Heures supplémentaires : 26 avril 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 19/06931

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Heures supplémentaires : 26 avril 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 19/06931
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COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

1re chambre sociale

ARRET DU 26 AVRIL 2023

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 19/06931 – N° Portalis DBVK-V-B7D-OLZQ

Arrêt n° :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 30 SEPTEMBRE 2019 du CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE BEZIERS

N° RG F 18/00001

APPELANT :

Monsieur [M] [V]

Chez Monsieur [O] [V]

[Adresse 1]

Représenté par Me Stéphanie MASSIAVE, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE :

SARL ARCADE Représentée en la personne de son gérant, domicilié es-qualité au dit siège social

[Adresse 2]

[Adresse 5]

Représentée par Me Christine AUCHE HEDOU de la SCP AUCHE HEDOU, AUCHE – AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER (posutlant), substituant Me Olivier ITEANU, avocat au barreau de Paris (plaidant)

Ordonnance de clôture du 08 Mars 2023, ayant révoqué l’ordonnance de clôture du 01 mars 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 08 MARS 2023, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l’article 804 du même code, devant la cour composée de :

Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre

Mme Véronique DUCHARNE, Conseillère

Madame Magali VENET, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Marie BRUNEL

ARRET :

– contradictoire

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

– signé par Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre, et par Mme Marie BRUNEL, Greffière.

*

* *

FAITS ET PROCÉDURE

[M] [V] a été embauché par la SARL ARCADE à compter du 9 juillet 2007 en qualité de technico-commercial. Il a démissionné par lettre du 11 décembre 2008 à effet du 31 décembre 2008.

Le 1er janvier 2009, il a été embauché par la société ARCADE IBERICA SOFTWARE SL en qualité de directeur général administrateur. Il en était également associé à hauteur de 10%.

A partir du mois de janvier 2011, il est devenu agent commercial.

A compter du 3 avril 2017, il a été réembauché par la SARL ARCADE en tant que directeur opérationnel avec un salaire mensuel composé d’une partie fixe brute de 3 000€ et d’une partie variable de 5% du chiffre d’affaires réalisé par lui.

Il a été en arrêt de travail à partir du 24 novembre 2017.

Par lettre du 7 décembre puis du 16 décembre 2017, il a été convoqué à un entretien préalable au licenciement.

Le 2 janvier 2018, s’estimant en droit de solliciter la résiliation de son contrat de travail aux torts de l’employeur en raison de divers manquements qu’il lui reprochait, [M] [V] a saisi le conseil de prud’hommes de Béziers.

Le 8 janvier 2018, il a été déclaré par le médecin du travail ‘inapte. Emploi préjudiciable à la santé… L’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi’.

Il a été licencié par lettre du 2 février 2018 pour inaptitude à son emploi et impossibilité de reclassement.

Par jugement du 30 septembre 2019, le conseil de prud’hommes de Béziers a débouté les parties de leurs demandes et condamné [M] [V] au paiement de la somme de 1 000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Le 18 octobre 2019, le salarié a interjeté appel. Dans ses dernières conclusions enregistrées au greffe le 7 mars 2023, il conclut à l’irrecevabilité des prétentions adverses, à l’infirmation, au prononcé de la résiliation du contrat de travail aux torts de l’employeur, à l’octroi de :  

– la somme de 986,14€ à titre de remboursement de frais professionnels,

– la somme de 12 847,89€ à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

– la somme de 1 287,89€ à titre de congés payés sur préavis,

– la somme de 15 103,41€ à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,

– la somme de 30 000€ à titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité,

– la somme de 25 685,78€ à titre de dommages et intérêts pour inégalité de traitement sur la rémunération,

– la somme de 9 000€ à titre de rappel de salaire de reclassification,

– la somme de 900€ à titre de congés payés sur rappel de salaire de reclassification,

– la somme de 28 095€ à titre de rappel de commissions (hors dossier EIFFAGE),

– la somme de 22 374,91€ à titre de rappel de commission du dossier EIFFAGE,

– la somme de 8 741,40€ à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires,

– la somme de 874,14€ à titre de congés payés sur heures supplémentaires,

– la somme de 12 847,89€ à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la contrepartie obligatoire en repos,

– la somme de 25 685,78€ à titre d’indemnité de travail dissimulé,

– la somme de 108 000€ à titre de rappel de salaire sur la période de requalification en relation salariée,

– la somme de 10 800€ à titre de congés payés sur rappel de salaire sur la période de requalification en relation salariée,

– la somme de 10 000€ à titre de dommages et intérêts pour perte des droits à la retraite,

avec intérêts au taux légal,

et à la condamnation sous astreinte de l’employeur à la remise d’un bulletin de paie et des documents de fin de contrat rectifiés.

Il sollicite l’allocation de la somme de 4 000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions enregistrées au greffe le 2 mars 2023, la SARL ARCADE demande de confirmer le jugement et de lui allouer la somme de 6 000,00€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Formant une demande reconventionnelle nouvelle en appel, elle demande de condamner [M] [V] au paiement de la somme de 61 312,39€ en réparation du préjudice causé du fait du détournement de sa base de données et d’une amende civile.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, il y a lieu de se reporter au jugement du conseil de prud’hommes et aux conclusions déposées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Attendu que lorsqu’un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, tout en continuant à être à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d’autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d’abord rechercher si la demande de résiliation du contrat de travail était justifiée ; que c’est seulement dans le cas contraire qu’il doit se prononcer sur le licenciement ;

Qu’il appartient donc à la cour de vérifier d’abord si les faits invoqués par le salarié sont établis et, dans l’affirmative, s’ils caractérisent un manquement suffisant de l’employeur à ses obligations pour que la rupture produise les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

SUR LA RÉSILIATION DU CONTRAT DE TRAVAIL :

Sur le harcèlement moral :

Attendu qu’il résulte des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail que, pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L. 1152-1 du code du travail. Dans l’affirmative, il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;

Qu’ainsi, pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement, il y a lieu pour les juges du fond :

– d’examiner la matérialité de tous les éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits,

– d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer ou laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L. 1152-1 du code du travail,

– dans l’affirmative, d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;

Attendu qu’en l’espèce, [M] [V] invoque :

– l’insuffisance et la suppression des moyens mis à sa disposition par le non-paiement de ses factures téléphoniques, la vétusté de son ordinateur, le retrait de sa carte bancaire professionnelle et la suppression des moyens humains mis à sa disposition ;

– sa mise en difficulté dans l’exécution de ses missions ;

– des propos calomnieux et des actes dénigrants ;

– des instructions contradictoires ;

– son isolement orchestré par le dessaisissement de ses missions de direction et la restriction aux accès informatiques de l’entreprise ;

– le défaut de paiement de ses commissions ;

– les retards dans le paiement des frais professionnels engagés ;

– le non-paiement des heures supplémentaires réalisées ;

Attendu que [M] [V] ne fournit aucun élément susceptible d’établir l’existence de propos calomnieux ou d’actes dénigrants à son encontre, d’actes de pression exercés ou de restrictions autres qu’accidentelles à ses accès informatiques ;

Qu’il ne démontre pas davantage avoir été soudainement privé de lien avec les dirigeants de la société ;

Qu’en revanche, pour preuve des autres agissements qu’il invoque, il produit des messages électroniques évoquant la résiliation de ses moyens de communication, faute de paiement par l’employeur de l’abonnement, la vétusté de l’ordinateur mis à sa disposition, le retrait de sa carte bancaire professionnelle, la perte de certains de ses collaborateurs dont les contrats n’ont pas été renouvelés, le fait que, pour un déplacement à [Localité 3], il ait dû utiliser une voiture, au lieu de l’avion initialement prévu, la suppression de certains de ses rendez-vous ainsi que son retrait du dossier EIFFAGE ;

Attendu qu’ainsi, au regard des documents fournis, [M] [V] fait ressortir que sa demande est fondée sur des faits matériellement établis et que, pris dans leur ensemble, ces faits permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral ;

Attendu, cependant, que la SARL ARCADE justifie de ce que les frais dont [M] [V] demande le remboursement avaient déjà été payés par sa filiale espagnole, ce dont il était informé ;

Qu’elle établit ne pas être à l’origine de la coupure téléphonique qu’il invoque, au demeurant limitée à une durée de cinq jours ;

Qu’elle relève à juste titre que la perte des collaborateurs dont il se prévaut était antérieure au 3 avril 2017, date de conclusion du contrat de travail, et se rapportait à une période où il intervenait en qualité d’agent commercial en Espagne ;

Qu’en tout état de cause, il ne s’agissait pas de personnel mis à sa disposition et qu’il continuait à bénéficier de l’aide à distance du personnel administratif de l’entreprise ;

Qu’il bénéficiait également d’un matériel informatique conforme à l’usage qu’il devait en avoir, sachant que son ordinateur précédent avait été volé à la suite d’une négligence de sa part ;

Attendu qu’en définitive, [M] [V] s’est bien rendu de [Localité 4] (Espagne) à [Localité 3] en avion, étant observé que son poste de travail doit s’exercer au siège de la société en France et qu’il déclare dans son contrat de travail être domicilié en France ;

Attendu que l’agenda Outlook est un agenda partagé sur lequel [M] [V] faisait figurer ses rendez-vous personnels ;

Attendu que la présentation de [M] [V] en tant que directeur du projet EIFFAGE ne résulte que de la présentation erronée qu’il en fait ;

Qu’il n’a donc pas été ‘dépossédé’ de la direction d’un projet qui, non seulement ne lui avait jamais été attribuée, mais avait été obtenu alors qu’il n’était que prestataire en Espagne et non encore salarié de la SARL ARCADE ;

Attendu que la restriction aux accès informatiques est due à un problème de serveur et a affecté l’ensemble du personnel de la société ;

Attendu que des instructions contradictoires, au demeurant non démontrées, ne sont pas constitutives en elles-mêmes d’agissements de harcèlement moral ;

Qu’il en est de même de l’absence de paiement des commissions, des heures supplémentaires invoquées ou du remboursement de frais professionnels qui correspondent, non à des agissements répétés ayant pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d’altérer sa santé ou de compromettre son avenir professionnel, mais à un désaccord juridique avec l’employeur ;

Attendu qu’il en résulte que l’employeur prouve que les agissements invoqués matériellement établis ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;

Sur les manquements de l’employeur à son obligation de sécurité:

Attendu que le contrat de travail conclu entre parties à compter du 3 avril 2017 stipule expressément que l’adhésion à la Caisse de prévoyance et de mutuelle est obligatoire et qu”un bulletin d’affiliation ainsi qu’une notice sont joints au présent contrat’ ;

Qu’à supposer que ces documents n’aient pas été joints au contrat, comme l’affirme [M] [V], il est établi qu’ils étaient en sa possession dès le 12 octobre 2017 ;

Attendu qu’en réalité, le retard d’affiliation est essentiellement imputable au salarié qui :

– dans son message du 19 octobre 2017, indique que ‘son agenda actuel ne lui permet pas d’avancer sur le sujet’, ce qui démontre son peu d’empressement pour s’affilier ;

– n’a entrepris aucune démarche préalable auprès de la caisse primaire d’assurance maladie pour obtenir d’être immatriculé ;

Attendu que la visite médicale d’embauche, prévue le 9 juin 2017, a été annulée à l’initiative du salarié, le jour-même de celle-ci ;

Qu’en dépit de la demande de l’employeur, il n’a pu obtenir de nouveau rendez-vous qu’au mois de décembre 2017 ;

Attendu qu’en l’absence de faute imputable à l’employeur et faute pour le salarié de prouver un préjudice né du retard dans l’organisation de la visite médicale d’embauche, il y a lieu de débouter [M] [V] de sa demande à titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité ;

Sur l’inégalité de traitement :

Attendu que s’il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe ‘à travail égal, salaire égal’ de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération, il incombe à l’employeur de rapporter la preuve qu’il existe des raisons objectives à la différence de rémunération entre des salariés effectuant un même travail ou un travail de valeur égale dont il revient au juge de contrôler la réalité et la pertinence ;

Attendu qu’en l’espèce, [M] [V] expose que bénéficiant de la position 2.3, coefficient 150, il est classé à un coefficient inférieur à ceux de son homologue, Mme [U], et de son subordonné, M. [E], situés en position 3.1, coefficient 170 ;

Qu’il ajoute que contrairement à Mme [U] et à ses autres collaborateurs, il n’a jamais reçu de prime de déplacement et que les modalités de ses commissionnements diffèraient de celles des autres commerciaux ;

Attendu, cependant, que l’employeur fait valoir que [M] [V] bénéficie, outre sa rémunération, d’un commissionnement de 5% ;

Qu’il est titulaire d’un DUT et ne bénéficiait que d’une ancienneté inférieure à un an au moment de l’engagement de la procédure de résiliation ;

Attendu que, pour sa part, Mme [U] bénéficie d’une ancienneté de 20 ans, est docteur en informatique, ce qui est utile à ses fonctions, et occupe des fonctions d’ingénieur chef de projet ;

Que M. [E] est chef de projet maîtrise d’oeuvre et justifie d’une expérience de plus de vingt ans au sein d’un grand groupe industriel ;

Attendu que M. [F], classé au même coefficient que [M] [V] a un diplôme d’ingénieur utile à ses fonctions et une ancienneté de vingt ans ;

Attendu, en outre, que seul [M] [V] perçoit des commissions s’ajoutant à sa rémunération fixe ;

Qu’il est directeur opérationnel et non un commercial dont les fonctions et la rémunération sont déterminées de manière différente ;

Qu’ainsi, aucun des salariés auquel il se compare, y compris les commerciaux, n’exerce des fonctions, des tâches et des responsabilités de valeur égale ;

Attendu qu’il en résulte que [M] [V] n’étant pas dans une situation identique à celle des salariés avec lesquels il revendique une égalité de rémunération, sa demande doit être rejetée ;

Sur les rappels de salaire :

Attendu que la qualification professionnelle se détermine par les fonctions réellement exercées ;

Qu’il appartient au salarié d’apporter la preuve qu’il exerce bien, en fait, les fonctions correspondant à la qualification qu’il revendique ;

Attendu que se bornant à réclamer un ‘rappel de salaire tenant la reclassification au juste coefficient conventionnel’, sans autre précision, [M] [V] n’apporte pas la preuve qui lui incombe ;

Sur les rappels de commission :

Attendu qu’il résulte de l’article 1353 du code civil que c’est à l’employeur qu’il incombe d’établir qu’il a effectivement payé au salarié les commissions qu’il lui doit ; que lorsque le calcul de la rémunération dépend d’éléments détenus par l’employeur, celui-ci est tenu de les produire en vue d’une discussion contradictoire ;

Attendu que le contrat de travail stipule que [M] [V] percevra ‘une commission de 5% sur le chiffre d’affaires réalisé par lui… Ce chiffre d’affaires exclut les ventes résultant de demandes spontanées de clients actuel…’

Qu’aucune modification du contrat de travail n’est intervenue dans les modalités de paiement des commissions ;

Attendu qu’ainsi, au vu du contrat de travail, des documents versés par le salarié et de ceux fournis par l’employeur établissant que [M] [V] a perçu l’intégralité des commissions qui lui revenait, conformément aux termes du contrat de travail, il y a lieu de dire qu’il a été rempli de ses droits à commissions et de rejeter sa demande à ce titre ;

Sur le paiement des frais professionnels :

Attendu qu’au vu des documents fournis, [M] [V] ne produit aucun élément susceptible d’établir que la SARL ARCADE serait débitrice de frais professionnels qu’il aurait exposés pour les besoins de son activité professionnelle et dans l’intérêt de l’employeur ;

Attendu que la demande à ce titre sera en conséquence rejetée ;

Sur les heures supplémentaires :

Attendu qu’il résulte des dispositions de l’article L. 3171-4 du code du travail, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires ;

Attendu qu’outre un calcul contenu dans ses conclusions établi sur la base de deux heures supplémentaires par semaine, soit dix heures par semaine, soit trois cent quarante heures pour trente quatre semaines, [M] [V] présente la copie de divers messages électroniques adressés en dehors de ses heures normales de travail ainsi qu’une copie de son agenda professionnel ;

Qu’il fait ainsi ressortir que sa demande est fondée sur des éléments suffisamment précis ;

Attendu que, pour sa part, la SARL ARCADE fait valoir que [M] [V] disposait d’une parfaite autonomie dans l’organisation de son travail, résidant en Espagne et travaillant principalement à domicile ;

Attendu que la qualité de cadre et l’existence d’une liberté d’organisation dans son travail ne suffisent pas à exclure le droit au paiement d’heures supplémentaires, sauf à constater l’existence d’un salaire forfaitaire compensant les dépassements d’horaire résultant des impératifs de la fonction assurée ;

Attendu, cependant, qu’après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, notamment des attestations desquelles il résulte qu’il vaquait à des occupations personnelles pendant ses heures de travail, il n’est pas établi que [M] [V] ait effectivement accompli les heures supplémentaires dont il réclame le paiement ;

Attendu qu’il y a donc lieu de rejeter sa demande ;

Attendu que la cour ayant débouté le salarié de sa demande d’heures supplémentaires, les demandes à titre d’indemnité de repos compensateur et d’indemnité de travail dissimulé qui en sont la suite seront également rejetée ;  

Sur la relation de travail déguisée :

Attendu qu’il appartient à celui qui se prévaut de l’existence d’un contrat de travail d’en apporter la preuve ;

Qu’il n’est pas justifié de l’existence d’un contrat de travail apparent durant la période revendiquée ;

Attendu que l’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs ;

Que le lien de subordination qui détermine l’existence d’un contrat de travail est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ;

Attendu qu’en l’espèce, aucun élément de la procédure ne permet de déduire que [M] [V] dont l’épouse est de nationalité espagnole et souhaitait vivre en Espagne, aurait été incité à démissionner de son premier emploi au sein de la SARL ARCADE tout en continuant à y exercer les mêmes fonctions ;

Qu’il s’agit au contraire d’un choix personnel de sa part ainsi que le démontrent ses importantes responsabilités de dirigeant et d’associé au sein de la société ARCADE IBERICA, nouvellement créée, ainsi que ses messages électroniques des 21 décembre 2010 et 14 janvier 2011 ;

Qu’en outre, en 2014, il a créé une seconde filiale de la société ARCADE, au Canada, dont il reste toujours administrateur et associé à hauteur de 25% ;

Attendu qu’en réalité, c’est seulement parce qu’il avait fait l’objet d’un important redressement fiscal en Espagne qu’il a été ‘dans l’obligation de changer de statut’ et, après s’être renseigné sur la possibilité de ‘s’orienter vers une solvabilité’, a finalement accepté de redevenir salarié de la SARL ARCADE FRANCE, ce dont il remercie dirigeant dans ses messages des 26 janvier et 17 mai 2016 ;

Attendu que [M] [V] bénéficiait d’une entière liberté et indépendance dans l’organisation de sa mission ;

Qu’il n’exerçait pas son activité dans les locaux de l’entreprise, ne recevait aucune instruction précise quant aux modalités de son travail entre le 1er janvier 2009 et le 3 avril 2017 et n’était soumis ni au contrôle ni au pouvoir disciplinaire de la SARL ACADE FRANCE ;

Que durant cette période, aucun matériel de l’entreprise n’était mis à sa disposition ;

Attendu, en définitive, que [M] [V] bénéficiait d’une totale autonomie dans ses fonctions d’indépendant, se bornant à informer la SARL ARCADE FRANCE de sa venue en France et de la prise de ses congés, et que sa présence dans l’organigramme et le maintien de son adresse professionnelle s’expliquent par ses fonctions de dirigeant de la société ARCADE IBERICA SOFTWARE SL ;

Qu’il précise d’ailleurs lui-même dans un message du 15 octobre 2014 qu’il a ‘un statut d’associé et non pas de salarié d’Arcade’ ;

Attendu que la reprise d’ancienneté dont il a bénéficié n’est qu’une modalité de négociation contractuelle ;

Attendu qu’il en résulte qu’aucun élément susceptible de caractériser le lien de subordination n’existait entre parties et que la demande n’est pas fondée  ;

* * *

Attendu qu’il résulte de l’ensemble de ces éléments que les faits invoqués, qui ne caractérisent pas un manquement de l’employeur à ses obligations, ne justifient pas la résiliation du contrat de travail ;

Que la cour doit dès lors se prononcer sur le licenciement ;

SUR LE LICENCIEMENT :

Attendu que l’existence d’agissements de harcèlement moral a été écartée, en sorte que l’inaptitude du salarié ne saurait résulter d’un tel harcèlement ;

Attendu qu’il résulte de l’article L. 1226-12 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, que lorsque le médecin du travail mentionne expressément dans son avis que tout maintien du salarié dans l’emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l’emploi, l’employeur n’est pas tenu de rechercher un reclassement au salarié ;

Attendu que le médecin du travail ayant déclaré dans son avis d’inaptitude que [M] [V] était ‘inapte. Emploi préjudiciable à la santé… L’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi’, il y a lieu d’en déduire que l’employeur était dispensé de rechercher et de proposer au salarié des postes de reclassement ;

Attendu qu’il y a lieu de débouter [M] [V] de ses demandes à ce titre ;

SUR LA DEMANDE RECONVENTIONNELLE :

1- Attendu que la demande reconventionnelle en appel de la SARL ARCADE, sollicitant une somme en réparation du préjudice causé du fait du détournement par [M] [V] de sa base de données, se rattache par un lien suffisant à la demande originaire en résiliation du contrat de travail ;

Que le fait d’où naît cette demande a été révélé à la SARL ARCADE postérieurement au jugement du conseil de prud’hommes du 30 septembre 2019, par la transmission qui lui a été faite du constat d’huissier du 17 décembre 2019 duquel il résulte que la SARL CBAO, concurrente de la SARL ARCADE, détenait dans ses fichiers informatiques de nombreux fichiers de ses clients ;

Attendu que cette demande nouvelle est donc recevable en appel ;

2- Attendu qu’il est établi par l’attestation de M. [G] et le constat d’huissier du 17 décembre 2019 qu’après avoir détourné les fichiers de la SARL ARCADE, [M] [V] les a d’abord proposés à une société concurrente, la SARL CBAO, dont M. [G] est le gérant, puis que, devant le refus de ce dernier, il a ensuite créé la société EXXIA, concurrente de la SARL ARCADE, afin de les utiliser ;

Que M. [G] atteste ainsi que [M] [V] lui a ‘indiqué qu’il disposait des bases de données de la gestion commerciale d’ARCADE qu’il avait emportées avec lui avant son départ et qu’il allait réaliser l’extraction’ ;

Qu’il ajoute qu’il s’agissait de ‘faire circuler des rumeurs auprès des clients ARCADE comme quoi le départ des chefs de projet… plongerait l’entreprise dans de grandes difficultés techniques’ ;

Attendu qu’aucune procédure pénale n’a été intentée à l’encontre de l’attestation de M. [G], en sorte qu’il n’existe aucun motif d’écarter cette attestation à la fois précise et circonstanciée et, par conséquent, crédible ;

Attendu que le contrat de travail s’exécute de bonne foi ;

Que dans son contrat de travail, [M] [V] s’engageait également à ne divulguer à qui que ce soit aucun des procédés ou des méthodes commerciales de l’entreprise, tant pendant qu’après l’expiration du présent contrat ;

Attendu que le détournement de données de l’employeur pour son profit personnel et celui d’une société concurrente caractérise de la part du salarié une intention de nuire préméditée à l’employeur qu’il souhaitait quitter, que la cour, en fonction des éléments soumis à son appréciation, a les moyens de réparer par l’allocation d’une somme de 25 000€ à titre de dommages et intérêts ;

* * *

Attendu que l’abus du droit d’ester en justice ou d’exercer les voies de recours légales n’est pas démontré ;

Attendu qu’enfin, l’équité commande de faire application de l’article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Confirme le jugement ;

Rejette toute autre demande ;

Dit la demande reconventionnelle de la SARL ARCADE recevable ;

Condamne [M] [V] à payer à la SARL ARCADE la somme de 25 000€ à titre de dommages et intérêts pour préjudice subi résultant du manquement à son obligation de loyauté ;

Condamne [M] [V] aux dépens ;

Condamne [M] [V] à payer à la SARL ARCADE la somme de 3 500€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La Greffière Le Président

 


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