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C O U R D ‘ A P P E L D ‘ O R L É A N S
CHAMBRE SOCIALE – A –
Section 1
PRUD’HOMMES
Exp +GROSSES le 25 AVRIL 2023 à
la SCP LAVISSE BOUAMRIRENE GAFTONIUC
la SELARL JURIS VIEUX PORT
FCG
ARRÊT du : 25 AVRIL 2023
MINUTE N° : – 23
N° RG 21/01236 – N° Portalis DBVN-V-B7F-GLH3
DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE D’ORLEANS en date du 25 Mars 2021 – Section : ACTIVITÉS DIVERSES
APPELANTE :
Madame [B] [Z] [T]
née le 12 Février 1988 à [Localité 3]
[Adresse 4]
[Localité 2]
représentée par Me Pascal LAVISSE de la SCP LAVISSE BOUAMRIRENE GAFTONIUC, avocat au barreau d’ORLEANS
ET
INTIMÉE :
S.A.S. PROMAN 066 prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social
[Adresse 6]
[Localité 1]
représentée par Me Christine ANDREANI de la SELARL JURIS VIEUX PORT, avocat au barreau de MARSEILLE
Ordonnance de clôture : 11 janvier 2023
Audience publique du 02 Février 2023 tenue par M. Alexandre DAVID, Président de chambre, et par Madame Florence CHOUVIN-GALLIARD, conseiller, ce, en l’absence d’opposition des parties, assistés lors des débats de Mme Karine DUPONT, Greffier.
Après délibéré au cours duquel M. Alexandre DAVID, Président de chambre et Madame Florence CHOUVIN-GALLIARD, conseiller, ont rendu compte des débats à la Cour composée de :
Monsieur Alexandre DAVID, président de chambre, président de la collégialité
Madame Laurence DUVALLET, présidente de chambre
Madame Florence CHOUVIN-GALLIARD, conseiller
Puis le 25 Avril 2023, Monsieur Alexandre DAVID, président de Chambre, assisté de Mme Karine DUPONT, Greffier a rendu l’arrêt par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
FAITS ET PROCÉDURE
Mme [B] [Z] [T] a été engagée à compter du 30 janvier 2017 par la S.A.S. Proman 066 en qualité d’attachée commerciale, statut employée, niveau D, moyennant une rémunération mensuelle brute de 1700 € sur 12 mois, outre une rémunération variable suivant le résultat net du compte exploitation de l’agence.
La relation de travail était régie par l’accord national du 23 janvier 1986 relatif aux salariés permanents des entreprises de travail temporaire.
Le 14 septembre 2018, Mme [B] [Z] [T] a accepté, par courriel, la proposition de la société d’occuper le poste d’assistante d’agence et de restituer le véhicule de la société sans modification du montant de son salaire et de ses primes.
Du 1er octobre 2018 au 11 janvier 2019, Mme [B] [Z] [T] a été en arrêt pour maladie non professionnelle.
Le 14 janvier 2019, Mme [Z] [T] a refusé de signer l’avenant modifiant ses fonctions en raison de l’absence de maintien du salaire et des primes.
Le 31 janvier 2019, Mme [Z] [T] a signé l’avenant qui tenait compte de ses demandes. Cet avenant a pris effet le 1er février 2019.
Le 16 avril 2019, Mme [Z] [T] a été victime d’un accident du travail. Elle n’a pas été en arrêt de travail suite à cet accident.
Le 9 mai 2019, Mme [Z] [T] a démissionné.
Le 10 mai 2019, la société a convoqué Mme [Z] [T] à un entretien préalable à un éventuel licenciement et lui a notifié sa mise à pied à titre conservatoire.
Le 14 mai 2019, Mme [Z] [T] a contesté les griefs qui lui étaient reprochés, a précisé que sa démission avait été forcée et a pris acte de la rupture de son contrat de travail.
Par requête du 7 juin 2019, Mme [B] [Z] a saisi le conseil de prud’hommes d’Orléans aux fins d’obtenir :
– avant dire droit les pointages (s’il en existe) et les modes de contrôle par le siège des heures de présence et de travail de la salariée imposés par la directrice locale ;
– la requalification de sa démission en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– la requalification de son licenciement pour faute grave en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou nul en raison d’un harcèlement moral ;
– le paiement de diverses sommes en conséquence.
Par jugement du 25 mars 2021, auquel il est renvoyé pour un plus ample exposé du litige, le conseil de prud’hommes d’Orléans a :
Dit que la rupture du contrat de travail de Mme [B] [Z] [T] s’analysait en une démission.
Dit que la moyenne des salaires des 3 derniers mois était de 1700 €.
Condamné la SARL Proman à payer à Mme [B] [Z] [T] :
– 2710, 65 € (deux mille sept cent dix euros soixante cinq centimes) au titre du paiement des heures supplémentaires,
– 271,06 € (deux cent soixante et onze euros six centimes) au titre des congés payés y afférents,
– 2000 € (deux mille euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Ordonné à la SARL Proman de produire et remettre à Mme [B] [Z] [T] un bulletin de salaire conforme au jugement, ainsi qu’un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi rectifiés conformes au jugement, sous astreinte de 30 € (trente euros) par jour pour l’ensemble des documents, dans la limite de 3000 € à compter du 30ème jour suivant la notification du jugement, le conseil s’en réservant la liquidation.
Débouté Mme [B] [Z] [T] de toutes ses autres demandes.
Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire hors celle due de droit.
Débouté la SARL Proman de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Condamné la SARL Proman aux entiers dépens.
Le 19 avril 2021, Mme [B] [Z] a relevé appel de cette décision.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Vu les dernières conclusions remises au greffe le 11 janvier 2022 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du Code de procédure civile et aux termes desquelles Mme [B] [Z] [T] demande à la cour de :
Déclarer Mme [B] [Z] recevable et bien fondée en son appel,
Déclarer Mme [B] [Z] recevable et bien fondée en toutes ses demandes, fins et conclusions,
Infirmer le jugement prononcé par le conseil de prud’hommes d’Orléans en date du 25 mars 2021, en ce qu’il a :
– dit que la rupture du contrat de travail de Mme [B] [Z] [T] s’analyse en une démission,
– dit que la moyenne des salaires des 3 derniers mois est de 1700 €,
– limité à 3000 € à compter du 30 ème jour suivant la notification du jugement, l’astreinte assortissant l’obligation pour la société Proman de produire et remettre à Mme [B] [Z] [T] un bulletin de salaire conforme au jugement, ainsi qu’un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi rectifiés conformes au jugement,
– débouté Mme [B] [Z] [T] de toutes ses autres demandes, à savoir :
sa demande avant dire droit de communication sous astreinte de 175 euros par jours des pointages et les modes de contrôle par le siège des heures de présence et de travail de la salariée imposées par la directrice locale [G],
ses demandes relatives aux manquements de l’employeur concernant le travail dissimulé, la rétrogradation vexatoire, la mise en danger de sa sécurité au titre de l’accident du travail, les agissements de harcèlement moral de Mme [G], la notification d’une mise à pied conservatoire fautive et vexatoire et le caractère infondé de la procédure disciplinaire initiée le 10.05.2019, avec toutes conséquences indemnitaires,
ses demandes relatives à la rupture du contrat de travail, laquelle doit s’analyser en une prise d’acte aux torts de l’employeur et produire en conséquence les effets d’un licenciement nul ou à tout le moins sans cause réelle et sérieuse, avec toutes conséquences indemnitaires,
Puis, statuant à nouveau,
Avant dire droit
Condamner la société Proman, sous astreinte de 175 euros par jour, à justifier et, s’il en existe, à fournir les pointages et les modes de contrôle par le siège des heures de présence et de travail de la salariée imposées par la directrice locale [G],
Au fond
Juger que la moyenne du salaire était de 1900 euros bruts mensuels,
En conséquence :
1. Sur l’exécution du contrat de travail
Déclarer que la société Proman a commis de nombreux manquements à ses obligations légales et contractuelles envers Mme [B] [Z],
Condamner en conséquence la société PROMAN à payer à Mme [B] [Z] les sommes suivantes :
– 11 400 euros nets au titre de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
– 3000 euros nets au titre des dommages intérêts pour rétrogradation vexatoire,
– 7500 euros nets au titre des dommages intérêts pour mise en danger de la sécurité de la salariée au titre de l’accident du travail intervenu en un temps où une tâche anormale de débouchage des toilettes lui a été imposée à titre vexatoire et où elle a été laissée seule à l’agence,
– 5000 euros nets au titre des dommages intérêts à raison du préjudice subi du fait des agissements de Mme [G] dont actes de harcèlement,
2. Sur la mise à pied et la sanction post prise d’acte
Déclarer la notification d’une mise à pied conservatoire en date du 10 mai 2019 fautive et vexatoire,
Déclarer infondée la sanction éventuellement notifiée dans le cadre de la procédure disciplinaire initiée le 10.05.2019,
Condamner en conséquence la société Proman à payer à Mme [Z] la somme de 5000 euros nets à titre de dommages intérêts pour attitude gravement vexatoire,
3. Sur la rupture du contrat de travail
Déclarer que la démission vaut prise d’acte de la rupture aux torts exclusifs de l’employeur,
Déclarer que la rupture du contrat de travail de Mme [B] [Z] doit s’analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Condamner en conséquence la société Proman a payer à Mme [B] [Z] les sommes suivantes :
– 3 800 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,
– 380 euros bruts au titre des congés payés afférents,
– 1108,33 euros nets au titre de l’indemnité de licenciement,
– 11 400 euros nets au titre de l’indemnité pour licenciement nul et, à tout le
moins, sans cause réelle et sérieuse,
4. De façon générale
Ordonner que l’ensemble des sommes allouées produiront intérêts au taux légal,
Ordonner à la société Proman de remettre à Mme [B] [Z] des documents de rupture conformes à la décision à intervenir, ce sous astreinte de 70 euros par jour de retard passé un délai de 15 jours suivant la notification de la décision à intervenir,
Condamner la société Proman à verser à Mme [B] [Z] la somme de 4500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d’appel en sus de ceux de première instance qui seront confirmés,
Condamner la société Proman aux entiers dépens,
Débouter la société Proman de toutes demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires,
Vu les dernières conclusions remises au greffe le 12 octobre 2021 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du Code de procédure civile et aux termes desquelles la S.A.S. Proman 066 demande à la cour de :
Confirmer le jugement du conseil de prud’hommes d’Orléans en date du 25 mars 2021 en ce qu’il a dit que la rupture du contrat de travail de Mme [Z] devait s’analyser en une démission ;
D’infirmer le jugement du conseil de prud’hommes d’Orléans en ce qu’il a condamné la Société Proman à payer à Mme [Z] la somme de 2710,65 euros au titre des heures supplémentaires, outre la somme de 270,06 euros au titre des congés payés afférents,
En conséquence,
Constater que les griefs invoqués par Mme [Z] au soutien de sa prise d’acte sont injustifiés ;
Constater que la prise d’acte de Mme [Z] s’analyse en une démission ;
Et la débouter de l’ensemble de ses demandes relatives à la requalification de la rupture,
Statuant à nouveau,
Débouter Mme [Z] de sa demande au titre d’un rappel d’heures supplémentaires,
En tout état de cause,
Débouter Mme [Z] de l’ensemble de ses demandes ;
Condamner Mme [Z] à la somme de 1500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 11 janvier 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande de requalification de la démission en prise d’acte de la rupture du contrat de travail
Lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l’annulation de la démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur, le juge doit, s’il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu’à la date à laquelle elle a été donnée celle-ci était équivoque, l’analyser en une prise d’acte de la rupture qui produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou dans le cas contraire, d’une démission (Soc. 19 décembre 2007, pourvoi n° 06-42.550, Bull. 2007, V, n° 218).
Il appartient au salarié d’établir les faits qu’il allègue à l’encontre de l’employeur.
En l’espèce, Mme [B] [Z] [T] a remis en main propre à sa responsable d’agence la lettre suivante le 9 mai 2019 :
« Madame,
Par cette lettre, je vous informe de ma décision de quitter le poste d’assistante d’agence que j’occupe depuis le 30 janvier 2017 dans votre entreprise. Avec votre accord, je quitterai mon poste à la fin de mes congés (congés du 13 mai 2019 au 7 juin 2019). Mon contrat prendra donc fin le 7 juin au soir.
À cette date, je vous demanderai de bien vouloir me remettre mon solde de tout compte, un certificat de travail ainsi qu’une attestation Pôle emploi. Je vous prie d’agréer, Madame, mes respectueuses salutations. »
Le 14 mai 2019, Mme [B] [Z] [T] a adressé à la S.A.S. Proman 066 une lettre ayant pour objet : « Notification de démission forcée avant prise d’acte de rupture aux torts de l’employeur » et ainsi rédigée :
« Monsieur le président, je vis un calvaire absolu depuis quasiment le début de mon activité salariée à raison du comportement inadmissible de Mme [G]. J’en avais avisé une autre responsable d’agence j’ai été en retour menacé de sanction pour avoir osé parler par Mme [G]. Cela atteint désormais des points culminants. Pour me rabaisser votre directrice m’a envoyée le 16 avril comme une coursière acheter des produits pour déboucher les toilettes, ce que contrainte et forcée j’ai dû faire sauf comme d’habitude à être la cible de ses reproches constants. Lorsque j’ai versé les produits, ÉTANT LAISSÉE SEULE À L’AGENCE, cela a explosé. Les pompiers sont venus et j’ai été emmenée aux urgences ; par acquis de conscience pour préserver mon emploi j’ai refusé l’arrêt.
Je suis donc revenue, bien que brûlée par les produits chimiques, le lendemain ; là au lieu d’être pour le moins compatissant et responsable de ses errements, votre représentant une fois de plus m’a malmenée.
UNE FAUTE INEXCUSABLE A ÉTÉ COMMISE AU PLAN ACCIDENT DU TRAVAIL OUTRE QUE ME LAISSER SEULE EN AGENCE POUR DÉBOUCHER LES TOILETTES NE ME SEMBLE GUÈRE CONFORME AUX TEXTES LÉGAUX.
La semaine d’après il m’a été notifié que vu, que je n’étais pas bien, étant sous crème brûlée comme si j’étais en constance sous lampe solaire, j’avais « perdu du temps sur mon planning » et que je sois en arrêt ou en congés, il fallait ne pas oublier les priorités, en conséquence de quoi il m’a été notifié que je n’aurais pas droit aux congés déposés de longue date pour aller au mariage de mon frère à [Localité 3]. J’ai répondu que cela était inenvisageable et vexatoire. J’ai été convoquée de façon informelle devant mes n plus 1 et 2. Mme [G] a indiqué qu’elle ne « voulait plus de moi ». Mon n plus 2 était plus modéré. De retour de mes congés les actes ont suivi les menaces et j’ai été assaillie de mails agressifs et à bout de nerfs n’en pouvant plus j’ai présenté ma démission contrainte et forcée ne sachant plus quoi faire pour préserver ma santé. Du fait du mode de traitement de mon contrat de travail je suis sous anxiolytiques et somnifères ce qui ne m’était jamais arrivée chez un autre employeur le précédent ayant tout fait pour que je reste et ne vienne pas chez vous.
JE VOUS NOTIFIE QUE MA DÉMISSION A ÉTÉ FAITE DANS CES CIRCONSTANCES ET QU’ELLE EST MOTIVÉE PAR LE COMPORTEMENT DE VOTRE REPRÉSENTANTE À MON ÉGARD ET VAUT RUPTURE AUX TORTS DE L’EMPLOYEUR. JE VOUS NOTIFIE QUE JE VOUS IMPUTE LA RESPONSABILITÉ DE CETTE SITUATION JURIDIQUE ET DE FAITS.
Désormais ALORS QUE VOUS SAVEZ TRÈS BIEN CE QUI SE PASSE À MEUNG EN VOTRE AGENCE, pour mieux me détruire vous me notifiez une future mesure disciplinaire et me mettez en mise à pied conservatoire.
Je vous indique que ma santé ne me permet pas de venir à nouveau me faire agresser et malmener le 21 mai en vos locaux.
Je vous rappelle les multiples heures supplémentaires impayées et le travail que je faisais au su et au vu de votre directrice locale à mon domicile et sur mon propre ordinateur pour ne pas me faire agresser le lendemain car il m’aurait été dit que je n’avais pas fini la veille ! ».
La lettre de démission du 9 mai 2019 reproche à l’employeur des heures supplémentaires non payées, la survenance d’un accident du travail lors du débouchage des toilettes le 16 avril 2019 et une pression de la supérieure hiérarchique de la salariée sur la validation de jours de congés. Dans ces conditions, la démission est équivoque et s’analyse comme une prise d’acte de la rupture (Soc., 9 mai 2007, pourvoi n° 05-41.324 et n° 05-41.325, Bull. 2007, V, n° 70).
Il convient d’examiner si les faits invoqués par la salariée justifiaient ou non la prise d’acte.
A l’appui de la prise d’acte, Mme [B] [Z] [T] invoque les manquements suivants :
– une absence de fourniture ou fourniture tardive d’un véhicule en sa qualité d’attachée commerciale ;
– une rétrogradation au poste d’assistante d’agence ;
– un non-paiement des heures supplémentaires et congés payés afférents ;
– l’infraction de travail dissimulé ;
– un accident du travail du 16 avril 2019 non suivi d’un arrêt de travail en raison de la charge de travail imposée et des reproches risquant d’être faits ;
– une demande de terminer certains dossiers sous peine de non validation de sa demande de congés pour se rendre au mariage de son frère en [Localité 3] ;
– un courrier du 10 mai 2019 valant « convocation à entretien préalable en vue d’une éventuelle mise à pied disciplinaire » et la mettant à pied ;
– le comportement de sa supérieure hiérarchique, directrice d’agence, constitutif de harcèlement moral.
Il y a lieu d’examiner successivement les manquements reprochés.
Sur l’absence de fourniture ou fourniture tardive d’un véhicule en sa qualité d’attaché commercial
Mme [B] [Z] [T] se plaint de ce que, recrutée en qualité d’attachée commerciale, elle ne s’est pas vu attribuer de véhicule contrairement à ses collègues, devant se déplacer avec sa propre voiture avec un remboursement aléatoire et non conventionnel des frais qu’elle exposait pour les besoins de son activité professionnelle.
Le contrat de travail prévoit que la salariée bénéficiera d’un remboursement de ses frais professionnels au réel sur présentation de justificatifs. Il est prévu qu’elle peut utiliser son véhicule personnel ou que la société peut mettre à sa disposition un véhicule pour une utilisation exclusivement professionnelle.
Mme [B] [Z] [T] reconnaît que plusieurs mois après son embauche elle a bénéficié d’un véhicule de société. Elle ne justifie pas que l’ensemble des attachés commerciaux bénéficiait d’une voiture dès leur embauche. Elle ne formule aucune demande de remboursement de frais professionnels qui seraient demeurés impayés.
Le grief de la fourniture tardive d’un véhicule n’est pas fondé.
Sur la rétrogradation au poste d’assistante d’agence
Mme [B] [Z] [T] a signé le 31 janvier 2019 l’avenant à son contrat de travail aux termes duquel elle occuperait à l’avenir le poste d’assistante d’agence sans modification ni de son salaire ni de son niveau. Il était bien précisé en son article 1 que : « ce changement de poste n’est en aucun cas assimilable à une sanction disciplinaire, et est effectué d’un commun accord ».
Ce changement de poste ayant été fait d’un commun accord et ayant été précisé qu’il ne s’agissait pas d’une sanction, aucun grief ne peut être imputé à ce titre à l’employeur. La salariée sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour rétrogradation vexatoire.
Sur la demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires
Il résulte des dispositions de l’article L. 3171-4 du code du travail qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant (Soc., 18 mars 2020, pourvoi n° 18-10.919, FP, P + B + R + I et Soc., 27 janvier 2021, pourvoi n°17-31.046, P+R+I).
La S.A.S. Proman 066 demande à la cour d’infirmer le jugement du conseil de prud’hommes en ce qu’il l’a condamnée à payer à Mme [B] [Z] [T] la somme de 2710,65 € au titre des heures supplémentaires outre la somme de 270,06 € au titre des congés payés afférents.
Mme [B] [Z] [T] réplique que l’employeur n’a sciemment pas mis en place un système de pointeuse ou un système contradictoire d’enregistrement du temps de travail pour pouvoir lui imposer, sans contrôle, de multiples heures impayées.
La salariée produit :
– en pièce 44, le récapitulatif détaillé des heures supplémentaires, jour après jour, qu’elle prétend avoir effectuées du 6 avril 2017 au 16 avril 2019 ;
– en pièces 22 et 23, les attestations de Mme [K], assistante administrative, et de M. [A], échafaudeur, intérimaires, relatant avoir reçu des appels téléphoniques professionnels de Mme [Z] alors qu’elle était à l’agence « avant 8 heures le matin et après 19 heures le soir » ;
– en pièce 17, l’attestation de Mme [C] qui bien qu’ayant quitté l’agence en avril 2018 affirme que Mme [Z] effectuait des heures supplémentaires ni payées ni récupérées ;
– en pièce 14, un courriel de Mme [Z] du 24 avril 2019 dans lequel elle indique à sa supérieure qu’elle viendrait tôt le lendemain matin afin d’essayer d’avancer au maximum ;
– en pièces 18, 19, 20, 21, 24 et 25, des attestations de sa famille ou amis, selon lesquelles sa charge de travail lui imposait de partir tôt le matin et de rentrer tard le soir ;
– en pièces 41 et 43, des courriels professionnels émis par la salariée à 19h55, 18h51, 19h11, 6h46 ;
– en pièces 12, 13, 14 et 15, un échange de courriels avec sa supérieure hiérarchique exigeant que les dossiers soient bouclés sous peine de non validation de jours de congés prévus oralement pour se rendre au mariage de son frère.
Mme [B] [Z] [T] souligne également que Mme [L] (pièce adverse 8) atteste de l’existence de débordements d’horaires par Mme [Z] car celle-ci était reconnaissante à sa supérieure de l’autoriser à partir « plus tôt que 12 heures » pour ses rendez-vous médicaux chez le kinésithérapeute.
Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l’employeur d’y répondre en produisant ses propres éléments.
La S.A.S. Proman 066 réplique que les attestations produites ne sont pas sérieuses, que la salariée disposait d’une grande autonomie pour organiser ses rendez-vous et gérer son travail, qu’elle partait avant midi pour se rendre à des séances de kinésithérapie sans rattraper ses heures et qu’elle ne s’est jamais plainte avant la saisine du conseil de prud’hommes de ne pas avoir été payée ou de ne pas avoir récupéré des heures supplémentaires qui auraient été effectuées.
Le fait que la salariée ne se soit jamais plainte pendant le cours de la relation de travail d’effectuer des heures supplémentaires n’ayant pas donné lieu à rémunération n’est pas de nature à faire échec à sa demande.
L’employeur se borne à critiquer les pièces produites par la salariée. Il ne verse aux débats aucun élément objectif permettant de déterminer les heures de travail effectivement accomplies par la salariée.
Il n’apparaît pas utile d’ordonner la communication sous astreinte des pointages et des modes de contrôle par le siège des heures de présence et de travail de la salariée, les pièces versées aux débats étant suffisantes pour permettre à la cour de se prononcer sur la demande qui lui est soumise.
Au vu des éléments produits par l’une et l’autre partie, il y a lieu de considérer que Mme [B] [Z] [T] a effectué des heures supplémentaires qui n’ont pas donné lieu à rémunération.
Dans ces conditions, il y a lieu, par voie de confirmation du jugement, de condamner la S.A.S. Proman 066 à payer à Mme [B] [Z] [T] la somme de 2710,65 € brut à titre de rappel d’heures supplémentaires, outre 271,06 € brut au titre des congés payés afférents.
Sur la demande d’indemnité pour travail dissimulé
L’article L.8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé défini par l’article L.8221-3 du même code relatif à la dissimulation d’activité ou exercé dans les conditions de l’article L.8221-5 du même code relatif à la dissimulation d’emploi salarié.
Toutefois, la dissimulation d’emploi salarié prévue par ces textes n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a agi de manière intentionnelle.
Le caractère intentionnel de la dissimulation d’emploi ne peut se déduire du seul accomplissement d’heures supplémentaires non rémunérées.
Certes, l’employeur n’a pas opéré de contrôle suffisant sur les heures de travail effectivement réalisées par la salariée. La seule attestation de Mme [L] selon laquelle l’employeur était reconnaissant « de nos débordements d’horaires » ne suffit pas à démontrer une institutionnalisation de l’existence d’heures supplémentaires non payées.
Il n’apparaît pas que l’employeur ait entendu sciemment se soustraire à ses obligations déclaratives ou se soit, en toute connaissance de cause, abstenu de rémunérer des heures de travail dont il savait qu’elles avaient été accomplies.
L’élément intentionnel du travail dissimulé n’est pas caractérisé.
Mme [B] [Z] [T] est déboutée de sa demande en paiement d’une indemnité pour travail dissimulé.
Sur l’accident du travail du 16 avril 2019 non suivi d’un arrêt de travail en raison de la charge de travail imposée et des reproches risquant d’être faits
Sur l’accident du travail
En versant des produits chimiques dans les toilettes de l’agence pour les déboucher, Mme [B] [Z] [T] a été victime d’un accident du travail reconnu comme tel par la Caisse primaire d’assurance-maladie. Il ressort de l’attestation des sapeurs-pompiers que le 16 avril 2019 à 19h04, ils sont intervenus pour brûlures graves par projection de produits chimiques et qu’ils ont transporté la salariée au centre hospitalier régional d'[Localité 5].
En application de l’article R. 4228-1 du code du travail, l’employeur est tenu de mettre à la disposition des salariés les moyens d’assurer leur propreté individuelle, notamment des cabinets d’aisance.
L’employeur a l’obligation d’assurer la propreté de ces lieux. L’article R. 4228-13 du code du travail dispose que l’employeur fait procéder au nettoyage et à la désinfection des cabinets d’aisance et des urinoirs au moins une fois par jour.
Il ressort de l’attestation de Mme [X], chargée de recrutement, versée aux débats par l’employeur, que le 16 avril 2019, date de l’intervention de Mme [Z], les toilettes étaient bouchées depuis trois jours environ. Il s’agit d’ores et déjà d’un manquement de l’employeur à ses obligations telles que définies par le code du travail.
Mme [X] relate que [U] – la directrice de l’agence – a conseillé de verser de la soude dans les toilettes et a indiqué qu’elle allait en chercher mais que Mme [Z] s’est proposée d’y aller à midi. Elle ajoute que jamais il n’a été demandé à Mme [Z] de faire de mélange ou de déboucher les toilettes. Elle conclut : « [B] a voulu encore une fois se montrer et a pris l’initiative d’elle-même de verser les produits dans les toilettes. Ce jour là, je lui ai proposé de le faire le midi et elle m’a répondu que non, elle le ferait le soir quand tout le monde serait parti pour que le produit agisse la nuit. De ce fait, personne ne lui a dit de rester toute seule pour le faire. Elle a, quelques jours après, donné sa démission. ».
Cette attestation est corrigée par le courriel de Mme [U] [G] du mercredi 17 avril 2019, qui écrit: « J’ai entendu ce que t’a dit [B]. Elle te disait que je lui ai dit d’aller acheter les produits. Rectification : je lui ai dit d’aller acheter de la soude mais jamais dit d’aller acheter de la soude et de l’acide et encore moins de les mélanger ! Que ce soit bien clair !».
Il ressort de ces pièces que la salariée, à la demande de son employeur, a acheté de la soude afin de déboucher les toilettes de l’agence bouchées depuis trois jours. Ce produit chimique étant dangereux et la salariée n’ayant aucune compétence particulière pour procéder à l’opération qu’elle a effectuée, l’employeur était à tout le moins tenu, s’il entendait laisser la salariée accomplir cette tâche ne relevant pas de ses attributions, de veiller à ce qu’elle soit exécutée sans danger pour l’intéressée.
Ce manquement, de nature à porter atteinte à la santé et à la sécurité de la salariée, est établi.
En revanche, il n’est établi ni que la directrice de l’agence ait demandé à la salariée d’acheter de l’acide ni qu’elle lui ait demandé de déboucher les toilettes avec un mélange de soude et d’acide. Mme [Z] s’étant proposée pour aller acheter de la soude et l’employeur ne lui ayant pas donné instruction de déboucher les toilettes, aucun ordre vexatoire ne sera retenu.
Mme [B] [Z] [T] sollicite le versement de la somme de 7500 € nets à titre de dommages-intérêts pour « mise en danger de sa sécurité au titre de l’accident du travail intervenu » (dispositif de ses conclusions, p. 44).
Aux termes de l’article L. 451-1 du code de la sécurité sociale, aucune action en réparation des accidents du travail et maladies professionnelles ne peut être exercée conformément au droit commun, par la victime ou ses ayants-droit, notamment s’agissant d’un accident découlant d’une faute inexcusable de l’employeur. Une telle action ne peut être portée que devant le tribunal des affaires de sécurité sociale et ne relève pas de la compétence du juge prud’homal.
Il en résulte que l’indemnisation des dommages résultant d’un accident du travail, qu’il soit ou non la conséquence d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, relève de la compétence exclusive du tribunal des affaires de sécurité sociale, la juridiction prud’homale étant en revanche seule compétente pour connaître de l’application des règles relatives à la rupture du contrat de travail et pour se prononcer en conséquence sur la demande de résiliation judiciaire de ce contrat formée par le salarié (Soc., 3 mai 2018, pourvoi n° 16-18.116, Bull. 2018, V, n° 71).
Au soutien de sa demande d’indemnité, Mme [B] [Z] [T] expose avoir été physiquement blessée et moralement choquée par l’accident intervenu (conclusions, p. 39).
Il en résulte qu’elle forme une demande d’indemnisation d’un dommage qui relève de la seule compétence de la juridiction de sécurité sociale dans le cadre de la législation sur les risques professionnels.
Il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté Mme [B] [Z] [T] de sa demande de dommages-intérêts.
Sur l’absence de prise de jours d’arrêt de travail consécutifs à l’accident du travail
Mme [B] [Z] [T] s’est vu prescrire un arrêt de travail du 16 avril 2019 au 19 avril 2019. Elle n’en a pas bénéficié. Elle soutient qu’elle ne voulait pas accentuer l’agacement de sa responsable hiérarchique.
Il n’est pas établi que la salariée ait transmis son arrêt travail à son employeur.
Le fait de n’avoir pas pris les jours d’arrêt de travail prescrit résulte d’un choix de la salariée dont il n’est pas établi qu’il ait été contraint par l’attitude de son employeur. A cet égard, durant son précédent arrêt de travail qui a duré 3 mois et demi d’octobre 2018 à mi janvier 2019, suite à une intervention sur une cheville, la salariée a reçu des courriels particulièrement chaleureux et compréhensifs de sa supérieure hiérarchique.
Sur la demande de terminer les tâches données sous peine d’un non-validation de sa demande de congés pour se rendre au mariage de son frère
Le mercredi 24 avril 2019 à 15h06, la directrice de l’agence a adressé un courriel à la salariée lui indiquant : « Je souhaite que les dossiers soient bouclés cette semaine, pas le choix. Dans le cas contraire, je serai dans l’impossibilité de te valider des jours de congé de la semaine prochaine. Surtout que je les ai validés sans que ça soit une demande réelle de ta part, puisque tu m’avais dit avoir dit non à ton père. J’ai voulu te faire plaisir mais cette fois-ci, cela ne peut pas être au détriment de l’agence. On fait le point ce soir ».
Ce courriel démontre qu’après avoir accordé au moins verbalement à la salariée des congés pour se rendre au mariage de son frère, sa supérieure hiérarchique a manifesté son intention de revenir sur sa décision en cas de non réalisation de l’ensemble des tâches confiées à l’intéressée.
Cet agissement, consistant à menacer de revenir sur des congés accordés, excède le cadre du pouvoir de direction reconnu à l’employeur et est constitutif d’une faute.
Sur le courrier du 10 mai 2019 valant convocation à entretien préalable en vue d’une éventuelle mise à pied disciplinaire et l’attitude vexatoire de l’employeur
Par courrier du 10 mai 2019, alors qu’elle avait reçu en main propre la lettre de démission de la salariée du 9 mai 2019, la S.A.S. Proman 066 a convoqué celle-ci à un entretien préalable et a prononcé une mise à pied conservatoire.
Le prononcé d’une mesure conservatoire est exclusif de toute sanction. Cette mesure s’inscrit dans le cadre de l’exercice du pouvoir de direction de l’employeur. Il ne résulte d’aucun élément du dossier que la S.A.S. Proman 066 aurait fait un usage abusif de ce droit, étant précisé que la salariée devait sortir des effectifs de la société le 7 juin 2019 après avoir été en congés payés du 13 mai au 7 juin.
En tout état de cause, la salariée ne justifie d’aucun préjudice, étant relevé que cette décision de l’employeur est postérieure à la prise d’acte.
Mme [B] [Z] [T] se plaint également des allégations de l’employeur faisant valoir que les attestations produites seraient de pure complaisance. Il n’est démontré aucun abus de l’employeur dans l’exercice de son droit à la preuve, les attestations versées par la société ne contenant aucun terme excessif.
Mme [B] [Z] [T] est en conséquence déboutée de sa demande de dommages-intérêts à ce titre.
Sur le harcèlement moral
Aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
L’article L. 1152-3 du code du travail prévoit que toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L.1152-1 et L.1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul.
En application de l’article L. 1154-1 du même code, lorsque le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement moral, il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.
Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer ou laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L. 1152-1 du code du travail. Dans l’affirmative, il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Mme [B] [Z] [T] allègue qu’elle a subi un harcèlement moral en raison des agissements de l’employeur pris en la personne de Mme [G]. Ainsi que l’a relevé le conseil de prud’hommes, les allégations selon lesquelles la directrice d’agence aurait adopté un comportement anormal à son égard ne sont pas établies. A cet égard, les attestations de Mme [C] et de Mme [N] n’emportent pas la conviction de la cour, ces attestations étant contredites par celles de Mme [X], Mme [R] et M. [V] [J] [F].
Il convient de vérifier si les agissements sur lesquels la salariée fonde la requalification de sa démission en prise d’acte de la rupture de son contrat de travail sont susceptibles de laisser supposer l’existence d’un harcèlement moral.
Il résulte des éléments ci-dessus exposés que les pressions exercées sur la salariée consistant en une menace de remise en cause de congés accordés sont établies.
L’absence de débouchage des toilettes en temps utile et le fait d’avoir laissé la salariée prendre l’initiative de procéder à cette opération sans veiller à sa bonne exécution constituent des manquements de l’employeur à son obligation de sécurité. Ils sont étrangers à tout harcèlement moral, en l’absence d’ordre exprès donné à la salariée, étant précisé à cet égard que l’atteinte à la santé résultant d’un accident du travail n’est pas en elle-même constitutive d’un harcèlement moral.
La mise à pied conservatoire décidée après la prise d’acte est également étrangère à tout harcèlement moral, étant précisé que cette mesure, dont le caractère abusif n’est pas établi, s’inscrit dans l’exercice du pouvoir de direction de l’employeur.
Les certificats médicaux versés aux débats ne permettent pas en eux-mêmes d’établir des faits laissant supposer l’existence d’un harcèlement moral. Les attestations de proches de la salariée n’emportent pas la conviction de la cour dans la mesure où leurs auteurs n’ont pas constaté la réalité des conditions de travail de l’intéressée.
Il en résulte qu’un seul agissement, relatif à la remise en cause des congés payés, est établi.
Pour être caractérisé, le harcèlement moral suppose l’existence d’agissements répétés (Soc., 20 novembre 2014, pourvoi n°13-22.045 et Soc., 5 novembre 2014, pourvoi n°13-16729).
Il y a donc lieu de débouter la salariée de sa demande de dommages-intérêts à ce titre.
Sur le bien-fondé de la prise d’acte de la rupture du contrat de travail
Il résulte des développements qui précèdent que les griefs relatifs au défaut de paiement des heures supplémentaires, aux pressions relatives à des congés précédemment accordés, au manquement à l’obligation de sécurité sont établis.
Il s’agit de manquements suffisamment graves pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail, étant précisé que le manquement à l’obligation de sécurité à l’origine d’un accident du travail était à lui seul susceptible d’empêcher la poursuite du contrat de travail.
Il y a lieu de dire que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail est fondée et produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le jugement entrepris est infirmé de ce chef.
Sur les conséquences pécuniaires de la rupture
Dès lors que la démission a été requalifiée en prise d’acte produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, Mme [B] [Z] [T] peut prétendre au paiement d’une indemnité compensatrice de préavis qu’il y a lieu de fixer en considération de la rémunération qu’elle aurait perçue si elle avait travaillé durant le préavis.
En application des dispositions de l’article 7.1. de l’accord national du 23 janvier 1986 relatif aux salariés permanents des entreprises de travail temporaire, la durée du préavis est de deux mois.
Il y a lieu de condamner la S.A.S. Proman 066 à payer à Mme [B] [Z] [T] les sommes de 3800 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis et de 380 euros brut au titre des congés payés afférents.
Mme [B] [Z] [T] a droit à une indemnité légale de licenciement qu’il y a lieu de fixer à 1108,33 euros net.
Les dispositions des articles L. 1235-3 et L. 1235-3-1 du code du travail, qui octroient au salarié, en cas de licenciement injustifié, une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variant en fonction du montant du salaire mensuel et de l’ancienneté du salarié et qui prévoient que, dans les cas de licenciements nuls, le barème ainsi institué n’est pas applicable, permettent raisonnablement l’indemnisation de la perte injustifiée de l’emploi.
Le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l’employeur est également assuré par l’application, d’office par le juge, des dispositions de l’article L. 1235-4 du code du travail.
Mme [B] [Z] [T] a acquis une ancienneté de deux années complètes au moment de la rupture dans la société employant habituellement au moins onze salariés. Le montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est compris entre 3 et 3,5 mois de salaire brut.
Les dispositions des articles L. 1235-3, L. 1235-3-1 et L. 1235-4 du code du travail sont ainsi de nature à permettre le versement d’une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l’article 10 de la Convention n° 158 de l’OIT (Soc., 11 mai 2022, pourvoi n° 21-14.490, FP-B+R).
Compte tenu notamment des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à la salariée, de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à retrouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, telles qu’elles résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de condamner la S.A.S. Proman 066 à payer à Mme [B] [Z] [T] la somme de 5700 euros brut à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur les intérêts de retard et la demande de capitalisation des intérêts
Les sommes accordées à la salariée produiront intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation, soit le 27 juin 2019, pour les créances de nature salariale et à compter du prononcé du présent arrêt pour les créances de nature indemnitaire.
Sur la remise des documents de fin de contrat
Il y a lieu d’ordonner à la S.A.S. Proman 066 de remettre à Mme [B] [Z] [T] un bulletin de paie, un certificat de travail et une attestation Pôle emploi conformes aux dispositions du présent arrêt, et ce dans un délai d’un mois à compter de sa signification.
Aucune circonstance ne justifie que cette décision soit assortie d’une astreinte.
Sur l’article L. 1235-4 du code du travail
En application de l’article L. 1235-4 du code du travail, il convient d’ordonner le remboursement par la S.A.S. Proman 066 aux organismes concernés des indemnités de chômage versées à Mme [B] [Z] [T] du jour de son licenciement au jour du présent arrêt dans la limite de 6 mois d’indemnités.
Sur les dépens et frais irrépétibles
Les dépens de première instance et d’appel sont à la charge de l’employeur, partie succombante.
Il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu’il a alloué à la salariée la somme de 2000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Il paraît inéquitable de laisser à la charge de la salariée l’intégralité des sommes avancées par elle et non comprises dans les dépens. Il lui sera alloué la somme de 2500 euros au titre des frais irrépétibles de la procédure d’appel. L’employeur est débouté de sa demande à ce titre.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire, en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe :
Infirme le jugement rendu le 25 mars 2021, entre les parties, par le conseil de prud’hommes d’Orléans mais seulement en ce qu’il a débouté Mme [B] [Z] [T] de ses demandes tendant à ce que la rupture du contrat de travail produise les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et à la condamnation de la S.A.S. Proman 066 au paiement d’une indemnité compensatrice de préavis, d’une indemnité légale de licenciement et d’une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :
Dit n’y avoir lieu à ordonner la production par la S.A.S. Proman 066 des pointages et des modes de contrôle par le siège des heures de présence et de travail de Mme [B] [Z] [T] ;
Requalifie la démission de Mme [B] [Z] [T] en prise d’acte produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Condamne la S.A.S. Proman 066 à payer à Mme [B] [Z] [T] les sommes suivantes, avec intérêts au taux légal à compter du 27 juin 2019 :
– 3 800 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;
– 380 euros brut au titre des congés payés afférents ;
– 1 108,33 euros net à titre d’indemnité légale de licenciement ;
Condamne la S.A.S. Proman 066 à payer à Mme [B] [Z] [T] la somme de 5 700 euros brut à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt ;
Ordonne à la S.A.S. Proman 066 de rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage versées à Mme [B] [Z] [T] du jour de son licenciement au jour du prononcé du présent arrêt dans la limite de 6 mois d’indemnités ;
Ordonne à la S.A.S. Proman 066 de remettre à Mme [B] [Z] [T] une attestation Pôle emploi, un certificat de travail et un bulletin de paie conformes aux dispositions du présent arrêt ;
Dit n’y avoir lieu à assortir la remise des documents de fin de contrat d’une astreinte ;
Condamne la S.A.S. Proman 066 à payer à Mme [B] [Z] [T] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et déboute l’employeur de sa demande à ce titre ;
Condamne la S.A.S. Proman 066 aux dépens de l’instance d’appel.
Et le présent arrêt a été signé par le président de chambre et par le greffier
Karine DUPONT Alexandre DAVID