Heures supplémentaires : 20 avril 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 19/02146

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Heures supplémentaires : 20 avril 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 19/02146
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COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80F

11e chambre

ARRET N°

REPUTE CONTRADICTOIRE

DU 20 AVRIL 2023

N° RG 19/02146 – N° Portalis DBV3-V-B7D-TGBI

AFFAIRE :

[V] [G]

C/

[M] [C], mandataire ad hoc de la SARL ATM 76

L’UNEDIC, Délégation AGS CGEA d’Ile de [Localité 5]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 Mars 2019 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NANTERRE

N° Section : C

N° RG :

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Hana CHERIF HAUTECOEUR

Me Sophie CORMARY de la SCP HADENGUE & ASSOCIES

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT AVRIL DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur [V] [G]

né le 09 Mai 1974 à [Localité 7] (MADAGASCAR)

de nationalité Malgache

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Hana CHERIF HAUTECOEUR, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1823, substitué à l’audience par Me Fabienne ANNILUS, avocat au barreau de PARIS

APPELANT

****************

Maître [M] [C], mandataire ad hoc de la SARL ATM 76

[Adresse 1]

[Localité 5]

Assignation en intervention forcée par acte d’huissier signifié le 05 septembre 2022 à tiers présent au domicile

Défaillante

INTIME

****************

L’UNEDIC, Délégation AGS CGEA d’Ile de [Localité 5]

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représentant : Me Sophie CORMARY de la SCP HADENGUE & ASSOCIES, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire: 98, substitué à l’audience par Me Isabelle TOLEDANO, avocat au barreau de PARIS

PARTIE INTERVENANTE

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 13 Mars 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Thierry CABALE, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thierry CABALE, Président,

Madame Régine CAPRA, Président,

Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,

Greffier en pré-affectation lors des débats : Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI,

****************

Par requête reçue au greffe le 4 juin 2018, Monsieur [V] [G] a saisi le conseil de prud’hommes de Nanterre pour voir reconnaître l’existence d’une relation de travail depuis le 1er mars 2016 avec la Sarl ATM 76, placée en redressement judiciaire le 13 mars 2018 puis en liquidation judiciaire le 10 juillet 2018, actuellement représentée par Maître [M] [C] désignée en qualité de mandataire ad hoc à la suite de la clôture des opérations de liquidation pour insuffisance d’actif le 3 juillet 2020.

Par jugement du 20 mars 2019, auquel renvoie la cour pour l’exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil des prud’hommes de Nanterre a :

– dit et jugé que Monsieur [V] [G] n’a jamais été salarié de la Sarl ATM 76 ;

– débouté Monsieur [V] [G] de l’intégralité des demandes ;

– mis hors de cause l’Ags Cgea de [Localité 5], l’intéressé n’ayant pas qualité de salarié ;

– condamné Monsieur [V] [G] à l’intégralité des éventuels dépens.

Par déclaration au greffe du 9 mai 2019, Monsieur [G] a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié le 11 avril 2019.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 9 septembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens, Monsieur [G] demande à la cour de :

– le déclarer recevable en son action et bien fondé en ses demandes ;

– infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris en ce qu’il l’a débouté de l’intégralité de ses demandes ;

et statuant de nouveau

– constater l’existence du contrat de travail l’ayant lié à la société ATM 76 et dire par conséquent qu’il était salarié depuis le 1er mars 2016

– constater que le contrat de travail a été conclu pour une durée indéterminée à temps plein en exécution duquel il exerçait les fonctions de chef d’exploitation logistique moyennant un salaire qui ne saurait être inférieur à la rémunération conventionnelle ;

– prononcer la résiliation judiciaire du contrat aux torts exclusifs de l’employeur au 31 juillet 2017 ;

– fixer au passif de la procédure collective de la société ATM 76, à son profit, les sommes de :

34 535,58 euros bruts à titre de rappel de salaire outre la somme de 3 453,55 euros au titre des congés payés afférents pour la période comprise entre le 1er mars 2016 et le 31 juillet 2017,

25 577,89 euros bruts à titre de rappel des heures supplémentaires et 2 557,78 euros bruts de congés payés afférents pour la période comprise entre le 1er mars 2016 et le 31 juillet 2017,

6 219,12 euros au titre de l’indemnité forfaitaire résultant de la rupture du contrat,

8 292,16 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat,

3 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

– ordonner à Maître [M] [C] en sa qualité de mandataire ad hoc de la société ATM 76 la remise de tous les bulletins de paie, du certificat de travail, du reçu pour solde de tout compte, et de l’attestation pôle emploi de Monsieur [G] régularisés au regard de la décision à intervenir ;

– condamner Maître [M] [C] en sa qualité de mandataire ad hoc de la société ATM 76 aux entiers dépens ;

– débouter le Cgea Ags de [Localité 5] de toutes ses demandes ;

– déclarer le jugement à intervenir opposable au Cgea de [Localité 5] dans les limites légales de sa garantie.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 30 décembre 2021, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens, l’Unedic Délégation Ags Cgea de [Localité 5] demande à la cour de :

confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

subsidiairement :

– dire que les éventuelles créances salariales de Monsieur [G] ont été novées en créances civiles ;

– dire que la demande de résiliation est mal-fondée ;

en conséquence :

– débouter Monsieur [G] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

– mettre l’Ags hors de cause au titre des demandes de rappels de salaire et d’heures supplémentaires ;

à titre subsidiaire :

– débouter Monsieur [G] de ses demandes de rappels de salaire et d’heures supplémentaires ;

en tout état de cause :

– dire que l’Ags ne pourra être amenée à garantir la moindre créance de salaire pour la période postérieure au 28 avril 2018 ;

– mettre hors de cause l’Ags s’agissant des frais irrépétibles de la procédure ;

– dire et juger que la demande qui tend à assortir les intérêts au taux légal ne saurait prospérer postérieurement à l’ouverture de la procédure collective en vertu des dispositions de l’article L.622-28 du code du commerce ;

– fixer l’éventuelle créance allouée au salarié au passif de la société ;

– dire que le Cgea, en sa qualité de représentant de l’Ags, ne devra procéder à l’avance des créances visées aux articles L. 3253-6, L. 3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L. 3253-15, L. 3253-19 à 21 et L. 3253-17 du code du travail ;

– dire et juger que l’obligation du Cgea de faire l’avance de la somme à laquelle serait évalué le

montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s’exécuter que sur présentation d’un relevé par le Mandataire ad hoc et justification par celui-ci de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement ;

– condamner Monsieur [G] à lui verser la somme de 1 500 euros, outre les frais et dépens de l’instance.

La Sarl ATM 76, représentée par Me [M] [C] en qualité de mandataire ad hoc, est défaillante. Un acte d’huissier ” en intervention forcée ” a été signifié à ce mandataire ad hoc es qualité, le 5 septembre 2022.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 13 février 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l’existence d’une relation de travail :

Il convient de rappeler que le contrat de travail est constitué par l’engagement d’une personne à travailler pour le compte et sous la direction d’une autre moyennant rémunération, le lien de subordination juridique ainsi exigé se caractérisant par le pouvoir qu’à l’employeur de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son salarié. Il en résulte que le lien de subordination juridique, critère essentiel du contrat de travail, est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. Le travail au sein d’un service organisé peut constituer un indice du lien de subordination lorsque l’employeur détermine unilatéralement les conditions d’exécution du travail. L’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait, dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs. C’est à celui qui se prévaut de l’existence d’un contrat de travail d’en rapporter la preuve. Toutefois, il résulte des articles 1353 du code civil et L. 1221-1 du code du travail qu’en présence d’un contrat de travail apparent, il appartient à celui qui invoque son caractère fictif d’en rapporter la preuve.

L’appelant produit aux débats :

– le courrier qui lui a été adressé le 10 avril 2018 par l’Urssaf afin de lui indiquer qu’une déclaration préalable à l’embauche avait été effectuée le 11 septembre 2016 par la Sarl ATM 76 pour son embauche le 12 septembre 2016 ;

– six bulletins de paie délivrés par la société ATM 76 pour les mois de janvier à juin 2017 mentionnant, notamment, le siège social, le code Naf, les numéros Siret et Urssaf de la société,

une date d’entrée au 1er mars 2016, un emploi de chauffeur livreur ouvrier niveau G3B, la convention collective 3085A des transports routiers et activités auxiliaires du transport, un salaire

de base de 1480,30 euros bruts suivant un taux de 9,76 euros bruts pour 151,67 heures, les cotisations et contributions salariales et patronales, le net à payer, les cumuls sur l’année et les congés payés ;

– une carte professionnelle où sont inscrits ses prénom et nom, sa fonction de ” responsable technique “, une adresse e-mail ” contact @atm76.fr ” ;

– des badges délivrés par Ups et Dhl à son identité suivie de la mention ” ATM 76 ” ;

– un bordereau établi et signé pour ATM 76 le 17 août 2016 dans le cadre d’un suivi quotidien des retours – sous-traitance Dhl ;

– des mails échangés d’août 2016 à juillet 2017 avec les sociétés Ups et Dhl via son adresse professionnelle, certains mails lui ayant été adressés par le gérant via la boîte structurelle “[Courriel 8] afin de traiter des demandes notamment des plannings de route ;

– une licence de transport en sa possession au nom de ATM 76 pour la période du 28 janvier 2016 au 30 septembre 2017 ;

– deux cartes de paiement au nom de ATM 76 pour les stations Total et Bp ;

– un courrier adressé au gérant de la société le 24 novembre 2017 pour réclamer ses salaires sous déduction d’un virement relatif à une ” caution ” locative ;

– l’attestation d’un chauffeur-livreur de la société ATM 76 de novembre 2016 à avril 2017 selon lequel Monsieur [G] travaillait dans cette société en qualité de responsable technique et chauffeur livreur, celui-ci ajoutant, notamment : ” Avant de me rejoindre en quai tous les matins vers 7 h, [K] participait au réunion avec le responsable de UPS (PCM). Après sa réunion il effectuait le tri et scanne des colis avec moi. Après il rejoignait le chef de quai et il désignaient les tournées de chaque chauffeur avant de faire sa propre tournée. Et le soir Mr [K] assurait le déroulement des retour des colis, les encaissements s’il y en avait il poursuivait toujours son travail quand moi je quittais le dépôt vers 18 h. ” ;

– l’attestation d’un autre chauffeur-livreur employé par la société du mois d’octobre 2016 au 1er mars 2017 qui témoigne également de l’existence d’un travail effectué par l’intéressé au sein de la société en tant que responsable technique en précisant : ” [K] charge le camion avec moi et vérifit les autres personnels en faisant son métier tout entier en tant que chef d’équipe responsable ce qui se passe au dépôt et en dehors. D’après ma connaissance il est toujours prêt

et on peut toujours aller vers lui si besoin sur le plan soutien c-à-d faire les travaux des chauffeurs livreurs par exemple s’il faut retourner au dépôt pour récupérer les restes des colis non pris, présenter le soir quand on finit la livraison pour présenter les retours en dépots jusqu’à l’encaissement. ” ;

– l’attestation d’un chauffeur-livreur d’une autre société sous-traitante de la société Ups qui déclare avoir vu l’intéressé, étant chauffeur livreur de la société ATM 76, tous les matins du lundi au vendredi à 7h30, faisant le tri pour la société dès le matin et la livraison des colis, l’attestant ajoutant l’avoir croisé quelques fois le soir au dépôt de la société Ups ;

– l’attestation d’un responsable d’agence de la société Dhl qui indique que la société ATM a travaillé pour l’agence Dhl [Localité 9] sur les périodes du 1er août 2016 au 9 septembre 2016 et du 3 mai 2017 au 1er juin 2017, celui-ci précisant que l’intéressé faisait partie des effectifs de la société ATM.

Au vu de ces éléments, la déclaration préalable à l’embauche et les bulletins de paie créant une apparence de contrat de travail, il appartient au Cgea de rapporter la preuve de son caractère fictif.

Le Cgea ne rapporte pas cette preuve en invoquant :

– le nombre peu important de bulletins de paie et la présence de graves incohérences laissant penser qu’il s’agit de faux : numéro de sécurité sociale erroné, erreur dans le nombre de jours de congés de l’année en cours sur le premier bulletin, cumuls incorrects et non actualisés pour les trois derniers bulletins, quand le salarié fait valoir, sans être utilement contredit, ne pas en être l’auteur s’agissant d’erreurs grossières, notamment quant à son numéro de sécurité sociale, étant relevé de surcroît que ces erreurs sont proportionnellement non significatives au regard du nombre important de données inscrites sur les six bulletins, pour la plupart complexes, techniques et requérant des connaissances très précises en matière de paie, ou sur la situation de la société ;

– le fait que l’intéressé ait pu accomplir un travail durant près de deux ans pour le compte de la société sans s’émouvoir de l’absence de versement de salaire ; alors que ce dernier a réclamé ses salaires, sous déduction de l’avance d’un dépôt de garantie, par courrier recommandé du 24 novembre 2017 antérieur de plusieurs mois au placement de la société en redressement judiciaire, réceptionné le 11 décembre suivant par le gérant de la société, lequel, par lettre du 18 décembre 2017, a évoqué une activité de ” prestataire ” du 25 juillet 2016 au 30 juin 2017 sans plus de précision sauf l’allégation d’un paiement des ” charges ” de l’intéressé avec les factures ” données par celui-ci, toutes circonstances que le Cgea n’offre pas de prouver.

Il est donc établi qu’à compter du 1er mars 2016 Monsieur [G] a exécuté une prestation de travail pour le compte de la société ATM 76 dans un lien de subordination avec

celle-ci, en tant que ” responsable technique ” à plein temps, les fonctions exécutées par le salarié relevant, tel que cela résulte de l’examen de l’ensemble des éléments produits, dont les éléments énoncés ci-dessus, de l’emploi de chef d’exploitation logistique, coefficient 200, selon la classification issue de l’accord du 11 juillet 2002 relatif au classement des emplois spécifiques des activités de prestations logistiques, puisqu’il ressort de ces mêmes éléments, notamment d’échanges de mails avec les sociétés Ups et Dhl, et d’attestations concordantes, qu’au-delà de la conduite des véhicules et des opérations de transport de colis et de courrier dans le cadre de la sous-traitance, il dirigeait et animait les conducteurs, optimisait les moyens humains et matériels, gérait tant les plannings que la clientèle, était l’interlocuteur de partenaires importants en matière tarifaire.

Le jugement est dès lors infirmé.

Sur les rappels de salaire :

– Le salarié revendique un salaire minimum garanti correspondant au coefficient 200 pour un

travail à temps plein en application des accords successifs relatifs aux rémunérations conventionnelles du 3 octobre 2015 et du 7 avril 2017, soit, pour 151,67 heures de travail mensuelles, un rappel de salaire calculé sur la base d’un salaire brut annuel de 24 351,59 euros du 1er mars 2016 au 30 avril 2017, puis de 24 501,56 euros du 1er mai 2017 au 31 juillet 2017, l’employeur ayant cessé de lui fournir du travail après cette date.

Le Cgea réplique que : le salarié ne justifie pas de la réalisation d’une prestation de travail effective ni être resté à la disposition de l’employeur après le 30 juin 2017 ; en s’abstenant d’entreprendre une démarche quelconque pour obtenir le paiement de son salaire, il a renoncé à réclamer toute rémunération ; la créance a nové en prêt puisqu’il en a fait l’avance à son employeur.

D’une part, il est relevé l’absence de toute renonciation certaine, expresse et non équivoque, à un droit ou à une action, de la part du salarié.

D’autre part, outre son caractère illicite, la novation alléguée, qui ne se présume pas, ne résulte d’aucun élément de la cause.

De même, force est de constater le défaut de preuve du refus du salarié d’exécuter son travail ou du fait de ne pas s’être tenu à la disposition de son employeur au cours de la période considérée.

Le salarié est dès lors bien fondé à réclamer le paiement de son salaire minimum conventionnel, sur la base d’un temps complet, en application des accords dont il se prévaut à juste raison compte

tenu de la classification de son emploi selon la convention collective applicable, soit la somme de 28 410,19 euros bruts pour la période du 1er mars 2016 au 30 avril 2017 et la somme de 6125,39 euros bruts pour celle du 1er mai 2017 au 31 juillet 2017.

Il y a donc lieu de fixer au passif de la procédure collective de la société la somme brute globale de 34 535,58 euros à titre de rappel de salaire de base, outre celle de 3 453,55 euros bruts à titre de congés payés afférents.

Par ailleurs, le salarié sollicite la rémunération d’heures supplémentaires qu’il estime avoir accomplies au cours de la période de travail du 1er mars 2016 au 31 juillet 2017.

Selon l’article L. 3121-22 du code du travail, constituent des heures supplémentaires toutes les heures de travail effectuées au-delà de la durée hebdomadaire du travail fixée par l’article L.3121-10 du code du travail ou de la durée considérée comme équivalente. Cette durée du travail hebdomadaire s’entend des heures de travail effectif et des temps assimilés.

Les jours fériés ne peuvent, en l’absence de dispositions légales ou conventionnelles, être assimilées à du temps de travail effectif, de sorte qu’ils ne sauraient être pris en compte dans la

détermination de l’assiette de calcul des droits à majoration pour heures supplémentaires. Les heures correspondant à la période de congé annuel payé pris par le salarié doivent en revanche être prises en compte en tant qu’heures de travail accomplies pour déterminer si le seuil des heures travaillées au cours de la semaine civile donnant droit à majoration pour heures supplémentaires est atteint.

Aux termes de l’article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée du travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l’article L. 3171-3 du même code, l’employeur tient à la disposition de l’agent de contrôle de l’inspection du travail mentionné à l’article L. 8112-1, les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

Selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction, après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Il résulte de ces dispositions qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de

travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

En l’espèce, le salarié, qui invoque des horaires de 6h30 à 19h30 du lundi au jeudi avec une heure de pause, et de 6h30 à 13h le vendredi, soit 54h30 par semaine dont 8 heures comprises entre la 36eme et la 43eme heure et 11h30 au-delà, ne présente pas d’autre élément que ceux invoqués pour faire reconnaître l’existence d’une relation de travail parmi lesquels seules deux attestations de chauffeurs livreurs ayant travaillé aux côtés du salarié au cours d’une partie de la relation de travail, évoquent des horaires de travail, et ce, de manière très vague ; le salarié ne fournit aucun décompte ou tableau d’heures de travail qu’il prétend avoir accomplies semaine civile par semaine civile.

Les éléments présentés par le salarié à l’appui de sa demande sont insuffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies, l’employeur, comme le Cgea, n’étant pas en mesure d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments, alors qu’il n’apparaît pas que l’ampleur des tâches qui étaient confiées au salarié rendait nécessaire la réalisation d’heures supplémentaires.

Le salarié sera donc débouté de toute demande au titre d’heures supplémentaires accomplies au-delà de la durée légale hebdomadaire, ou de la durée considérée comme équivalente.

Sur la rupture du contrat de travail :

Le salarié sollicite la résiliation judiciaire du contrat de travail à la date du 31 juillet 2017 et aux torts de l’employeur en raison du non-paiement du salaire et de la cessation de la fourniture d’un travail, quand le Cgea objecte que le salarié ne justifie pas de l’effectivité du travail qu’il invoque et n’a pas estimé devoir réclamer son salaire, ce grief n’ayant pu empêcher la poursuite du contrat de travail, ajoutant que la résiliation judiciaire ne peut prendre effet qu’à la date de son prononcé.

Le comportement de l’employeur ayant consisté, quelques mois avant la saisine prud’homale, à s’abstenir de régler au salarié tout salaire durant dix-sept mois, constitue un manquement

suffisamment récent et grave pour justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur, ce manquement étant de nature à empêcher la poursuite du contrat.

La résiliation judiciaire du contrat de travail ne peut prendre effet qu’à la date de son prononcé par le présent arrêt faute de rupture antérieure, peu important la seule absence de fourniture d’un travail par l’employeur après le 31 juillet 2017.

Cette résiliation produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur l’indemnité forfaitaire :

Il résulte de l’article L. 8251-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011, que :

” Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France.

Il est également interdit à toute personne d’engager ou de conserver à son service un étranger

dans une catégorie professionnelle, une profession ou une zone géographique autres que celles qui sont mentionnées, le cas échéant, sur le titre prévu au premier alinéa. ”

Selon les dispositions de l’article L. 8252-2 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n°2016-274 du 7 mars 2016,

” Le salarié étranger a droit au titre de la période d’emploi illicite :

1° Au paiement du salaire et des accessoires de celui-ci, conformément aux dispositions légales, conventionnelles et aux stipulations contractuelles applicables à son emploi, déduction faite des sommes antérieurement perçues au titre de la période considérée. A défaut de preuve contraire, les sommes dues au salarié correspondent à une relation de travail présumée d’une durée de trois mois. Le salarié peut apporter par tous moyens la preuve du travail effectué ;

2° En cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à trois mois de salaire, à moins que l’application des règles figurant aux articles L. 1234-5, L. 1234-9, L. 1243-4 et L. 1243-8 ou des stipulations contractuelles correspondantes ne conduise à une solution plus favorable.

3° Le cas échéant, à la prise en charge par l’employeur de tous les frais d’envoi des rémunérations impayées vers le pays dans lequel il est parti volontairement ou a été reconduit.

Lorsque l’étranger non autorisé à travailler a été employé dans le cadre d’un travail dissimulé, il bénéficie soit des dispositions de l’article L. 8223-1, soit des dispositions du présent chapitre si celles-ci lui sont plus favorables.

Le conseil de prud’hommes saisi peut ordonner par provision le versement de l’indemnité

forfaitaire prévue au 2°.

Ces dispositions ne font pas obstacle au droit du salarié de demander en justice une indemnisation supplémentaire s’il est en mesure d’établir l’existence d’un préjudice non réparé au titre de ces dispositions. ”

En l’espèce, il ressort de récépissés de carte de séjour dont la validité a expiré le 8 décembre 2016, que le salarié n’était pas autorisé à travailler, ce qui fonde sa demande de fixation d’une indemnité forfaitaire égale à trois mois de salaire, soit la somme nette de 8 292,16 euros, ce que le Cgea ne conteste pas utilement.

Sur les dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail :

Le Cgea invoque l’absence de préjudice distinct pour solliciter le rejet de la demande en dommages et intérêts formée par le salarié au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail par l’employeur.

Aux termes de l’article 1231-6 alinéa 3 du code civil, dans sa rédaction résultant de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, applicable aux instances introduites à compter du 1er octobre 2016, le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts de l’intérêt moratoire.

Le salarié ne rapporte pas la preuve de l’existence d’un préjudice distinct de celui résultant du retard apporté par l’employeur au paiement de ses salaires et causé par la mauvaise foi de celui-ci.

En revanche, en application des articles L. 3141-1 et suivants du code du travail et 1353 du code civil, il n’est pas justifié de ce que l’employeur a effectivement accompli toutes les diligences nécessaires pour mettre le salarié en mesure de faire valoir ses droit à congés payés légaux, ni que l’employeur, débiteur de l’obligation du paiement de l’intégralité de l’indemnité due au titre des jours de congés payés, a exécuté son obligation.

Il y a donc lieu d’indemniser l’entier préjudice qui en est résulté par l’allocation d’une somme nette de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts, laquelle sera fixée au passif de la société ATM 76.

Sur les intérêts au taux légal :

Il convient de dire que conformément aux dispositions de l’article L. 622-28 du code de commerce, l’ouverture de la procédure collective a arrêté le cours des intérêts légaux.

Sur la remise des documents :

Compte tenu des développements qui précèdent, la demande de remise de documents est fondée et il y est fait droit comme indiqué au dispositif.

Sur la garantie de l’Ags :

La résiliation judiciaire prenant effet à la date de son prononcé par le présent arrêt, elle est postérieure à la liquidation judiciaire. Or, les créances résultant de la rupture du contrat de travail visées par l’article L. 3253-8 2° du code du travail s’entendent d’une rupture à l’initiative de l’administrateur judiciaire ou du mandataire liquidateur. Ainsi, le Cgea soutient à juste titre que la garantie de l’Ags ne s’applique pas en l’espèce pour les créances de rupture, soit à l’indemnité forfaitaire allouée en application de l’article L. 8252-2 du code du travail ;

Pour le surplus des créances allouées ci-dessus, la garantie est due, en application des articles L.3253-6 et suivants du code du travail, dans les limites et plafond légaux et réglementaires.

Il sera dit que l’obligation de l’Unedic délégation Ags Cgea de [Localité 5] de faire l’avance des créances garanties s’exécutera sur présentation d’un relevé de créances par le greffe du tribunal de commerce et justification de l’absence de fonds disponibles pour procéder à leur paiement, étant observé que la mission du mandataire ad hoc est limitée à la représentation de la société ATM 76 dans la présente instance.

Sur les frais irrépétibles :

En considération de l’équité, il n’y a lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile qu’au profit du salarié auquel est allouée la somme de 3 000 euros pour les frais irrépétibles de première instance et d’appel. Cette créance sera fixée au passif de la procédure collective de la société ATM 76. Elle n’est pas garantie par l’Ags.

Sur les dépens :

Les entiers dépens de première instance et d’appel seront mis à la charge du mandataire ad hoc, es qualité.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire,

Infirme le jugement entrepris.

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit la société ATM 76 et Monsieur [V] [G] liés à compter du 1er mars 2016 par un contrat de travail à durée indéterminée pour un emploi à temps plein de chef d’exploitation logistique, coefficient 200, selon la classification issue de l’accord du 11 juillet 2002 relatif au classement des emplois spécifiques des activités de prestations logistiques.

Prononce la résiliation judiciaire de ce contrat de travail aux torts de l’employeur à effet à la date du présent arrêt.

Dit que cette résiliation produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Fixe au passif de la société ATM 76 les créances de Monsieur [V] [G] qui suivent :

– 34 535,58 euros bruts à titre de rappel de salaire pour la période du 1er mars 2016 au 31 juillet 2017,

– 3 453,55 euros bruts à titre de congés payés afférents,

– 2 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.

Dit que le jugement d’ouverture de la procédure collective a emporté arrêt du cours des intérêts légaux.

Dit l’arrêt opposable à l’Unedic délégation Ags Cgea de [Localité 5].

Dit que la garantie de l’Unedic délégation Ags Cgea de [Localité 5] doit s’appliquer uniquement pour les créances ci-dessus, et dans les limites et plafonds légaux et réglementaires.

Dit que l’obligation de l’Unedic délégation Ags Cgea de [Localité 5] de faire l’avance des créances garanties s’exécutera sur présentation d’un relevé de créances par le greffe du tribunal de commerce et justification de l’absence de fonds disponibles pour procéder à leur paiement.

Fixe, en outre, au passif de la société ATM 76 les créances de Monsieur [V] [G] qui suivent :

– 8 292,16 euros nets à titre d’indemnité forfaitaire en application de l’article L. 8252-2 du code du travail,

– 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamne Maître [M] [C], en qualité de mandataire ad hoc de la société ATM 76, à remettre à Monsieur [V] [G] des bulletins de paie, un certificat de travail, un reçu pour solde de tout compte et l’attestation Pôle Emploi, conformes au présent arrêt.

Déboute les parties pour le surplus.

Condamne la société ATM 76, représentée par Maître [M] [C] en qualité de mandataire ad hoc, aux entiers dépens de première instance et d’appel, et dit que ces dépens seront pris en frais privilégiés de procédure collective.

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Monsieur Thierry CABALE, Président et par Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI, greffier en pré-affectation, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier en pré-affectation, Le président,

 


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