Heures supplémentaires : 4 mai 2023 Cour d’appel de Caen RG n° 21/03428

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Heures supplémentaires : 4 mai 2023 Cour d’appel de Caen RG n° 21/03428
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AFFAIRE : N° RG 21/03428

N° Portalis DBVC-V-B7F-G4RD

 Code Aff. :

ARRET N°

C.P

ORIGINE : Décision du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de CAEN en date du 25 Novembre 2021 – RG n° F20/00309

COUR D’APPEL DE CAEN

1ère chambre sociale

ARRET DU 04 MAI 2023

APPELANTE :

S.A.S. BPA 14

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Eric GAILLARD, avocat au barreau de CAEN

INTIMEE :

Madame [G] [D]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Claire VOIVENEL, substitué par Me DURAND, avocat au barreau de CAEN

DEBATS : A l’audience publique du 06 février 2023, tenue par Mme PONCET, Conseiller, Magistrat chargé d’instruire l’affaire lequel a, les parties ne s’y étant opposées, siégé seul, pour entendre les plaidoiries et en rendre compte à la Cour dans son délibéré

GREFFIER : Mme ALAIN

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme DELAHAYE, Présidente de Chambre,

Mme PONCET, Conseiller, rédacteur

Mme VINOT, Conseiller,

ARRET prononcé publiquement contradictoirement le 04 mai 2023 à 14h00 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Mme DELAHAYE, présidente, et Mme GOULARD, greffier

FAITS ET PROCÉDURE

La SAS A Brasileira, titulaire d’un fonds de commerce de boulangerie pâtisserie à [Localité 6], co-gérée par Mme [G] [D], a été placée en redressement judiciaire le 27 juin 2018. Cette procédure a été étendue, le 25 septembre 2019, à la SARL A Brasileira, également co-gérée par Mme [D] et titulaire d’un fonds de commerce de boulangerie pâtisserie à [Localité 5]. Cette procédure de redressement judiciaire a été convertie en liquidation judiciaire le 24 octobre 2019. Le 22 janvier 2020, le juge commissaire a autorisé la cession des deux fonds à Mme [H] [A]. Le 24 février 2020, la SAS BPA 14 gérée par Mme [A] a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés.

Selon les documents de fin de contrat, la SAS BPA 14 a embauché Mme [D] à compter du 24 février 2020 en qualité de responsable de production. Elle l’a licenciée le 24 avril 2020 pour faute grave après l’avoir mise à pied à titre conservatoire à compter du 10 avril.

Le 21 juillet 2020, Mme [D] a saisi le conseil de prud’hommes de Caen pour voir reconnaître l’existence d’un contrat de travail à compter du 3 février 2020, obtenir un rappel de salaire pour cette période et pour heures supplémentaires, obtenir un rappel au titre de la prime du dimanche, pour voir dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse, obtenir le paiement de la période de mise à pied, une indemnité compensatrice de préavis, des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et à raison des circonstances brutales et vexatoires du licenciement et une indemnité pour travail dissimulé.

La SAS BPA 14 a demandé que le conseil de prud’hommes se dise incompétent pour la période antérieure au 24 février 2020 et a conclu, pour le surplus, au débouté.

Par jugement du 25 novembre 2021, le conseil de prud’hommes a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamné la SAS BPA 14 à verser à Mme [D] : 7 215,41€ (outre les congés payés afférents) de rappel de salaire pour la période du 3 février au 7 avril 2020, 297,48€ (outre les congés payés afférents) au titre de la prime du dimanche, 19 200€ d’indemnité pour travail dissimulé, 1 488,40€ (outre les congés payés afférents) de rappel de salaire pour la période de mise à pied, 1 323,86€ (outre les congés payés afférents) d’indemnité compensatrice de préavis, 3 200€ de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 1 200€ en application de l’article 700 du code de procédure civile, lui a ordonné de remettre à Mme [D], sous astreinte, une attestation Pôle Emploi, un bulletin de paie et un certificat de travail conformes à la décision, et lui a enjoint ‘de régulariser la situation de Mme [D] auprès des organismes sociaux au bénéfice desquels seront acquittées les cotisations mentionnées sur le bulletin de paie récapitulatif’.

La SAS BPA 14 a interjeté appel du jugement, Mme [D] a formé appel incident.

Vu le jugement rendu le 25 novembre 2021 par le conseil de prud’hommes de Caen

Vu les dernières conclusions de la SAS BPA 14, appelante, communiquées et déposées le 16 août 2022, tendant à voir le jugement infirmé, à voir dire le conseil de prud’hommes incompétent pour la période antérieure au 24 février 2020 et renvoyer l’affaire devant le tribunal de commerce de Caen, tendant à voir, pour le surplus, Mme [D] déboutée de ses demandes, condamnée à lui verser, au total, 8 000€ en application de l’article 700 du code de procédure civile, à lui rembourser les sommes perçues au titre de l’exécution provisoire et à lui rendre les documents de fin de contrat établis en exécution du jugement

Vu les dernières conclusions de Mme [D], intimée et appelante incidente, communiquées et déposées le 17 juin 2022, tendant à voir le jugement réformé quant aux sommes allouées au titre du rappel de salaire et des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de dommages et intérêts au titre des circonstances brutales et vexatoires du licenciement, tendant à voir la SAS BPA 14 condamnée à lui verser, à ces titres, 9 598,59€ (outre les congés payés afférents) de rappel de salaire, 5 736€ de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 4 000€ de dommages et intérêts au titre des circonstances brutales et vexatoires du licenciement, tendant, pour le surplus, à voir le jugement confirmé et à voir la SAS BPA 14 condamnée à lui verser 3 500€ supplémentaires en application de l’article 700 du code de procédure civile

Vu l’ordonnance de clôture rendue le 18 janvier 2023

MOTIFS DE LA DÉCISION

1) Sur le point de départ du contrat de travail

1-1) Sur la compétence du conseil de prud’hommes

Le conseil de prud’hommes est compétent pour connaître des différends qui s’élèvent à l’occasion d’un contrat de travail.

Dès lors, si un demandeur fonde ses réclamations sur l’existence d’un contrat de travail, seul le conseil de prud’hommes qui a compétence exclusive et d’ordre public pour statuer en matière de contrat de travail peut en connaître. Si le contrat de travail invoqué s’avère inexistant, le conseil de prud’hommes sera amené non pas à se déclarer incompétent mais à débouter le demandeur. Celui-ci pourra, le cas échéant, saisir une autre juridiction de nouvelles demandes sur un autre fondement juridique. En conséquence, le conseil de prud’hommes ne pouvant se déclarer incompétent au profit d’une autre juridiction, dès lors que le fondement invoqué est un contrat de travail, l’exception partielle d’incompétence sera rejetée.

1-2) Sur le fond

Mme [D] soutient avoir commencé à travailler pour la SAS BPA 14 (qui n’était pourtant pas encore immatriculée) dès le 3 février 2020.

Elle indique avoir, sous la subordination des époux [A] et donc de la SAS BPA 14, passé des annonces, recruté des salariés, effectué de nombreuses démarches et rendez-vous administratifs, avoir géré le nettoyage des locaux, la formation et le management des salariés, et les avoir relancés pour la fabrication des affiches.

Mme [D] justifie de nombreux échanges par courriels, entre le 1er et le 13 février 2020, avec un assureur pour l’assurance des fonds de commerce.

Les 76 pages de retranscription d’échanges WhatsApp dans le groupe créé le 31 janvier 2020 entre M et Mme [A], Mme [D] et son compagnon, M. [I], établissent que Mme [D] a fait, le 17 février, passer des annonces sur le Bon Coin pour recruter des salariés, annoncé le 21 février des entretiens d’embauche programmés pour la semaine suivante -période postérieure au 24 février-. Elle produit également un message qu’elle a reçu le 19 février d’une candidate à un poste de vendeuse suite à une annonce sur le Bon Coin. Plusieurs salariés attestent avoir passé leur entretien d’embauche avec Mme [D] (Mme [E] le 7 février, Mme [F] le 19 février). Deux autres salariés (MM [B] et [J]) ne précisent pas la date de cet entretien.

Mme [D] n’établit pas avoir, avant le 24 février, formé ou managé des salariés. En effet, la pièce qu’elle vise à cet effet (pièce 28) ne mentionne aucune date.

Elle ne vise aucune pièce justifiant de ce qu’elle aurait géré le nettoyage des locaux.

Enfin, si elle a relancé les époux [A] le 9 février pour la fabrication d’affiches elle apparaît comme un simple relais entre eux et un certain [U] sachant de surcroît que, d’après les discussions WhatsApp produites, c’est son compagnon [X] (M. [I]) qui s’occupait plus précisément des affiches.

Une partie des activités que Mme [D] indique avoir eues pendant cette période ne sont pas établies.

De surcroît, il est constant que les époux [A], Mme [D] et M. [I] avaient, au départ, l’intention de s’associer pour reprendre les deux fonds de commerce. Ils ont d’ailleurs constitué, à l’initiative de M. [I], le 31 janvier 2020, un groupe WhatsApp pour partager entre eux quatre ‘les infos’. Ils envisageaient d’ailleurs, encore le 6 février, de créer une société dont le sigle reprendrait les initiales de leurs noms. Il ressort des échanges entre eux que les différentes tâches à effectuer pour permettre la réouverture des deux boulangeries se répartissaient entre eux quatre en fonction des disponibilités de chacun, que chacun rendait compte au groupe de ses avancées et que la discussion s’instaurait sur ce qui devait être fait. Ce fonctionnement ne caractérise pas un lien de subordination entre Mme [D] et la SAS BPA 14 (société qui au demeurant n’était pas encore immatriculée et dont les statuts n’étaient pas signés au moins au début de la période).

L’existence d’un contrat de travail avant le 24 février n’est pas établie. Mme [D] sera donc déboutée des demandes de rappel de salaire afférents à cette période.

2) Sur la demande au titre des heures supplémentaires

En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle de heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Mme [D] produit des tableaux mentionnant ses horaires de travail, matin et après-midi. Elle verse également une attestation de Mme [F] qui écrit avoir eu de très longues journées de travail, de 6H30 à 20H (dont à déduire une heure de pause) plusieurs fois par semaine. Elle précise avoir vu systématiquement Mme [D] toute la journée sachant que celle-ci commençait à 3 ou 4H du matin en général. Mme [E], atteste que Mme [D] était présente chaque matin avant elle (sans qu’elle ne précise sa propre heure d’embauche) et que c’est elle qui ouvrait pour leur permettre de travailler. Ces éléments, et particulièrement le tableau établi par Mme [D], sont suffisamment précis pour permettre à la SAS BPA 14 de répondre en apportant ses propres éléments.

La SAS BPA 14 fait valoir que ses boulangeries n’ont ouvert qu’à compter du 16 mars, ce que Mme [D] ne conteste pas. En conséquence, les horaires mentionnés avant cette date par Mme [D], responsable de production, faisant état d’un travail 7 jours sur 7 à hauteur de 71,5 à 80H par semaine ne sont pas crédibles, indique-t’elle. Mme [D] ne répond pas à cette objection et n’explique notamment pas en quoi a consisté son travail avant l’ouverture des boulangeries et pourquoi elle aurait été amenée à effectuer des heures supplémentaires. Quant aux attestations de Mmes [F] et [E], qui, en tant que responsable de point de vente ou pâtissière, n’ont pas commencé à travailler avant l’ouverture des boulangeries, elles ne permettent pas de répondre à cette objection.

En conséquence, compte tenu de cet élément, les heures supplémentaires avancées par Mme [D] pour la période du 24 février au 15 mars ne seront pas retenues.

La SAS BPA 14 n’apporte, en revanche, aucun élément utile concernant la période postérieure, elle n’établit notamment pas que les boulangeries étaient ouvertes par les boulangers et non par Mme [D] comme Mme [E] le soutient.

L’unique attestation qu’elle produit à ce propos, celle de M. [J] se contente de souligner que Mme [D] nourrissait son enfant tous les jours pendant le temps de travail ou allait le nourrir à son domicile alors qu’elle prétendait aller livrer l’autre boutique ou aller chercher des matières premières. Mme [D] ne s’explique pas sur ce point. Le temps ainsi non travaillé n’est pas évalué si ce n’est par la phrase suivante ‘elle pouvait prendre deux heures’. Dès lors en l’absence d’éléments plus précis, il sera retenu une pause supplémentaire d’une demi heure par jour.

En conséquence, compte tenu d’un taux horaire de 21,10€ (3 200€:151,67H), il est dû un rappel de salaire :

– de 1 397,83€ pour la semaine 12 au cours de laquelle Mme [D] a travaillé 80,5H [84H -(0,5Hx7 jours)]

– 1 033,86€ pour la semaine 13, au cours de laquelle Mme [D] a travaillé 69H [72,5H- (0,5Hx7 jours)]

– 709,45€ pour la semaine 14, au cours de laquelle Mme [D] a travaillé 58,75H [62,25H-(0,5Hx7 jours)]

soit au total 3 141,14€ bruts (outre les congés payés afférents).

3) Sur la demande au titre des dimanches travaillés

Mme [D] réclame une majoration de 20% pour les heures travaillées le dimanche. Cette demande est conforme à l’accord du Calvados du 2 mai 1996 attaché à la convention collective nationale de la boulanger pâtisserie artisane et à l’article 28 de cette convention.

La SAS BPA 14 fait valoir que Mme [D] n’aurait pas droit à cette majoration car elle travaillerait dans le cadre d’un forfait. Toutefois, aucun contrat de travail écrit n’a été signé par Mme [D]. Aucun forfait ne lui est donc applicable.

Mme [D] a travaillé 9,5H le dimanche 22 mars, 9H le dimanche 29 mars et 8,5H le dimanche 5 avril soit au total 27H. Elle a droit pour chaque heure travaillée à une majoration de 4,22€ (21,10€x20%) soit un rappel de 113,94€ bruts (outre les congés payés afférents).

4) Sur le licenciement

La SAS BPA 14 reproche à Mme [D] :

– son refus, de mauvaise foi, de signer le contrat de travail

– d’avoir utilisé, sans en aviser son employeur, des chèques en blanc destinés à l’achat de marchandises pour faire réparer un véhicule

– d’avoir commandé, sans son accord, un robot de coupe

– d’avoir, sans son accord, autorisé une salariée à occuper le logement au-dessus de la boulangerie d'[Localité 5]

– d’avoir créé des tensions avec le personnel, notamment en modifiant les engagements horaires prévus avec le pâtissier

– d’avoir refusé de déférer à la mise à pied conservatoire en se maintenant dans l’entreprise jusqu’à la fin de l’après-midi, en créant des incidents et en sollicitant la venue de son compagnon

– avoir enlevé des biens et matériels

– d’avoir commandé, au profit de l’entreprise de son compagnon, des travaux de nettoyage pour 39 000€, sans en aviser son employeur.

‘ A supposer même que le contrat écrit proposé par la SAS BPA 14 ait correspondu à l’accord oral des parties, ce qui est contesté par Mme [D], le fait de refuser de le signer ne saurait constituer une faute.

‘ La SAS BPA 14 produit, concernant le même véhicule, un ordre de réparation avec entrée du véhicule le 20 février et deux factures, l’une, portant sur la révision du véhicule datée du 28 février (entrée du véhicule à l’atelier le 20 février), l’autre, portant sur diverses réparations datée du 6 mars 2020 avec entrée du véhicule le 27 février.

Mme [D] ne conteste ni avoir fait réparer ce véhicule ni avoir réglé avec des chèques en blanc établis par la gérante. Elle indique en avoir informé M. et Mme [A] qui n’ont rien trouvé à y redire

Aucun élément contraire n’est apporté par la SAS BPA 14 laquelle n’établit pas que cette initiative aurait excédé les fonctions de la salariée.

‘ La SAS BPA 14 produit une commande pour un robot de coupe datée du 12 mars 2020. À supposer que cette commande ait effectivement été passée par Mme [D], ce qu’elle ne conteste pas vraiment, la SAS BPA 14 n’établit pas que cette commande excédait ses fonctions de responsable de production, sachant qu’elle lui avait confié le chéquier de l’entreprise. Elle ne justifie pas non plus avoir réagi face à cette acquisition.

‘ Il est constant que Mme [F] a été logée dans le logement de fonction situé au-dessus d’une des deux boulangeries. Ni l’une ni l’autre partie ne commente ce grief dans leurs conclusions. En toute hypothèse, il n’est pas produit d’échanges antérieurs au licenciement dans lesquels la SAS BPA 14 se serait émue de cette situation.

‘ M. [B], boulanger employé par la SAS BPA 14 écrit avoir passé son entretien d’embauche avec Mme [D] qui s’est présentée comme responsable et associée. Il indique avoir appris postérieurement qu’elle n’était que salariée il indique avoir alors dû refaire un entretien avec M. [A] concernant ses conditions de travail.

Il ressort des échanges WhatsApp que le recrutement des salariés a été essentiellement effectué par Mme [D] alors qu’elle n’était pas encore salariée de la SAS BPA 14. Les conditions d’emploi ont été discutées dans le groupe. La SAS BPA 14 n’apporte aucun élément établissant que ce recrutement aurait été effectué par Mme [D] après son embauche le 24 février 2020 et que les termes du contrat négocié entre Mme [D] et M. [B] auraient été fixées par Mme [D] sans en référer à son employeur.

M. [J], pâtissier, écrit qu’il était salarié de M. [A] dans sa boulangerie de [Localité 7], que celui-ci lui a proposé une place ‘dans une des deux entreprises qu’il venait d’acquérir’ et qu’ils se sont mis d’accord sur les conditions du contrat. Il expose avoir ensuite passé un entretien avec Mme [D] qui lui a proposé un contrat avec d’autres conditions sans, selon lui, en informer M. et Mme [A]. Elle a ensuite essayé, dit-il, de ‘le dissuader (persuader’) d’accepter le contrat qu’elle avait rédigé.’

Mme [D] indique qu’elle n’était pas au courant des modalités particulières qui auraient été négociées entre MM. [J] et [A] avant l’entretien d’embauche. La SAS BPA 14 n’apporte aucun élément en ce sens.

En outre, la date à laquelle M. [J] a passé cet entretien et s’est vu proposer ce contrat n’étant pas précisée, il n’est pas établi que ces faits, à les supposer fautifs, soient postérieurs à l’embauche de Mme [D] et puissent utilement, en conséquence, lui être reprochés dans le cadre du licenciement.

‘ Dans une lettre du 7 avril 2020, Mme [A] indique que Mme [D] a refusé de quitter son poste lors de la mise à pied, a fait lire à tous les salariés présents sa lettre de mise pied, a fait appel à son compagnon.

Toutefois, hormis ce courrier de sa gérante, la SAS BPA 14 n’apporte aucun élément justifiant des incidents survenus lors de la mise à pied. Mme [F] qui atteste avoir été témoin de cette mise à pied écrit que Mme [D] a demandé ‘un délai pour consulter son avocat ce à quoi M. et Mme [A] n’ont pas répondu favorablement’.

La réalité de ces incidents n’est donc pas établie.

‘ Pour justifier de l’enlèvement de matériels, Mme [D] se réfère à l’attestation de M. [J] qui écrit que ‘lors de son départ plusieurs choses ont disparu (douilles, matériel, colorant, arômes, chalumeau, poches, moules pour gâteau)’. Cette attestation porte sur la concomitance entre le départ de Mme [D] et la disparation de matériels mais ne permet pas d’établir avec certitude que Mme [D] aurait pris ces matériels, ce qu’elle conteste.

‘ M. [I], compagnon de Mme [D], exerçant sous l’enseigne Connect’Elec a établi, le 7 avril 2020, date de la mise à pied de sa compagne, à l’attention de Mme [A] et à l’adresse de la SAS BPA 14, une facture de 39 439,87€ portant sur des travaux réalisés sur les sites des deux boulangeries de la société. Cette facture vise un devis qui aurait été établi à la même date. Ce devis n’est pas produit. Il n’est pas établi que ce devis aurait été demandé par Mme [D] ou accepté par elle. En conséquence, aucune faute ne saurait lui être reproché.

Aucune des fautes figurant dans la lettre de licenciement n’est établie. Le licenciement est donc sans cause réelle et sérieuse.

Mme [D] peut prétendre au paiement de la période de mise à pied conservatoire, à une indemnité compensatrice de préavis d’une semaine et à des dommages et intérêts au plus égaux à un mois de salaire. Elle réclame en outre des dommages et intérêts à raison des circonstances de la rupture.

‘ Les sommes réclamées au titre de la période de mise à pied et de l’indemnité compensatrice de préavis (et allouées par le conseil de prud’hommes) ne sont pas contestées par la SAS BPA 14 ne serait-ce qu’à titre subsidiaire, elles seront donc retenues.

‘ Mme [D] justifie que sa demande d’allocation de chômage a été rejetée par Pôle Emploi. Elle a été embauchée en qualité de pâtissière à temps partiel (20H hebdomadaires) à compter du 14 septembre 2020 et comme responsable de magasin à temps partiel (20H hebdomadaires) à compter du 1er octobre 2020 pour un salaire total de 3 137€.

Compte tenu de ces renseignements, des autres élément connus : son âge (36 ans), son ancienneté (2 mois), son salaire moyen (4 827,54€ après réintégration des rappels de salaire) au moment du licenciement, il y a lieu de lui allouer 2 000€ de dommages et intérêts.

‘ Il ressort de l’attestation de Mme [F] que ‘l’entretien de mise à pied’ et le départ de Mme [D] de l’entreprise s’est faite en présence à tout le moins de cette salariée, ce qui constitue une circonstance vexatoire justifiant en réparation l’octroi de 300€ de dommages et intérêts.

5) Sur le travail dissimulé

Mme [D] a effectué des heures supplémentaires en nombre important du 16 mars au 5 avril 2020 au vu et au su de la gérante de la SAS BPA 14. Mme [F] atteste que M. et Mme [A] ont dit à l’intimée qu’ils ne pouvaient pas lui faire de contrat ‘au vu du nombre d’heures qu’elle avait fait’ ce qui confirme la connaissance que son employeur avait des heures travaillées.

En outre, si la SAS BPA 14 avait proposé à Mme [D] un contrat de travail comportant un forfait jour, ce contrat n’a pas été signé par Mme [D]. La SAS BPA 14 ne pouvait donc penser que ce forfait jour était applicable.

Ces éléments établissent que la SAS BPA 14 a sciemment omis de faire figurer sur les bulletins de paie le nombre d’heures travaillées, Mme [D] est donc fondée à obtenir une indemnité à ce titre. La somme réclamée et allouée par le conseil de prud’hommes n’est pas contestée par la SAS BPA 14 et sera donc retenue.

6) Sur les points annexes

Les sommes allouées produiront intérêts au taux légal à compter du 24 juillet 2020, date de réception, par la SAS BPA 14, de sa convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation, à l’exception des sommes accordées à titre de dommages et intérêts qui produiront intérêts à compter de la date du présent arrêt.

La SAS BPA 14 devra remettre à Mme [D], dans le délai d’un mois à compter de la date de l’arrêt, un bulletin de paie complémentaire, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi conformes à la présente décision. En l’absence d’éléments permettant de craindre l’inexécution de cette mesure, il n’y a pas lieu de l’assortir d’une astreinte.

Il n’y a pas lieu d’enjoindre à la SAS BPA 14 de ‘régulariser la situation de Mme [D] auprès des organismes sociaux au bénéfice desquels seront acquittées les cotisations mentionnées sur le bulletin de paie récapitulatif’, la condamnation à des sommes brutes imposant déjà, à la fois ,le paiement de la partie nette au salarié et des cotisations aux caisses sociales et n’imposant donc aucune autre ‘régularisation’.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de Mme [D] ses frais irrépétibles. De ce chef, la SAS BPA 14 sera condamnée à lui verser 3 000€.

DÉCISION

PAR CES MOTIFS, LA COUR,

– Confirme le jugement en ce qu’il a condamné la SAS BPA 14 à verser à Mme [D] : 19 200€ d’indemnité pour travail dissimulé, 1 488,40€ bruts de rappel de salaire pour la période de mise à pied outre 148,84€ bruts au titre des congés payés afférents, 1 323,86€ bruts d’indemnité compensatrice de préavis outre 132,38€ bruts au titre des congés payés afférents

– Réforme le jugement pour le surplus

– Dit que ces sommes produiront intérêts au taux légal à compter du 24 juillet 2020

– Condamne la SAS BPA 14 à verser à Mme [D] :

– 3 141,14€ bruts de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires outre 314,11€ bruts au titre des congés payés afférents

– 113,94€ bruts de rappel au titre des majorations pour heures travaillées le dimanche outre 11,39€ bruts au titre des congés payés afférents

avec intérêts au taux légal à compter du 24 juillet 2020

– 2 000€ de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

– 300€ de dommages et intérêts à raison des circonstances vexatoires du licenciement

avec intérêts au taux légal à compter de la date du présent arrêt

– Dit que la SAS BPA 14 devra remettre à Mme [D], dans le délai d’un mois à compter de la date de l’arrêt, un bulletin de paie complémentaire, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi conformes à la présente décision

– Déboute Mme [D] du surplus de ses demandes principales

– Condamne la SAS BPA 14 à verser à Mme [D] 3 000€ en application de l’article 700 du code de procédure civile

– Condamne la SAS BPA 14 aux entiers dépens de première instance et d’appel

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

E. GOULARD L. DELAHAYE

 


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