Heures supplémentaires : 26 avril 2023 Cour d’appel d’Amiens RG n° 22/01692

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Heures supplémentaires : 26 avril 2023 Cour d’appel d’Amiens RG n° 22/01692
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ARRET

[F]

C/

S.E.L.A.R.L. GRAVE-RANDOUX- MANDATAIRES DE LA SARL STELLIOS OPT IQUE

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA AMIENS ITS DU CENTRE DE GESTION ET ETUDE AGS (CGEA )

copie exécutoire

le 26 avril 2023

à

Me Doré

Me Camier

Selarl Grave-Randoux

LDS/MR/SF

COUR D’APPEL D’AMIENS

5EME CHAMBRE PRUD’HOMALE

ARRET DU 26 AVRIL 2023

*************************************************************

N° RG 22/01692 – N° Portalis DBV4-V-B7G-IM6I

JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE D’AMIENS DU 09 MARS 2022 (référence dossier N° RG F18/00430)

PARTIES EN CAUSE :

APPELANT

Monsieur [W] [F]

né le 01 Avril 1978 à [Localité 5] ([Localité 5])

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 4]

représenté par Me Pascal BIBARD de la SELARL CABINETS BIBARD AVOCATS, avocat au barreau d’AMIENS substituée par Me François DORY, avocat au barreau D’AMIENS

ET :

INTIMEES

S.E.L.A.R.L. [V]-RANDOUX ès qualités de Mandataire liquidateur de la SARL STELLIOS OPTIQUE

[Adresse 2]

[Localité 5]

non comparante

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA [Localité 5]

[Adresse 1]

[Localité 5]

représentée par Me Hélène CAMIER de la SELARL LEXAVOUE AMIENS-DOUAI, avocat au barreau d’AMIENS substituée par Me Alexis DAVID, avocat au barreau D’AMIENS

DEBATS :

A l’audience publique du 01 mars 2023, devant Madame Laurence de SURIREY, siégeant en vertu des articles 786 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties l’affaire a été appelée.

Madame [I] [L] indique que l’arrêt sera prononcé le 26 avril 2023 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Malika RABHI

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Madame [I] [L] en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :

Mme Laurence de SURIREY, présidente de chambre,

Mme Caroline PACHTER-WALD, présidente de chambre,

Mme Eva GIUDICELLI, conseillère,

qui en a délibéré conformément à la Loi.

PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :

Le 26 avril 2023, l’arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Laurence de SURIREY, Présidente de Chambre et Mme Malika RABHI, Greffière.

*

* *

DECISION :

M. [F], né le 1er avril 1978, a été embauché par la SARL Stellios optique en qualité de monteur vendeur.

La société employait moins de 11 salariés.

La convention collective applicable est celle de l’optique-lunetterie de détail.

Ne s’estimant pas rempli de ses droits au titre de l’exécution du contrat de travail, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes d’Amiens le 10 septembre 2018 afin notamment de demander la résiliation du contrat aux torts de l’employeur.

Le 22 février 2019, il a été licencié pour faute lourde.

Par jugement en date du 22 novembre 2019 le tribunal de commerce d’Amiens a prononcé le redressement judiciaire de la société, puis par jugement du 24 janvier 2020, sa liquidation judiciaire, Me [V] étant désigné en qualité de mandataire liquidateur.

Par jugement du 9 mars 2022, le conseil de prud’hommes a :

– donné acte à l’UNEDIC délégation AGS CGEA d'[Localité 5] venant aux droits du CGEA d'[Localité 5] de son intervention,

– dit M. [F] recevable mais mal fondé en ses demandes,

– débouté M. [F] de sa demande de rappel d’heures supplémentaires et congés payés y afférents,

– dit n’y avoir lieu à prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur,

– dit que le licenciement du salarié reposait bien sur une faute lourde,

– débouté le salarié de ces chefs de demandes et de toutes demandes indemnitaires y afférentes,

– débouté le salarié de sa demande présentée au titre de l’article 700 du code de procédure civile

– condamné ce dernier aux dépens.

M. [F], qui est régulièrement appelant de ce jugement, par conclusions remises le 29 juin 2022, demande à la cour de :

– Le déclarer recevable et bien fondé en son appel ;

– Infirmer le jugement en ce qu’il :

– l’a dit recevable mais mal fondé en ses demandes,

– l’a débouté de sa demande de rappel d’heures supplémentaires et congés payés y afférents,

– a dit n’y avoir lieu à prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur,

– a dit que le licenciement reposait bien sur une faute lourde,

– l’a débouté de ces chefs de demandes et de toutes demandes indemnitaires y afférentes,

– l’a débouté de sa demande présentée au titre de l’article 700 du code de procédure civile

– l’a condamné aux dépens.

Réformer la décision querellée et statuant à nouveau :

– Prononcer la résiliation du contrat de travail l’unissant à la société aux torts de l’employeur à la date du 25 février 2019 ;

– Subsidiairement, requalifier le licenciement prononcé en licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

En conséquence et en tout état de cause,

– Ordonner l’inscription au passif de la société et au CGEA de garantir les sommes suivantes :

‘ 98 512,26 euros au titre des heures supplémentaires non rémunérées,

‘ 9 851,26 euros au titre des congés payés sur les heures supplémentaires non rémunérées,

‘ 64 830,09euros subsidiairement la somme de 32 415,04 euros à titre d’indemnité compensatrice de repos compensateur,

‘ 6.48301 euros, subsidiairement la somme de 3 241,50 euros au titre des congés payés sur le repos compensateur,

‘ 51 304,38 euros au titre de l’indemnité forfaitaire spécifique visée à l’article L 8221-5 du code du travail,

‘ 57 004,87 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement,

‘ 17 101,46 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

‘ 1 710,14 euros au titre des congés payés sur préavis,

‘ 128 260,95 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

– Condamner la liquidation judiciaire de la société à lui verser la somme de 3 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamner la société en tous les éventuels dépens, y compris d’exécution.

L’Unédic délégation AGS CGEA d'[Localité 5], par conclusions remises le 29 septembre 2022, demande à la cour de :

– Confirmer le jugement en toute ses dispositions,

– À titre subsidiaire, et dans l’hypothèse où la cour considérerait que le licenciement n’est pas fondé sur une faute lourde :

– Fixer l’ancienneté de M. [F] au sein de la société à compter du 16 novembre 2000,

– Fixer le salaire de référence à la somme de 4 003,01 euros brut par mois,

– Limiter le montant de l’indemnité compensatrice de préavis à la somme de 8 006,02 euros et les congés payés sur préavis à la somme de 800,60 euros,

– Limiter le montant de l’indemnité conventionnelle de licenciement à la somme de 25574,02 euros,

– Limiter le montant des dommages-intérêts sollicités à la somme de 10 007,52 euros,

– En tout état de cause,

– Dire que l’AGS ne peut en aucun cas être condamnée et que sa garantie n’est due que dans le cadre de l’exécution du contrat de travail,

– En conséquence, dire que l’AGS ne peut en aucun cas garantir la somme sollicitée au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ni au titre des dépens, ni au titre de l’astreinte,

– Dire que la garantie de l’AGS n’est également due, toutes créances avancées confondues pour le compte du salarié, que dans la limite des 3 plafonds définis notamment aux articles L.3253-17, D.3253-2 et D.3253-5 du code du travail et dans la limite des textes légaux définissant l’étendue et la mise en ‘uvre de sa garantie (articles L.3253-8 à L.3253-13, L.3253-15 et L.3253-19 à 24 du code du travail),

– Dire que, par application des dispositions de l’article L.622-28 du code de commerce, le cours des intérêts a été interrompu à la date de l’ouverture de la procédure collective.

Le mandataire liquidateur n’a pas constitué avocat.

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour le détail de leur argumentation.

EXPOSE DES MOTIFS :

1/ Sur les demandes au titre de l’exécution du contrat de travail :

1-1/ Sur les heures supplémentaires :

Aux termes de l’article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.

Selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

L’employeur étant seul en charge du contrôle du temps de travail du salarié, il ne saurait être reproché au salarié de n’avoir formé aucune réclamation au cours de l’exécution du contrat de travail ni de ne pas s’être pré-constitué une preuve de son temps de travail.

M. [F] fait valoir qu’il travaillait habituellement 54 heures par semaine déduction faite de l’heure du déjeuner ce qui représente un salaire mensuel de 8 550,73 euros ; que son salaire réel étant de 5 565,51 euros, il est habile à solliciter la somme de 2 985,22 euros par mois à compter de mai 2016 soit un total de 98 512,26 euros auquel s’ajoutent les congés payés.

À l’appui de sa demande, il verse aux débats :

– des copies d’agenda de janvier 2015 à août 2018,

– certains bulletins de paie qui font apparaître que lui était payées 54,67 heures supplémentaires dont 34,67 majorées de 25% et le solde majorées de 50% jusqu’en août 2015 puis, 17,33 heures supplémentaires majorées de 25%,

– plusieurs attestations d’anciens collègues de travail.

Le CGEA soutient que ces éléments ne sont pas suffisamment précis pour lui permettre d’y répondre.

Il affirme ainsi que les heures mentionnées sur les agendas ne correspondent pas nécessairement aux heures de travail du salarié puisque ce dernier bénéficiait d’une grande autonomie qui lui permettait de s’absenter plusieurs heures pour ses besoins personnels, qu’il ne produit aucun décompte précis des heures supplémentaires qu’il prétend avoir effectuées, procédant à un calcul forfaitaire, qu’il ne déduit pas ses temps de vacances, que les attestations versées aux débats ne permettent pas d’éclairer la juridiction sur la réalité des horaires revendiqués, que le salarié ne justifie d’aucune réclamation pendant la durée du contrat, que le taux horaire à retenir est de 20,08 euros et non pas de 32,11 euros comme soutenu par M. [F] et que le salaire mensuel reconstitué pour une durée de travail de 54 heures par semaine s’élèverait au maximum à 5 347,20 euros.

A la lecture des copies d’agenda, qui sont en réalité les plannings des différents salariés, il apparaît que M. [F] travaillait régulièrement selon une amplitude horaire le conduisant à effectuer bien plus que les 39 heures par semaine prévues au contrat de travail, ses horaires habituels étant 9h/19h ou 10h/20, à raison, souvent, de 6 jours par semaine, soit 54 heures par semaine, pause méridienne d’une heure déduite.

Les attestations de Mmes [R] et [E], non utilement critiquées par le CGEA, confirment cette charge de travail et l’exécution d’heures supplémentaires dans des proportions importantes.

Ces éléments sont donc suffisamment précis pour permettre à l’employeur d’y répondre en y apportant les siens.

Le CGEA conteste l’accomplissement de ces heures mais ne produit pas les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par M. [F].

Néanmoins c’est à juste titre qu’il relève que doivent être déduit les temps de repos et de vacances qui figurent sur les agendas et que le taux horaire n’est pas de 32,11 euros mais de 20,08 euros comme mentionné sur les bulletins de paie.

Par ailleurs le salaire de base de M. [F] était de 3 480,88 euros par mois incluant le paiement de 17,33 heures majorées de 25%.

Il convient en conséquence, au vu du décompte produit, auquel il ne peut être fait droit intégralement, dans la mesure où il procède d’une extrapolation théorique et arithmétique sur une période de 33 mois, et après imputation des temps de repos et de vacances que le salarié a pris au cours de ces années, d’allouer à M. [F], une somme de 55 983,60 euros à titre de rappel de salaires outre 5 598,36 euros au titre des congés payés y afférents.

1-2/ Sur la demande au titre du repos compensateur :

M. [F] soutient qu’il accomplissait 673 heures supplémentaires au-delà du contingent de 220 heures et sollicite à titre principal le versement d’une indemnité, calculées sur trois années, égale à 64 830,09 euros, subsidiairement à 32 415 04 euros.

Le CGEA répond que la société comptant moins de 11 salariés, il n’y a pas lieu d’appliquer les règles du repos compensateur obligatoire.

Aux termes de l’article L.3121-30 du code du travail, des heures supplémentaires peuvent être accomplies dans la limite d’un contingent annuel défini par une convention ou un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche. Les heures prises en compte pour le calcul du contingent annuel d’heures supplémentaires sont celles accomplies au delà de la durée légale. A défaut d’accord, ce contingent est fixé à 220 heures.

En application de l’article 18-IV de la loi du 20 août 2008, toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent annuel ouvre droit au salarié à une contrepartie obligatoire en repos qui s’ajoute à la rémunération des heures au taux majoré ou au repos compensateur de remplacement. Elle est de 50% pour les entreprises de 20 salariés au plus comme c’était le cas de la société Stellios.

En application de l’article D. 3121-14 du code du travail, le salarié dont le contrat de travail prend fin avant qu’il ait pu bénéficier de la contrepartie obligatoire en repos à laquelle il a droit ou avant qu’il ait acquis des droits suffisants pour pouvoir prendre ce repos reçoit une indemnité en espèces dont le montant correspond à ses droits acquis.

Au regard du nombre d’heures accomplies au-delà du contingent de 220 heures, du taux horaire et de l’effectif de l’entreprise, la somme due est de 19 392,15 euros outre 1 939,21 euros au titre des congés payés qui seront fixées au passif de la société, par infirmation du jugement.

1-3/ Sur la demande au titre du travail dissimulé :

Le salarié soutient que l’employeur a réglé sous forme de primes et selon son bon vouloir les heures supplémentaires afin de contourner la législation sur le temps de travail et que le volume des heures non déclarées et les pratiques utilisées rendent nécessairement son comportement volontaire.

La société réplique que M. [F] n’a jamais formulé de réclamation au cours de l’exécution du contrat de travail et que l’élément intentionnel de l’infraction n’est pas démontré.

L’article L. 8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé défini par l’article L. 8221-3 du même code relatif à la dissimulation d’activité ou exercé dans les conditions de l’article L. 8221-5 du même code relatif à la dissimulation d’emploi salarié.

Aux termes de l’article L .8223-1 du code du travail, le salarié auquel l’employeur a recours dans les conditions de l’article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L. 8221-5 relatifs au travail dissimulé a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Toutefois, la dissimulation d’emploi salarié prévue par ces textes n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a agi de manière intentionnelle.

Le caractère intentionnel ne peut se déduire de la seule absence de mention d’heures supplémentaires sur les bulletins de paie.

En l’espèce, l’ampleur des heures supplémentaires ne figurant pas sur les bulletins de paie dont l’employeur avait nécessairement connaissance puisqu’elles résultaient des plannings qu’il élaborait et tenaient aux heures d’ouverture du commerce, manifeste l’existence d’un système organisé visant à dissimuler l’activité réelle de M. [F].

La demande de ce dernier est donc fondée en son principe. Le jugement sera infirmé en ce qu’il a rejeté cette demande.

Après réintégration des heures supplémentaires, le salaire de référence s’établit à 5 347,20 euros par mois outre 522,13 de prime d’ancienneté, soit un total de 5 869,33 euros. Il sera donc fixé de ce chef au passif de la société la somme de 35 215,98 euros.

2/ Sur les demandes au titre de la rupture du contrat de travail :

2-1/ Sur le bien fondé de la demande :

M. [F], au soutien de sa demande de résiliation du contrat de travail invoque les griefs suivants : l’obligation faite par le gérant de la société, M. [N], de rester à sa disposition personnelle à n’importe quel moment de la journée, le traitant comme un homme à tout faire ce qui a atteint sa dignité, diminution de son salaire, application d’un mauvais coefficient, dissimulation d’heures supplémentaires et non-reconnaissance de son statut de responsable de magasin.

L’Unédic réplique que l’authenticité des SMS produits par le salarié n’est pas justifiée et que, de manière générale, le salarié ne rapporte pas la preuve de ses allégations.

La voie de la résiliation judiciaire n’est ouverte qu’au salarié ; elle produit, lorsqu’elle est accueillie, tous les effets attachés à un licenciement prononcé sans cause réelle et sérieuse.

Lorsque les manquements de l’employeur à ses obligations légales, conventionnelles ou contractuelles sont établis et d’une gravité suffisante et s’ils ont été de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail, la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail doit être accueillie, avec effet à la date de la décision la prononçant, lorsqu’à cette date le contrat de travail est toujours en cours ou à la date du licenciement si celui-ci est intervenu postérieurement à la saisine du conseil de prud’hommes.

Lorsqu’un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, et qu’il est licencié ultérieurement, le juge doit d’abord rechercher si la demande de résiliation judiciaire était justifiée.

En l’espèce, ainsi qu’il a été dit, le non-paiement des heures supplémentaires dans des proportions importantes est établi. Ce manquement grave justifie à lui seul la résiliation du contrat de travail.

Il s’y ajoute que les échanges de SMS, dont l’authenticité n’est pas utilement contestée par l’Unédic, montrent que le salarié se voyait confier des responsabilités importantes excédant celles d’un simple vendeur qui est pourtant la mention figurant sur ses bulletins de paie.

Ces mêmes échanges font apparaître que M. [N] utilisait souvent les services de M. [F] ou l’interpellait pour des motifs privés, y compris à certaines reprises sur un ton familier voire insultant.

La demande de résiliation du contrat de travail aux torts de l’employeur est dès lors fondée contrairement à ce qu’a jugé le conseil de prud’hommes et prend effet au 22 février 2019, date du licenciement.

2-2/ Sur les conséquences de la résiliation judiciaire du contrat de travail :

Produisant tous les effets d’un licenciement prononcé sans cause réelle et sérieuse, la résiliation judiciaire ouvre doit pour le salarié aux indemnités de rupture (indemnité compensatrice de préavis, indemnité de licenciement, indemnité compensatrice de congés payés) ainsi qu’à des dommages et intérêts appréciés sur le fondement de l’article L.1235-3 du code du travail.

2-2-1/ Sur le préavis :

L’indemnité compensatrice de préavis correspond aux salaires brut et avantages, y compris l’indemnité de congés payés, qu’aurait perçus le salarié s’il avait travaillé pendant cette période. Elle comprend tous les éléments constituant le salaire ou s’ajoutant à celui-ci.

Le salaire de référence, qui doit inclure le montant des heures supplémentaires qui auraient dû être payées, est de 5 869,33 euros de sorte que la somme due à ce titre est de 11 738,66 euros plus 1173,86 euros au titre des congés payés y afférents.

2-2-2/ Sur l’indemnité de licenciement :

Le droit à l’indemnité de licenciement naît à la date de notification du licenciement, sous réserve que le salarié justifie à cette date, de la condition d’ancienneté requise. Le calcul de l’indemnité s’effectue, lui, sur la totalité de l’ancienneté, soit jusqu’à la fin du contrat de travail, période de préavis incluse, y compris préavis dispensé.

Aux termes de l’article R.1234-2 du code du travail, l’indemnité de licenciement ne peut être inférieure à un quart de mois de salaire par année d’ancienneté pour les années jusqu’à dix ans et un tiers de mois de salaire par année d’ancienneté pour les années à partir de dix ans.

La règle est la même par application de l’article 25 b) de la convention collective.

L’ancienneté du salarié fait débat, ce dernier la faisant remonter au 16 novembre 1998 pour tenir compte d’une période d’apprentissage tandis que l’Unédic retient la date du contrat de travail qui est le 16 novembre 2000 à défaut de production du contrat d’apprentissage.

M. [F] verse aux débats des bulletins de paie en qualité d’apprenti de la société Stellios à compter du 1er décembre 1998, il convient donc de retenir une ancienneté du 1er décembre 1998 au 22 avril 2019, préavis inclus, soit 20,4 années.

L’indemnité de licenciement due à M. [F] est donc de 35 215,98 euros.

2-2-3/ Sur la demande de dommages-intérêts :

L’entreprise occupant habituellement moins de onze salariés, M. [F] peut prétendre à une indemnisation de l’absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement sur le fondement de l’article L.1235-3 du code du travail, dans sa version issue de l’ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017, d’un montant maximum de 15,5 mois de salaire.

Le salarié justifie qu’il a été indemnisé par Pôle emploi du 8 mars 2019 au 28 février 2021.

Compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. [F] et de ses capacités à retrouver un emploi, la cour fixe à 70 000 euros les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

3/ Sur les demandes accessoires :

L’issue du procès conduit à infirmer le jugement sur les dépens et les frais de procédure.

Me [V] ès-qualités, qui perd le procès, est tenu aux dépens et sera condamné à payer à M. [F] la somme indiquée au dispositif sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Il y a lieu de rappeler que la garantie de l’AGS ne s’applique pas à la condamnation prononcée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et qu’elle n’est due, toutes créances avancées confondues pour le compte du salarié, que dans la limite des 3 plafonds définis notamment aux articles L.3253-17, D.3253-2 et D.3253-5 du code du travail et dans la limite des textes légaux définissant l’étendue et la mise en ‘uvre de sa garantie (articles L.3253-8 à L.3253-13, L.3253-15 et L.3253-19 à 24 du code du travail).

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

infirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour sauf en ce qu’il a donné acte à l’Unédic délégation AGS CGEA d'[Localité 5] de son intervention,

statuant à nouveau et y ajoutant,

prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail au 22 février 2019,

fixe les créances de M. [W] [F] au passif de la liquidation judiciaire de la société Stellios aux sommes suivantes :

– rappel de salaire au titre des heures supplémentaires : 55 983,60 euros à titre de rappel de salaires outre 5 598,36 euros au titre des congés payés y afférents,

– contrepartie obligatoire en repos : 19 392,15 euros outre 1 939,21 euros au titre des congés payés y afférents,

– indemnité pour travail dissimulé : 35 215,98 euros,

– indemnité compensatrice de préavis : 11 738,66 euros plus 1173,86 euros au titre des congés payés y afférents,

– indemnité de licenciement : 35 215,98 euros,

– dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 70 000 euros,

dit que la garantie de l’AGS est due, toutes créances avancées confondues pour le compte du salarié dans la limite des 3 plafonds définis notamment aux articles L.3253-17, D.3253-2 et D.3253-5 du code du travail et dans la limite des textes légaux définissant l’étendue et la mise en ‘uvre de sa garantie,

condamne Me [V] ès-qualités à payer à M. [F] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

le condamne aux dépens de première instance et d’appel.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.

 


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