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COUR D’APPEL
d’ANGERS
Chambre Sociale
ARRÊT N°
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/00113 – N° Portalis DBVP-V-B7F-EYXY.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’ANGERS, décision attaquée en date du 18 Janvier 2021, enregistrée sous le n° 19/00616
ARRÊT DU 04 Mai 2023
APPELANTE :
S.A.S. BA FOCH prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me BRULAY, avocat substituant Maître Aurelien TOUZET de la SELARL LEXCAP, avocat au barreau d’ANGERS – N° du dossier 13801663
INTIME :
Monsieur [N] [K]
[Adresse 2]
[Localité 3]
représenté par Me MAUREL, avocat substituant Maître Jean DENIS de la SELAFA CHAINTRIER AVOCATS, avocat au barreau d’ANGERS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 07 Février 2023 à 9 H 00, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame TRIQUIGNEAUX-MAUGARS, conseiller chargé d’instruire l’affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Président : Mme Marie-Christine DELAUBIER
Conseiller : Madame Estelle GENET
Conseiller : Mme Claire TRIQUIGNEAUX-MAUGARS
Greffier lors des débats : Madame Viviane BODIN
ARRÊT :
prononcé le 04 Mai 2023, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame TRIQUIGNEAUX-MAUGARS, conseiller pour le président empêché, et par Madame Viviane BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*******
FAITS ET PROCÉDURE
La Sas BA Foch Baïla Pizza (ci-après dénommée la société BA Foch) exploite une pizzeria sous l’enseigne ‘Baïla Pizza’ à [Localité 3]. Elle applique la convention collective nationale des hôtels, cafés, restaurants et emploie moins de onze salariés.
M. [N] [K] a été engagé par la société BA Foch dans le cadre d’un contrat de travail à durée déterminée pour surcroît d’activité du 1er mai 2017 au 31 octobre 2017 en qualité de chef de cuisine, statut cadre, niveau V, échelon 1 de la convention collective précitée.
L’article 5 de ce contrat de travail prévoit l’organisation du temps de travail de M. [K] sous la forme d’un forfait annuel de 217 jours en contrepartie d’une rémunération mensuelle brute de 2 000 euros.
À compter du 1er novembre 2017, la relation de travail s’est poursuivie dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée.
Par lettre remise en main propre contre décharge le 28 mai 2018, la société BA Foch a convoqué M. [K] à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement fixé le 8 juin 2018. Cette convocation était assortie d’une mise à pied à titre conservatoire.
Par requête du 29 mai 2018, M. [K] a saisi le conseil de prud’hommes d’Angers afin de voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de la société BA Foch ce, avec les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 4 juillet 2018, la société BA Foch a notifié à M. [K] son licenciement pour faute grave lui reprochant le non-respect des consignes s’agissant de l’approvisionnement en matières premières et le non-respect des règles d’hygiène alimentaire.
En dernier état de ses prétentions présentées en première instance, M. [K] demandait au conseil de prud’hommes à titre principal de prononcer la résiliation de son contrat de travail aux torts de son employeur, et à titre subsidiaire de dire son licenciement dénué de cause réelle et sérieuse. Il sollicitait la condamnation de la société BA Foch à lui verser, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, une indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents, un rappel de salaire au titre de la mise à pied à titre conservatoire et les congés payés afférents, une indemnité de licenciement, et des dommages et intérêts pour licenciement abusif. Il sollicitait également la requalification de son contrat de travail à durée déterminée du 1er mai 2017 en un contrat de travail à durée indéterminée et la condamnation de son employeur à lui verser l’indemnité légale de requalification. Enfin, il entendait voir prononcer la nullité de la convention de forfait en jours insérée à son contrat de travail et la condamnation de la société BA Foch au paiement d’un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires réalisées, les congés payés afférents, une indemnité au titre de la contrepartie obligatoire en repos, une indemnité pour travail dissimulé, des dommages et intérêts pour non-respect des durées maximales de travail et minimales de repos outre une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La société BA Foch s’est opposée aux prétentions de M. [K] et a sollicité sa condamnation au paiement d’une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement en date du 18 janvier 2021, le conseil de prud’hommes a :
– rejeté la demande de fin de non recevoir soulevée par la société BA Foch ;
– débouté M. [K] de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail ;
– dit que la rupture du contrat de travail de M. [K] est dépourvue de cause réelle et sérieuse de licenciement ;
– dit que la clause de forfait en jours est nulle ;
– dit que le contrat de travail à durée déterminée du 1er mai 2017 doit être requalifié en contrat à durée indéterminée ;
– condamné la société BA Foch à payer à M. [K] les sommes suivantes :
* 2 000 euros à titre d’indemnité de requalification ;
* 18 790,70 euros à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires ;
* 1 879,07 euros au titre des congés payés afférents ;
* 3 619,70 euros à titre de contrepartie obligatoire de repos ;
* 12 000 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé ;
* 6 000 euros à titre d’indemnité de préavis ;
* 600 euros au titre des congés payés afférents ;
* 2 272,73 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied ;
* 227,27 euros au titre des congés payés afférents ;
* 666,66 euros à titre d’indemnité de licenciement ;
* 4 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
* 1 800 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
– condamné la société BA Foch aux intérêts de droit avec capitalisation en application des dispositions des articles 1154 et 1154-28 du code de procédure civile ;
– dit que les condamnations de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la convocation du défendeur et à compter du prononcé du présent jugement pour les condamnations de nature indemnitaire en application des dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil ;
– ordonné la délivrance de l’attestation Pôle emploi et des bulletins de salaire rectifiés conformes à la décision ‘à intervenir’ ainsi que la réalisation des déclarations rectificatives aux différents organismes sociaux, sous astreinte de 10 euros par jour de retard, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement, le conseil se réservant le droit de liquider l’astreinte ;
– rappelé que l’exécution provisoire est de droit s’agissant des salaires en application des articles R.1454-28 et R.1454-14 du code du travail dans la limite de 9 mois de salaire, calculée sur la moyenne des trois derniers mois que le conseil évalue à 2 000 euros ;
– condamné la société BA Foch aux entiers dépens ;
– débouté les parties de leurs autres demandes considérées comme non fondées ou insuffisamment fondées.
S’agissant de la requalification du contrat de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée, le conseil de prud’hommes a jugé que le contrat du 1er mai 2017 n’a pas été conclu dans le cadre d’un surcroît d’activité mais pour l’ouverture du restaurant, et qu’il a alors servi de période d’essai pour une durée supérieure à celle autorisée par la convention collective applicable.
Pour prononcer la nullité de la clause de forfait en jours, il a retenu que la société BA Foch n’avait mis en place ni l’entretien annuel permettant d’aborder la charge et le temps de travail de M. [K], ni de dispositif de contrôle de son temps de travail. Il a également estimé que les pièces communiquées par le salarié étaient suffisamment précises pour établir la réalisation d’heures supplémentaires et que l’employeur n’apportait aucun élément en réponse.
Pour débouter M. [K] de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail, le conseil de prud’hommes a considéré que les manquements invoqués, bien qu’établis, n’étaient pas suffisamment graves pour justifier la rupture du contrat de travail aux torts exclusifs de la société BA Foch.
Enfin, les premiers juges ont estimé que le licenciement pour faute grave de M. [K] était en réalité une réponse à son refus de signer la rupture conventionnelle.
La société BA Foch a interjeté appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique au greffe de la cour d’appel le 16 février 2021, son appel portant sur tous les chefs lui faisant grief ainsi que ceux qui en dépendent et qu’elle énonce dans sa déclaration.
M. [K] a constitué avocat en qualité de partie intimée le 17 février 2021.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 17 janvier 2023 et le dossier a été fixé à l’audience du conseiller rapporteur du 7 février 2023.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
La société BA Foch, dans ses dernières conclusions, adressées au greffe le 10 mai 2021, régulièrement communiquées, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, demande à la cour de la dire et juger recevable et bien fondée en son appel et :
– infirmer le jugement déféré en ce qu’il :
– a rejeté sa demande de fin de non recevoir ;
– a dit que la rupture du contrat de travail de M. [K] est dépourvue de cause réelle et sérieuse de licenciement ;
– dit que la clause de forfait en jours est nulle ;
– dit que le contrat de travail à durée déterminée du 1er mai 2017 doit être requalifié en contrat à durée indéterminée ;
– l’a condamnée à payer à M. [K] les sommes suivantes :
* 2 000 euros à titre d’indemnité de requalification ;
* 18 790,70 euros à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires ;
* 1 879,07 euros au titre des congés payés afférents ;
* 3 619,70 euros à titre de contrepartie obligatoire de repos ;
* 12 000 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé ;
* 6 000 euros à titre d’indemnité de préavis ;
* 600 euros au titre des congés payés afférents ;
* 2 272,73 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied ;
* 227,27 euros au titre des congés payés afférents ;
* 666,66 euros à titre d’indemnité de licenciement,
* 4 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 1 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– l’a condamnée aux intérêts de droit avec capitalisation en application des dispositions des articles 1154 et 1154-28 du code de procédure civile ;
– a dit que les condamnations de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la convocation du défendeur et à compter du prononcé du présent jugement pour les condamnations de nature indemnitaire en application des dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil ;
– a ordonné la délivrance de l’attestation Pôle emploi et des bulletins de salaire rectifiés conformes à la décision à intervenir ainsi que la réalisation des déclarations rectificatives aux différents organismes sociaux, sous astreinte de 10 euros par jour de retard, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement, le conseil se réservant le droit de liquider l’astreinte ;
– l’a condamnée aux entiers dépens.
Statuant à nouveau :
– dire et juger mal fondé M. [K] en ses demandes et l’en débouter ;
– condamner M. [K] aux entiers dépens et à lui payer la somme de 3 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
À titre liminaire, dans le corps de ses écritures, la société BA Foch indique ne pas remettre en cause le jugement entrepris en ce qu’il a requalifié le contrat de travail à durée déterminée du 1er mai 2017 en un contrat de travail à durée indéterminée et l’a condamnée à verser à M. [K] une indemnité de requalification de 2 000 euros.
La société BA Foch fait ensuite valoir que la convention de forfait en jours signée par les parties était parfaitement valide et opposable à M. [K]. À cet égard, elle rappelle que chef de cuisine bénéficiait de toute sa confiance dans l’organisation de son temps de travail et qu’il lui revenait de s’organiser afin que son amplitude et sa charge de travail restent raisonnables. Elle conteste ensuite l’absence de contrôle du temps de travail de M. [K] soulignant l’existence de feuilles d’heures lesquelles ne lui ont jamais été transmises. Enfin, l’employeur justifie l’absence d’entretien annuel permettant le contrôle du temps de travail par le temps de présence réduit du chef de cuisine au sein de l’établissement de mai 2017 à juillet 2018 soulignant qu’en tout état de cause, la charge de travail aurait pu être évoquée lors des réunions portant sur l’activité de l’établissement.
À titre subsidiaire, la société BA Foch soutient que les demandes présentées par M. [K] au titre des heures supplémentaires réalisées et de la contrepartie obligatoire en repos ne sont pas justifiées. Elle fait ainsi observer que les décomptes produits sont établis par le salarié, qu’ils ne comportent aucun visa de sa part et ne sont corroborés par aucun élément objectif extérieur. Elle ajoute que la nullité de la convention forfait en jours ne permet pas pour autant de caractériser l’intention coupable nécessaire au délit de travail dissimulé. Enfin, elle rappelle que M. [K] disposait d’une totale liberté dans l’organisation de son temps de travail et qu’il ne justifie d’aucun préjudice au titre de la violation des durées maximales de travail et minimales de repos.
La société BA Foch fait ensuite valoir que les manquements invoqués par M. [K] à l’appui de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail ne sont pas démontrés et qu’en tout état de cause, ils ne sont pas d’une gravité suffisante pour justifier la rupture du contrat de travail aux torts exclusifs de l’employeur.
Sur la contestation du licenciement, la société BA Foch soulève l’irrecevabilité des demandes de M. [K] à ce titre, dans la mesure où il s’agit de prétentions nouvelles présentées pour la première fois le 22 octobre 2019 et n’ayant pas de lien suffisant avec sa demande initiale de résiliation judiciaire du contrat de travail.
Enfin, l’employeur soutient que le licenciement pour faute grave de M. [K] est justifié par les manquements dont il a fait preuve et notamment le non-respect des consignes s’agissant de l’approvisionnement en matières premières et des règles d’hygiène alimentaire.
*
M. [K], dans ses dernières conclusions, adressées au greffe le 23 juillet 2021, régulièrement communiquées, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, demande à la cour de :
– le recevoir en son appel incident du jugement rendu par le conseil de prud’hommes d’Angers le 18 janvier 2021 ;
– infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes d’Angers le 18 janvier 2021 en ce qu’il l’a débouté de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail et de sa demande de dommages-intérêts pour violation des dispositions relatives aux durées maximales de travail et aux durées minimales de repos ;
Statuant de nouveau :
– le déclarer recevable et bien fondé en sa demande principale de résiliation judiciaire de son contrat de travail ;
– prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts et griefs de la société BA Foch ;
– condamner en conséquence la société BA Foch à lui payer les sommes suivantes :
* 6 000 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;
* 600 euros à titre de congés payés y afférents ;
* 666,66 euros à titre d’indemnité de licenciement ;
* 4 000 euros à titre de à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
* 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour violation des dispositions relatives aux durées maximales de travail et aux durées minimales de repos ;
– confirmer en toutes ses autres dispositions le jugement rendu par le conseil de prud’hommes d’Angers le 18 janvier 2021, en ce qu’il a :
– rejeté la fin de non recevoir soulevée par la société BA Foch ;
– dit que la rupture de son contrat de travail est dépourvue de cause réelle et sérieuse ;
– dit que la clause de forfait en jours est nulle ;
– dit que le contrat de travail à durée déterminée du 1er mai 2017 doit être requalifié en contrat à durée indéterminée ;
– condamné la société BA Foch à lui payer les sommes suivantes :
* 2 000 euros à titre d’indemnité de requalification ;
* 18 790,70 euros à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires ;
* 1 879,07 euros à titre de congés payés afférents ;
* 3 619,70 euros à titre de contrepartie obligatoire de repos ;
* 12 000 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé ;
* 6 000 euros à titre d’indemnité de préavis ;
* 600 euros à titre de congés payés afférents ;
* 2 272,73 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied ;
* 227,27 euros à titre de congés payés afférents ;
* 666,66 euros à titre d’indemnité de licenciement ;
* 4 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 1 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné la société BA Foch aux intérêts de droit avec capitalisation en application des dispositions des articles 1154 et 1154-28 du code de procédure civile ;
– dit que les condamnations salariales porteront intérêts au taux légal à compter de la convocation du défendeur et à compter du prononcé du jugement pour les condamnations de nature indemnitaire en application des dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil ;
– ordonné la délivrance de l’attestation Pôle emploi et des bulletins de salaire rectifiés conformes à la décision à intervenir, ainsi que la réalisation des déclarations rectificatives aux différents organismes sociaux, sous astreinte de 10 euros par jour de retard, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement ;
– condamné la société BA Foch aux entiers dépens ;
Y ajoutant :
– débouter la société BA Foch de ses demandes, fins et conclusions ;
– condamner en conséquence la société BA Foch à lui payer la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;
– condamner la société BA Foch aux entiers dépens d’appel.
Au soutien de ses intérêts, M. [K] fait valoir que le contrat à durée déterminée du 1er mai 2017 a été conclu pour l’ouverture du restaurant et non pour un surcroît d’activité estimant alors que ce contrat était une période d’essai déguisée largement supérieure à celle autorisée par la convention collective applicable.
M. [K] soutient ensuite que la convention de forfait en jours est irrégulière dans la mesure où la société BA Foch n’a pas organisé d’entretien annuel permettant d’aborder sa charge de travail et qu’elle n’a pas mis en place les moyens de contrôle de son temps de travail. Il ajoute que son employeur n’a eu aucune réaction et ce, malgré les signalements réitérés de M. [R], directeur du restaurant, sur l’existence d’une surcharge de travail. Enfin, le salarié indique que la société BA Foch ne peut s’appuyer sur une durée de quinze mois de relation contractuelle pour s’exonérer de l’obligation d’entretien annuel dès lors que celui-ci devait se tenir tous les ans.
Dans ces conditions, M. [K] estime que la convention de forfait en jours lui est inopposable et qu’il est soumis au droit commun relatif à la durée de travail. Il sollicite dès lors le paiement des heures supplémentaires réalisées et la contrepartie obligatoire en repos pour les heures supplémentaires exécutées au-delà du contingent annuel de 220 heures. À cet égard, il estime produire des éléments suffisamment précis correspondant aux exigences jurisprudentielles en matière de charge de la preuve. Il assure également que la société BA Foch était informée de sa surcharge de travail ce qui caractérise selon lui le délit de travail dissimulé, et que les durées maximales de travail et les durées minimales de repos n’ont pas été respectées.
M. [K] fait ensuite valoir que les manquements invoqués à l’appui de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur, à savoir le non-paiement d’une partie importante du salaire, le non-respect des durées maximales de travail et des temps de repos minimum, l’absence de respect de la législation sur le suivi du temps de travail en dépit de ses alertes, et la privation d’une mutuelle santé obligatoire alors même que la cotisation était prélevée sur son salaire, sont suffisamment graves pour justifier la rupture de son contrat de travail. Enfin, le salarié estime que la société BA Foch, bien qu’informée de sa charge de travail, n’a pris aucune mesure pour limiter celle-ci et préserver sa santé.
À titre subsidiaire, le salarié assure que son licenciement est une mesure de rétorsion prise à son encontre pour avoir refusé d’accepter la rupture conventionnelle de son contrat de travail. Il soulève également la similitude entre les faits qui lui sont reprochés et ceux reprochés à M. [R] rappelant qu’un fait fautif ne peut être une cause de licenciement qu’à la condition d’être personnellement imputable au salarié.
M. [K] conteste par ailleurs la demande de fin de non-recevoir présentée par la société BA Foch et estime que sa demande de contestation de licenciement possède un lien suffisant avec sa demande initiale de résiliation judiciaire de son contrat de travail dans la mesure où ces demandes ont toutes deux pour objet de faire juger illicite la rupture de son contrat de travail.
Concernant son licenciement, le salarié souligne la partialité des attestations communiquées par son employeur et indique que certains griefs mentionnés dans la lettre de licenciement n’ont pas été abordés lors de l’entretien préalable du 8 juin 2018. En tout état de cause, il conteste les fautes reprochées.
Enfin, M. [K] prétend avoir subi un préjudice inhérent à la rupture de son contrat de travail soulignant la stratégie déloyale de la société BA Foch laquelle, bien que consciente de l’absence de motif de licenciement, a persévéré dans sa volonté de rompre le contrat de travail à tout prix.
MOTIVATION
Sur la requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée
En application de l’article L.1245-1 du code du travail, est réputé à durée indéterminée tout contrat de travail conclu en méconnaissance notamment des dispositions des articles L.1242-1 à L.1242-4, L.1242-6, L.1242-7, L.1242-8-1, L.1242-12 alinéa 1er, L.1243-11 alinéa 1er, L.1243-13-1, L.1244-3-1 et L.1244-4-1 du même code.
Selon l’article L.1245-2, lorsque le conseil de prud’hommes fait droit à la demande de requalification du salarié, il lui accorde une indemnité, à la charge de l’employeur, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire.
Selon l’article L.1242-1, un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.
L’article L.1242-2 du même code, dans sa version en vigueur du 10 août 2016 au 1er janvier 2018 applicable au présent litige, dispose que, sous réserve des contrats spéciaux prévus à l’article L.1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire et seulement dans les cas qu’il énumère, dont l’accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise.
Le contrat à durée déterminée doit comporter l’indication précise du motif pour lequel il a été conclu (article L.1242-12 du code du travail). L’énonciation du motif fixe les limites du litige. Le motif du recours à un contrat à durée déterminée s’apprécie au jour de sa conclusion.
La circonstance que le salarié ait été, après l’échéance du terme, engagé par contrat à durée indéterminée ne le prive pas du droit de demander la requalification du contrat à durée déterminée initial qu’il estime irrégulier en contrat à durée indéterminée.
Il revient à l’employeur d’établir la réalité de l’accroissement temporaire d’activité qu’il invoque.
M. [K] soutient que ce contrat de travail a été conclu dans le cadre de l’ouverture du restaurant et non pour un surcroît d’activité. Il assure alors qu’il s’agissait d’une période d’essai déguisée d’une durée supérieure à celle autorisée par la convention collective applicable.
La société BA Foch indiquait en première instance s’en rapporter à justice. En cause d’appel, dans le corps de ses écritures, elle indique qu’elle ‘n’entend pas remettre en cause le jugement sur ce point.’
Pour autant, dans son dispositif, la société BA Foch demande à la cour d’infirmer le jugement en ce qu’il l’a condamnée à payer la somme de 2 000 euros à titre d’indemnité de requalification, et statuant à nouveau, de débouter M. [K] de ses demandes. Il convient donc d’examiner ce chef dans la mesure où la cour est liée par ce dispositif.
Le motif du recours au contrat de travail à durée déterminée régularisé entre les parties le 1er mai 2017 est constitué par ‘un surcroît d’activité’.
La société BA Foch ne fait valoir aucun moyen opposant à la contestation de ce motif par M. [K]. Elle n’apporte au surplus aucun élément justifiant du surcroît d’activité évoqué.
Dans ces conditions, c’est à bon droit que les premiers juges ont requalifié le contrat à durée déterminée du 1er mai 2017 en un contrat de travail à durée indéterminée et condamné la société BA Foch à verser à M. [K] une indemnité de requalification de 2 000 euros correspondant à un mois de salaire.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur la convention de forfait en jours
L’article L.3121-63 du code du travail dispose que les forfaits annuels en heures ou en jours sur l’année sont mis en place par un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche.
L’article L.3121-64 prévoit que l’accord collectif détermine notamment les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait, le nombre de jours dans la limite de 218 jours, et les modalités selon lesquelles l’employeur assure l’évaluation et le suivi régulier de la charge de travail du salarié.
L’article L.3121-58 prévoit que la durée de travail des cadres qui disposent d’une autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l’horaire collectif applicable au sein de l’atelier, du service ou de l’équipe auquel ils sont intégrés peut être fixée par des conventions individuelles de forfait en jours sur l’année dans la limite du nombre de jours fixé en application du 3º du I de l’article L.3121-64.
Aux termes de l’article L.3121-60, l’employeur s’assure régulièrement que la charge de travail du salarié est raisonnable et permet une bonne répartition dans le temps de son travail.
L’avenant n°22 bis du 7 octobre 2016 à la convention collective nationale des hôtels, cafés, restaurants, relatif aux cadres autonomes autorise les conventions de forfait en jours au profit des salariés qui disposent d’une autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps pour l’exercice des responsabilités qui leur sont confiées, dont la durée de travail ne peut être prédéterminée et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l’horaire collectif de travail.
Il prévoit notamment en son article 2.4 que :
– ‘l’organisation du travail de ces salariés devra faire l’objet d’un suivi régulier par la hiérarchie qui veillera notamment aux éventuelles surcharges de travail.
Pour cela, l’employeur procédera à une analyse de la situation (et) prendra toutes dispositions adaptées pour respecter en particulier la durée minimale du repos quotidien. (…)
De plus, ces cadres doivent bénéficier du repos hebdomadaire selon les modalités prévues à l’article 21.3 de la convention collective. Par ailleurs, il est rappelé qu’il est interdit de faire travailler un même salarié plus de 6 jours par semaine’ ;
– ‘en tout état de cause, chaque salarié ayant conclu une convention de forfait jours devra bénéficier chaque année, d’un entretien avec son supérieur hiérarchique au cours duquel seront évoquées la charge de travail du salarié, l’amplitude de ses journées d’activité, l’organisation du travail dans l’entreprise, l’articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle et familiale ainsi que sa rémunération’.
Il incombe à l’employeur de rapporter la preuve qu’il a respecté les stipulations de l’accord collectif destinées à assurer la protection de la santé et de la sécurité des salariés soumis au régime du forfait en jours et d’établir que le salarié a été soumis à un moment quelconque à un contrôle de sa charge de travail et de l’amplitude de son temps de travail. A défaut, la convention de forfait en jours est privée d’effet, de sorte que le salarié est en droit de solliciter le règlement des heures supplémentaires réalisées.
En l’espèce, l’article 5 du contrat de travail à durée déterminée du 1er mai 2017 est ainsi libellé :
‘Compte tenu de l’autonomie du salarié inhérente à sa fonction et au niveau de ses responsabilités, le salarié ne peut être soumis à l’horaire collectif.
Le salarié sera donc soumis au forfait annuel de 217 jours, hors dispositif ‘journée solidarité’. Ce forfait correspond à une année complète de travail et est calculé sur la base d’un droit intégral à congés payés.
Le salarié disposera d’une totale liberté dans l’organisation de son temps de travail à l’intérieur de son forfait annuel et sous réserve de respecter les règles légales relatives au repos quotidien, au repos hebdomadaire et les règles de fonctionnement de l’entreprise.
Le salarié se conformera aux modalités de décompte de jours travaillés actuellement en vigueur’.
M. [K] soutient que la convention de forfait en jours précitée doit être privée d’effet dans la mesure où la société BA Foch n’a pas mis en place les moyens de contrôler sa charge de travail et n’a pas organisé d’entretien annuel pour aborder sa charge de travail.
La société BA Foch assure qu’il appartenait à M. [K] de veiller à ce que son amplitude et sa charge de travail restent raisonnables. Elle fait valoir qu’il remplissait des feuilles d’heures, qu’elles étaient contresignées par le directeur du restaurant, mais qu’elles ne lui ont jamais été transmises, outre le fait qu’ont été organisées plusieurs réunions lors desquelles M. [K] avait la faculté d’évoquer sa charge de travail. Elle ajoute que l’entretien annuel n’a pu être réalisé dans la mesure où il a été engagé le 1er mai 2017 et que son licenciement est intervenu le 4 juillet 2018.
En premier lieu, la société BA Foch ne peut valablement s’appuyer sur la liberté et l’autonomie dont M. [K] disposait dans l’organisation de son travail ou encore sur le fait que sa charge de travail aurait pu être abordée lors d’autres réunions dans la mesure où c’est à elle qu’il incombait de s’assurer que la charge de travail du salarié n’était pas déraisonnable.
Or, il apparaît qu’aucun dispositif de suivi du temps de travail du salarié n’a été mis en place par l’employeur, lequel n’a procédé ni à l’analyse de la situation de M. [K], ni à l’entretien annuel obligatoire alors qu’il a été présent pendant 14 mois.
En second lieu, il est établi que le directeur du restaurant, M. [R], a attiré l’attention de la société BA Foch sur la surcharge de travail des salariés dont M. [K], par mail du 29 juillet 2017 dans lequel il indique avoir ‘réussi à mettre [N] avec 5 jours de repos amplement nécessaire la semaine du 7 au 13 août car déjà 30 jours de travail sur le mois de juillet avec environ 55 heures semaine minimum’ (pièce 7), sans réaction de l’employeur à ce sujet.
De la même manière, il résulte des différents mails communiqués par le salarié que M. [R] transmettait mois par mois les éléments nécessaires à la réalisation des fiches de paie des salariés en précisant le nombre de jours et d’heures réalisés par chacun, dont pour M. [K], 30 jours en juillet 2017, 22 jours et 222 heures en août 2017, 257,75 heures en septembre 2017, 268,75 heures en octobre 2017, 215 heures en novembre 2017, 209,20 heures en décembre 2017 (pièce 32), ces éléments étant de nature à susciter à tout le moins une interrogation de la société sur sa charge de travail. Celle-ci n’a cependant pas davantage réagi.
Il s’en suit que, faute pour l’employeur de s’être assuré par un suivi régulier de ce que la charge de travail de M. [K] était raisonnable, la convention de forfait en jours doit être déclarée privée d’effet à l’égard du salarié qui peut ainsi prétendre à l’application des règles du droit commun en matière de durée du travail et de décompte du temps de travail ainsi qu’au paiement d’heures supplémentaires.
Le jugement est confirmé de ce chef sauf à préciser que la convention de forfait en jours est inopposable à M. [K] et non nulle.
Sur les heures supplémentaires
Il résulte de l’article L. 3171-4 du code du travail qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires applicables. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
En l’espèce, M. [K] produit à l’appui de sa demande :
– des feuilles d’heures mensuelles de juillet 2017 à janvier 2018 mentionnant précisément ses heures d’arrivée et de départ chaque jour travaillé ainsi que les jours de repos (pièce3) ;
– un récapitulatif des heures réalisées de juillet 2017 à mai 2018 lequel fait état avec précision du nombre d’heures travaillées par semaine, détaillant le nombre d’heures supplémentaires réalisées et distinguant le nombre de celles majorées de 10%, de 20% et de 50%. Sur ces documents, M. [K] indique avoir réalisé 213 heures supplémentaires en juillet 2017, 74,80 heures supplémentaires en août 2017, 117,60 heures supplémentaires en septembre 2017, 130,80 heures supplémentaires en octobre 2017, 82,60 heures supplémentaires en novembre 2017, 89,40 heures supplémentaires en décembre 2017, 14,60 heures supplémentaires en janvier 2018, 38,10 heures supplémentaires en février 2018, 59,90 heures supplémentaires en mars 2018, 46,30 heures supplémentaires en avril 2018 et 29,10 heures supplémentaires en mai 2018, soit un total de 896,20 heures. Sur chaque feuille est également mentionné le montant du rappel de salaire sollicité (pièce 5) ;
– un récapitulatif de rappel de salaire de juillet 2017 à mai 2018 pour un montant total de 18 790,70 euros (pièce 6) ;
– un échange de mails de juillet 2017 entre M. [R] et M. [J], coordinateur développement, duquel il résulte que M. [R] a ‘réussi à mettre [N] avec 5 jours de repos amplement nécessaire sur la semaine du 7 août au 13 août car déjà 30 jours de travail sur le mois de juillet avec environ 55 heures semaine minimum’ (pièce7);
– les mails adressés chaque mois du 28 juin 2017 au 1er mai 2018 par M. [R] à M. [V], responsable social, dans lesquels le directeur du restaurant précise le nombre de jours travaillés dans le mois et les heures réalisées. Il indique ainsi que M. [K] a travaillé 30 jours en juillet 2017, 222 heures en août 2017, 257,75 heures en septembre 2017, 268,75 heures en octobre 2017, 215 heures en novembre 2017, 209,20 heures en décembre 2018, 177 heures en février 2018, 199,75 heures en mars 2018 et 186,25 heures en avril 2018 (pièce 32).
Du tout, il résulte que M. [K] présente des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies pour permettre à l’employeur d’y répondre en produisant ses propres éléments.
En réponse l’employeur communique deux attestations. Dans la première, M. [S] [W], associé de la société BA Foch, témoigne avoir fait l’objet d’un refus le lundi 30 avril (année non précisée) à 21h45 au prétexte que l’étage n’était pas ouvert ce soir là, soulignant toutefois que M. [K] était présent à cette heure (pièce 13). Dans la seconde, M. [O] [H], collaborateur de la société BA Foch, atteste avoir vu ‘sur la terrasse, chaises et tables pliées et empilées à 21h30 le lundi 21 mai 2018′ (pièce 11).
Il résulte du premier témoignage que M. [K] était à son poste de travail le lundi 30 avril à 21h45. Rien ne peut être déduit du second quant à ses horaires de travail, étant précisé de surcroît qu’une capture d’image de la vidéo-surveillance communiquée par le salarié (pièce 16) montre que la terrasse était ouverte le 21 mai 2018 à 21h29 et que deux personnes y étaient attablées.
La société BA Foch critique ensuite les éléments fournis par M. [K] au motif qu’ils ont été établis par ses soins et ne sont corroborés par aucun élément objectif extérieur. Pour autant, cette observation est inopérante sauf à faire peser la charge de la preuve des heures supplémentaires sur le seul salarié, dès lors que l’employeur est chargé du contrôle du temps de travail, qu’il lui appartient de justifier des horaires effectivement réalisés par M. [K] et qu’il ne verse aucun document s’y rapportant.
Par conséquent, les éléments produits par la société BA Foch sont insuffisants à démontrer que le salarié n’a pas réalisé les heures supplémentaires dont il sollicite le paiement.
Dans ces conditions, il y a lieu de faire droit intégralement à la demande de M. [K] présentée au titre des heures supplémentaires réalisées sur la période de juillet 2017 à mai 2018, et le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné la société BA Foch à lui verser la somme de 18 790,70 euros brut au titre des heures supplémentaires, outre celle de 1 879,07 euros brut au titre des congés payés afférents.
Sur la contrepartie obligatoire en repos
Selon l’article L.3121-30 du code du travail, les heures supplémentaires effectuées au-delà du contingent annuel de 220 heures prévu par l’article D. 3121-24 ouvrent droit à une contrepartie obligatoire sous forme de repos, sauf si un autre seuil a été fixé par une convention ou un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche.
L’article 5 de l’avenant n°2 du 5 février 2007 à la convention collective nationale des hôtels, cafés, restaurants, prévoit que le contingent d’heures supplémentaires est fixé à :
– 360 heures par an pour les établissements permanents ;
– 90 heures par trimestre civil pour les établissements saisonniers.
Il résulte de la combinaison des articles L.3121-38 et D.3121-23 du code du travail que le salarié d’une entreprise employant 20 salariés au plus dont le contrat de travail prend fin avant qu’il ait pu bénéficier de la contrepartie obligatoire en repos à laquelle il a droit, reçoit une indemnité en espèces égale à 50 % des heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent annuel et une indemnité équivalente aux congés payés afférents. Ces indemnités ont le caractère de salaire.
Compte tenu du volume des heures supplémentaires retenu par la cour, et en prenant en compte celles réalisées au-delà du contingent de 360 heures conventionnellement fixé, M. [K] peut prétendre obtenir une contrepartie obligatoire sous forme de repos correspondant à une indemnité de 3 619,70 euros.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur l’indemnité pour travail dissimulé
La dissimulation d’emploi salarié prévue par le dernier alinéa de l’article L.8221-5 du code du travail n’est caractérisée que s’il est établi que, de manière intentionnelle, l’employeur s’est :
– soit soustrait à l’accomplissement de la formalité relative à la déclaration préalable à l’embauche,
– soit soustrait à la délivrance d’un bulletin de paie, ou d’avoir mentionné sur ce dernier un nombre d’heures inférieur à celui réellement effectué,
– soit soustrait aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales auprès des organismes de recouvrement.
En application des dispositions de l’article L.8223-1 du code du travail le salarié dont le contrat de travail est rompu a droit à une indemnité égale à 6 mois de salaire.
M. [K] fait valoir que la direction était informée de l’importance de sa charge de travail ainsi qu’il résulte des échanges de mails communiqués et déjà examinés par la cour.
La société BA Foch allègue que le seul fait que M. [K] ait effectué des heures supplémentaires ne saurait faire la preuve de l’intention de dissimuler le nombre d’heures de travail réalisé par ce dernier.
Il a été vu précédemment que la direction avait connaissance des horaires de travail de M. [K] dans la mesure où le directeur du restaurant les transmettait chaque mois ainsi que ceux du personnel aux fins de validation et d’établissement de la paie (pièce 32). Il sera rappelé en outre que l’attention de la société BA Foch a été attirée par ce dernier par mail du 29 juillet 2017 sur le fait que M. [K] exécutait au minimum 55 heures par semaine et qu’il avait déjà effectué 30 jours de travail au mois de juillet. Il sera enfin souligné l’importance du volume d’heures supplémentaires réalisé par le salarié.
Dès lors, la société BA Foch qui a laissé sans suite l’alerte donnée par le directeur du restaurant le 29 juillet 2017, puis a été informée chaque mois pendant dix mois de la réalisation d’un nombre considérable et régulier d’heures supplémentaires, là encore sans réaction, ne saurait se retrancher derrière une mauvaise application de la convention de forfait. Son silence face au volume et à la constance des heures supplémentaires réalisées par M. [K] alors qu’elle en avait connaissance, démontre son intention de ne pas les rémunérer, de ne pas les déclarer sur ses bulletins de salaire et de ne pas payer les cotisations afférentes. La volonté de dissimulation est ainsi établie.
La société BA Foch doit en conséquence être condamnée à verser à M. [K] la somme de 12 000 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé en application de l’article L.8223-1 du code du travail.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur la demande de dommages et intérêts pour violation des durées maximales de travail et minimales de repos
Aux termes de l’article 6 de l’avenant nº 1 du 13 juillet 2004 relatif à la durée et à l’aménagement du temps de travail, aux congés payés, au travail de nuit et à la prévoyance de la convention collective nationale des hôtels, cafés, restaurants,
‘la durée de présence au travail ne peut être supérieure aux durées maximales suivantes, heures supplémentaires comprises :
*Article 6.1. Durée maximale journalière : 11h30 (pour le personnel autre que cuisinier, veilleur de nuit et personnel de réception) ;
* Article 6.2. Durées maximales hebdomadaires :
– moyenne sur 12 semaines : 48 heures (46 heures pour les entreprises à 37 heures) ;
– absolue : 52 heures (50 heures pour les entreprises à 37 heures) ;
Il ne peut être dérogé aux durées maximales hebdomadaires que dans les conditions prévues aux articles L.212-7, R.212-2 à R.212-10 du code du travail’.
Aux termes de l’article L.3131-1 du code du travail dans sa version applicable depuis le 10 août 2016, ‘tout salarié bénéficie d’un repos quotidien d’une durée maximale de onze heures consécutives, sauf dans les cas prévus aux articles L. 3131-2 et L. 3131-3 ou en cas d’urgence, dans des conditions déterminées par décret’.
Aux termes de l’article L.3132-2 du même code, ‘le repos hebdomadaire a une durée minimale de vingt-quatre heures consécutives auxquelles s’ajoutent les heures consécutives de repos quotidien prévue au chapitre 1er’.
La preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l’Union européenne et des durées maximales de travail fixées par le droit interne incombe à l’employeur.
En outre, les dispositions précitées ayant pour objectif de garantir la sécurité et la santé des travailleurs par la prise d’un repos suffisant, le seul constat du dépassement de la durée maximale de travail, en ce qu’il prive le travailleur d’un tel repos, ouvre droit à réparation sans qu’il soit besoin de démontrer l’existence d’un préjudice spécifique.
M. [K] prétend que la société BA Foch n’a pas respecté les dispositions relatives aux durées maximales de travail et minimales de repos.
En l’espèce, il ressort du mail adressé le 29 juillet 2017 par le directeur du restaurant à M. [J], coordinateur développement de la société BA Foch, que M. [K] réalisait un minimum de 55 heures de travail par semaine, et qu’il a travaillé 30 jours lors de ce mois.
Il résulte également du relevé d’heures de juillet 2017 à janvier 2018 que M. [K] n’a pas pu bénéficier des 11 heures de repos minimum notamment dans les nuits du 15 au 16 septembre 2017, du 17 au 18 septembre 2017 ou encore du 22 au 23 septembre 2017. Il apparaît également que le chef cuisiner a travaillé à plusieurs reprises plus de dix jours d’affilée sans aucun repos comme cela a été le cas entre le 13 et le 22 août 2017 ou encore entre le 7 et le 16 décembre 2017 (pièce 3).
Les feuilles mensuelles de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires établissent par ailleurs que M. [K] a, à plusieurs reprises, largement dépassé la durée maximale hebdomadaire de travail en valeur absolue, avec par exemple la réalisation de 94,50 heures la semaine 4 de juillet 2017, 87,80 heures la semaine 4 de septembre 2017, 64 heures la semaine 2 d’octobre 2017 et 78,30 heures la semaine 1 de mars 2018 (pièce 5).
La société BA Foch, à qui incombe la charge de la preuve du respect des dispositions relatives au temps de travail, n’apporte aucun élément en ce sens, et n’a aucun moyen opposant quant au non-respect du temps de travail hebdomadaire maximal et au non-respect des temps de repos quotidien et hebdomadaire invoqués par M.[K], sauf à alléguer de manière inopérante que ce dernier disposait d’une totale liberté dans l’organisation de son temps de travail.
Par conséquent, la cour est en mesure d’évaluer le préjudice subi par M. [K] à la somme de 5 000 euros que la société BA Foch sera condamnée à lui verser à titre de dommages et intérêts.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur la rupture du contrat de travail
Le juge peut, à la demande du salarié, prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur lorsqu’il est établi que celui-ci a commis des manquements suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail.
Lorsqu’un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d’autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d’abord rechercher si la demande de résiliation du contrat de travail était justifiée, et ce n’est que s’il estime cette demande non fondée qu’il doit alors se prononcer sur le licenciement notifié par l’employeur.
Lorsqu’en cours d’instance de résiliation judiciaire le contrat de travail a été rompu, notamment par l’effet d’un licenciement, la date d’effet de la résiliation doit être fixée à la date de rupture effective du contrat, c’est à dire dans l’hypothèse considérée à la date du licenciement.
En l’espèce, la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail a été présentée le 29 mai 2018, jour de la saisine du conseil de prud’hommes, et donc avant le licenciement pour faute grave notifié le 4 juillet 2018. Elle doit par conséquent faire l’objet d’un examen préalable.
Au soutien de sa demande, M. [K] reproche à la société BA Foch, le non-paiement d’une partie importante de son salaire, le non-respect des durées maximales de travail et des temps de repos prescrits pour la préservation de la santé des salariés, l’absence de suivi du temps de travail en dépit des alertes qui lui ont été adressées, et la privation d’une mutuelle santé obligatoire alors que les cotisations afférentes ont été prélevées sur son salaire mais n’ont pas été reversées à l’organisme de complémentaire santé.
La société BA Foch réplique que ces reproches sont injustifiés et qu’en tout état de cause, ils ne présentent aucun caractère de gravité suffisant faisant obstacle à la poursuite du contrat de travail, de sorte que la résiliation judiciaire à ses torts ne saurait être prononcée.
Il résulte des développements précédents que la société BA Foch n’a pas rémunéré un nombre important d’heures supplémentaires réalisées par M. [K] entraînant dès lors une absence de rémunération conséquente pour le salarié s’élevant à 18 790,70 euros brut.
Il est également établi que M. [K] a travaillé dans des conditions de surcharge de travail au vu du nombre d’heures supplémentaires réalisées et du sous-effectif de l’établissement sur lesquels le directeur du restaurant a alerté en vain dès le 29 juillet 2017, qu’il n’a pas bénéficié des repos consécutifs aux heures supplémentaires réalisées, et que les durées maximales de travail et les durées minimales de temps de repos n’ont pas été respectées à de nombreuses reprises, ce non-respect étant de nature à porter atteinte à sa santé. Enfin, il apparaît que la société BA Foch a manqué à son obligation d’exécution de bonne foi du contrat de travail dans la mesure où, bien qu’informée régulièrement de cette surcharge de travail, elle n’a mis en place aucun moyen pour y remédier.
En dernier lieu, M. [K] justifie de la résiliation provisoire par Generali de la complémentaire santé pour non-paiement des cotisations à compter d’avril 2017 alors que les prélèvements afférents figurent sur ses bulletins de paie.
Ces éléments sont d’une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail et justifient que soit prononcée la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la société BA Foch, à effet au 4 juillet 2018, date du licenciement de M.[K].
Par conséquent, le jugement est infirmé en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail, étant précisé que la demande de contestation du licenciement présentée subsidiairement s’avère dès lors sans objet et qu’il n’y a lieu d’examiner ni sa recevabilité ni éventuellement son bien-fondé.
Sur les conséquences de la résiliation judiciaire du contrat de travail
1. Sur l’indemnité compensatrice de préavis, les congés payé afférents, l’indemnité de licenciement et les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
La résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et ouvre droit au profit du salarié au paiement d’une indemnité compensatrice de préavis, aux congés payés afférents et à une indemnité de licenciement pour les montants réclamés, non contestés à titre subsidiaire, de 6 000 euros brut s’agissant de l’indemnité compensatrice de préavis, de 600 euros brut s’agissant des congés payés afférents et de 666,66 euros s’agissant de l’indemnité de licenciement.
En application de l’article L.1235-3 du code du travail, au vu de son ancienneté, le salarié peut prétendre à une indemnité comprise entre 0,5 mois et 2 mois de salaire.
M. [K] était âgé de 38 ans au moment de la rupture et il avait 14 mois d’ancienneté. Sur la base non contestée d’un salaire mensuel brut de 2 000 euros, la cour dispose des éléments suffisants pour évaluer son préjudice à 4 000 euros qui lui sera allouée à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le jugement sera confirmé de ces chefs par substitution de motifs.
2. Sur le rappel de salaire au titre de la mise à pied à titre conservatoire
La résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la société BA Foch produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la mise à pied à titre conservatoire notifiée en préalable au licenciement pour faute grave est injustifiée.
Dans ces conditions, il y a lieu de confirmer le jugement, à nouveau par substitution de motifs, en ce qu’il a condamné la société BA Foch à verser à M. [K] la somme de 2 272,73 euros brut au titre de la mise à pied à titre conservatoire prononcée du 28 mai au 4 juillet 2018, outre la somme de 227,27 euros brut au titre des congés payés afférents.
Sur la remise de documents sociaux et les déclarations rectificatives aux différents organismes sociaux
Au vu de qui précède, le jugement doit être confirmé en ce qu’il a ordonné sous astreinte la remise d’une attestation Pôle emploi et les bulletins de salaire rectifiés conformes, ainsi que la réalisation des déclarations rectificatives aux différents organismes sociaux.
Sur les intérêts
Le jugement doit être confirmé en ses dispositions relatives aux intérêts et à la capitalisation de ceux dus au moins pour une année entière.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Les dispositions relatives à l’application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens seront confirmées.
Il est justifié de faire partiellement droit à la demande présentée par M. [K] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. La société BA Foch sera condamnée à lui payer la somme de 1 200 euros qui vaudra pour ses frais irrépétibles d’appel.
La société BA Foch, partie qui succombe, sera déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile présentée en appel et condamnée aux dépens d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant contradictoirement, publiquement et par mise à disposition au greffe,
CONFIRME le jugement rendu par le conseil de prud’hommes d’Angers le 18 janvier 2021
– sauf à préciser que la convention de forfait en jours est inopposable à M. [N] [K] et non nulle ;
– et sauf en ce qu’il a débouté M. [N] [K] de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail et de sa demande de dommages et intérêts pour non-respect des durées maximales de travail et des durées minimales de repos, et en ce qu’il a dit que le licenciement pour faute grave est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :
PRONONCE la résiliation du contrat de travail de M. [N] [K] aux torts de la société BA Foch, avec effet au 4 juillet 2018 ;
DIT que la résiliation judiciaire prononcée aux torts de la société BA Foch produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
CONDAMNE la société BA Foch à verser à M. [N] [K] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect des durées maximales de travail et minimales de repos ;
CONDAMNE la société BA Foch à payer à M. [N] [K] la somme de 1 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour ses frais irrépétibles d’appel ;
DÉBOUTE la société BA Foch de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile présentée en appel ;
CONDAMNE la société BA Foch aux dépens d’appel.
LE GREFFIER, P/ LE PRÉSIDENT empêché,
Viviane BODIN C. TRIQUIGNEAUX-MAUGARS