient de prendre en compte le contingent supplétif de 220 heures fixé par l’article D 3121-24 du code du travail.

Il ne ressort pas du développement relatif aux heures supplémentaires que le contingent annuel d’heures supplémentaires aurait été dépassé.

En conséquence, M. [E] [K] sera débouté de sa demande à ce titre.

Sur la demande au titre du travail dissimulé

M. [E] [K] fait valoir que son employeur savait qu’il effectuait plus d’heures de travail que celles qui lui étaient payées ; il indique que la société pointait ses lettres de voiture pour établir sa paie, et avait donc connaissance de ses heures de travail ; il précise produire des attestations de collègues et de son supérieur hiérarchique qui indiquent qu’il avait une amplitude de travail très importante, et que cela était connu de tous.

Maître [S], ès qualités fait valoir que M. [E] [K] ne rapporte pas la preuve de l’intention frauduleuse de l’employeur de dissimuler une activité salariée.

Motivation

L’article L.8221-5, 2°, du code du travail dispose qu’est notamment réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

En cas de travail dissimulé et de rupture de la relation de travail, le salarié a droit à une indemnité forfaitaire égale à 6 mois de salaires.

Toutefois, la dissimulation d’emploi salarié n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a agi de manière intentionnelle.

Le fait seul de ne pas avoir payé les heures supplémentaires effectuées par le salarié, et de ne pas les faire figurer, ne suffit pas à caractériser l’intention frauduleuse visée par l’article précité.

Dans ces conditions, M. [E] [K] sera débouté de sa demande à ce titre.

Sur la demande au titre du dépassement de la durée maximale hebdomadaire de travail

M. [E] [K] explique s’être vu imposer par son employeur un volume horaire hebdomadaire largement supérieur à 48 heures ; que cette surcharge de travail, qu’il a supportée pendant de nombreux mois, a fini par avoir des répercussions sur son état de santé, ayant été placé en arrêt maladie par son médecin à partir du 29 octobre 2020.

Maître [S], ès qualités estime que M. [E] [K] n’établit pas la faute alléguée de l’employeur, pas plus que le préjudice qui en serait résulté pour lui.

Motivation

Il résulte de la pièce 31 du salarié, retenue comme suffisamment précise pour que l’employeur puisse répondre à la demande supra au titre des heures supplémentaires, que M.[E] [K] n’a jamais dépassé ni même atteint 48 heures de travail par semaine, sur la période justifiée par la pièce 31, soit du18 octobre 2019 au 31 octobre 2020.

Dans ces conditions, M. [E] [K] sera débouté de sa demande.

Sur la demande de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité

M. [E] [K] fait valoir que son état de santé s’est dégradé en raison des « heures de travail au-delà du soutenable » et « en raison des nombreuses heures de travail de nuit qu’il a effectuées ».

Il ajoute que ses heures supplémentaires ont eu un impact sur sa vie sociale et familiale, et qu’en 2018 il n’a pas pris de congés payés, que son employeur lui a réglé en juin 2018.

Maître [S], ès qualités s’oppose à la demande en estimant que le salarié n’établit pas la faute qu’il allègue, pas plus que le préjudice qui en serait résulté.

Motivation

Il résulte du développement précédent relatif à la demande d’heures supplémentaires, que M. [E] [K] n’a jamais dépassé, à la lecture de sa pièce 31 (analyse des chronotachygraphes), les 151,67 heures de travail correspondant à la durée légale de travail.

Il renvoie par ailleurs à sa pièce 17 (arrêt de travail du 29 octobre au 26 novembre 2020) qui ne comporte pas d’indication particulière.

M. [E] [K] indique avoir été adressé à un psychologue par son médecin traitant, mais ne produit aucune pièce à ce sujet.

L’avis d’inaptitude du 1er mars 2021 ne suffit pas à rapporter la preuve du manquement invoqué.

Dans ces conditions, M. [E] [K] sera débouté de sa demande à ce titre.

Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail

M. [E] [K] fait valoir que la résiliation du contrat de travail aux torts de son employeur est justifié par le fait qu’il a accompli des heures supplémentaires qui n’ont pas été rémunérées, par le fait que l’employeur s’est rendu coupable de travail dissimulé, et par le fait que la société DISTRIFAST a commis des manquements à son obligation de mettre en place les mesures nécessaires pour assurer sa sécurité et protéger sa santé physique et mentale, le rythme de travail auquel il a été astreint étant à l’origine de la dégradation de son état de santé.

Maître [S], ès qualités considère que la demande de résiliation judiciaire doit être rejetée, M. [E] [K] ne démontrant pas le bien-fondé de sa demande au titre d’heures supplémentaires.

Motivation

M. [E] [K] a saisi le 10 décembre 2020 le conseil des prud’hommes d’une requête visant notamment à prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur, pour les motifs qu’il invoque dans la présente instance.

Il résulte des développements qui précèdent que seul le grief relatif au non-paiement des heures supplémentaires est établi.

Compte tenu de l’ancienneté de ce non-paiement par rapport à la saisine du conseil des prud’hommes, ce fait ne peut justifier la résiliation judiciaire réclamée.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a débouté M. [E] [K] de sa demande de résiliation judiciaire et de ses demandes indemnitaires afférentes.

Sur le licenciement

M. [E] [K] fait valoir notamment que son licenciement ne pouvait pas être prononcé pour un autre motif que son inaptitude.

Dès lors, la lettre de rupture le licenciant pour faute, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Maître [S], ès qualités estime que la société DISTRIFAST pouvait prononcer un licenciement pour faute grave, même en présence d’un certificat d’inaptitude.

Motivation

Il résulte des dispositions des articles L. 1226-2 et L. 1226-2-1 du code du travail que, lorsque le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail, l’employeur ne peut pas prononcer un licenciement pour un motif autre que l’inaptitude. En conséquence, le salarié ne peut pas être licencié pour une autre cause, notamment pour un motif disciplinaire.

En l’espèce, le licenciement ayant été prononcé pour faute grave, alors que M. [E] [K] faisait l’objet d’un avis d’inaptitude, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur les demandes liées à la rupture du contrat de travail

M. [E] [K] sollicite la fixation de sa créance à hauteur de :

– 40 462 euros à titre de dommages et intérêts,

-10 115,50 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

– 1 011,55 euros au titre des congés payés afférents.

– 5 268,48 euros au titre de l’indemnité de licenciement

– 3 033,40 euros en paiement de sa mise à pied conservatoire

M. [E] [K] demande d’écarter l’application du barème prévu par l’article L1235-3 du code du travail .

Il calcule les sommes réclamées sur la base d’un salaire moyen de 5 057,05 euros.

Maître [S], ès qualités fait valoir que le salaire moyen de M. [E] [K] était de 1 539,42 euros et qu’il ne justifie pas de sa situation professionnelle depuis la notification de son licenciement.

En ce qui concerne les demandes d’indemnité de préavis, d’indemnité de licenciement et au titre de la mise à pied, Maître [S], ès qualités indique s’en rapporter à la sagesse de la cour.

– sur la demande d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Motivation

Aux termes des dispositions de l’article L1234-9 du code du travail, pour le calcul de l’indemnité de licenciement, il convient de prendre en compte soit la moyenne des douze derniers mois de salaire, soit la moyenne des trois derniers mois.

M. [E] [K] motive sa demande de voir écarter le barème de l’article L1235-3 par la citation d’un arrêt de la cour d’appel de Douai, dont il indique qu’elle reprend les éléments de l’avis du comité européen des droits sociaux du 23 mars 2022.

Il indique calculer son salaire moyen sur la base de ses salaires de juillet à septembre 2020, outre le rappel d’heures supplémentaires pour la même période.

Il résulte de la lecture des trois derniers bulletins de salaire de M. [E] [K] (pièce 24 de l’appelant) que son salaire de base était de 3 033,40 euros.

En conséquence du développement précédent relatif à la demande d’heures supplémentaires, le montant du rappel d’heures supplémentaires pour ces trois derniers mois est évalué à zéro euro, M. [E] [K] n’ayant jamais dépassé, à la lecture de sa pièce 31 (analyse des chronotachygraphes), les 151,67 heures de travail correspondant à la durée légale de travail.

M. [E] [K] ne fournit aucun élément d’appréciation sur sa situation depuis la rupture du contrat de travail.

Compte tenu de son salaire moyen et de son ancienneté dans l’entreprise, il sera fait droit à sa demande à hauteur de 9 100,20 euros.

– sur les demandes de remboursement de la mise à pied, d’indemnité de préavis et d’indemnité de licenciement

La durée de préavis de deux mois n’est pas contestée par Maître [S], ès qualités.

La mise à pied conservatoire a duré 27 jours.

Les modalités de calcul de l’indemnité légale de licenciement ne sont pas exposées par les parties.

Compte tenu de ces éléments, et du salaire moyen de M. [E] [K], il sera fait droit à ses demandes à hauteur de :

– 6 066, 40 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis

– 606,64 euros à titre d’indemnité compensatrice des congés payés afférents

– 2730 euros à titre de rappel de salaire pour la mise à pied (3033,40 /30 x 27 jours)

– 5 268,48 euros à titre d’indemnité de licenciement.

Sur la demande de remboursement de prêt

Maître [S], ès qualités expose que l’appelant a bénéficié d’un prêt de 10 000 euros de la part de la société, qu’il n’a pas remboursé.

M. [E] [K] explique que la dirigeante et son époux M. [C] ont souhaité sortir de l’argent de leur entreprise pour réaliser des travaux dans leur maison ; ils lui ont proposé de lui faire un virement de 10 000 euros pour qu’il retire l’argent à la banque et le leur remette ; le jour-même du virement, l’argent a été remboursé.

Motivation

Aux termes des dispositions de l’article 1892 du code civil le prêt de consommation est un contrat par lequel l’une des parties livre à l’autre une certaine quantité de choses qui se consomment par l’usage, à la charge par cette dernière de lui en rendre autant de même espèce et qualité.

L’article1895 du même code dispose que l’obligation qui résulte d’un prêt en argent, n’est toujours que de la somme énoncée au contrat.

L’article 192 dispose que l’emprunteur est tenu de rendre les choses prêtées en même quantité et qualité et au terme convenu.

Aux termes de l’article1353 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.

Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

En l’espèce, le contrat de prêt produit en pièce 30 par Maître [S], ès qualités stipule que « le prêt est remboursable, à partir du 10 décembre 2019 par prélèvements successifs lors de chaque paie du dixième du salaire exigible (‘) Mr [K] [E] pourra se libérer à son gré par remboursement anticipé. (…) ».

Il résulte de la lecture des bulletins de paie de M. [E] [K], à compter de celui de décembre 2019 (pièces 23 et 24 de l’appelant), qu’aucun prélèvement n’a été effectué sur sa paie au titre du remboursement de prêt, alors que cela devait résulter de l’initiative de l’employeur en application du contrat.

En pièce 38 de M. [E] [K], M. [T] [L], dont il n’est pas contesté qu’il était le concubin de la dirigeante de la société DISTRIFAST, atteste que la somme de 10 000 euros a été donnée par M. [E] [K] à la dirigeante le jour du virement.

Cette affirmation, corroborée par l’absence de prélèvements de remboursement sur les bulletins de paie, établit que le prêt a été remboursé.

Dans ces conditions, Maître [S], ès qualités sera déboutée de sa demande.

Sur les dépens et l’article 700

Succombant à l’instance, Maître [S], ès qualités sera condamnée aux dépens, ainsi qu’à la somme de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, chambre sociale, statuant par arrêt réputé contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Verdun le 08 novembre 2021 ;

Statuant à nouveau dans les limites de l’appel,

Dit que le licenciement de M. [E] [K] est sans cause réelle et sérieuse ;

Fixe la créance de M. [E] [K] à la liquidation de la société DISTRIFAST aux sommes de :

– 350 euros à titre de rappel d’heures supplémentaires

– 6 066, 40 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis

– 606,64 euros à titre d’indemnité compensatrice des congés payés afférents

– 2730 euros à titre de rappel de salaire pour la mise à pied (3033,40 /30 x 27 jours)

– 5 268,48 euros à titre d’indemnité de licenciement 

– 9 100,20 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Dit que l’AGS -CGEA d'[Localité 7] est tenue à garantie des sommes qui précèdent dues à M. [E] [K], dans les limites légales de son intervention ;

Y ajoutant,

Condamne Maître [S], ès qualités à payer à M. [E] [K] 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Maître [S], ès qualités aux dépens de première instance et d’appel.

Ainsi prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Et signé par Monsieur Raphaël WEISSMANN, Président de Chambre, et par Madame Laurène RIVORY, Greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT DE CHAMBRE

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