Heures supplémentaires : 19 avril 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/00292

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Heures supplémentaires : 19 avril 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/00292
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Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 9

ARRÊT DU 19 AVRIL 2023

(n° , 2 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/00292 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CC5TV

Décision déférée à la Cour : Jugement du 2 Octobre 2020 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – Section Encadrement chambre 1 – RG n° F18/02328

APPELANT

Monsieur [R] [P]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Matthieu JANTET-HIDALGO, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE

SOCIÉTÉ TRICON INTERNATIONAL LTD

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Patrice FROVO, avocat au barreau de PARIS, toque : L0022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Nelly CHRETIENNOT, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

M. Philippe MICHEL, président de chambre

M. Fabrice MORILLO, conseiller

Mme Nelly CHRETIENNOT, conseillère

Greffier : Mme Pauline BOULIN, lors des débats

ARRÊT :

– contradictoire

– mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile, prorogé à ce jour.

– signé par Monsieur Philippe MICHEL, président et par Madame Pauline BOULIN, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Monsieur [R] [P], ingénieur, a été embauché par la société de droit américain TRICON INTERNATIONAL LTD à effet du 5 juillet 2011 par contrat de travail écrit à durée indéterminée soumis au droit français en qualité de Directeur Export, responsable de la Zone Maroc Tunisie Algérie, basé à [Localité 4].

La relation de travail était soumise aux dispositions de la convention collective des entreprises de commission, de courtage et de commerce intracommunautaire et d’importation-exportation.

A compter du 17 mars 2017, Monsieur [P] a dû être placé en arrêt de travail pour état dépressif. Cet arrêt de travail a été renouvelé à plusieurs reprises jusqu’au 28 février 2018.

Il a par ailleurs dû être hospitalisé à plusieurs reprises pendant lesdits arrêts, du 17 au 19 mars 2017, du 27 au 29 mars 2017 et du 3 au 27 juillet 2017.

Il a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement par lettre du 28 juin 2017 pour le 10 juillet suivant. L’entretien préalable a été reporté au 25 juillet 2017 à la suite d’un problème d’avion du salarié.

Monsieur [R] [P] s’est rendu à l’entretien.

Son licenciement lui a été notifié par lettre datée du 28 juillet 2017, pour abandon de poste du fait de l’absence de transmission de ses arrêts de travail dans le délai de 48 heures prévue par la convention collective, et désorganisation de l’entreprise qui n’avait aucune vue sur la durée de son absence et la date de son retour.

Le 26 mars 2018, Monsieur [R] [P] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris des demandes suivantes :

– 61.200 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 122.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement lié à l’état de santé du salarié,

– 13.692 euros au titre des heures supplémentaires,

– 1.369,20 euros au titre des congés payés afférents,

– 61.200 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé,

– 30.000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité,

– 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement en date du 2 octobre 2020, Monsieur [R] [P] a été débouté de l’ensemble de ses demandes.

Le salarié a interjeté appel dudit jugement par déclaration du 17 décembre 2020.

Par écritures récapitulatives notifiées électroniquement le 10 février 2012, Monsieur [P] demande à la cour de réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et statuant à nouveau :

– Dire son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

– Condamner la société à lui payer les sommes suivantes :

– 61.200 € à titre de dommages et intérêts pour une rupture abusive du contrat,

– 122.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement lié à l’état de santé du salarié,

– 13.692 € au titre des heures supplémentaires et de 1.369,20 € au titre des congés payés y afférents,

– 61.200 € au titre de l’indemnité pour travail dissimulé,

– 30.000 € à titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité de l’employeur vis-à-vis de son salarié,

– 3.000 € d’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par écritures récapitulatives notifiées électroniquement le 7 avril 2021, la société TRICON INTERNATIONAL LTD demande à la cour de confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Paris du 2 octobre 2020 dans toutes ses dispositions et :

-Débouter Monsieur [R] [P] de toutes ses demandes,

-Le condamner à verser à la société TRICON INTERNATIONAL LTD la somme de 3.000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

La clôture a été prononcée le 10 janvier 2023.

Pour un plus exposé des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs écritures récapitulatives.

MOTIFS

Sur le licenciement

Aux termes de l’article L. 1232-1 du code du travail, le licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

Aux termes de l’article L. 1235-1 du code du travail, le juge, pour apprécier le caractère réel et sérieux des motifs de licenciement invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, et au besoin après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles, et, si un doute persiste, il profite au salarié.

En l’espèce, la lettre de licenciement du 28 juillet 2017, qui fixe les limites du litige en application des dispositions de l’article L.1232-6 du code du travail, est libellée dans les termes suivants :

« Vous avez abandonné votre poste, sans nous prévenir et sans motif, perturbant ainsi la bonne marche de l’entreprise’ (‘)

La convention collective qui est applicable à nos relations de travail, ainsi que les usages prévoient pourtant un délai de 48 heures pour informer et justifier une absence auprès de l’employeur(…)

A compter du lundi 12 juin 2017, nous n’avons pas reçu de justificatif de votre absence. Vous êtes donc en abandon de poste à compter de cette date (…)

Nous vous avons écrit le 16 juin, pour vous indiquer qu’il n’était pas acceptable que vous tardiez plus d’un mois à justifier de votre situation et que nous vous demandions de nous tenir informés de vos absences (…)

Nous n’avons pas obtenu de réponse ni de justificatif d’absence et vous avez à nouveau abandonné votre poste'(…)

Ces faits ont perturbé le fonctionnement de l’entreprise et constituent un grave manquement de votre part'(…)

Les faits ci-dessus pourraient justifier votre licenciement pour faute grave, Toutefois, par mansuétude en raison de votre hospitalisation nous avons décidé de nous limiter à un licenciement pour faute simple ».

Monsieur [P] expose que la société n’ayant fait valoir aucun motif objectif et pertinent de licenciement, autre qu’un prétendu abandon de poste alors qu’il était en arrêt maladie et en état d’incapacité, le licenciement ne peut avoir d’autre motif que son état de santé, ce qui est discriminatoire au regard des dispositions de l’article L1132-1 du code du travail.

A titre subsidiaire, il demande à la cour de retenir que le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse puisqu’il est établi que l’employeur a, dès l’origine, été informé de son état de santé et de ses arrêts de travail.

La société TRICON fait valoir pour sa part que le licenciement est motivé par un abandon de poste du fait de l’absence de transmission par le salarié de son arrêt de travail dans le délai de 48 heurs prévue par la convention collective. Elle ajoute qu’alors qu’il était en arrêt de travail et que l’employeur n’avait reçu aucun justification, il a indiqué à la société qu’il était de retour au travail, entretenant la confusion sur son état, au risque de désorganiser l’entreprise qui n’avait aucune vue sur la durée de son absence et la date de son retour.

Sur le caractère discriminatoire du licenciement

Aux termes de l’article L. 1132-1 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable au litige, aucun salarié ne peut être licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, en raison de son état de santé.

Aux termes de l’article L. 1133-1 du même code, cette disposition ne fait pas obstacle aux différences de traitement, lorsqu’elles répondent à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l’objectif soit légitime et l’exigence proportionnée.

L’article L. 1134-1 du même code dispose que lorsque survient un litige en raison d’une méconnaissance de ces dispositions, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

A l’appui de ses allégations de licenciement discriminatoire, le salarié fait valoir que son employeur était parfaitement informé de son état de santé, car il l’en a informé par échanges de mails et whatsapp, et qu’il lui a envoyé ses arrêts de travail.

Il est établi que Monsieur [P] a dû être placé en arrêt de travail pour état dépressif du 17 mars 2017 jusqu’au 28 février 2018. Il a par ailleurs dû être hospitalisé à plusieurs reprises pendant lesdits arrêts, du 17 au 19 mars 2017, du 27 au 29 mars 2017 et du 3 au 27 juillet 2017.

Il ressort des échanges de mails produits que l’employeur a été informé dès le 19 mars 2017 de ce que le salarié était hospitalisé depuis le 17 mars 2017, sans toutefois être informé du motif médical. L’employeur reconnaît par ailleurs avoir reçu les arrêts de travail du salarié pour les périodes du 30 mars au 17 avril (reçu le 17 avril) et du 27 avril au 10 juin (reçu le 5 juin) ainsi que la remise par le salarié le 25 juillet, jour de son entretien préalable, de son justificatif d’hospitalisation du 3 au 27 juillet.

La circonstance que le salarié ait été licencié juste quelques mois après qu’il a été placé en arrêt de travail et qu’il a indiqué avoir subi des hospitalisations laisse supposer l’existence d’une discrimination liée à son état de santé.

Pour contester l’existence d’une discrimination, l’employeur oppose que le salarié n’a pas respecté les délais de transmission de ses arrêts de travail tels qu’imposés par la convention collective, soit 48h, ce qui constitue un abandon de poste fautif sans rapport avec son état de santé, et que l’absence d’information sur son état de santé et son évolution a perturbé le fonctionnement de l’entreprise.

Cela étant, aux termes de la lettre de licenciement, l’employeur reproche au salarié un abandon de poste alors qu’il était informé, en tout état de cause lors de l’entretien préalable que son salarié était hospitalisé.

Dans ces conditions, si l’employeur pouvait faire grief au salarié de ne pas l’avoir informé de ses arrêts de travail dans le délai prévu par la convention collective, il ne pouvait pas lui reprocher un abandon de poste.

L’employeur ne rapporte pas la preuve que sa décision de licencier son salarié est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination en raison de l’état de santé.

Le licenciement de Monsieur [P] est donc discriminatoire.

Toutefois, dans le dispositif de ses conclusions, qui seules lient la cour, Monsieur [P] ne demande pas la nullité de son licenciement mais que ce dernier soit déclaré sans cause réelle et sérieuse.

En conséquence, le licenciement de Monsieur [P] par la société TRICON sera déclaré sans cause réelle et sérieuse.

Sur la demande de dommages et intérêts au titre de la rupture abusive du contrat

L’entreprise ayant moins de onze salariés, Monsieur [P] a droit à une indemnité correspondant au préjudice subi, conformément aux dispositions de l’article L. 1235-5 du code du travail dans sa rédaction alors applicable au litige.

Au moment de la rupture, il était âgé de 49 ans et comptait 6 ans d’ancienneté. Il justifie de sa situation de demandeur d’emploi du 8 novembre 2017 jusqu’au 31 juillet 2020. Il ne produit pas d’éléments postérieurs.

En dernier lieu, il percevait un salaire mensuel brut de 10.200 €.

Au vu de cette situation, et de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle il convient d’évaluer son préjudice à 60.000 €.

En conséquence, il y a lieu d’infirmer le jugement de première instance et statuant de nouveau, de condamner la société TRICON à verser cette somme à Monsieur [P].

Sur la demande au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents

Aux termes de l’article L. 3243-3 du code du travail, l’acceptation sans protestation ni réserve d’un bulletin de paie par le travailleur ne peut valoir de sa part renonciation au paiement de tout ou partie du salaire et des indemnités ou accessoires de salaire qui lui sont dus en application de la loi, du règlement, d’une convention ou d’un accord collectif de travail ou d’un contrat.

Aux termes de l’article L. 3171-4 du même code, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Il appartient donc au salarié de présenter, au préalable, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies, afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement, en produisant ses propres éléments.

Le salarié peut prétendre au paiement des heures supplémentaires accomplies, soit avec l’accord de l’employeur, soit s’il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées.

Il résulte des dispositions des articles 3, 5 et 6 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, lus à la lumière de l’article 31, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ainsi que de l’article 4, paragraphe 1, de l’article 11, paragraphe 3, et de l’article 16, paragraphe 3, de la directive 89/391/CEE du Conseil, du 12 juin 1989, qu’il incombe à l’employeur, l’obligation de mettre en place un système objectif, fiable et accessible permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier effectué par chaque travailleur.

En l’espèce, le salarié expose que compte tenu de la zone géographique avec laquelle il travaillait, à savoir la zone Maghreb, il était tenu de travailler le week-end et notamment le samedi pour s’adapter aux us et coutumes locaux. Il produit un tableau détaillé de ses heures de travail supplémentaires correspondant à 4 heures de travail tous les samedis de 2015 à 2017, à l’exception de quelques samedis où il indique avoir travaillé 8 heures, soit selon lui un total de 412 heures supplémentaires pour une somme de 13.962 € outre 1.369,20 € au titre des congés payés.

Il verse également aux débats des attestations de partenaires indiquant avoir travaillé avec lui le week-end et notamment le samedi. Si certaines de ces attestations ne sont pas conformes aux exigences de l’article 202 du code de procédure civile, deux d’entre elles correspondent au formalisme requis.

L’employeur indique en réponse que le salarié travaillait conformément aux horaires de son contrat de travail, c’est à dire 35 heures du lundi au vendredi. Il ne fournit toutefois pas de relevé détaillé des horaires de son salarié, indiquant uniquement que celui-ci disposait d’une grande autonomie. Il reconnaît toutefois que les partenaires commerciaux qui ont attesté qu’il travaillait le samedi étaient bien en relation avec l’entreprise, mais qu’ils correspondaient à un volume d’affaire très réduit, factures à l’appui.

Au regard de ces éléments, il y a lieu de retenir que le salarié a bien effectué des heures supplémentaires le samedi, mais dans une mesure moindre à celles qu’il indique, compte tenu du nombre limité d’attestations de partenaires produites. Le volume horaire d’heures supplémentaires retenu sera chiffré à 211 heures supplémentaires pour une somme de 6.981 €, outre 698,10 € au titre des congés payés.

En conséquence, il y a lieu d’infirmer le jugement de première instance et statuant de nouveau, de condamner la société TRICON à verser cette somme à Monsieur [P].

Sur les dommages et intérêts pour licenciement lié à l’état de santé du salarié

Une partie ne peut pas demander l’indemnisation d’un même préjudice sous deux postes distincts.

En l’espèce, Monsieur [P] qui sollicite des dommages et intérêts pour licenciement lié à son état de santé ne rapporte pas la preuve d’un préjudice distinct de celui déjà réparé par des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté Monsieur [P] de cette demande.

Sur la demande au titre du travail dissimulé

Il résulte des dispositions des articles L. 8221-5 et L. 8223-1 du code du travail, que le fait, pour l’employeur, de mentionner intentionnellement sur le bulletin de paie du salarié un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli est réputé travail dissimulé et ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité forfaitaire égale à 6 mois de salaires.

En l’espèce, si le salarié a effectivement réalisé des heures supplémentaires non mentionnées sur son bulletin de paie, il n’est pas établi d’abstention intentionnelle de la part de la société TRICON.

En conséquence, il y a lieu de confirmer la décision entreprise en ce qu’elle a débouté l’intéressé des demandes formulées à ce titre.

Sur la demande de dommages et intérêts au titre du manquement à l’obligation de sécurité

Aux termes de l’article L. 4121-1 du code du travail, l’employeur a l’obligation de protéger la santé physique et mentale de ses salariés et aux termes de l’article L 4121-2, il met en ‘uvre ces mesures sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :

1° Eviter les risques ;

2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;

3° Combattre les risques à la source ;

4° Adapter le travail à l’homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;

5° Tenir compte de l’état d’évolution de la technique ;

6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n’est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;

7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu’ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1 ;

8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;

9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.

Ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les textes susvisés.

En l’espèce, le salarié expose qu’il a subi un burn out après avoir travaillé près de six ans auprès de la société TRICON à un rythme très stressant et sans pouvoir bénéficier de repos ni de congés. Il soutient que la société l’a empêché de prendre ses congés deux années d’affilée et qu’elle lui a donc réglé une indemnité compensatrice de 61 jours au titre de son solde de tout compte. Il considère que l’employeur n’a pris aucune mesure pour éviter son burn out.

L’employeur oppose en réponse qu’il n’y a pas de lien entre les conditions de travail du salarié et son burn out qu’il a reconnu, lors de l’entretien préalable, être en lien avec une situation de surendettement et des problèmes fiscaux. S’agissant de ses congés, il indique que le salarié bénéficiait d’une grande autonomie et gérait lui-même son emploi du temps, et qu’il ne rapporte pas la preuve d’un manquement de sa part.

La cour relève que le salarié ne justifie pas avoir alerté son employeur qu’il se trouvait en difficulté avant son hospitalisation de mars 2017, ni ne prouve qu’il aurait été empêché de prendre ses congés. Toutefois, le fait pour l’employeur, qui constatait à tout le moins que son salarié ne prenait que très peu de congés, de ne pas avoir évalué les risques que cela pouvait entraîner en lien avec sa santé physique et mentale, est constitutif d’un manquement à l’obligation de sécurité.

Le salarié fait le lien entre son état dépressif et ses conditions de travail. Si cela n’est pas à exclure, eu égard au peu de congés dont il a bénéficié, il convient toutefois de relever qu’il rencontrait des difficultés personnelles en parallèle puisqu’il était en situation de surendettement.

Au regard de ces éléments, il y a lieu de retenir que le manquement à son obligation de sécurité par l’employeur a causé au salarié un préjudice évalué à 4.000 €.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Il y a lieu d’infirmer la décision du conseil de prud’hommes sur ces points, et statuant de nouveau, de condamner la société TRICON aux dépens de l’instance incluant la première instance et l’appel, outre à verser à Monsieur [P] la somme de 2.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La société TRICON sera déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant contradictoirement, par arrêt rendu publiquement par mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement du conseil de prud’hommes de Paris du 2 octobre 2020 sauf en ce qu’il a débouté Monsieur [P] de ses demandes en dommages et intérêts pour licenciement lié à son état de santé et pour travail dissimulé,

Statuant à nouveau,

Dit que le licenciement de Monsieur [P] est sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la société TRICON INTERNATIONAL LTD à verser à Monsieur [P] les sommes suivantes :

-60.000 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-6.981 € au titre des heures supplémentaires non réglées, outre 698,10 € au titre des congés payés afférents,

-4.000 € de dommages et intérêts au titre du manquement à l’obligation de sécurité,

-2.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute la société TRICON INTERNATIONAL LTD de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société TRICON INTERNATIONAL LTD aux dépens tant de la première instance que de l’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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