Heures supplémentaires : 18 avril 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/02912

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Heures supplémentaires : 18 avril 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/02912
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Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 11

ARRET DU 18 AVRIL 2023

(n° , 12 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/02912 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDNB2

Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Janvier 2021 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MEAUX – RG n° F13/01203

APPELANTE

S.A.S.U. PROTECT FRANCE INCENDIE

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Saléha LAHIANI, avocat au barreau de VAL D’OISE, toque : 92

INTIMEE

Madame [D] [E]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Florence FREDJ-CATEL, avocat au barreau de MEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 16 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Catherine VALANTIN, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre,

Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre,

Madame Catherine VALANTIN, Conseillère,

Greffier, lors des débats : Madame Manon FONDRIESCHI

ARRET :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre, et par Madame Manon FONDRIESCHI, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Mme [D] [E], née en 1985, a été engagée par la SASU Protect France Incendie, par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 8 novembre 2011 en qualité de commerciale terrain.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale du commerce de gros du 23 juin 1970.

La société Protect France Incendie a notifié à Mme [E] par courriers des 25 septembre 2012 et 29 juillet 2013, deux avertissements.

Par courrier du 23 septembre 2013, le société a convoqué la salariée à un entretien préalable.

Elle lui a notifié par courrier du 30 septembre 2013 remis en main propre un blâme pour des retards répétés.

Par courrier du même jour Mme [E] a demandé à son employeur de mettre fin à ses propos contradictoires et à ses agissements procéduraux illégitimes.

Par courrier du 30 octobre 2013, Mme [E] a démissionné de ses fonctions et a indiqué qu’elle exécuterait son préavis d’un mois et qu’elle quitterait donc l’entreprise le vendredi 29 au novembre au soir.

Par courrier du 18 novembre 2013, la société Protect France Incendie a accepté de réduire son préavis au 18 novembre 2013.

A la date de sortie des effectifs, la salariée avait une ancienneté de 2 ans et la société Protect Incendie France occupait à titre habituel plus de dix salariés.

Sollicitant l’annulation des sanctions disciplinaires prises à son encontre, le paiement de commissions, des dommages et intérêts pour préjudice moral, le paiement d’une indemnité de licenciement, d’une indemnité pour travail dissimulé, des dommages et intérêts pour rupture abusive outre un rappel d’heures supplémentaires, Mme [E] a saisi le 28 novembre 2013 le conseil de prud hommes de Meaux qui, par jugement du 28 janvier 2021, auquel la cour se réfère pour l’exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a statué comme suit :

– condamne la société Protect France Incendie à verser à Mme [E] les sommes suivantes:

3.382,92 à titre d’indemnité de repos compensateur sur heures supplémentaires

3.800,00 € à titre de rappel brut de salaire sur prime mensuelle d objectifs

380,00 € au titre des congés payés sur prime

14.007 € à titre de rappel brut de prime sur le pourcentage de commissionnement à allouer contractuellement

1.400,70 € au titre des congés payés afférents

2.260,05 € au titre de l’indemnité brute de préavis

226,00 € au titre des congés payés sur préavis

984,00 € au titre de l’indemnité de licenciement légale

13.560,00 € à titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l article L. 1235-3 du code du travail

1 200,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile

-ordonne la remise d un bulletin de salaire récapitulatif, d’une attestation pôle emploi et un certificat de travail conformes au présent jugement.

-ordonne l’application des intérêts légaux et l’anatocisme à compter de la notification de convocation au bureau de conciliation pour les créances de nature salariale et celles indemnitaires à compter du prononcé du présent jugement et ce, sur le fondement de l’article 1343-2 du code civil.

-dit que les rémunérations et indemnités mentionnées à l’article R. 1454-14 du code du travail, sont de droit exécutoires en application de l’article R. 1454-28 du code du travail,

– déboute Mme [E] du surplus de ses demandes.

– condamne la société Protect France Incendie aux entiers dépens, y compris les honoraires et frais éventuels d’exécution par voie d’huissier de justice de la présente décision.

Par déclaration du 18 mars 2021, la société Protect France Incendie a interjeté appel de cette décision, notifiée le 23 février 2021.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 10 février 2023, la société Protect Incendie France demande à la cour de :

– infirmer le jugement rendu le 28 janvier 2021 par le conseil de prud hommes de Meaux en ce qu il a condamné la société Protect France Incendie à verser les sommes suivantes à Mme [E]:

*14.007,00 € à titre de rappel brut de prime sur le pourcentage de commissionnement à allouer contractuellement et 1.400,70 € au titre des congés payés afférents ;

*2 260,05 € au titre de l’indemnité de préavis et 226,00 € au titre des congés payés afférents ;

*3 382,92 € à titre d’indemnité de repos compensateur sur heures supplémentaires ;

*3.800,00 € à titre de rappel brut de salaire sur prime mensuelle d objectifs et 380,00 € au titre des congés payés afférents ;

*984,00 € au titre de l’indemnité de licenciement légale ;

*13 560,00 € à titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l’article L 1235-3 du code du travail

*1 200,00 € au titre de l article 700 du Code de procédure civile :

*intérêts au taux légal

*dépens

Et,

*annulé les sanctions disciplinaires du 25 septembre 2012, 29 juillet 2013 et 30 septembre 2013

*ordonné l’application des intérêts légaux et l’anatocisme à compter de la notification de convocation au bureau de conciliation pour les créances de nature salariale et celles indemnitaires à compter du prononcé du présent jugement et ce, sur le fondement de l’article 1343-2 du code civil.

– confirmer le jugement rendu le 28 janvier 2021 par le conseil de prud hommes de Meaux en ce qu’il a débouté Mme [E] de ses demandes suivantes :

1500,00 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral ;

13 560,00 € à titre d’indemnité pour travail dissimulé.

Et statuant à nouveau,

-débouter Mme [E] de ses demandes :

*d’annulation des sanctions disciplinaires notifiées en date des 25 septembre 2012, 29 juillet 2013 et 30 septembre 2013 ;

*de rappels de salaires pour heures supplémentaires et indemnité pour non respect du repos au-delà du contingent annuel de 220 heures supplémentaires ;

*de rappels de salaires au titre des commissions et primes sur objectifs ;

à titre subsidiaire, fixer le montant des rappels de salaires au titre des commissions et primes au montant brut de 12 201,30 € après déduction de la somme de 1980,00 € correspondant aux commissions versées par l’employeur et de la somme de 3626,45 € au titre du trop perçu par Mme [E] dans le paiement d heures supplémentaires pour la période de décembre 2011 à novembre 2013. Ordonner si nécessaire une compensation entre les dites sommes et les éventuelles condamnations de l employeur.

*de requalification de sa démission du 30 octobre 2013 en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

*de ses demandes d’indemnité de licenciement légale et de préavis au titre de la dite requalification ;

à titre subsidiaire, réduire le quantum de l’indemnisation de la rupture du contrat de travail eu égard à l’ancienneté de Mme. [E] inférieure à deux années et à l’absence de tout préjudice financier démontré par elle.

– condamner Mme [E] à verser à la société société Protect France Incendie somme de 5 000,00 € à titre d’exécution déloyale du contrat de travail ;

En tout état de cause,

– débouter Mme [E] de sa demande d’indemnité de préavis et de congés payés afférents;

Et

– dire que les sommes auxquelles la société société Protect France Incendie être condamnée porteront intérêt au taux légal à compter de la signification du jugement de la cour d appel;

– débouter Mme [E] de sa demande de capitalisation des intérêts ;

-débouter Mme [E] de sa demande d’article 700 du code de procédure civile;

– laisser à la charge de chacune des parties les dépens.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 15 septembre 2021, Mme [E] demande à la cour de :

– confirmer le jugement rendu en ce qu’il a :

. annulé les avertissements en date des 25 septembre 2012 et 29 juillet 2013 et le blâme en date du 30 septembre 2013.

. prononcé la rupture comme imputable à l employeur et fautive.

. condamné la société Protect France Incendie à verser à Mme [E] les sommes suivantes:

*3.382,92 à titre d indemnité de repos compensateur sur heures supplémentaires

*3.800,00 € à titre de rappel brut de salaire sur prime mensuelle d objectifs

*380,00 € au titre des congés payés sur prime

*14.007 € à titre de rappel brut de prime sur le pourcentage de commissionnement à allouer contractuellement

*1.400,70 € au titre des congés payés afférents

*2.260,05 € au titre de l’indemnité brute de préavis

*226,00 € au titre des congés payés sur préavis

*984,00 € au titre de l’indemnité de licenciement légale

*13.560,00 € à titre d’ indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l’article L. 1235-3 du code du travail

*1 200,00 € au titre de l article 700 du code de procédure civile

ordonné la remise d’un bulletin de salaire récapitulatif, d une attestation pôle emploi et un certificat de travail conformes au présent jugement.

ordonné l’application des intérêts légaux et l’anatocisme à compter de la notification de convocation au bureau de conciliation pour les créances de nature salariale et celles indemnitaires à compter du prononcé du présent jugement et ce, sur le fondement de l article 1343-2 du code civil.

. dit que les rémunérations et indemnités mentionnées à l’article R. 1454-14 du code du travail, sont de droit exécutoires en application de l article R. 1454-28 du code du travail,

condamné la société Protect France Incendie aux entiers dépens, y compris les honoraires et frais éventuels d’exécution par voie d huissier de justice de la présente décision.

– le réformer en ce qu il a :

débouté Mme [E] de sa demande au titre de congés payés sur rappel de salaire sur heures supplémentaires,

débouté Mme [E] de sa demande au titre de dommages et intérêts pour préjudice moral.

débouté Mme [E] de sa demande au titre du travail dissimulé.

En conséquence,

– condamner société Protect France Incendie à payer à Mme [E] les sommes de :

*338,29 euros à titre de congés payés sur rappel de salaire sur heures supplémentaires,

1.500 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

13.560 euros à titre d indemnité pour travail dissimulé,

– ordonner la délivrance de bulletins de salaire, attestation pôle emploi, certificat de travail rectifiés sous astreinte de 100 € par jour de retard et par document, la cour se réservant le droit de liquider l astreinte, et d en fixer une autre au besoin.

En tout état de cause,

– condamner la société Protect France Incendie à payer à Mme. [E] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, en cause d appel.

– condamner Protect France Incendie aux dépens, en ce compris les frais d’exécution.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 15 février 2023 et l’affaire a été fixée à l’audience du 16 mars 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les sanctions disciplinaires

Pour infirmation du jugement, la société indique avoir usé de son pouvoir disciplinaire pour sanctionner les retards de Mme [E], que cette dernière n’a jamais contesté les courriers d’avertissement des 25 septembre 2012 et du 29 juillet 2013 et que les manquements ont persisté.

Elle précise que la preuve des absences sanctionnées par l’avertissement du 25 septembre 2012 est rapportée par les déductions salariales opérées sur son bulletin de paie.

S agissant de la sanction du 30 septembre 2013, l’employeur soutient d’une part qu’il n’avait pas besoin du système de géolocalisation pour constater les retards de la salariée, et que rien ne lui interdisait de se prévaloir de relevés de géolocalisation pour confirmer les retards de Mme [E] qui savait que son véhicule était équipé d’un dispositif de géolocalisation .

Pour sa part, la salariée fait valoir que ces sanctions à répétition sont injustifiées et infligées dans un contexte d’heures supplémentaires importantes non rémunérées. Elle ajoute que les faits reprochés sont imprécis et non justifiés et que la géolocalisation ne peut juridiquement servir de fondement à une sanction disciplinaire.

S’il résulte des dispositions des article L 1233-1 et suivants du code du travail que l’employeur dispose d’un pouvoir disciplinaire et qu’il peut sanctionner les fautes commises par ses salariés, les faits reprochés à Mme [E] dans l’avertissement du 25 septembre 2012, à savoir des absences et des retards sont, en l’espèce, totalement imprécis, les retards reprochés dans l’avertissement du 29 juillet 2013, à savoir un retard de 45 minutes le 24 juillet et un retard de 15 minutes le 25 juillet, n’étant quant à eux pas établis et ne peuvent être déduits du seul relevé de géolocalisation du véhicule.

S’agissant du blâme du 30 septembre 2013 évoquant des retards fréquents constatés régulièrement depuis 2 ans, la société Protect France Incendie ne justifie d’aucun retard depuis l’avertissement du 30 juillet, les griefs invoqués étant en tout état de cause une fois de plus totalement imprécis.

Le jugement est en conséquence confirmé en ce qu’il a annulé les avertissements en date des 25 septembre 2012 et 29 juillet 2013 et le blâme en date du 30 septembre 2013.

Les pressions exercées par l’employeur qui a multiplié les sanctions injustifiées ont causé à la salarié un préjudice qu’il y a lieu d’évaluer à la somme de 500 euros.

Par infirmation du jugement, la société Protect France Incendie sera condamnée au paiement de cette somme à titre de dommages et intérêts.

Sur les indemnités de repos compensateur sur heures supplémentaires:

Pour confirmation de la décision, Mme [E] soutient qu’ elle a effectué un nombre d’heures supplémentaires dépassant le plafond légal du contingent annuel des heures supplémentaires, sans que les délégués du personnel n’aient été consultés et sans avoir bénéficié de la contrepartie obligatoire en repos compensateur.

Pour infirmation, la société Protect France Incendie conteste le nombre d’heures supplémentaires revendiqué par la salariée faisant valoir que les heures payées et mentionnées sur les bulletins de paie ont par erreur été surévaluées, le décompte établi par la salariée elle même faisant d’ailleurs apparaître un nombre d’heures inférieur.

Il résulte des articles L 3121-28, L 3121-30 et L3121-38 du code du travail que les heures supplémentaires accomplies au delà de la limite du contingent annuel ouvrent droit à un repos compensateur équivalent, pour les entreprises de moins de 20 salariés, à 50 % des heures accomplies au delà du contingent.

Il convient par ailleurs de rappeler qu’en application de l’article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales précitées.

En l’espèce, à l’appui de sa demande au titre du repos compensateur, la salariée produit pour justifier des heures supplémentaires qu’elle dit avoir effectuées un décompte précis de ses horaires quotidiens sur la période du 1er janvier 2012 au 31 octobre 2013 et du nombre d’ heures supplémentaires par semaine qui en découle.

L’employeur qui relève à juste titre que le décompte de la salariée fait apparaître un nombre d’heures supplémentaires inférieur à celui mentionné sur les fiches de paye, ne produit néanmoins de son côté aucun élément, si ce n’est des relevés de géolocalisation du véhicule de fonction de la salariée sur la seule période du 30 septembre au 31 octobre 2013 et en tout état de cause insuffisants à établir les heures réellement accomplies par Mme [E] sur la période concernée et reconnaît lui même ne pas être en mesure de le faire ayant toujours fait confiance à la salariée qui déclarait chaque mois le nombre d’heures qu elle avait accomplies.

La société Protect France Incendie ne peut ainsi, alors qu’elle doit en sa qualité d’employeur assurer le contrôle des heures de travail effectués, et alors qu’elle a établi les fiches de paye laissant apparaître un nombre d’heures supplémentaires déterminé qui ont effectivement été réglées, se limiter à invoquer une simple erreur de sa part dans des proportions qui ne sont en outre pas précisées.

La cour retient au regard des éléments produits que la salariée a accompli en 2012, 203,25 heures supplémentaires au delà du contingent annuel et en 2013, 250,8 heures.

Il est par ailleurs constant que, contrairement à ce qu’a retenu le conseil de prud’hommes, l’indemnité de repos compensateur ouvre droit, dans la mesure où le repos compensateur est assimilé à une période de travail effectif, à congés payés.

Par infirmation du jugement, la société Protect France Incendie sera condamnée à payer à Mme [E] la somme de 3721,21 euros à titre d’ indemnité de repos compensateur sur les heures supplémentaires, en ce compris les congés payés afférents.

La société Protect France Incendie qui affirme que les demandes de la salariée au titre des repos compensateurs sont abusives et sollicite sa condamnation à la somme de 5 000 euros pour exécution déloyale du contrat de travail, sera par voie de conséquence déboutée de la demande faite à ce titre.

Sur les commissions et primes

Pour confirmation du jugement la salariée soutient que ses primes et commissions ne lui ont pas été intégralement réglées et qu’un taux de commissionnement de 8 % et non de 5 % lui est applicable, aucun avenant au contrat de travail n’ ayant été régularisé. Elle produit un tableau des commissions et primes de décembre 2011 à novembre 2013.

En réplique, la société relève l’absence de revendication de Mme [E] durant les vingt-trois mois de collaboration et indique que, si le montant des commissions et primes réglèes ne figurent pas sur les bulletins de paie de la salariée, c’est en raison d’un libellé erroné en paie, certaines commissions et primes ayant été versées sous la rubrique heures supplémentaires.

Aux termes du contrat de travail liant les parties Mme [E] devait bénéficier en plus de sa rémunération fixe, des commissions sur le secteur attribué (produits négos au tarif général) correspondant à 8 % du CA HT encaissé au delà de 6 000 euros et sur le secteur attribué (affaire type chantier ou grand compte) correspondant à 3 % du CA HT encaissé au delà de 6 000 euros , ainsi que des primes sur objectifs définies de la façon suivante:

– Prime de 150 euros pour tout chiffre d affaires réalisé sur le mois en vours à l obtention du quota à savoir 7 500 euros HT facturés.

– Prime de 200 euros pour tout chiffre d’affaires réalisé sur le mois en cours à l obtention du quota à savoir 10 000 euros HT facturés.

– Prime de 250 euros euros pour tout chiffre d’affaires réalisé sur le mois en cours à l obtention du quota à savoir 10 000 euros HT facturés.

Il résulte du décompte établi par la salariée au regard du tableau récapitulatif des ventes sur la période du 5 janvier 2012 au 11 octobre 2013 et non contredit par l’employeur dans ses modalités de calcul que Mme [E] aurait dû recevoir la somme de 14 007,52 euros au titre des commissions correspondant à 8 % du CA encaissé et 3 800 euros au titre des primes.

Il ressort néanmoins des bulletins de paie versés aux débats que Mme [E] a perçu sur la période concernée, sous le libellé prime investissement la somme de 200 euros et sous le libellé commission sur CA la somme de 1 780 euros, sommes qu’ il convient de déduire du montant sollicité par la salariée et alloué par le conseil de prud’ hommes.

C’est, par ailleurs, en vain que la société Protect France Incendie affirme, sans établir de décompte précis et sans faire de rapprochement entre le montant des primes et commissions dues et le montant des heures supplémentaires payées chaque mois, que le reliquat aurait été payé sous le libellé erroné ‘heures supplémentaires’ et soutient, à titre subsidiaire, qu’ une compensation doit s’opérer entre les sommes qui seraient mises à sa charge à titre de rappel de salaire et la somme de 3 626,45 euros correspondant aux heures supplémentaires qu’ elle aurait indument payé à la salariée.

La société ne rapporte en effet pas la preuve du caractère indu des heures supplémentaires qui sont mentionnées sur les bulletins de paie, et qui ne peut résulter du seul décompte établi a posteriori par la salariée au soutien de sa demande au titre des repos compensateurs.

Par infirmation du jugement, la société Protect France Incendie sera condamnée à payer à Mme [E] les sommes de:

– 3 600 euros au titre des primes sur objectif

– 360 euros au titre des congés payés afférents

– 12 227,52 euros au titre des commissions

– 1 222,75 euros au titre des congés payés afférents.

Sur l’ indemnité pour travail dissimulé:

Pour infirmation du jugement, Mme [E] fait valoir que l’ampleur des manquements justifie l’octroi d’ une indemnité sur le fondement de l’article 8223-1 du code du travail.

La société Protect France Incendie réplique qu’elle n’a jamais dissimulé l’activité de la salariée, qu’elle a toujours établi des bulletins de paie et que si des erreurs ont été commises elles l’ont été en faveur de la salariée, aucune intention délibérée de se soustraire à ses obligations ne pouvant lui être reprochée.

Aux termes de l’article L 8221-3 du code du travail est réputé travail dissimulé par dissimulation d’activité, l’exercice à but lucratif d’une activité de production, de transformation, de réparation ou de prestation de services ou l’accomplissement d’actes de commerce par toute personne qui, se soustrayant intentionnellement à ses obligations :

1 Soit n’a pas demandé son immatriculation au registre national des entreprises en tant qu’entreprise du secteur des métiers et de l’artisanat ou au registre du commerce et des sociétés, lorsque celle-ci est obligatoire, ou a poursuivi son activité après refus d’immatriculation, ou postérieurement à une radiation ;

2 Soit n’a pas procédé aux déclarations qui doivent être faites aux organismes de protection sociale ou à l’administration fiscale en vertu des dispositions légales en vigueur. Cette situation peut notamment résulter de la non-déclaration d’une partie de son chiffre d’affaires ou de ses revenus ou de la continuation d’activité après avoir été radié par les organismes de protection sociale en application de l’article L. 613-4 du code de la sécurité sociale ;

3 Soit s’est prévalue des dispositions applicables au détachement de salariés lorsque l’employeur de ces derniers exerce dans l’Etat sur le territoire duquel il est établi des activités relevant uniquement de la gestion interne ou administrative, ou lorsque son activité est réalisée sur le territoire national de façon habituelle, stable et continue.

L’article L 8221-5 du code du travail dispose quant à lui que est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur

– soit de soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité relative à la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli

– soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires et aux cotisations sociales.

Aux termes de l’article L8223-1 du code du travail, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l’article L 8122-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L 8221-5 du même code a droit à une indemnité forfaitaire égale à 6 mois de salaires.

En l’espèce, il n’ est aucunement établi que la société Protect France Incendie, qui a déclaré la salariée et établi des fiches de payes mentionnant un nombre d’heures supplémentaires supérieur à celui invoqué par la salariée dans le cadre de la présente procédure, se soit intentionnellement soustraite à l’une ou l’autre des obligations précitées.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté Mme [E] de la demande faite à ce titre.

– Sur la rupture du contrat de travail

Pour infirmation du jugement, l’employeur fait valoir que la salariée a orchestré son départ et qu’à la date de sa démission, elle avait déjà retrouvé un emploi. Il indique qu’il n’ a été informé des revendications salariales de Mme [E] qu’ après réception de la convocation devant le conseil de prud’hommes, la salariée ne l’ayant pas, avant sa démission, mis en demeure de payer les primes et commissions revendiquées . Il conteste avoir exercé des pressions sur Mme [E] et fait valoir que la salariée ne produit aucun élément de preuve à cet égard.

Mme [E] réplique que la rupture du contrat de travail du 30 octobre 2013 n’était ni claire, ni libre ni non équivoque et qu’elle a été motivée par les manquements de l’employeur. Elle rappelle avoir préalablement dénoncé ses conditions de travail par courrier du 27 septembre 2013. Elle fait valoir que la remise en cause injustifiée par son employeur de sa probité, les sanctions disciplinaires dont elle a fait l’objet à des dates rapprochées et les pressions exercées à son encontre pour l’inciter à quitter l’entreprise rendaient impossible la poursuite du contrat de travail.

La démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail.

Lorsque le salarié remet en cause sa décision en raison de faits ou de manquements imputables à son employeur, le juge doit, s’il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission, qu’ à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, l’analyser en une prise d’acte de rupture.

Cette prise d’acte produira les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les manquements reprochés à l’employeur sont avérés et suffisamment graves et récents pour empêcher le maintien du contrat de travail.

Dans l’hypothèse inverse elle produira les effets d’une démission.

La preuve des manquements reprochés à l’employeur doit être rapportée par le salarié.

En l’espèce, Mme [E] a par courrier du 30 octobre 2013 donné sa démission à son employeur en ces termes:

‘ Suite à notre entretien du mardi 29 octobre 2013 au cours duquel je vous ai rappelé me devoir des arriérés sur mes salaires depuis le 8 novembre 2011(primes, heures supplémentaires, salaire brut minimum SMIC…).

Je suis actuellement dans un état de mal être, je ne peux plus travailler dans ces conditions. C est pourquoi par cet écrit je vous dépose ma démission au poste de commerciale que j occupe actuellement dans votre entreprise depuis le 8 novembre 2011.

Compte tenu du délai de préavis d’un mois qui résulte de la convention collective dont je dépends, je quitterai l’entreprise le vendredi 29 novembre 2013 au soir.

Pendant ma durée de préavis, je souhaite profiter de mon droit d’absence pour recherches d’ emploi comme prévu à l’article 35 de la convention collective.

Je viendrai retirer mon dernier bulletin de paie, mon solde de tout compte, le chèque y afférent, mon certificat de travail, le reçu pour solde de tout compte et l’attestation destinée à Pôle emploi le vendredi 29 novembre 2013 au soir.

Je formaliserai prochainement une demande écrite par lettre recommandée avec accusé de réception qui sera l’objet d’ une mise en demeure de payer. Je vous apporterai la preuve que mes droits ne sont pas respectés depuis mon embauche et vous communiquerai également les sommes dues.’

Mme [E] justifie ainsi sa décision de démissionner par son mal être et le fait que son employeur ne lui ait pas payer les arriérés de salaires dont il était redevable.

La lettre de démission fait par ailleurs suite à un précédent courrier de la salariée en date du 30 septembre 2013 par lequel cette dernière après avoir rappelé la procédure de licenciement engagée à son encontre, le fait que son employeur l’ait interdite de séjour dans l’entreprise et l’état de souffrance dans lequel elle se trouvait, précisant être dans un état proche du ‘burn out’ et être sujette à des crises d’angoisse, demande à la société Protect France Incendie de mettre un terme à ses propos contradictoires et ses agissements procéduraux, de changer de comportement à son égard, et notamment de supprimer le système illicite de géolocalisation de son véhicule de fonction et de cesser de la harceler par téléphone.

La démission de la salariée motivée par les manquements de l’employeur à son égard, s’ analyse ainsi en une prise d’acte de la rupture du contrat de travail, peu important à cet égard que la salariée ait ou non à la date de la démission retrouvé un emploi, étant en tout état de cause relevé qu’elle a, en accord avec la société Protect France Incendie exécuté son préavis jusqu’au 18 novembre 2013.

S’agissant des manquements reprochés à l’employeur, la salariée justifie d’un premier avertissement qui lui a été notifié le 25 septembre 2012, d’un second en date du 29 juillet 2013 et d’un blâme notifié le 30 octobre 2012 pour des retards et des absences qui ne sont pas prouvés, alors qu’il est par ailleurs établi que la salariée a accompli de très nombreuses heures supplémentaires.

La cour relève que dans le blâme qui lui a été adressé le 30 octobre la société Protect France Incendie indique à la salariée: ‘dans le but de vous aider à acquérir de nouvelles habitudes, je vous précise que dorénavant vous devrez ramener chaque soir votre véhicule de service sur le parking de notre société et le récupérer chaque matin entre 7 heures 30 et 8 heures 30 maximum afin de respecter une arrivée en clientèle au plus tard à 9 heures’ alors qu’aux termes de son contrat de travail la salariée était assujettie aux horaires de travail suivants: 9h00 à 12h00 et 14h00 à 18 h 00, de sorte que la société Protect France Incendie ne pouvait lui imposer de se présenter sur son lieu de travail entre 7h30 et 8h30.

La société Protect France Incendie ajoute que Mme [E] doit avoir une attention toute particulière pour la réalisation de ses objectifs ce qui commence par la ponctualité sur le terrain et un élargissement de son amplitude horaire si nécessaire exerçant ainsi une pression certaine sur la salariée pour qu’elle dépassse les horaires contractuellement prévus.

Il est encore établi que la société Protect France Incendie a manqué à son obligation de payer à la salarié la partie variable de sa rémunération et de lui accorder les repos compensateurs auxquels elle pouvait prétendre.

Par confirmation du jugement la cour retient que l’ensemble des manquements de l’employeur rendait impossible la poursuite du contrat de travail et que la prise d’acte de la rupture s’analyse en conséquence en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

– sur les conséquences financières:

Pour infirmation du jugement, l’employeur fait valoir que la salariée avait moins de 2 ans d’ancienneté à la date où elle a donné sa démission de sorte que l’indemnité allouée au titre du licenciement absusif doit correspondre au préjudice subi et non au salaire des 6 derniers mois et que l’indemnité de préavis d’un mois lui a été payée avec son solde de tout compte.

La salariée sollicite la confirmation du jugement sans répondre aux arguments soulevés par l’employeur.

Mme [E] ayant moins de 2 ans d’ancienneté, celle-ci s’appréciant à la date de la remise de sa lettre de démission et non à la date d’expiration du préavis, il y a lieu de condamner la société Protect France Incendie, en application des dispositions de l’article L 1235-5 du code du travail, en leur rédaction applicable au jour du licenciement, au paiement d’une indemnité pour licenciement abusif correspondant au préjudice subi.

Mme [E], ne justifiant d’aucun élément sur sa situation financière et professionnelle postérieure au licenciement, il y a lieu, par infirmation du jugement, d’évaluer son préjudice à la somme de 5 000 euros.

S’agissant de l’indemnité de préavis d’un mois sollicitée par la salariée, il ressort du solde tout compte que, bien que l’employeur ait accepté de réduire le préavis de la salariée au 18 novembre au motif qu’elle avait retrouvé un emploi, le salaire du mois de novembre lui a été intégralement réglé, de sorte que, par infirmation du jugement, la salariée sera déboutée de la demande faite à ce titre.

Le jugement sera par ailleurs confirmé en ce qu il a condamné la société Protect France Incendie à payer à Mme [E] la somme de 984 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement.

– sur les autres demandes:

La cour rappelle que les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil des prud’hommes, les autres sommes à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter de la décision qui les alloue et ordonne la capitalisation des intérêts dus pour une année entière.

Il y a par ailleurs lieu d’ordonner la remise d’un bulletin de paie rectificatif et des documents de contrat conformes à la présente décision, sans qu’il soit nécessaire de prononcer une astreinte.

– sur l’ article 700 du code de procédure civile:

L’équité ne commande pas qu’il soit fait application des disposition de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel, le jugement étant par ailleurs confirmé en ce qu’il a condamné la société Protect France Incendie à payer à Mme [E] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 pour les frais engagés en 1ère instance.

Chaque partie conservera la charge des dépens engagés.

PAR CES MOTIFS

La cour,

CONFIRME le jugement en ce qu il a:

– annulé les avertissements en date des 25 septembre 2012 et 29 juillet 2013 et le blâme en date du 30 septembre 2013.

– condamné la SASU Protect France Incendie à payer à [D] Mme [E] les sommes de :

-984,00 € au titre de l’indemnité de licenciement légale

-1 200,00 € au titre de l article 700 du code de procédure civile

– débouté la SASU Protect France Incendie de sa demande au titre de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

L’ INFIRME pour le surplus,

Et statuant à nouveau,

CONDAMNE la SASU Protect France Incendie à payer à Mme [D] [E] les sommes de:

– 3 721,21 euros au titre de l’indemnité de repos compensateur sur heures supplémentaires.

– 3 600 euros à titre de rappel brut de salaire sur prime mensuelle d’objectifs

– 360 euros au titre des congés payés afférents

– 12 227,52 euros au titre des commissions

– 1 222,75 euros au titre des congés payés afférents.

– 5 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

– 500 euros de dommages et intérêts pour préjudice moral au titre des sanctions disciplinaires annulées

DÉBOUTE Mme [D] [E] de sa demande au titre de l’indemnité de préavis et des congés payés afférents

DÉBOUTE la SASU Protect France Incendie de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

RAPPELLE que les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil des prud’hommes, les autres sommes à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter de la décision qui les alloue;

ORDONNE la capitalisation des intérêts dus pour une année entière.

ORDONNE la remise d’un bulletin de paie rectificatif et des documents de contrat conformes à la présente décision.

DIT n’y avoir lieu à prononcer une astreinte.

DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

DIT que chaque partie conservera la charge des dépens qu’elle a engagés.

La greffière, La présidente.

 


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