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COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
1re chambre sociale
ARRET DU 19 AVRIL 2023
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 20/01104 – N° Portalis DBVK-V-B7E-OQ3Q
Arrêt n° :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 24 JANVIER 2020 du CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER
N° RG F 18/00801
APPELANT :
Monsieur [K] [M]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représenté par Me Charles SALIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, substitué par Me BRUM, avocat au barreau de Montpellier
INTIMEE :
S.A.R.L. BUREAU D’ÉTUDE TECHNIQUE STRUCTURE 2000 Prise en la personne de son gérant domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Jérôme PASCAL de la SARL CAP-LEX, avocat au barreau de MONTPELLIER
Ordonnance de clôture du 15 Février 2023
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 01 MARS 2023,en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre
Madame Caroline CHICLET, Conseiller
Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Marie BRUNEL
ARRET :
– contradictoire ;
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
– signé par Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre, et par Mme Marie BRUNEL, Greffière.
*
* *
FAITS ET PROCEDURE
[K] [M] a été embauché par la SARL BUREAU D’ETUDES TECHNIQUES STRUCTURES 2000 (BET STRUCTURES 2000) en qualité de dessinateur d’exécution suivant un contrat à durée déterminée à temps plein courant du 15 septembre 2003 au 14 mars 2004. Après reconduction de son contrat à durée déterminée pour une durée de six mois, la relation de travail s’est poursuivie dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée à compter du 15 septembre 2004. Au dernier état de la relation contractuelle, [K] [M] perçoit la somme mensuelle brute hors prime de 1 668,52€.
La relation de travail est régie par la convention collective nationale des bureaux d’études techniques et cabinets d’ingénieurs conseils dite SYNTEC.
Le 2 août 2018, soutenant ne pas avoir été payé de ses heures supplémentaires et avoir été victime d’une inégalité de traitement ainsi que d’une discrimination salariale assimilable à du harcèlement moral, [K] [M] a saisi le conseil de prud’hommes de Montpellier le 2 août 2018.
Par jugement du 24 janvier 2020, le conseil de prud’hommes a dit que la prescription triennale en matière de salaire était acquise jusqu’au 1er août 2015, débouté [K] [M] de l’intégralité de ses demandes et débouté la SARL BET STRUCTURES 2000 du surplus de ses demandes.
[K] [M] a interjeté appel de ce jugement le 21 février 2020.
Aux termes de ses conclusions notifiées par RPVA le 20 juillet 2022, il demande de réformer le jugement et de condamner la SARL BUREAU ETUDES TECHNIQUES STRUCTURE 2000 à lui payer les sommes de :
– 10 735,75€ à titre de rappel de salaire (heures supplémentaires),
– 1 073,57€ au titre des congés payés correspondants,
– 17 052,84€ à titre de rappel de salaire (inégalité de traitement),
– 1 705,30€ au titre des congés payés correspondants,
– 15 000€ à titre des dommages et intérêts pour harcèlement moral et discrimination syndicale ou à tout le moins pour exécution déloyale du contrat de travail,
– 1 500€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions déposées au RPVA le 27 janvier 2023, la SARL BET STRUCTURES 2000 demande à la cour de confirmer le jugement attaqué en ce qu’il a débouté [K] [M] de ses entières demandes et en toutes hypothèses le condamner à lui verser la somme de 3 000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 15 février 2023.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, il y a lieu de se reporter au jugement du conseil de prud’hommes et aux conclusions déposées.
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur les heures supplémentaires :
– sur la prescription :
Aux termes de l’article L.3245-1 du code du travail, l’action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.
[K] [M] a saisi le conseil de prud’hommes le 2 août 2018. Il s’ensuit qu’en application de l’article susvisé, il est recevable à agir en paiement d’un rappel de salaires au titre des heures supplémentaires uniquement pour les trois années précédant cette saisine, soit du 3 août 2015 au 2 août 2018, et qu’il est irrecevable en ses demandes pour la période antérieure au 3 août 2015.
Le jugement sera réformé en ce que la prescription est acquise antérieurement au 3 août 2015.
– sur le bien-fondé de la demande :
Il résulte des dispositions de l’article L. 3171-4 du code du travail, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées.
En l’espèce, le salarié produit un décompte pour la période des mois de janvier 2006 à décembre 2013 ainsi que des « enregistrements d’horaires de travail effectués automatiquement par le logiciel de travail AUTOCAD » sur la période du 4 mars 2010 au 1er septembre 2017 qui laissent apparaître des enregistrements de fichiers au-delà de 19 heures.
Si les premiers éléments concernent la période prescrite, les seconds, bien que l’auteur ne puisse être identifié, associés au fait que le salarié soutient, dans ses écritures, qu’il a réalisé 1 heure supplémentaire par jour pendant trois ans, constituent des éléments suffisamment précis pour permettre à l’employeur d’y répondre.
A ce titre, l’employeur conteste la réalisation d’heures supplémentaires et verse aux débats :
– l’enregistrement de [K] [M] en qualité d’auto-entrepreneur depuis le 1er juillet 2012,
– les attestations de plusieurs salariés, précises et concordantes, desquelles il résulte que [K] [M] arrivait souvent en retard à son travail, que, pendant ses heures de travail, il faisait fréquemment des pauses prolongées et qu’au regard de ses heures d’arrivée et de départ, il ne pouvait faire d’heures supplémentaires et dont toutes indiquent que l’employeur ne leur demandait pas de réaliser des heures supplémentaires,
– une lettre qu’il a adressée au salarié le 29 juin 2017 pour convenir d’un entretien professionnel, compte tenu d’un solde de congés payés négatifs,
– un tableau récapitulatif des absences de [K] [M] sur les années 2015 à 2022 qu’il a établi.
Il soutient également que le salarié n’a pas déduit de sa demande, les congés payés ainsi et les pauses et ajoute qu’il n’a jamais réclamé le paiement d’heures supplémentaires pendant plus de 15 ans.
Ce dernier argument est inopérant et n’empêche pas le salarié de solliciter le paiement d’heures supplémentaires réalisées dans le cadre de la présente instance.
En outre, le fait d’avoir été régulièrement absent ou d’être arrivé sur le lieu de travail à compter du 9h30 n’est pas exclusif de la réalisation d’heures supplémentaires.
La cour relève que le tableau des absences du salarié qui a été réalisé par l’employeur, sans qu’il ne soit toujours étayé par des éléments extérieurs, contient des incohérences. A titre d’exemple, il fait apparaître 32 jours d’arrêts en octobre et décembre 2017, 31 en novembre 2017, 45 en mars ou encore 46 en mai 2016.
A l’inverse, le salarié n’est pas fondé à solliciter le paiement d’heures supplémentaires sur 52 semaines alors que, d’une part, il n’a déduit aucune semaine de congés payés, et que, d’autre part, il admet avoir bénéficié de congés maladie réguliers à compter d’octobre 2017 et a minima jusqu’en mars 2018, date à compter de laquelle il indique ne plus avoir perçu d’indemnités journalières.
Le salarié appelant justifie par ailleurs qu’il a cessé son activité de micro entrepreneur le 30 juin 2014.
Dans ces conditions, au regard des éléments produits par l’une et l’autre des parties et compte tenu du fait que l’employeur ne produit aucun décompte du temps de travail du salarié alors qu’il lui appartient de le contrôler, il y a lieu d’allouer à [K] [M] la somme de 302,72€ à titre d’heures supplémentaires impayées sur la période du 2 août 2015 au 1er août 2018, augmentée des congés payés afférents à hauteur de 30,27€.
Sur le rappel de salaire pour inégalité de traitement
En vertu du principe « à travail égal, salaire égal », l’employeur est tenu d’assurer l’égalité de rémunération entre les salariés effectuant un même travail ou un travail de valeur égale. En cas de demande fondée sur une différence de rémunération, il incombe tout d’abord au salarié de produire des éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération avec des salariés placés dans une situation identique ou similaire. Au vu de ces éléments, il appartient ensuite à l’employeur de rapporter la preuve d’éléments objectifs justifiant la différence de rémunération.
En l’espèce, le salarié fait valoir qu’il a perçu une rémunération inférieure à celle de sa collègue, Mme [O], bien qu’elle soit rentrée dans l’entreprise huit ans après lui.
Au soutien de sa demande, le salarié produit :
– le bulletin de salaire de Mme [O] du mois de mai 2017 duquel il ressort qu’elle exerçait la fonction de dessinateur d’études, position 2-3, coefficient 355, depuis le 9 mai 2011 et percevait une rémunération horaire brute hors prime de 14,1242€,
– ses propres bulletins de paie, notamment celui du 1er au 31 mai 2017 duquel il ressort qu’il exerçait la fonction de dessinateur d’exécution, position 1-2-3, coefficient 355, depuis le 15 septembre 2003 et percevait une rémunération horaire brute hors prime de 11,0010€.
L’employeur conteste le fait que les deux salariés effectuaient le même travail, ceux-ci n’ayant pas été embauchés aux mêmes fonctions ainsi que cela ressort de la fiche de paie.
Il verse également le témoignage de M. [C], ingénieur au sein de la société, qui atteste que le travail des deux intéressés étaient différents en ce que [K] [M] se cantonnait, en substance, à dessiner les plans de ferraillages selon les calculs réalisés par l’ingénieur alors que Mme [O], en sus des dessins, procédaient aux calculs des renforts de trémies et réalisait des plans de coffrages avec coupes pour les locaux transformateurs ou pour des petits projets de construction, qui sont des tâches plus complexes.
Le salarié se borne à contester cette attestation aux motifs que le rédacteur est un salarié placé sous lien de subordination de l’employeur, sans pour autant produire d’élément venant la contredire.
En outre, il est relevé que la différentiation des tâches telles que décrites par l’attestant est corroborée par la convention collective applicable, dite SYNTEC, qui distingue les dessinateurs ne faisant que des tâches d’exécution de travaux constitués de modes opératoires définis, codifiés et ordonnés et les dessinateurs d’études lesquels disposent d’une plus large autonomie et de possibilités d’initiative.
Faute de produire des éléments venant discuter utilement l’attestation communiquée par l’employeur, le salarié ne justifie pas que Mme [O] exercerait au même poste que lui ou un travail de valeur égale et ce, peu important le niveau des diplômes obtenus ou de l’expérience professionnelle au moment de l’embauche.
Dans ces conditions, il ne produit pas d’éléments de fait éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération avec des salariés placés dans une situation identique ou similaire.
C’est donc à bon droit que le conseil de prud’hommes a retenu que l’inégalité de traitement n’était pas caractérisée et a débouté le salarié de sa demande de rappel de salaire afférente.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur le harcèlement moral, la discrimination salariale et l’exécution déloyale du contrat de travail
Aux termes de l’article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
En application de l’article L.1154-1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif à l’application de l’article L 1152-1, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement et au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
En vertu de l’article L.1132-1 du code du travail, dans ses différentes versions applicables au litige, aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison notamment de son origine ou de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race.
Qu’il s’agisse de harcèlement moral ou de discrimination, il appartient aux juges du fond :
1) d’examiner la matérialité de tous les éléments/faits invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits,
2) d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer ou laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L. 1152-1 du code du travail ou d’une discrimination au sens de l’article L.1132-1 du même code,
3) dans l’affirmative, d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ou à toute discrimination.
Il est précisé que l’existence d’une discrimination n’implique pas nécessairement une comparaison avec la situation d’autres salariés.
Au soutien de ses demandes relatives au harcèlement moral et à la discrimination salariale [K] [M] expose que :
– l’employeur lui a refusé une augmentation de salaire en 2004 et qu’en 2006, il lui a tenu les propos suivants « [K] entre nous tu as vu le reportage de France 2 sur le médecin algérien à l’hôpital de [Localité 3] ‘ Un médecin algérien ne peut pas toucher le même salaire qu’un médecin français »,
– il n’a jamais bénéficié de formation de la part de son employeur contrairement à ses collègues,
– il n’a pas eu d’entretiens individuels réguliers durant la relation de travail,
– l’employeur l’a mis à l’écart depuis ses réclamations, refusant même de lui adresser la parole,
– à la suite d’une nouvelle doléance, l’employeur lui a adressé une lettre de convocation à un entretien disciplinaire,
– en dépit de ses demandes, l’employeur ne lui a pas acheté de desserte pour son poste de travail alors que ses collègues en bénéficiaient,
– il a été en arrêt maladie suite à une dépression réactionnelle aux agissements de son employeur,
– il a été contraint de solliciter des avances sur salaires pour subvenir aux besoins de sa famille au regard de son salaire « trop faible ».
Pour étayer ses affirmations, le salarié produit :
– le courrier du 29 juin 2017 le conviant à un « rendez-vous professionnel » fixé au 7 juillet 2017,
– le compte-rendu dudit rendez-vous daté du 2 août 2017,
– la notification de décision de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé pour la période du 1er juillet 2014 au 30 juin 2019,
– un certificat médical du 17 novembre 2017 établi par le docteur [T] [L] en ces termes : « M. [M] [K], 43 ans, me consulte depuis le 11.06.16 pour un trouble anxio-dépressif. Patient vu à de très nombreuses reprises »,
– quatre photographies que le salarié appelant dit correspondre à son bureau et à celui de ses collègues et sur lesquelles il apparaît, s’agissant de son bureau, que les documents sont posés sur le sol, ce qui n’est pas le cas de ses collègues qui bénéficient d’une desserte pour ranger leurs documents,
– plusieurs bulletins de paie sur lesquels figurent des acomptes d’un montant de 300 à 500€.
Au vu des éléments produits ci-dessus, il apparaît que certains faits évoqués par le salarié ne sont pas matériellement établis.
C’est ainsi que [K] [M] ne produit aucun élément concernant le refus d’augmentation de salaire en 2004 allégué, fait au surplus très ancien, alors que la société intimée justifie de l’évolution salariale de l’intéressé de 2005 à 2017, celui-ci étant passé d’un salaire mensuel brut de 1 250,06€ à 1 668,52€ brut. En outre, les propos que l’appelant prête à l’employeur en 2006, qui auraient justifié le refus d’augmentation non démontré, ne sont étayés par aucun autre élément que ses propres affirmations.
Le manquement de l’employeur au titre d’une mise à l’écart n’est ni étayé ni corroboré par des éléments.
Enfin, le certificat médical permet d’attester de l’existence d’une pathologie anxio-dépressive chez le salarié nécessitant un suivi mais pas de rapporter la preuve qu’au moins une partie des arrêts de travail du salarié trouverait sa source dans cette pathologie ou dans les agissements de l’employeur, aucun arrêt de travail n’étant produit.
Ces faits n’étant pas matériellement établis, ils ne peuvent venir à l’appui d’une demande de harcèlement moral ou de discrimination.
Par contre, s’agissant de l’absence de formation, le fait est matériellement établi dès lors que l’employeur, qui a l’obligation de veiller au maintien de la capacité des salariés à occuper un emploi, ne justifie que d’une formation accordée au salarié en octobre 2018, alors que celui-ci était en poste depuis plus de 15 ans.
Il est également considéré que la preuve de l’absence d’entretien individuel est suffisamment rapportée dès lors que l’employeur, qui a la charge de les conduire, ne produit aucun élément en ce sens, celui-ci se bornant à soutenir, sans en justifier, qu’ils n’ont pas été formalisés.
La matérialité de l’envoi d’une lettre de convocation à un entretien que le salarié qualifie de disciplinaire, de l’absence de desserte à son poste de travail et de l’existence d’un trouble anxio-dépressif (en dehors des arrêts de travail) résulte des pièces produites par le salarié.
Au vu des éléments dont la matérialité est établie, il y lieu de considérer qu’il n’est pas justifié d’un traitement différent du salarié en raison de son origine ou de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, ce qui conduit à écarter le grief de discrimination, mais qu’en revanche, ces éléments, pris dans leur ensemble, laissent présumer une situation de harcèlement moral.
Pour sa part, l’employeur conteste les faits de harcèlement et expose que :
– [K] [M] a été convoqué à un rendez-vous professionnel pour « assainir les relations professionnelles » et qu’aucune sanction n’était prévue,
– il n’a jamais demandé de desserte et bénéficiait de cases pour ranger ses documents.
Il résulte de la lecture de la lettre du 29 juin 2017 et du compte rendu de l’entretien ayant suivi que [K] [M] a été convoqué à la suite de ses nombreuses absences. Les absences récurrentes et retards du salarié ne peuvent être sérieusement discutés dès lors qu’ils sont corroborés par plusieurs attestations de salariés de l’entreprise qui indiquent que ce comportement de l’intéressé désorganisait la société.
Il est ainsi démontré que la convocation à un entretien le 7 juillet 2017 était justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
S’agissant de la desserte, la société intimée produit une photographie d’un bureau qu’il attribue à [K] [M], sans que cela ne soit contesté, sur laquelle il apparaît des étagères pouvant servir au salarié pour ranger les dossiers. La cour relève que ces étagères apparaissent également sur la photographie que produit le salarié. Force est donc de constater que s’il ne disposait pas d’une desserte, il disposait à tout le moins d’étagères pour ranger ses dossiers et lui permettre de travailler dans de bonnes conditions, étant ajouté qu’il n’est pas démontré que l’employeur aurait refusé de lui fournir desserte.
Il convient donc de retenir que dans ces conditions l’absence de fourniture de ce matériel de bureau n’est pas un agissement constitutif d’un harcèlement moral.
En revanche, l’employeur ne produit aucun élément pour justifier son abstention sur son obligation de formation et sur la tenue des entretiens d’évaluation.
Toutefois, ce manquement résulte d’une violation générale de l’exécution du contrat de travail et non d’agissements de harcèlement moral ;
Etant ajouté que le seul élément médical produit ne fait aucun lien avec le travail du salarié et que les arrêts de travail ne sont pas communiqués, la cour considère qu’il est prouvé que les agissements invoqués établis ne sont pas constitutifs d’un harcèlement et que les décisions de l’employeur étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Il convient donc de confirmer le jugement qui a débouté la demande de dommages et intérêts du salarié sur le fondement du harcèlement moral et de la discrimination salariale.
A titre subsidiaire, [K] [M] soutient que l’employeur n’a, à tout le moins, pas exécuté loyalement le contrat de travail. A ce titre, il invoque le non-paiement des heures supplémentaires, l’inégalité de traitement, l’absence de prise en compte de ses plaintes concernant son inégalité de traitement qu’il qualifie de non-respect à son obligation de sécurité de résultat, les procédures disciplinaires infondées visant à le mettre à l’écart et l’absence de moyen pour exercer son travail ainsi que les répercussions sur son état de santé résultant de son syndrome anxio-dépressif.
Ce faisant, il reprend les mêmes arguments que précédemment.
Or, il a été retenu que ni l’inégalité de traitement ni les procédures disciplinaires injustifiées, ni la mise à l’écart n’étaient caractérisées. [K] [M] ne justifie pas davantage des plaintes repétées alléguées sur l’inégalité de traitement.
S’agissant de l’absence de moyen pour exercer son travail, et notamment la fourniture d’une souris de bureau, le salarié ne produit que des photographies qui ne corroborent pas l’allégation selon laquelle les deux souris fournies par l’employeur ne lui permettaient pas de travailler correctement sur le logiciel de l’entreprise.
En revanche, il vient d’être retenu que l’employeur ne justifiait d’aucune formation antérieure au mois d’octobre 2018 alors que le salarié occupait le poste de dessinateur d’exécution depuis plus de 15 ans et qu’il exigeait des connaissances techniques qui auraient dû conduire l’employeur à respecter son obligation de formation continue sans attendre que le salarié en fasse lui-même la demande ou fasse connaître ses besoins en la matière.
Il existe donc un manquement de l’employeur dans l’exécution du contrat de travail à cet égard dont la conséquence financière a été vue ci-avant.
En outre, il a été retenu que le salarié avait réalisé des heures supplémentaires non payés par l’employeur.
Dans ces conditions, le préjudice du salarié sera justement indemnisé par l’allocation d’une somme de 2 000€ à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail. Le jugement sera infirmé sur ce point.
Sur les autres demandes
L’équité ne commande pas qu’il soit fait droit à la demande du salarié sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
La société intimée, succombant partiellement, sera condamnée aux dépens et déboutée de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Montpellier le 24 janvier 2020 en ce qu’il a statué sur les dommages et intérêts pour inégalité de traitement, harcèlement moral et discrimination salariale ;
L’infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés :
Constate que les demandes salariales de [K] [M] antérieures au 3 août 2015 sont prescrites ;
Condamne la SARL BUREAU D’ETUDES TECHNIQUES STRUCTURES 2000à verser à [K] [M] les sommes suivantes:
– 302,72€ à titre d’heures supplémentaires impayées sur la période du 2 août 2015 au 2 août 2018, augmentée des congés payés afférents à hauteur de 30,27€,
– 2 000€ à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat,
Y ajoutant, déboute les parties de leurs demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SARL BUREAU D’ETUDES TECHNIQUES STRUCTURES 2000 aux dépens d’appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT