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délivrées le
à
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
1re chambre sociale
ARRET DU 26 AVRIL 2023
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 19/04683 – N° Portalis DBVK-V-B7D-OHPI
ARRÊT n°
Décision déférée à la Cour : JUGEMENT du 07 MAI 2019
CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE PERPIGNAN – N° RG F 18/00521
APPELANTE :
Mademoiselle [W] [V]
née le 02 Octobre 1979 à [Localité 5] (13)
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Corine SERFATI-CHETRIT de la SCP D’AVOCATS SERFATI-CHETRIT, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES
INTIME :
Monsieur [P] [R]
né le 01 Janvier 1984 à [Localité 4] (TURQUIE)
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par Me Valérie MOIROUD de la SELARL CAT’AVOC, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21 MARS 2023,en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Caroline CHICLET, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre
Madame Caroline CHICLET, Conseiller
Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Marie-Lydia VIGINIER
ARRET :
– réputé contradictoire ;
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
– signé par Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre, et par Mme Marie-Lydia VIGINIER, Greffier.
*
* *
EXPOSE DU LITIGE :
[W] [V] a été engagée le 2 mai 2017 par [P] [R], exerçant à l’enseigne Mis Kebab, en qualité d’employée polyvalente, à raison de 6 heures de travail hebdomadaire. Classée niveau 1, échelon 1 de la grille des emplois de la convention collective nationale de la restauration rapide, elle percevait en dernier lieu une rémunération mensuelle brute moyenne de 253,76 €.
La relation contractuelle a pris fin le 21 juillet 2017 avec l’établissement d’un solde de tout compte.
Reprochant à son employeur de ne jamais lui avoir fait signer le contrat à durée déterminée prévu lors de son embauche et de lui avoir remis, le 19 juillet 2017, un contrat expirant le 21 juillet 2017 qui était revêtu d’une imitation de sa signature, [W] [V] a déposé plainte pour faux contre [P] [R] le 25 juillet 2017 auprès des services de police de [Localité 3] et a saisi le conseil des prud’hommes de Perpignan le 9 octobre 2017 (avec réinscription le 19 décembre 2018 suite à la radiation du 5 juin 2018) afin de voir ordonner la requalification de son contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée et obtenir l’application de ses droits et la réparation de ses préjudices.
La plainte pour faux a été classée sans suite par le parquet de Perpignan le 22 mai 2018 pour ‘infraction insuffisamment caractérisée’.
Par jugement du 7 mai 2019, ce conseil a :
– donné acte à [P] [R] de la régularité, du bien fondé de la rupture du contrat et de la bonne délivrance des documents sociaux,
– débouté [W] [V] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
– condamné [W] [V] reconventionnellement à verser à [P] [R] une indemnité de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.
Le 5 juillet 2019, [W] [V] a relevé appel de tous les chefs de ce jugement.
Vu les conclusions de [W] [V] remises au greffe le 2 octobre 2019 ;
Vu les conclusions de [P] [R] remises au greffe le 23 décembre 2019 ;
Vu l’ordonnance de clôture en date du 25 octobre 2022 ;
Par arrêt du 21 décembre 2022, la cour d’appel de Montpellier a :
– ordonné la réouverture des débats à l’audience du mardi 21 mars 2023 à 14h00, sans révocation de la clôture, afin de permettre aux parties de produire avant le 30 janvier 2023 :
> pour l’appelante le second original du contrat de travail en sa possession,
> pour l’intimé des exemplaires de son écriture contemporains de l’année 2017 comportant, notamment, des chiffres et des dates,
– réservé toutes les demandes des parties ainsi que les dépens et les frais irrépétibles.
Les pièces réclamées ont été communiquées à la cour le 4 février 2023 pour l’appelante et le 23 janvier 2023 pour l’intimé.
MOTIFS :
Sur la nature du contrat de travail :
L’appelante conclut à l’infirmation du jugement en ce qu’il a rejeté sa demande visant à voir juger que la relation de travail entre les parties était à durée indéterminée et que la rupture intervenue le 21 juillet 2017 doit s’analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et elle demande à la cour de faire droit à ses prétentions, en l’absence de contrat écrit remis dans les 2 jours de l’embauche, et de condamner l’employeur à lui payer :
– 322 € brut au titre de l’indemnité de requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminé,
– 322 € brut au titre de l’indemnité pour irrégularité de la procédure,
– 3.000 € brut à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Il résulte des dispositions combinées des article L. 1242-12 et L.1242-13 du code du travail et L.1245-1 du même code, dans sa version antérieure à l’ordonnance du 2017-1387 du 22 septembre 2017, que, devant être établi par écrit et remis au salarié dans un délai de deux jours suivant l’embauche, le contrat de travail à durée déterminée est réputé à durée indéterminée s’il ne comporte pas la signature de l’employeur ainsi que celle du salarié et s’il a été remis à ce dernier tardivement.
En l’espèce, en comparant la signature déniée par [W] [V] telle que figurant sur l’original du contrat de travail daté du 2 mai 2017 produit par l’employeur et sur le second original de ce contrat produit, le 4 février 2023, par la salariée avec les exemplaires de signatures produits par les deux parties (signatures de [W] [V] figurant sur les plannings hebdomadaires de mai à juin 2017, sur le procès-verbal de plainte du 25 juillet 2017 et sur le courrier de réclamation adressé à l’employeur le 10 août 2017), la cour retrouve des similitudes nombreuses et variées portant sur des éléments caractéristiques qui ne permettent pas de conclure à l’existence du faux allégué.
En effet, les signatures déniées, à l’instar des signatures dont l’authenticité n’est pas discutée, démarrent toutes par un trait descendant dirigé vers la gauche qui revient ensuite vers la droite de manière horizontale et qui sert de support à une ample boucle verticale de laquelle partent, ensuite, deux lettres rondes en forme de ‘O’ contenant chacune une boucle cursive. La boucle cursive de la dernière lettre en forme de ‘O’ se termine par un trait tantôt vertical tantôt arrondi qui sort de la lettre en haut à droite et descend sur un, voire deux, centimètres. Un petit trait horizontal souligne la dernière lettre et une lettre en forme de ‘t’, tantôt verticale tantôt arrondie, achève la signature juste au-dessous des lettres et à gauche ou en travers du retour vertical descendant d’un à deux centimètres.
La sincérité des signatures attribuées à la salariée n’étant pas douteuse, contrairement à ce que soutient l’appelante, aucune requalification ne peut être prononcée pour absence d’écrit puisque les deux originaux du contrat de travail comportent les signatures de l’employeur et de la salariée.
Le contrat étant daté du 2 mai 2017, il appartient à [W] [V], qui invoque une remise tardive, de démontrer qu’il lui a été remis à une autre date que celle indiquée juste au-dessus de sa signature.
Comme preuve de la remise tardive alléguée, l’appelante fait état de la mention manuscrite, ‘remis le 19 juillet 2017″, figurant au
bas de son exemplaire du contrat de travail et qui, selon elle, a été ajoutée par l’employeur.
L’employeur conteste être l’auteur de cette mention qui n’apparaît pas sur son original et produit comme exemplaires d’écriture, en sus des tableaux horaires renseignés par ses soins déjà communiqués aux débats, l’original d’un contrat de bail commercial signé le 22 mars 2017.
En comparant l’écriture déniée par l’employeur avec les exemplaires précités, la cour ne retrouve aucune similitude.
En effet, l’écriture déniée est irrégulière, hésitante, petite et difficilement lisible s’agissant du mot ‘remis’ avec une date flottante, non alignée et séparée par des points sur la mention déniée alors qu’elle est large et régulière avec une date alignée et séparée par des barres sur les exemplaires produits. La barre du chiffre 7 est ample et traverse un trait vertical tremblant et incurvé vers la gauche sur la mention déniée alors que la barre est petite avec un trait vertical assuré et droit sur les exemplaires produits. Le chiffre 2 se termine par un retour en boucle et ascendant sur la mention déniée alors qu’il est droit et vertical sur les exemplaires produits.
La preuve de la sincérité de cette mention, présente exclusivement sur le second original détenu par la salariée, n’étant pas rapportée, elle ne peut être valablement invoquée par [W] [V] pour contester la date de remise du contrat.
Le contrat de travail ayant été remis à [W] [V] à la date indiquée au-dessus des signatures des parties, soit en l’espèce, le 2 mai 2017, jour de son embauche, l’employeur justifie s’être conformé aux prescriptions de l’article L.1245-1 précité.
La demande de requalification du CDD en CDI formée par [W] [V] sera par conséquent rejetée de même que ses demandes subséquentes (indemnité de requalification, indemnité pour rupture irrégulière et abusive) et le jugement sera confirmé sur ces points.
Sur l’exécution du contrat de travail :
[W] [V] conclut à l’infirmation du jugement en ce qu’il a rejeté ses demandes en paiement de 7.329, 76 € au titre des heures complémentaires effectuées sur la période du 2 mai au 30 juin 2017, 732, 97 € au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés sur rappel des heures supplémentaires et 1.932 € au titre de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé et demande à la cour de faire droit à ses prétentions.
L’intimé conclut à la confirmation du jugement sur ces points.
Aux termes de l’article L.3171-2, alinéa 1er, du code du travail, ‘lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés’.
Selon l’article L. 3171-3 du même code, l’employeur tient à la disposition de l’inspecteur ou du contrôleur du travail ou, depuis le 10 août 2016, de l’agent de contrôle de l’inspection du travail mentionné à l’article L.8112-1, les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié.
Enfin, selon l’article L.3171-4 du code du travail, ‘en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable’.
Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
Contrairement à ce que soutient à tort l’intimé, les horaires habituels invoqués par la salariée (du lundi au samedi de 10h à 14h et de 18h à 24h et le dimanche de 18h à 24h) et les décomptes hebdomadaires des heures effectuées en mai et juin 2017 sont des éléments suffisamment précis pour lui permettre d’y répondre.
Il résulte des pièces produites par l’employeur que [W] [V] a certifié, dans une attestation remise par SMS du 28 avril 2017, ne pas pouvoir accomplir plus de 6 heures par semaine et qu’elle a validé, en émargeant en face des heures comptabilisées, tous les relevés horaires journaliers des mois de mai et juin 2017 desquels il ressort qu’elle travaillait 6h par semaine (durant le service de midi certains jours de la semaine et une heure durant le service du soir le samedi).
L’employeur produit également le flyer de l’entreprise qui signale que le restaurant est fermé le dimanche ainsi que le témoignage d’une cliente qui atteste que le restaurant n’a ouvert le dimanche qu’à compter de l’été 2018, ce qui n’est pas utilement contredit par l’appelante.
Par ailleurs, les témoignages rédigés en des termes généraux et non circonstanciés produits par la salariée (pas de date des faits constatés sur la plupart des attestations, pas d’explication sur ce qui permet d’affirmer, s’agissant de clients non présents de manière permanente, que [W] [V] travaillait dès le matin et tous les soirs jusqu’à la fermeture) sont tous contredits par les nombreuses attestations produites par l’employeur émanant de clients réguliers du restaurant desquelles il ressort que si [W] [V] servait parfois le midi, elle n’était présente que de manière occasionnelle le soir, et que le patron de [C] [E] était seul le matin pour l’ouverture ce qui correspond aux horaires validés par la salariée.
Ainsi, l’employeur démontre, par ses propres pièces, que [W] [V] n’a pas accompli les heures complémentaires alléguées.
En conséquence, [W] [V] sera déboutée de ses prétentions au titre des heures complémentaires ainsi que de sa demande indemnitaire pour travail dissimulé et le jugement entrepris sera confirmé en toutes ses dispositions.
Sur les autres demandes :
[W] [V] qui succombe, sera condamnée aux dépens de l’appel.
L’équité commande de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et [P] [R] sera débouté de sa prétention de ce chef.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement ;
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant ;
Condamne [W] [V] aux dépens d’appel ;
Déboute [P] [R] de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT