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C O U R D ‘ A P P E L D ‘ O R L É A N S
CHAMBRE SOCIALE – A –
Section 2
PRUD’HOMMES
Exp + GROSSES le 20 AVRIL 2023 à
la SELARL LEXAVOUE POITIERS-ORLEANS
la SCP LAVAL – FIRKOWSKI
XA
ARRÊT du : 20 AVRIL 2023
N° : – 23
N° RG 21/00639 – N° Portalis DBVN-V-B7F-GJ56
DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MONTARGIS en date du 10 Février 2021 – Section : ENCADREMENT
ENTRE
APPELANT :
Monsieur [S] [L]
[Adresse 5]
[Localité 3]
représenté par Me Isabelle TURBAT de la SELARL LEXAVOUE POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau d’ORLEANS,
ayant pour avocat Me Carine COHEN de la SELEURL CARINE COHEN AVOCAT, avocat au barreau de PARIS
ET
INTIMÉE :
S.A.S. FAIENCERIES DE GIEN prise en la personne de son représentant légal domicilié en
cette qualié audit siège social
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Olivier LAVAL de la SCP LAVAL – FIRKOWSKI, avocat au barreau d’ORLEANS,
ayant pour avocat plaidant Me Sane RENAUDINEAU de l’AARPI YOURS AVOCATS, avocat au barreau de PARIS
Ordonnance de clôture : 2 février 2023
A l’audience publique du 09 Février 2023
LA COUR COMPOSÉE DE :
Madame Laurence DUVALLET, présidente de chambre, présidente de la collégialité,
Monsieur Xavier AUGIRON, conseiller,
Madame Anabelle BRASSAT-LAPEYRIERE, conseiller,
Assistés lors des débats de Mme Fanny ANDREJEWSKI-PICARD, Greffier.
Puis ces mêmes magistrats ont délibéré dans la même formation et le 20 AVRIL 2023, Madame Laurence DUVALLET, présidente de chambre, présidnte de la collégialité, assistée de Mme Fanny ANDREJEWSKI-PICARD, Greffier, a rendu l’arrêt par mise à disposition au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
FAITS ET PROCÉDURE
M. [S] [L], né en 1955, a été engagé par la société Faïenceries de [Localité 2] (SAS) en qualité de directeur général adjoint, statut cadre, dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 2 janvier 2017.
Le contrat de travail prévoyait une convention de forfait égal à 218 jours.
Le 18 février 2019, la société Faïenceries de [Localité 2] a convoqué M. [L], par lettre remise en main propre, à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 26 février 2019.
Par courrier du 1er mars 2019, la société Faïenceries de [Localité 2] a notifié à M.[L] son licenciement pour cause réelle et sérieuse pour des motifs tirés d’une ” attitude contraire aux intérêts de l’entreprise “, d’une ” remise en cause de la hiérarchie en contestant les choix stratégiques, organisationnels et opérationnels qui sont faits “, d’une ” attitude brutale et d’opposition, en refusant de collaborer et de mettre en ‘uvre les actions prioritaires définies ” et d’une ” attitude de contestation et d’insubordination persistante portant atteinte au bon fonctionnement de l’entreprise et incompatible avec les fonctions de directeur général adjoint “. Il lui était également reproché un ” management très autoritaire et intransigeant envers les équipes de nuit ” et de s’être ” concentré sur des activités qui ne représentent qu’une faible partie du chiffre d’affaires, refusant de collaborer et de mettre en ‘uvre les actions prioritaires définies d’un commun accord au sein de l’entreprise “.
Par requête enregistrée au greffe le 12 août 2019, M.[L] a saisi le conseil de prud’hommes de Montargis d’une demande tendant à reconnaître le licenciement nul et à défaut sans cause réelle et sérieuse, l’inopposabilité de sa convention de forfait jours, ainsi que le paiement de diverses sommes en conséquence, dont un rappel d’heures supplémentaires.
Par jugement du 10 février 2021, le conseil de prud’hommes de Montargis a :
– Rejeté la demande de nullité du licenciement.
– Dit que la procédure de licenciement est régulière.
– Dit que le licenciement de Monsieur [L] est fondé sur une cause réelle et sérieuse
– Dit que le licenciement de Monsieur [L] est exempt de mesure vexatoire
– Condamné la Société Faïenceries de [Localité 2] à verser à Monsieur [L] la somme de 923,06 euros et 92.30 euros bruts de congés payés y afférents au titre de rappel des 2 jours de préavis, sommes bénéficiant de l`intérêt au taux légal à compter de la citation en justice.
– Confirmé le salaire de référence de Monsieur [L] déterminé par la Société Faïenceries de [Localité 2] à 10 000.00 euros mensuel brut le 01.01.2018.
– Ordonné à la Société Faïenceries de [Localité 2] de délivrer à Monsieur [L] les documents de fin de contrat conformes au présent Jugement.
– Dit n’y avoir lieu a astreinte.
– Ordonné à la Société Faïenceries de [Localité 2] de délivrer à Monsieur [L] les documents de fin de contrat conformes au présent Jugement.
– Débouté la Société Faïenceries de [Localité 2] de sa demande reconventionnelle a titre de remboursement de salaires indus;
– Condamné la Société Faïenceries de [Localité 2] à verser à Monsieur [L] la somme de 1 500,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
– Débouté les parties de toutes autres demandes plus amples ou contraires ;
– Laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens.
Le 26 février 2021, Monsieur [S] [L] a relevé appel de cette décision par déclaration formée par voie électronique.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Vu les dernières conclusions remises au greffe le 10 janvier 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles M.[S] [L] demande à la cour de :
– Prononcer la nullité du jugement rendu par le Conseil de prud’hommes de Montargis compte tenu de la violation des dispositions du Code de procédure civile ;
– Infirmer l’intégralité du jugement rendu par le Conseil de prud’hommes de Montargis en ce qu’il a débouté Monsieur [L] de ses demandes, à l’exception des demandes tenant au rappel d’indemnité de préavis et de congés payés y afférents ;
– Confirmer le jugement de première instance en ce qu’il a condamné la société Faïenceries de [Localité 2] à payer à Monsieur [L] un rappel d’indemnité de préavis à hauteur de 923,06 euros et 92,30 euros de congés payés y afférents ;
– Confirmer le jugement de première instance en ce qu’il a rejeté la demande de remboursement de l’indemnité de congés payés versée par la société Faïenceries de [Localité 2] à Monsieur [L] et par conséquent, débouter les demandes formulées par la société Faïenceries de [Localité 2] dans le cadre de son appel incident;
Et statuant à nouveau :
Si la Cour prononce l’inopposabilité ou la nullité du forfait annuel en jours auquel était soumis Monsieur [L] et condamne la société [Localité 2] à payer des rappels d’heures supplémentaires :
– Fixer la moyenne des salaires à la somme de 20.211,83 euros bruts compte tenu des rappels de salaire au titre des heures supplémentaires et des primes d’objectifs :
– Juger que licenciement de Monsieur [L] est nul à titre principal ou dénué de toute cause réelle et sérieuse à titre subsidiaire,
– Juger que le licenciement de Monsieur [L] lui cause un préjudice important tant professionnel que personnel et de réputation,
– Juger que le licenciement de Monsieur [L] a été prononcé dans le cadre de circonstances vexatoires,
– Juger que la société Faïenceries de [Localité 2] a exécuté de façon déloyale le contrat de travail de Monsieur [L] compte tenu de l’absence de tout respect de la convention de forfait annuel en jours à laquelle il était soumis,
– Juger que Monsieur [L] a systématiquement dépassé le nombre de jours prévus par la convention de forfait applicable et que l’ensemble des dispositions conventionnelles devant garantir la santé et la sécurité de l’appelant n’ont pas été respectées de sorte que la convention de forfait annuel en jours lui est inopposable,
– Juger que la législation relative aux temps de repos hebdomadaire n’a pas été respectée compte tenu du nombre de jours travaillés par Monsieur [L] de façon successive et ceci de façon répétée,
– Juger que la société Faïenceries de [Localité 2] n’a jamais compensé les temps de déplacements professionnels de Monsieur [L] qui excédaient les temps de trajets normaux.
En conséquence :
Concernant la rupture du contrat :
– A titre principal : condamner la société Faïenceries de [Localité 2] à verser à Monsieur [L] une indemnité pour licenciement nul correspondant à la somme 121.270,98 euros nets, soit 6 mois de salaire en application de l’article L. 1235-3-1 du Code du travail ;
– A titre subsidiaire : condamner la société Faïenceries de [Localité 2] à verser à Monsieur [L] une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse correspondant à la somme 121.270,98 euros nets, soit 6 mois de salaire afin d’indemniser le préjudice résultant de la perte d’emploi de Monsieur [L] compte tenu du licenciement sans cause réelle et sérieuse dont il a été l’objet, et ceci en écartant le barème d’indemnisation de l’article L. 1235-3 du Code du travail ;
– A titre infiniment subsidiaire : condamner la société Faïenceries de [Localité 2] à verser à Monsieur [L] une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse correspondant à la somme 70.741,40 euros nets, soit 3,5 mois de salaire afin d’indemniser le préjudice résultant de la perte d’emploi de Monsieur [L] compte tenu du licenciement sans cause réelle et sérieuse dont il a été l’objet,
– Condamner la société Faïenceries de [Localité 2] à verser à Monsieur [L] une indemnité en raison des circonstances vexatoires dans lesquelles le licenciement est intervenu correspondant à la somme de 40.423,66 euros nets, soit 2 mois de salaire,
Concernant l’exécution du contrat :
– Condamner la société Faïenceries de [Localité 2] à verser à Monsieur [L] :
– 88.164,00 euros au titre des heures supplémentaires effectuées en 2017 en ce y compris les congés payés ;
-81.932,33euros au titre des heures supplémentaires effectuées en 2018 en ce y compris les congés payés ;
-15.594,11 euros au titre des heures supplémentaires effectuées en 2019 en ce y compris les congés payés ;
-101.996,26 euros au titre des repos compensateurs afférents aux heures supplémentaires réalisées en 2017, 2018 et 2019.
– Condamner la société Faïenceries de [Localité 2] à verser à Monsieur [L] une indemnité pour violation de son obligation de sécurité et exécution déloyale du contrat de travail correspondant à la somme de 80.847,32 euros nets, soit 4 mois de salaire,
– Condamner la société Faïenceries de [Localité 2] à verser à Monsieur [L] une indemnité en raison du non-respect de la législation relative au repos quotidien et hebdomadaire ainsi que pour non-respect des dispositions concernant les congés payés, correspondant à la somme de 80.847,32 euros nets, soit 4 mois de salaire,
– Condamner la société Faïenceries de [Localité 2] à verser à Monsieur [L] une indemnité en raison de l’absence de compensation de ses temps de déplacements professionnels correspondant à la somme de 60.635,49 euros nets, soit 3 mois de salaire,
– Condamner la société Faïenceries de [Localité 2] à verser à Monsieur [L] un rappel de primes sur objectifs pour les années 2017 et 2018 correspondant à la somme totale de 78.000 euros bruts (soit 39.000 euros par an) ainsi qu’aux congés payés y afférents ;
– Condamner la société Faïenceries de [Localité 2] à rembourser à Monsieur [L] la somme de 1.623,10 euros au titre du LLD ;
– Ordonner la remise de documents de fin de contrat conformes à la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision, la Cour se réservant la liquidation de l’astreinte ;
– Condamner la société Faïenceries de [Localité 2] au remboursement des allocations versées par Pôle Emploi à hauteur de 27.891,31 euros ;
– Condamner la société Faïenceries de [Localité 2] à verser à Monsieur [L] la somme de 3.500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
– Assortir les condamnations prononcées des intérêts au taux légal et de l’anatocisme.
A titre subsidiaire : si la Cour refuse de prononcer l’inopposabilité ou la nullité du forfait annuel en jours auquel était soumis Monsieur [L] et condamne la société Faïenceries de [Localité 2] à payer les jours travaillés au-delà du forfait et non payés :
– Fixer la moyenne de salaire de Monsieur [L] à la somme de 15.015,05 euros bruts en cas de condamnation à payer les jours travaillés non payés au-delà du forfait ;
– Juger que licenciement de Monsieur [L] est nul à titre principal ou dénué de toute cause réelle et sérieuse à titre subsidiaire,
– Juger que le licenciement de Monsieur [L] lui cause un préjudice important tant professionnel que personnel et de réputation,
– Juger que le licenciement de Monsieur [L] a été prononcé dans le cadre de circonstances vexatoires,
– Juger que la société Faïenceries de [Localité 2] a exécuté de façon déloyale le contrat de travail de Monsieur [L] compte tenu du dépassement systématique du nombre de jours prévus par la convention de forfait applicable,
– Juger que la législation relative aux temps de repos hebdomadaire n’a pas été respectée compte tenu du nombre de jours travaillés par Monsieur [L] de façon successive et ceci de façon répétée,
– Juger que la société Faïenceries de [Localité 2] n’a jamais compensé les temps de déplacements professionnels de Monsieur [L] qui excédaient les temps de trajets normaux.
En conséquence :
Concernant la rupture du contrat :
– A titre principal : condamner la société Faïenceries de [Localité 2] à verser à Monsieur [L] une indemnité pour licenciement nul correspondant à la somme 90.090,28 euros nets, soit 6 mois de salaire en application de l’article L. 1235-3-1 du Code du travail ;
-A titre subsidiaire : condamner la société Faïenceries de [Localité 2] à verser à Monsieur [L] une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse correspondant à la 90.090,28 euros nets, soit 6 mois de salaire afin d’indemniser le préjudice résultant de la perte d’emploi de Monsieur [L] compte tenu du licenciement sans cause réelle et sérieuse dont il a été l’objet, et ceci en écartant le barème d’indemnisation de l’article L. 1235-3 du Code du travail ;
– A titre infiniment subsidiaire : condamner la société Faïenceries de [Localité 2] à verser à Monsieur [L] une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse correspondant à la somme 52.552,66 euros nets, soit 3,5 mois de salaire afin d’indemniser le préjudice résultant de la perte d’emploi de Monsieur [L] compte tenu du licenciement sans cause réelle et sérieuse dont il a été l’objet,
– Condamner la société Faïenceries de [Localité 2] à verser à Monsieur [L] une indemnité en raison des circonstances vexatoires dans lesquelles le licenciement est intervenu correspondant à la somme de 30.030,09 euros nets, soit 2 mois de salaire,
Concernant l’exécution du contrat :
– Condamner la société Faïenceries de [Localité 2] à verser à Monsieur [L] :
– 25.593,17 euros bruts au titre des jours travaillés au-delà du forfait pour 2017 ;
– 21.180,55 euros bruts au titre des jours travaillés au-delà du forfait pour 2018.
– Condamner la société Faïenceries de [Localité 2] à verser à Monsieur [L] une indemnité pour violation de son obligation de sécurité et exécution déloyale du contrat de travail correspondant à la somme de 60.060,18 euros nets, soit 4 mois de salaire,
– Condamner la société Faïenceries de [Localité 2] à verser à Monsieur [L] une indemnité en raison du non-respect de la législation relative au repos quotidien et hebdomadaire ainsi que pour non-respect des dispositions concernant les congés payés, correspondant à la somme de 60.060,18 euros nets, soit 4 mois de salaire,
– Condamner la société Faïenceries de [Localité 2] à verser à Monsieur [L] une indemnité en raison de l’absence de compensation de ses temps de déplacements professionnels correspondant à la somme de 45.045,14 euros nets, soit 3 mois de salaire,
– Condamner la société Faïenceries de [Localité 2] à verser à Monsieur [L] un rappel de primes sur objectifs pour les années 2017 et 2018 correspondant à la somme totale de 78.000 euros bruts (soit 39.000 euros par an) ainsi qu’aux congés payés y afférents ;
– Condamner la société Faïenceries de [Localité 2] à rembourser à Monsieur [L] la somme de 1.623,10 euros au titre du LLD ;
– Ordonner la remise de documents de fin de contrat conformes à la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision, et de se réserver la liquidation de l’astreinte ;
– Condamner la société Faïenceries de [Localité 2] au remboursement des allocations versées par Pôle Emploi à hauteur de 27.891,31 euros ;
– Condamner la société Faïenceries de [Localité 2] à verser à Monsieur [L] la somme de 3.500 euros au titre de l’article 700 du Code du procédure civile,
– Débouter la société Faïenceries de [Localité 2] de toutes ses demandes, fins et prétentions ainsi que de son appel incident
– Assortir les condamnations prononcées des intérêts au taux légal et de l’anatocisme
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Vu les dernières conclusions remises au greffe le 18 janvier 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la S.A.S. Faïenceries de [Localité 2] demande à la cour de :
In limine litis :
– Rejeter la demande de nullité du jugement fondée sur la violation des dispositions du Code de procédure civile,
– Rectifier l’erreur matérielle commise par le Conseil de prud’hommes de Montargis en remplaçant le nom de Monsieur [G] [O] par celui de Madame [P] [E] dans le jugement
Sur le fond :
1- Rejeter l’appel de Monsieur [L]
– Confirmer le jugement du Conseil de prud’hommes de Montargis rendu le 10 février 2021 en ce qu’il a :
-Rejeté la demande de nullité du licenciement
-Jugé que la procédure de licenciement diligentée par la société Faienceries de [Localité 2] est régulière
-Jugé que le licenciement de Monsieur [L] est fondé sur une cause réelle et sérieuse
-Jugé que le licenciement de Monsieur [L] est exempt de mesures vexatoires,
-Jugé que le salaire de référence de Monsieur [L] devait être fixé à 10.000 euros mensuels bruts,
-Debouté Monsieur [L] de toutes les autres demandes amples et contraires
En conséquence :
– Debouter Monsieur [L] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
– Rejeter la demande de fixation du salaire de référence à 20.211,83 euros ou 15.015,05 euros
– Rejeter la demande de nullité du licenciement sur le fondement de l’atteinte à la liberté d’expression
– Rejeter la demande de 121.270,98 euros ou à 90.090,28 euros au titre de l’indemnité pour licenciement nul
– Rejeter la demande de 121.270,98 euros ou 70.741,40 euros ou 90.090,28 euros ou 52.552,66 euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
– Rejeter la demande de 40.423,66 euros ou 30.090,09 euros au titre de l’indemnité en raison des circonstances vexatoires du licenciement
– Rejeter les demandes de rappels d’heures supplémentaires
– Rejeter les demandes relatives au jours travaillés au-delà du forfait annuel en jours
– Rejeter les demandes au titre des repos compensateurs
– Rejeter la demande de 80.847,32 euros nets ou 60.060,18 euros nets d’indemnité au titre de la violation de l’obligation de sécurité et exécution déloyale du contrat de travail
– Rejeter la demande de 80.847,32 euros nets ou 60.060,18 euros d’indemnité au titre du non-respect de la législation relative au repos quotidien et hebdomadaire ainsi que pour le non-respect des disposition concernant les congés payés,
– Rejeter la demande de 60.635,49 euros nets ou 45.045,14 euros nets d’indemnité en raison de l’absence de compensation des temps de déplacement professionnels,
– Rejeter la demande de 78.000 euros de rappels de primes sur objectifs pour les années 2017 et 2018
– Rejeter la demande de remboursement de 1.623,10 euros au titre du LDD
– Rejeter la demande de remise des documents sous astreinte de 100 euros par jour
– Rejeter la demande de remboursement des allocations versées par Pôle emploi
– Rejeter la demande de 3.500 euros d’indemnité au titre de l’article 700 du CPC
2- Faire droit à l’appel incident de la société Faïenceries de [Localité 2]
– Infirmer le jugement du Conseil de prud’hommes de Montargis rendu le 10 février 2021 en ce qu’il a rejeté la demande de la société Faienceries de [Localité 2] d’obtenir le remboursement de l’indemnité de congés payés indument perçue par Monsieur [L]
Statuant à nouveau :
– Condamner Monsieur [L] à rembourser à société Faïenceries de [Localité 2] l’indemnité compensatrice de congés payés indument versée
A titre reconventionnel :
– Condamner Monsieur [L] à verser à la société Faïenceries de [Localité 2] Faïencerie de [Localité 2] la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 2 février 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
– Sur la demande de nullité du jugement fondée sur l’irrégularité de la composition du bureau de jugement
L’article 447 du code de procédure civile prévoit : ” Il appartient aux juges devant lesquels l’affaire a été débattue d’en délibérer. Ils doivent être en nombre au moins égal à celui que prescrivent les règles relatives à l’organisation judiciaire. ”
Il en résulte que le jugement doit être annulé lorsque la preuve est rapportée que le ou les magistrats qui ont délibéré n’ont pas assisté aux débats (2e Civ., 20 juillet 1988, pourvoi n° 87-15.754).
M.[L] fait état en l’espèce de ce que la composition du conseil de prud’hommes lors du délibéré, mentionnée dans le jugement entrepris, ne correspond pas à celle figurant sur la feuille de présence établie lors des débats par le greffier, au mépris, notamment, de l’article 447 du code de procédure civile : en effet, M.[O], qui apparaît sur le jugement, n’a, selon la feuille d’audience, pas assisté aux débats, le nom de Mme [E] y figurant à sa place.
Il en conclut à la nullité du jugement.
La société Faïenceries de [Localité 2] réplique, au visa de l’article 446 du code de procédure civile, que cette nullité doit être soulevée avant la clôture des débats et qu’elle ne peut être soulevée ultérieurement, notamment en cause d’appel.
La cour relève que l’article 446 du code de procédure civile n’est pas applicable aux nullités invoquées sur le fondement de l’article 447 du code de procédure civile, mais seulement aux nullités encourues pour non-respect des articles 432 alinéa 2, 433,434,435 et 444 du code de procédure civile, et pour cause puisque, par hypothèse, la partie qui invoque la nullité du jugement pour un motif tiré de l’irrégularité de la composition de la juridiction lors du délibéré ne peut avoir connaissance de cette irrégularité qu’après que le délibéré a été rendu.
Par ailleurs, la société Faïenceries de [Localité 2] invoque une erreur matérielle du greffier qui, s’il a barré le nom de M.[O] sur le rôle d’audience pour le remplacer par celui de Mme [E], aurait manifestement oublié d’apporter cette correction dans le chapeau du jugement.
La cour relève néanmoins que l’article 459 du code de procédure civile prévoit que l’omission ou l’inexactitude d’une mention destinée à établir la régularité du jugement peut entraîner la nullité de celui-ci s’il est établi par les pièces de la procédure, par le registre d’audience ou par tout autre moyen que les prescriptions légales ont été, en fait, observées.
Ce n’est manifestement pas le cas en l’espèce puisque seul le nom de M.[O] figure sur le jugement, ce qui permet d’en déduire que Mme [E], dont il est établi qu’elle a assisté aux débats, n’a pas participé au délibéré, ce qui est un motif de nullité du jugement et non une simple erreur matérielle susceptible d’être corrigée.
C’est pourquoi le jugement entrepris sera annulé par la cour.
Enfin, il résulte de l’article 562 du code de procédure civile que l’effet dévolutif de l’appel s’opère pour le tout lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.
Dès lors, la cour demeure saisie du litige et doit statuer au fond, étant précisé que les parties ont conclu sur l’ensemble des demandes.
– Sur la demande de rappel d’indemnité de préavis
M.[L] demande dans le dispositif de ses conclusions un complément d’indemnité de préavis, sans évoquer ce point dans sa motivation.
Cette demande, qui n’est fondée sur aucun élément de droit ou de fait, sera rejetée.
– Sur la convention de forfait
L’article L.3121-63 du code du travail prévoit que les forfaits annuels en heures ou en jours sur l’année sont mis en place par un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche.
L’article L.3121-60 du code du travail prévoit que l’employeur s’assure régulièrement que la charge de travail du salarié est raisonnable et permet une bonne répartition dans le temps de son travail.
Le non-respect par l’employeur des clauses de l’accord collectif destinées à assurer la protection de la sécurité et de la santé des salariés soumis au régime du forfait en jours n’entraîne pas son inopposabilité aux salariés, mais la privation d’effet des conventions individuelles conclues en application de cet accord (Soc., 15 décembre 2021, pourvoi n° 19-18.226)
Dès lors qu’il a recours au forfait en jours, l’employeur doit rapporter la preuve qu’il a respecté les stipulations de l’accord collectif destinées à assurer la protection de la santé et de la sécurité des salariés soumis au régime du forfait en jours ( Soc., 19 décembre 2018, pourvoi n° 17-18.725 publié).
A défaut, un salarié peut agir en justice pour voir dire que la convention individuelle de forfait en jours conclue par lui est privée d’effet et afin d’obtenir le paiement d’heures supplémentaires.
Cependant, le défaut d’exécution n’affecte pas la validité de l’accord collectif prévoyant le recours aux forfaits en jours.
En l’espèce, la société Faïenceries de [Localité 2] produit un avenant signé le 11 juillet 2012 à l’accord d’entreprise relatif à la durée et à l’aménagement du temps de travail, auquel fait référence le contrat de travail de M.[L].
Il résulte de la lecture combinée de ces deux conventions que :
– M.[L] était soumis à un forfait jours de 218 jours travaillés sur l’année civile,
– il disposait d’une ” totale liberté dans l’organisation de son temps de travail ” à l’intérieur de ce forfait annuel sous réserve de respecter les règles légales relatives au repos quotidien et au repos hebdomadaire,
– le forfait-jours fait l’objet d’un contrôle caractérisé par l’établissement par le salarié d’un document de contrôle adressé à son responsable hiérarchique, faisant apparaître le nombre et la date des journées et mi-journées travaillées et le positionnement des jours de repos, congés payés, congés conventionnels ou RTT,
– le suivi régulier de l’organisation du travail et de la charge du travail du salarié est assuré par son supérieur hiérarchique,
– un entretien annuel est organisé avec le supérieur hiérarchique au cours duquel sont évoqués l’organisation et la charge du travail de l’intéressé, l’amplitude de ces journées d’activité, l’articulation entre l’activité professionnelle, personnelle et familiale, ainsi que la rémunération.
M.[L] soutient que ces mesures ne seraient pas suffisantes à garantir une charge et une amplitude de travail raisonnables et qu’elles font peser sur le seul salarié le suivi de son temps de travail. Il ajoute qu’en tout état de cause, la société Faïenceries de [Localité 2] n’a mis en place aucune mesure visant à suivre ou contrôler son temps de travail, sa charge de travail ou l’amplitude de son travail, notamment en l’absence de tout entretien annuel, de tout document de contrôle et d’aucun suivi mensuel de son temps de travail. La convention de forfait jour serait dès lors, sinon nulle, du moins inopposable à M.[L].
La société Faïenceries de [Localité 2] réplique que l’accord collectif d’entreprise comme la convention individuelle de forfait répond aux exigences légales et jurisprudentielles. Elle rappelle que la mise en place d’une convention de forfait-jours n’instaure pas au profit du salarié un droit à la libre fixation de ses horaires de travail indépendamment de toute contrainte liée à l’organisation du travail par l’employeur dans le cadre de son pouvoir de direction. M.[L] se serait soustrait à tout respect du fonctionnement interne de l’entreprise. Elle reproche à M.[L] de ne pas avoir rempli son agenda Google ni ses feuilles de demande d’autorisation d’absence, comme cela lui était demandé, et de ne pas avoir déclaré ses absences. En l’absence de tout renseignement sur ses agendas, M.[L] a mis l’employeur dans l’impossibilité de suivre son temps de travail. À deux reprises, il aurait été reçu par M.[N], directeur de la société, pour faire le point sur sa charge de travail, les 24 janvier 2018 et 18 décembre 2018. Elle en conclut que la convention de forfait est donc valable.
La cour relève en premier lieu que la convention de forfait-jours de l’accord d’entreprise et sa déclinaison dans le contrat de travail prévoient un certain nombre de modalités de suivi et de contrôle du temps de travail, dont le respect est de nature à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié soumis au régime du forfait en jours.
Cette convention de forfait-jours est donc parfaitement valable, la question demeurant celle de savoir si elle peut être appliquée au cas d’espèce.
S’agissant du respect par la société Faïenceries de [Localité 2] des clauses destinées à assurer la protection de la santé et de la sécurité du salarié, celle-ci ne produit pas le document de contrôle que M.[L] aurait dû adresser à son supérieur, M.[N] et en fait peser la responsabilité sur M.[L], évoquant un ” agenda Google ” non rempli, et produisant pour en justifier un attestation de Mme [V], assistante de direction, qui indique : ” les membres du comité de direction et du comité industriel remplissent leur agenda de façon suivie et complète, en précisant l’objet des rendez-vous. J’ai demandé à plusieurs reprises à [S], dès son arrivée, de faire de même. Son agenda est pourtant resté masqué, par conséquent je ne savais pas où il était. Ces collaboratrices, notamment la direction marketing et l’administration des ventes, me disait qu’elles avaient du mal à le joindre et n’avaient pas un retour suffisamment réactif à leurs sollicitations. Sachant que nous ignorions où il était, [S] disait qu’il était toujours joignable sur son portable. Ses collaboratrices me disaient que ce fonctionnement n’était pas satisfaisant. Il arrivait souvent que, ne pouvant le joindre et n’ayant pas de réponse à leurs messages, elles me demandaient où il était. [S] ne venait pas tous les jours de la semaine à [Localité 2], son absence est souvent remarquée et commentée “. La société Faïenceries de [Localité 2] produit également un e-mail de Mme [V] dans lequel elle réclame à M.[L] que celui-ci ” mette un peu plus d’infos ” sur l’agenda électronique.
Cependant, les demandes formées de manière ponctuelle par l’assistante de direction sur l’emploi du temps de M.[L], qui définit elle-même ce dernier comme son supérieur hiérarchique, ne peut se substituer au suivi régulier prévu par la convention de forfait, qui doit être assuré par le propre supérieur hiérarchique de M.[L]. Il appartenait ainsi seulement à M.[N], dans le cadre de ce suivi, de rappeler ce dernier à ses obligations, s’il ne respectait pas ses obligations de remise du document de contrôle, ou s’il remettait pas systématiquement des demandes d’autorisation d’absence. Le document de contrôle peut difficilement se réduire à un simple agenda mais doit représenter un document ou formulaire spécifique, dont aucun exemplaire n’est produit par l’employeur. Enfin, la production par la société Faïenceries de [Localité 2] du simple agenda de M.[N] mentionnant à deux reprises ” RDV [S] ” ne justifie en rien la réalisation effective d’entretiens spécifiques sur la charge de travail de M.[L], dont aucun compte-rendu n’est produit.
C’est pourquoi l’employeur apparaît ne pas avoir respecté les stipulations de l’accord d’entreprise qu’il a lui-même mis en place, ni celles du contrat de travail, prévoyant les modalités de suivi et de contrôles du temps de travail de M.[L] et permettant la mise en place d’un mécanisme de forfait-jours.
C’est pourquoi, la convention de forfait-jours est privée d’effet et la demande de M.[L] visant à l’octroi d’un rappel d’heures supplémentaires peut être examinée.
– Sur la demande de paiement d’heures supplémentaires
L’article L. 3171-4 du code du travail indique que “en cas de litige relatif à l’existence et au nombre d’heures effectuées, l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estimait utiles”.
Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, le juge évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
M.[L] établit un décompte selon lequel il effectuait en moyenne 12,5 heures supplémentaires par semaine, en mentionnant qu’il embauchait à 9 heures et débauchait ” rarement avant 19 h “, prenant en considération 9h30 heures de travail par jour, 5 jours par semaine.
Il produit pour en justifier un email d’un de ses collègues qui fait état de ce que sa voiture étaient ” très souvent garée devant le bâtiment administratif quand il quittait la manufacture vers 18h45/19 heures ” ; par ailleurs, M.[N], dans un e-mail, reconnaît son ” engagement “, ” que les journées n’ont que 24 heures ” et qu’il lui fait ” confiance sur la meilleure allocation de (son) temps “.
Il se base sur 47 semaines de travail en 2017, 46 semaines de travail de 2018 et 9 semaines de travail en 2019. Il produit un tableau récapitulant ses journées de travail, un calendrier des évènements pendant lesquels il aura, selon lui, travaillé plus de 5 jours consécutifs, ses relevés de frais professionnels et de péages. Il en conclut qu’il a accompli 680,08 heures supplémentaires en 2017, 638,05 heures supplémentaires en 2018 et 119,40 heures supplémentaires en 2019.
Ces éléments sur les horaires de travail que le salarié prétend avoir accomplis sont suffisamment précis pour permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
La société Faïenceries de [Localité 2] réplique que M.[L] n’a pas travaillé autant qu’il le prétend et que ce dernier a mis sa hiérarchie dans l’impossibilité de suivre son temps de travail. Elle affirme que M.[L] ne produit aucun élément pour justifier des horaires de travail qu’il invoque, qu’il aurait pu imprimer des emails pour en justifier, qu’il ne fixait des rendez-vous que le matin, comme cela résulterait des disponibilités qu’il affichait lors des demandes ; Mme [V] atteste qu’il arrivait plus tard qu’elle et partait avant elle ; ses agendas Google reconstitués démontreraient moins de 200 jours de travail en 2017 et en 2018. Ces agendas refléteraient en outre la prise de journées de récupération par M.[L]. La société Faïenceries de [Localité 2] affirme que les relevés de péage d’autoroute reflètent tant son activité personnelle que professionnelle, M.[L] disposant d’un domicile à [Localité 3], dans le Loir-et-Cher, nécessitant d’emprunter l’autoroute A71 pour se rendre à [Localité 4], et d’un domicile à [Localité 4], nécessitant d’emprunter l’autoroute A77 pour se rendre à la faïencerie de [Localité 2] et que la plupart des déplacements à [Localité 4] l’ont été depuis son domicile, d’où il ne partait pas dès le début de matinée.
Cependant, ces éléments ne constituent pas des éléments fiables permettant de décompter avec précision la durée du travail accomplie par M.[L] mais mettent en doute le volume global d’heures que ce dernier affirme avoir accomplies en relevant, à juste titre des incohérences. Il est en effet indiscutable que M.[L] n’était pas tous les jours à son bureau de [Localité 2] et qu’il pouvait se trouver parfois à son domicile, parfois en déplacement.
En revanche, la société Faïenceries de [Localité 2] ne peut se retrancher derrière une quelconque obstination de M.[L] à ne pas communiquer ses horaires de travail, en l’absence manifeste de tout suivi de son temps de travail par l’employeur, comme cela a déjà été relevé s’agissant des modalités de contrôle qui auraient dû être mises en place dans le cadre de la convention de forfait-jours.
A l’examen des éléments produits par l’une et l’autre des parties, la cour a ainsi acquis la conviction que M.[L] a accompli des heures supplémentaires qui n’ont pas donné lieu à rémunération, mais dans un volume moindre de celui qu’il invoque.
Par ailleurs, le taux horaire retenu ne peut être de 90,02 euros brut, comme M.[L] le demande, ses bulletins de salaire faisant état d’un salaire mensuel de 10 000 euros, soit un taux horaire de 65,93 euros.
Il y a lieu d’évaluer la créance du salarié à ce titre, sur la période considérée et compte tenu de la majoration applicable aux heures supplémentaires accomplies, à la somme de 40 000 euros, outre 4000 euros d’indemnité de congés payés afférents.
– Sur la demande au titre des repos compensateurs
L’article L.3121-30 du code du travail prévoit que ” des heures supplémentaires peuvent être accomplies dans la limite d’un contingent annuel. Les heures effectuées au-delà de ce contingent annuel ouvrent droit à une contrepartie obligatoire sous forme de repos.
Les heures prises en compte pour le calcul du contingent annuel d’heures supplémentaires sont celles accomplies au-delà de la durée légale “.
Selon l’article L.3121-33 du code du travail, ” une convention ou un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche définit le contingent annuel prévu à l’article L. 3121-30 “.
A défaut, ce contingent annuel est fixé par l’article D.3121-24 du code du travail à 220 heures.
M.[L], invoque l’existence d’un contingent annuel d’heures supplémentaires de 90 heures ” par la convention collective applicable “, dont le dépassement entraînerait le déclenchement d’un repos compensateur.
Cependant, ni la convention collective nationale relative aux conditions de travail du personnel des industries céramiques de France du 6 juillet 1989, ni ses dispositions spécifiques au personnel cadre, ne prévoit un tel contingent, ni n’évoque d’ailleurs la question du repos compensateur pour les cadres.
Dès lors, c’est le droit commun qui s’applique.
Au regard des éléments du dossier, le contingent de 220 heures supplémentaires annuelles n’apparaît pas avoir été dépassé, que ce soit en 2017, 2018 et 2019.
C’est pourquoi la demande de M.[L] à ce titre sera rejetée.
– Sur la demande d’indemnité pour non-respect du repos quotidien et hebdomadaire et pour non-respect des dispositions concernant les congés payés
M.[L], qui réclame au total une indemnité équivalente à 4 mois de salaire à ce titre, affirme en premier lieu avoir été ” empêché ” de prendre des jours de repos en 2017 (8 jours de congés et aucun jour de RTT) et en 2018 (14 jours de congés payés et aucun jour de RTT). Il lui restait selon lui 40 jours de congés non-pris lors de son licenciement, qui lui ont été réglés en compensation.
La cour relève que si la société Faïenceries de [Localité 2] conteste ces éléments, elle ne produit aucun décompte des jours de congés pris par M.[L] et seulement quelques demandes autorisations d’absence accordées à ce dernier sur des périodes couvrant d’ailleurs partiellement celles mentionnées par celui-ci. Par ailleurs, l’attestation Pôle Emploi fait état du paiement d’une indemnité compensatrice de congés payés équivalente à 40 jours ouvrables, de sorte qu’il est démontré que M.[L] n’a effectivement pas pris la totalité des jours de congés qui lui étaient dus.
Il ne justifie pas de ce qu’il ait été ” empêché ” de prendre des congés et que ses demandes à ce titre aient été refusées.
Cependant, l’employeur doit prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d’exercer effectivement son droit à congés et de justifier des diligences qu’il a accomplies dans ce sens (Soc., 21 septembre 2017, pourvoi n° 16-18.898, Bull. 2017, V, n° 159).
La société Faïenceries de [Localité 2] ne justifie pas avoir accompli ces diligences.
S’agissant d’éventuels dépassements de la durée quotidienne du travail, le volume d’heures supplémentaires accomplies tel qu’il résulte des éléments de la cause d’établit en rien que M.[L] n’ait pas pu bénéficier d’au moins 11 heures de repos quotidien, comme le prescrit l’article L.3131-1 du code du travail.
Il affirme par ailleurs avoir travaillé à huit reprises pendant sa période d’emploi entre 10 et 12 jours d’affilée.
La société réplique qu’elle a toujours respecté le repos quotidien et hebdomadaire.
Compte tenu des éléments recueillis sur les heures supplémentaires accomplies par M.[L], il n’apparaît pas qu’il n’ait pas bénéficié d’un repos quotidien d’une durée minimale de 11 heures consécutives, comme le prescrivent les dispositions légales.
Il résulte, en revanche, des éléments produits par M.[L] que celui-ci a effectivement été amené, lors de déplacements, à travailler plusieurs jours d’affilée, notamment à l’occasion de sa participation à des salons en région parisienne (salon ” Maison et Objet “, ” Museum Connection) “) ou à l’étranger (Francfort, New-York). Certaines des périodes de travail ont cependant, comme le relève avec raison la société Faïenceries de [Localité 2], été entrecoupés de passages à son domicile et donc de repos.
Il en demeure pas moins que des dépassements ponctuels de la durée hebdomadaire du travail de six jours prévue par l’article L.3132-1 du code du travail sont avérés, mais sur une période de plus de deux ans, ce qui n’aura causé qu’un préjudice minime à M.[L].
Les manquements de l’employeur qui viennent d’être relevés doivent être réparés par l’octroi d’une indemnité limitée à 2000 euros.
– Sur la demande d’indemnité pour les déplacements professionnels
M.[L] réclame à ce titre le versement d’une indemnité équivalente à 4 ou 3 mois de salaire, au visa de l’article L.3121-4 du code du travail, qui prévoit une contrepartie sous forme de repos ou sous forme financière du temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d’exécution du temps de travail, lorsqu’il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail.
La société Faïenceries de [Localité 2] réplique que M.[L] ayant deux domiciles, les temps de trajets ne sauraient être considérés comme excessifs et qu’en tout état de cause, si des temps de trajets dépassant le temps normal ont été accomplis, il auront été indemnisés sous forme de repos.
Cependant, aucun contrôle des temps de travail comme des temps de trajets éventuellement excessifs n’a été mis en place par l’employeur.
Il n’est pas contesté que la fonction de M.[L] nécessitait effectivement des déplacements récurrents entre [Localité 4] et [Localité 2], indépendamment du fait que M.[L] disposait d’un domicile dans la capitale et à proximité de [Localité 2], et qu’il a également fait des déplacements à l’étranger.
Il lui sera alloué une indemnité qui doit cependant être modérée par rapport à sa demande et indemnisée par l’octroi de la somme de 5000 euros.
– Sur la demande en paiement de dommages-intérêts pour violation de son obligation de sécurité et d’exécution déloyale de son contrat de travail
M.[L], qui réclame le paiement d’une indemnité équivalente à 4 mois euros salaire à ce titre, affirme qu’en le faisant travailler de manière immodérée et en lui faisant rouler 50 000 kms par an, la société Faïenceries de [Localité 2] a manqué à son obligation de sécurité et a mis en danger sa santé, relatant en outre avoir été victime à deux reprises d’accidents de la circulation imputables à sa fatigue professionnelle.
La société Faïenceries de [Localité 2] réplique qu’une partie des kilomètres parcourus correspondent à des déplacements personnels et que M.[L] a été impliqué en réalité dans 4 accidents et a fait l’objet de 5 contraventions pour excès de vitesse, de sorte que le contrat d’assurance souscrit pour la voiture de société qu’il conduisait a été dénoncé.
La cour relève qu’aucun élément du dossier ne permet d’établir un lien entre ces accidents et la surcharge de travail de M.[L], qui n’est pas établie compte tenu de nombre modéré d’heures supplémentaires accomplies et des manquements isolés à la durée hebdomadaire du travail, étant rappelé par ailleurs que les déplacements de ce dernier pouvaient comprendre ceux accomplis entre son domicile du Loir-et-Cher et son lieu de travail à [Localité 2] et que certains déplacements à [Localité 4] peuvent avoir un objet extra-professionnel, puisqu’il y disposait d’un second domicile.
S’agissant de la déloyauté de l’employeur, elle serait caractérisée par le fait que la société Faïenceries de [Localité 2] l’aurait ” impliqué dans des déclarations mensongères ” dans le cadre d’une demande de prêt auprès de la Banque Publique d’Investissement, sur laquelle il est présenté de surcroît comme directeur général de la société .
Il résulte de l’examen de ce document que le salaire de M.[L] est valorisé à hauteur de 90 heures, au même titre que celui d’un archiviste, pour des dépenses engagées par la société Faïenceries de [Localité 2] à l’occasion d’une opération de nature inconnue, dont la BPI assurait le financement. M.[L] reproche dans un email postérieur au licenciement à la société Faïenceries de [Localité 2] de l’avoir mentionné sans son accord, alors que ce ” relevé des dépenses ” ne correspondait pas à la réalité. Cependant, aucun élément ne démontre qu’une telle valorisation du salaire de M.[L] pour cette opération puisse avoir été mensongère, et ce dernier n’apparaît pas en avoir en outre ressenti un préjudice quelconque, pas plus que du fait d’avoir été désigné comme directeur général et non directeur général adjoint.
Ce moyen sera donc rejeté.
Enfin, M.[L] invoque, dans le cadre de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour déloyauté de l’employeur, le dépassement de la durée maximale hebdomadaire de travail qui entraîne, au seul constat de ce dépassement, l’octroi de dommages-intérêts.
Un tel dépassement a été constaté, mais M.[L] en a été indemnisé par la cour. Il n’est pas justifié d’un préjudice distinct.
Sa demande en paiement de dommages-intérêts pour violation de son obligation de sécurité et d’exécution déloyale de son contrat de travail sera dès lors rejetée.
– Sur la demande de rappel de prime d’objectifs
Le contrat de travail de M.[L] mentionnait qu’une prime d’objectifs serait versée à ce dernier, calculée en fonction du chiffre d’affaires additionnel par rapport au chiffre d’affaires de 2016.
Il affirme qu’il a été mis dans l’impossibilité de les atteindre, l’employeur ne lui permettant pas d’honorer les commandes dans les temps ou ne gérant pas les ruptures de stock de manière appropriée. Il aurait indiqué dès son arrivée que ces objectifs étaient inatteignables et que les pourcentages d’augmentation étaient irréalistes compte tenu de la désorganisation des services et de la perte des parts de marché en France et à l’international. Il aurait eu à gérer des situations plus compliquées qu’il ne s’y attendait. Il conteste avoir signé une lettre produite par la société Faïenceries de [Localité 2] afférent au bonus de l’année 2018, établie en fonction de l’évolution du chiffre d’affaires entre 2017 et 2018, rappelant que l’original de ce document n’avait jamais été produit contrairement à sa demande. Il affirme au contraire n’avoir jamais reçu aucun objectif pour l’année 2018 ni pour l’année 2019, comme il s’en est plaint dans un courrier du 27 février 2019.
La société Faïenceries de [Localité 2] réplique que les objectifs fixés à M.[L] n’étaient en rien inatteignables, le seuil de déclenchement de la prime étant le chiffre d’affaires de l’année 2016. Les chiffres d’affaires entre 2016 et 2017 étaient en baisse, comme celui de l’année 2018.
La cour constate que les objectifs fixés par l’employeur au salarié étaient au départ définis en fonction de l’évolution du chiffre d’affaires par rapport à l’exercice 2016. Comme le rappelle avec justesse la société Faïenceries de [Localité 2], le seuil de déclenchement de la prime d’objectifs était fixé au premier euro dépassant ce chiffre d’affaires. Aucun élément du dossier ne permet de considérer que cet objectif était inatteignable, les seules constatations de M.[L] quant aux difficultés de redresser l’entreprise, exprimées dans divers courriels et notamment celui du 29 octobre 2017, ne pouvant suffire à cette démonstration, même si M.[N] a pu reconnaître qu’il lui ” fallait du temps ” pour ” rebâtir ” l’entreprise, ce que M.[L] ne peut sérieusement affirmer avoir ignoré lors de son embauche, puisqu’il parlait, dans un courriel à M.[N] du 1er décembre 2014, d’un ” challenge “.
En revanche, il n’est pas contesté par le salarié que le chiffre d’affaires de la société était en baisse entre l’année 2016 et l’année 2017, ce qui excluait toute prime d’objectifs à son profit.
S’agissant des années 2018 et 2019, il n’est pas plus contesté que le chiffre d’affaires était encore en baisse continue.
Quand bien même M.[L] n’aurait pas souscrit aux conditions posées dans le document qu’il conteste avoir signé le 6 mars 2018, les objectifs qui lui étaient assignés cette année-là ainsi qu’en 2019 ne pouvait pas, par hypothèse, être définis en deçà des chiffres d’affaires réalisées l’année précédente.
Il est donc établi que les demandes qu’il forme au titre des années 2018 et 2019 ne sont pas fondées. M.[L] sera débouté de ses demandes à ce titre.
– Sur la demande au titre du contrat de location longue durée du véhicule de fonction
M.[L] expose avoir pris en charge le premier loyer du contrat de location longue durée du véhicule de fonction souscrit par la société.
La société Faïenceries de [Localité 2] ne le conteste pas mais l’explique par un accord passé avec M.[L] qui avait exigé un véhicule de fonction d’un catégorie supérieure à celle qui avait été prévue initialement.
M.[L] reconnaît dans un courriel du 29 octobre 2017 qu’il a accepté de ” baisser ses prétentions salariales en fonction des éléments que tu m’avais indiqués (et de payer la première échéance de 1500 euros du leasing de ma voiture) “.
L’accord invoqué par la société Faïenceries de [Localité 2] est donc démontré et M.[L] sera dès lors débouté de sa demande à ce titre.
– Sur la demande de nullité du licenciement
M.[L] soutient, au visa des articles L.2281-1 et L.2281-3 du code du travail, et de décisions de la Cour de cassation fondées sur l’article L.1121-1 du code du travail et l’article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, qu’il a été licencié en raison de critiques, qu’il considère justifiées et constructives, qu’il a émises sur le fonctionnement de la société, usant en cela sa liberté d’expression garantie par ces textes, sans qu’aucun abus ne puisse lui être opposé.
La société Faïenceries de [Localité 2] réplique que c’est en raison de son attitude de contestation et d’insubordination persistante, incompatible avec ses fonctions de directeur général adjoint, que M.[L] a été licencié, et de ses conséquences sur le bon fonctionnement de l’entreprise. Elle affirme que le motif tiré d’un abus de sa liberté d’expression n’est pas invoqué par la lettre de licenciement, ce qui empêche le juge prud’homal de l’examiner. Elle soutient que le salarié confond la liberté d’expression, garantie par les articles 10 et 11 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, avec le droit d’expression directe et collective des salariés, visé par le code du travail.
La cour rappelle que l’article L. 1121-1 du code du travail et l’article 10, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales garantit au salarié, dans l’entreprise et en dehors de celle-ci, et sauf abus, le respect de sa liberté d’expression.
L’abus de la liberté d’expression résulte de propos injurieux, diffamatoires ou excessifs, et seules des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché peuvent y être apportées (Soc., 28 septembre 2022, pourvoi n° 20-21.499).
Le caractère illicite du motif du licenciement prononcé, même en partie, en raison de l’exercice, par le salarié, de sa liberté d’expression, liberté fondamentale, entraîne à lui seul la nullité du licenciement (Soc., 9 novembre 2022, pourvoi n° 21-15.208).
En l’espèce, si l’abus par M.[L] de sa liberté d’expression et d’opinion n’est pas visée expressément par la lettre de licenciement, la cour doit répondre aux questions suivantes, compte tenu des reproches opposés par son employeur notamment sur les ” contestations ” opposées par M.[L] :
– d’une part, le licenciement de celui-ci est-il ou non, au moins en partie, fondé sur le comportement critique du salarié sur les choix opérés par la direction et son refus d’accepter la politique de l’entreprise, que l’employeur qualifie d’insubordination ‘
– d’autre part, un abus de sa liberté d’expression et d’opinion résultant de propos injurieux, diffamatoires ou excessifs, est-il caractérisé ‘
A cet égard, la société Faïenceries de [Localité 2] justifie le grief tiré de l’insubordination de M.[L] sur les échanges par courriels intervenus entre celui-ci en sa qualité de directeur général adjoint chargé du pôle commercial, M.[H] [N], président de la société et M.[F] [Y], nommé directeur général adjoint, chargé du pôle industriel, en avril 2017 :
– Dans un email du 19 octobre 2017, M.[L] demande à M.[N] que sa rémunération mensuelle soit réévaluée, ce à quoi il lui est répondu par email explicatif du 22 octobre 2017 par la négative, mentionnant que les objectifs fixés lors de son recrutement n’étaient pas atteints, la somme de 10 000 euros lui étant cependant octroyée à titre de remerciement ” de la manière dont (il) avait pris les choses en main dans un contexte commercial où tout est à rebâtir ” .
– Dans un courriel du 29 octobre 2017, M.[L] répond que s’il est désolé que sa demande ait pu mettre son supérieur mal à l’aise, il est néanmoins déçu compte tenu de son investissement et de la passion qu’il y mettait.
– Dans cet email, il exprime également sa surprise et sa déception de la nomination en avril d’un second directeur général adjoint, considérant que cette ” architecture ” ne pouvait pas fonctionner, compte tenu du ” comportement frontal voire brutal ” de M.[Y] qui avait créé un ” Etat dans l’Etat ” et stigmatisant la mauvaise ambiance dans la manufacture.
La cour relève que ces échanges ne dénotent en rien des propos excessifs de la part M.[L] qui se contentait d’exprimer un point de vue sur une décision prise par M.[N] et sur les difficultés qu’elle a pu, selon lui, engendrer.
– Un échange d’emails entre le 16 et le 19 janvier 2018 entre M.[L] et M.[Y] à propos de la qualité des emballages où le premier use d’un style direct : ” voilà la qualité de l’emballage réalisé pour notre client !! plus de carton en vrac sur une palette sans protection !! tu conviendras comme moi, j’espère, que c’est très éloigné du minimum de qualité ” ou, en réponse à l’email de M.[Y] contestant que les ” coffrets ” soient ” en vrac sur la palette ” : ” je ne suis pas d’accord, on n’expédie pas des plats en vrac sur une palette “, ” je ne peux que constater et admettre notre responsabilité dans la mauvaise qualité de l’emballage “. M.[N] adresse alors un email indiquant : ” du calme s’il vous plait, prenons un peu de recul et d’objectivité ” et un autre indiquant à M.[L] : ” un dialogue plus apaisé conduira beaucoup plus vite à la solution “, ce à quoi ce dernier reproche à son supérieur de ” disculper le service d'[F] “.
M.[L] a pu se montrer véhément sur cet incident, qui paraît isolé, mais à aucun moment il n’a dépassé les limites du tolérable dans ses propos.
– Le 6 juin 2018, M.[L] écrivait à M.[N] en indiquant que M.[Y] ” fait l’unanimité contre lui “, que ” son management est déficient “, stigmatisant un ” capharnaüm ” dans son service. Il demande que le ” mode de fonctionnement et de direction doit changer rapidement “. M.[N] lui répond le 11 juin qu’il a ” plaisir à travailler ” avec M.[L] et que ce dernier a “accompli un travail important “. M.[N] lui dit ” merci de (ses) alertes et retours concernant [F] “, reconnaissant que ses ” critiques ne sont pas toutes infondées “, même s’il n’a pas ” toujours la même impression ” que lui et il s’étonne de ” la nature obsessionnelle ” de ses remarques. M.[L] répond le 11 juin qu’il n’y a ” aucun côté obsessionnel ” dans ses remarques. Il exprime son découragement et affirme que ” la faïencerie n’a pas de direction “. ” Tu présides et tu ne rentres pas dans le détail opérationnel et tu penses, je crois à tort, que cette organisation à 2 têtes peut marcher “, concluant qu’il ne partage pas l’analyse de son président et qu’il en ” tire toutes les conséquences “.
Ces échanges trahissent certes un désaccord mais la courrelève que c’est M.[N] qui le premier émet une remarque plus personnelle en évoquant le caractère ” obsessionnel ” de celles émises par M.[L].
– Un échange du 6 septembre 2018 ne mentionne qu’un désaccord, en apparence sans conséquence, sur le chiffrage d’une baisse des ” chiffres retail “, qui néanmoins est reconnue en son principe par M.[L].
– Dans un courriel du 26 novembre 2018, M.[L] évoque les bases d’une nouvelle organisation définie lors d’une précédente réunion qui, selon lui, n’a pas été mise en place. Il donne son avis sur divers sujets en faisant des suggestions, se plaignant à nouveau de la ” dualité opérationnelle “, ” néfaste au bon fonctionnement “, et proposant d’annoncer la nouvelle organisation à M.[Y], ” d’homme à homme “. Cet email n’apparaît pas avoir entraîné une réaction de l’employeur.
– Dans un email du 26 novembre 2018, M.[L] annonce qu’il ne participerait pas aux ” comités industriels “, soulignant qu’il n’y était qu’invité, ce qu’il trouvait ” choquant et humiliant “, et que selon lui les questions posées étaient ” en décalage avec le cérémonial de ces comités “.
La société Faïenceries de [Localité 2] affirme que cette décision est en contradiction avec les directives données à M.[L] quant à la nécessité d’assister à ces réunions, alors qu’aucun élément ne démontre qu’une telle directive lui ait été donnée, cet email n’ayant d’ailleurs donné lieu à aucune réaction de la part de son supérieur.
– Les courriels suivants, qui s’étalent jusqu’au 23 janvier 2019, apparaissent anodins, et ne trahissent en rien une insubordination quelconque de M.[L] si ce n’est l’expression d’un mécontentement sur une commande qui n’a pas été traitée, ce à quoi M.[N] répond en suggérant une solution dont il n’est pas établi que M.[L] ne l’ait pas suivie.
– Plusieurs emails de M.[N] sont produits, qui ne mentionnent aucune remarque sur le comportement de M.[L], indiquant notamment le 15 janvier 2019, après qu’une analyse budgétaire lui a été adressée : ” Merci [S] pour ces analyses et cet optimisme. Je suis très heureux de te voir confiant dans la réalisation de notre budget “, exprimant ensuite seulement quelques réserves ou sollicitant quelques éclaircissements.
L’ensemble de ces éléments sont loin de démontrer, que ce soit par les mots ou le ton employé ou par les remarques qu’ils contiennent, une attitude d’insubordination et de défi qui pourrait constituer un abus de sa liberté d’expression pour un cadre dirigeant de la société Faïenceries de [Localité 2], recruté pour assurer son redressement, et si M.[L] a pu exprimer son désaccord sur certains points, et notamment sur l’organisation bicéphale de l’entreprise, l’expression de ce désaccord n’a pas dépassé les limites admissibles, étant fait remarquer que M.[N] et M.[L] apparaissent avoir entretenu avant son embauche des relations depuis au moins deux années et parfaitement cordiales, ce qui peut expliquer le ton parfois direct employé par celui-ci.
Aussi, quelles que soient les divergences de vues soulignées par l’employeur et les objections opposées par M.[L] sur le fonctionnement de l’entreprise, qui pour certaines ont été reconnues comme légitimes, notamment sur les réserves exprimées sur son collègue M.[Y], il apparaît que c’est bien l’expression de son point de vue par M.[L] qui a causé son licenciement et non son insubordination, aucun élément ne venant d’ailleurs démontrer qu’il ait refusé d’appliquer des consignes ou des directives précises de l’employeur.
A cet égard, les quelques éléments sur le refus de M.[L] de répondre à des demandes de M.[N] de différents ” plans ” obligeant celui-ci à ” préparer un petit tableau Excel ” le 27 décembre 2018, les pièces produites par le salarié démontrant au contraire qu’il ne s’est pas désintéressé des questions posées, ou les défauts de réponse prétendus sur des questionnements de M.[N] sur des ” plans de bataille ” ou ” plan de développement à l’international “, n’emportent pas la conviction de la cour. A cet égard, M.[L] apparaît avoir adressé à M.[N] le 14 janvier 2019 un bilan et des mises en perspectives sur l’avenir, y compris sur l’export. La réponse de remerciement de M.[N], déjà évoquée, et les quelques éléments de questionnement qui demeuraient ne peuvent s’analyser comme un refus de M.[L] de répondre aux directives ou de communiquer des ” plans d’action “.
Par ailleurs, une seule attestation laisse apparaître une plainte d’une salariée sur le management exercé par M.[L] sur le personnel, Mme [A], stigmatisant une ” ambiance très pesante ” et que l’attitude de ce dernier à son endroit qui l’a faite ” se sentir incompétente “. Aucun élément, hormis une attestation de M.[Y] dont les mauvaises relations avec M.[L] ont été déjà évoquées, ne permet d’accréditer l’idée que ce dernier exercerait, comme mentionné dans la lettre de licenciement, un ” management très autoritaire “, d’autres salariés lui ayant manifesté au contraire, après son départ, leur sympathie et les regrets de son départ.
Enfin, il est reproché à M.[L] de s’être concentré sur certaines activités et non sur les ” actions prioritaires “, qui ne sont d’ailleurs définies par la société Faïenceries de [Localité 2] que dans ses écritures à défaut de l’être dans le courrier de licenciement ou des courriers précédents ; il aurait dû s’orienter vers l’export, produisant une attestation de M.[U] qui stigmatise le défaut d’intérêt de M.[L] pour ce domaine, alors qu’il se serait concentré sur le retour de la marques dans les grands magasins en France. M.[L] produit de son côté un email du 2 août 2018 établissant qu’il a communiqué un ” projet de répartition pays à l’export ” dans le cadre des deux recrutements opérés en septembre de responsables de zone export. M.[L] n’apparaît donc pas s’être désintéressé de cette question.
L’ensemble de ces griefs ne sont pas établis.
C’est pourquoi, compte tenu de l’atteinte à liberté d’expression du salarié telle que relevée par la cour, la nullité du licenciement de M.[L] sera prononcée.
– Sur la demande d’indemnité pour licenciement nul
L’article L.1235-3-1 du code du travail écarte l’application du barème d’indemnisation en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse prévu par l’article précédent, lorsque comme en l’espèce, le licenciement est entaché de nullité pour violation d’une liberté fondamentale.
Ce texte énonce que le juge octroie au salarié une indemnité, à la charge de l’employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.
Le montant de l’indemnité pour licenciement nul allouée à M.[L] doit donc être appréciée en fonction du préjudice subi par celui-ci, sans limite inférieure ou supérieure en fonction de son ancienneté dans l’entreprise, qui demeure néanmoins un des éléments sur lequel la cour peut se fonder, entre autres éléments, pour statuer sur la demande.
Compte tenu notamment des circonstances de la rupture, de la rémunération versée au salarié d’un montant de 10 000 euros brut hors heures supplémentaires, de son âge, de son ancienneté, du fait qu’il indique qu’il a fait valoir ses droits à la retraite en janvier 2020, tels qu’elles résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de condamner la société Faïenceries de [Localité 2] à payer à M.[L] la somme de 70 000 euros.
– Sur la demande en paiement de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire
M.[L] affirme que son licenciement a été annoncé, notamment lors d’un comité d’entreprise, avant que l’entretien préalable ait eu lieu et que le recrutement de son remplaçant était déjà réalisé. Il ajoute qu’il a été convoqué à un entretien en vue d’une éventuelle rupture conventionnelle du contrat de travail, pour laquelle il n’a reçu aucune proposition, le même jour que l’entretien préalable au licenciement. Des informations et des fichiers développés par M.[L] auraient été demandés aux équipes avant son licenciement. L’accès à son poste de travail comprenant des données personnelles, qui n’ont pu être sauvegardées, de même que sa ligne téléphonique, ont été coupés. L’accès au meuble de son bureau lui a été empêché, la clé ayant été changée et ses affaires personnelles ont disparu. Il en résulterait qu’il a été évincé de manière brusque et humiliante.
La société Faïenceries de [Localité 2] réplique que M.[L] a refusé la proposition de rupture conventionnelle qui lui a été soumise. Elle affirme que c’est M.[L] lui-même qui a répandu la nouvelle de son licenciement, et interrogé par les salariés, l’employeur aurait refusé de répondre. Il aurait été privé des accès informatiques et téléphoniques après le licenciement et M.[L] n’aurait pas répondu aux demandes qui lui étaient faites de récupérer ses affaires personnelles.
La cour relève que le compte-rendu préalable à une rupture conventionnelle du contrat de travail produit par M.[L] lui-même démontre qu’aucun accord n’est intervenu entre les parties.
Par ailleurs, le licenciement a été prononcé par lettre du 1er mars 2019, avec dispense d’effectuer le préavis.
Si l’employeur reconnaît avoir coupé les accès de M.[L] à sa ligne téléphonique professionnelle et aux réseaux de l’entreprise, ou encore aux meubles de son bureau, dont il détenait encore les clés le 22 mars 2019, selon le courrier que lui a adressé l’employeur à cette date, il n’apparaît pas que cela ait été effectué avant la notification du licenciement.
S’agissant de l’annonce de son licenciement, selon Mme [B] dans un email qu’elle a adressé à M.[L], elle l’a appris dès le 19 février 2019. Cependant, il n’apparaît pas que cette annonce ait été publique, et notamment pas lors du comité d’entreprise du 21 février 2019, dont le procès-verbal fait état d’une question d’un de ses membres à propos du départ de M.[L] : ce n’est pas la direction qui a évoqué ce départ, et la direction ” n’a pas souhaité communiquer sur ce sujet “.
Enfin, le recrutement du remplaçant de M.[L], M.[K], n’apparaît pas avoir été effectif avant le licenciement de celui-ci mais concomitant.
Les circonstances entourant le licenciement de M.[L], dans ces conditions, ne présente aucun caractère vexatoire et celui-ci sera débouté de sa demande à ce titre.
– Sur la remise des documents de fin de contrat
La remise des documents de fin de contrat conformes à la présente décision sera ordonnée.
Aucune circonstance ne permet de considérer qu’il y ait lieu d’assortir cette disposition d’une mesure d’astreinte pour en garantir l’exécution.
– Sur l’article L.1235-4 du code du travail
En application de ce texte, il convient d’ordonner le remboursement par la société Faïenceries de [Localité 2] à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à M.[L] du jour de son licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de 6 mois d’indemnités de chômage.
– Sur les intérêts légaux et la demande de capitalisation des intérêts
Les sommes nature salariale allouées à M.[L] porteront intérêts au taux légal à compter du 13 août 2019, date à laquelle la société Faïenceries de [Localité 2] a accusé réception de sa convocation à comparaître à l’audience de conciliation. Les sommes de nature indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du jour où elles ont été judiciairement fixées, soit le 20 avril 2024.
Les conditions de l’article 1343-2 du code civil étant remplies, il convient de faire droit à la demande de capitalisation des intérêts formée par le salarié dans les conditions de ce texte.
– Sur la demande reconventionnelle de la société Faïenceries de [Localité 2] visant au remboursement de l’indemnité de congés payés versée à M.[L]
La société Faïenceries de [Localité 2] considère qu’elle a commis une erreur dans le décompte des congés payés en ce que M.[L] n’aurait pas déclaré toutes ses absences et refusait de remplir correctement l’agenda Google interne à l’entreprise.
La cour relève qu’il appartenait à l’employeur de contrôler le travail de son salarié, et ses éventuelles absences, de sorte que cette demande sera rejetée.
– Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens
La solution donnée au litige commande de condamner celle-ci à lui payer la somme de 2500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, elle-même étant déboutée de sa propre demande au même titre.
La société Faïenceries de [Localité 2] sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,
Annule le jugement rendu le 10 février 2021 par le conseil de prud’hommes de Montargis ;
Statuant à nouveau,
Dit que licenciement de M.[S] [L] est nul,
Condamne la société Faïenceries de [Localité 2] à payer à M.[S] [L] la somme de 70 000 euros à titre de dommages-intérêts à ce titre ;
Condamne la société Faïenceries de [Localité 2] à payer à M.[S] [L] la somme de 40 000 euros à titre de rappel d’heures supplémentaires, outre 4000 euros d’indemnité de congés payés afférents ;
Condamne la société Faïenceries de [Localité 2] à payer à M.[S] [L] les sommes suivantes :
– 2000 euros au titre de dommages-intérêts pour non-respect du repos hebdomadaire et des congés payés,
– 5000 euros au titre de l’indemnité pour les déplacements professionnels ;
Dit que les sommes de nature salariale allouées à M.[S] [L] porteront intérêts au taux légal à compter du 13 août 2019, et dit que les sommes de nature indemnitaire porteront intérêts à compter du 20 avril 2023 ;
Ordonne la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil ;
Condamne la société Faïenceries de [Localité 2] à rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage versées à M.[S] [L] du jour de son licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de 6 mois d’indemnités de chômage ;
Ordonne la remise d’un bulletin de salaire, d’un certificat de travail et d’une attestation Pôle Emploi conformes à la présente décision, et dit n’y avoir lieu à mesure d’astreinte;
Déboute M.[S] [L] de ses autres demandes ;
Déboute la société Faïenceries de [Localité 2] de sa demande reconventionnelle visant au remboursement de l’indemnité de congés payés versée à M.[S] [L];
Condamne la société Faïenceries de [Localité 2] à payer à M.[S] [L] la somme de 2500 euros au titre de ses frais irrépétibles, et la déboute elle-même de ce chef de prétention ;
Condamne la société Faïenceries de [Localité 2] aux dépens de première instance et d’appel.
Et le présent arrêt a été signé par le président de chambre, président de la collégialité, et par le greffier
Fanny ANDREJEWSKI-PICARD Laurence DUVALLET