Votre panier est actuellement vide !
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 9
ARRÊT DU 17 MAI 2023
(n° , 10 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/04846 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCE3R
Décision déférée à la Cour : Jugement du 5 Mars 2020 – Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de PARIS -Section Encadrement chambre 1 – RG n° F 16/08742
APPELANTE
SAS BDO RISQUES PROFESSIONNELS venant aux droits de la société ATEQUACY
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
INTIMÉE
Madame [T] [J]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Christophe MEYNIEL, avocat au barreau de PARIS, toque : B440
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 06 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Nelly CHRETIENNOT, conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
M. Stéphane MEYER, président de chambre
M. Fabrice MORILLO, conseiller
Mme Nelly CHRETIENNOT, conseillère
Greffier : Mme Pauline BOULIN, lors des débats
ARRÊT :
– contradictoire
– mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile, prorogé à ce jour.
– signé par Monsieur Stéphane MEYER, président et par Madame Pauline BOULIN, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Anciennement dénommée ATEQUACY, la société BDO RISQUES PROFESSIONNELS est une société par actions simplifiée ayant pour activité le conseil aux entreprises dans le cadre de la gestion prévisionnelle et opérationnelle des accidents du travail et des maladies professionnelles.
Elle emploie habituellement plus de dix salariés et applique les dispositions de la convention collective des bureaux d’études techniques (Syntec).
Madame [T] [J] a été embauchée par la société selon contrat à durée indéterminée écrit à temps plein du 18 juillet 2003, à effet au 18 août 2003, aux fonctions de Chargée d’affaires commerciales, statut ETAM.
Par avenant du 1er avril 2008, la société a modifié le contrat initial en sa clause de non-concurrence.
Par avenant du 1er janvier 2011, la société a modifié le contrat’:
-en confiant à Madame [J] les fonctions de Consultante commerciale, statut cadre ;
-en organisant son temps de travail dans le cadre d’une convention de forfait en jours sur l’année ;
-en portant sa rémunération fixe mensuelle brute à 2.500 € bruts, augmentée d’une prime variable.
Madame [J] a été convoquée à un entretien préalable à son éventuel licenciement selon lettre du 1er juillet 2016 et reçue en entretien préalable le 11 juillet 2016.
Son licenciement pour insuffisance professionnelle lui a été notifié selon lettre du 15 juillet 2016, avec dispense d’activité pendant le préavis de trois mois. Le courrier faisant notamment état d’un retard important dans l’atteinte de ses objectifs, d’une insuffisance de ses ventes et d’un travail de prospection notoirement insuffisant.
Madame [J] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris le 27 juillet 2016 afin de contester la validité de son licenciement et de sa convention de forfait jours, et a sollicité la condamnation de la société ATEQUACY devenue BDO à lui verser’:
-60.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-10.000 € à titre de dommages et intérêts pour nullité de la convention de forfait jours,
-12.972 € à titre d’heures supplémentaires et 1.297,20 € à titre de congés payés afférents,
-31.785,72 € à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
-2.500 € à titre d’indemnité de l’article 700 du code de procédure civile,
outre la remise des documents sociaux sous astreinte, la condamnation de la société ATEQUACY aux dépens, le tout avec intérêts au taux légal et exécution provisoire.
Par jugement du 5 mars 2020, le conseil de prud’hommes de Paris a’:
-débouté Madame [J] de sa demande à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,
-dit que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse,
-dit que la convention de forfait jours était nulle,
En conséquence,
-condamné la société ATEQUACY à verser à la salariée’:
-60.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-2.500 € à titre de dommages et intérêts pour nullité de la convention de forfait jours,
-12.972 € à titre d’heures supplémentaires et 1.297,20 € à titre de congés payés afférents,
-1.500 € à titre d’indemnité de l’article 700 du code de procédure civile,
-débouté Madame [J] de sa demande au titre du travail dissimulé,
-ordonné la remise des documents sociaux, sans astreinte,
-fait application de l’article L.1235-4 du code du travail,
-condamné la société ATEQUACY aux entiers dépens,
le tout avec intérêts au taux légal et exécution provisoire.
La SAS BDO RISQUES PROFESSIONNELS a interjeté appel de la décision de première instance par déclaration du 22 juillet 2020, en visant expressément les dispositions critiquées.
Par écritures récapitulatives du 25 mars 2021, la société BDO RISQUES PROFESSIONNELS demande à la cour de’:
-Infirmer partiellement le jugement du conseil de prud’hommes de Paris du 6 mars 2020,
-Constater la réalité de la non-atteinte persistante des objectifs de Madame [T] [J] en raison du manquement à ses obligations contractuelles de prospection,
Par conséquent,
-Débouter Madame [T] [J] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-Constater la validité de la convention de forfait annuel en jours,
En toute hypothèse,
-Constater que Madame [T] [J] n’a jamais réalisé d’heures supplémentaires,
-Constater l’absence de préjudice subi par Madame [T] [J],
Par conséquent,
-Débouter Madame [T] [J] de sa demande de dommages et intérêts au titre de la nullité de sa convention de forfait annuel en jours,
-Débouter Madame [T] [J] de sa demande au titre des heures supplémentaires,
-Débouter Madame [T] [J] de sa demande au titre du travail dissimulé,
En tout état de cause,
-Débouter Madame [T] [J] de sa demande de condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens,
-Condamner Madame [T] [J] à verser à la société BDO RISQUES PROFESSIONNELS la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Par écritures récapitulatives du 12 janvier 2021, Madame [T] [J] demande à la cour de’:
-Confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu’il a’:
-condamné la société BDO Risques Professionnels à payer à Madame [J] 2.500 € à titre de dommages et intérêts pour nullité de la convention de forfait, pour porter la condamnation à 10.000 €,
-débouté Madame [J] de sa demande d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé et, statuant à nouveau, condamner la société à payer à Madame [J] 31.785,72 € à ce titre,
-condamné la société BDO Risques Professionnels à payer à Madame [J] 1.500 € à titre d’indemnité de l’article 700 du code de procédure civile, pour porter la condamnation à 4.000 €.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 3 janvier 2023..
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions.
MOTIFS
Sur le licenciement
Aux termes de l’article L. 1232-1 du code du travail, le licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.
L’insuffisance professionnelle se définit comme l’incapacité objective et durable d’un salarié à exécuter de façon satisfaisante un emploi correspondant à sa qualification. Elle se caractérise par une mauvaise qualité du travail due soit à une incompétence professionnelle, soit à une inadaptation à l’emploi.
Si l’appréciation des aptitudes professionnelles et de l’adaptation à l’emploi relève du pouvoir de l’employeur, pour justifier le licenciement, les griefs doivent être suffisamment pertinents, matériellement vérifiables et perturber la bonne marche de l’entreprise ou être préjudiciables aux intérêts de celle-ci.
Aux termes de l’article L. 1235-1 du code du travail, le juge, pour apprécier le caractère réel et sérieux des motifs de licenciement invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, et au besoin après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles, et, si un doute persiste, il profite au salarié.
En l’espèce, la lettre de licenciement du 15 juillet 2016, qui fixe les limites du litige en application des dispositions de l’article L.1232-6 du code du travail, est libellée dans les termes suivants :
« (‘) Après près de 13 ans de présence, dont plus de cinq années dans la fonction, nous constatons une insuffisance notoire, régulière et prolongée de résultats de signature de contrats commerciaux de votre part.
En effet, vous avez un retard important sur l’atteinte de vos objectifs.
Au 30 juin 2016, votre niveau de réalisation de vos objectifs est le suivant :
– AT/MP en nombre de contrat = 25% de l’objectif à fin juin, qui est de 8 contrats ;
– AT/MP en valeur risque = 1% de l’objectif à fin juin, qui est de 800.000 € ;
– Chiffre d’affaires logiciel en location = 1% de l’objectif à fin juin, qui est de 42.000 € ;
– Chiffre d’affaires encaissé en prévention = 0% de l’objectif à fin juin, qui est de 24.000 €.
Deux de vos collègues font la démonstration que les objectifs fixés (identiques aux vôtres) sont atteignables ou approchables.
Voici les valeurs atteintes par certains au 30 juin 2016 :
– 138% de l’objectif en nombre de contrat AT/MP ;
– 86% de l’objectif AT/MP en valeur risque ;
– 46% de l’objectif CA location logiciels ;
– 104% de l’objectif CA prévention.
Au titre de l’année 2015, vos performances ont déjà été également très inférieures aux objectifs et anormalement faibles puisque vos chiffres de vente ont été 57% inférieurs à ceux de vos collègues.
Par ailleurs, votre travail de prospection s’avère lui aussi notoirement insuffisant.
En effet, le nombre de rendez-vous que vous avez réalisés auprès des clients ou prospects entre le 1er janvier 2016 et le 30 juin 2016 n’est que de 39.
A titre de comparaison, d’autres commerciaux en ont réalisé entre 61 et 64 sur la même période, ce qui représente un volume de travail supérieur de 60%.
Le nombre de rendez-vous recensé est issu de la base de données de gestion commerciale alimentée par les commerciaux et s’entend de tout acte de vente auprès des clients et prospects. Il a été vérifié par votre Directeur commercial [Y] [O]. Il peut donc s’agir de démonstration web à distance, de conférences-call comme de rendez-vous physiques chez le client. Ces rendez-vous sont menés par le commercial seul, il a également la possibilité de se faire accompagner par un expert.
Enfin, il est à préciser que des sessions de formation au logiciel Previsoft et à sa commercialisation ont été organisées pour les équipes commerciales : cinq journées complètes plus une demi-journée depuis juin 2015.
A ces sessions de formation se sont rajoutées des mises à disposition de tutoriels de démonstration et des accompagnements par les experts d’Atequacy et de Previsoft sur une partie des démonstrations (à distance comme sur site des clients) que vous avez réalisées.
Ont précédé à ce constat :
1. Votre évaluation de l’année 2015 réalisée le 19 février 2016 où déjà, nous vous avons clairement indiqué votre insuffisance de production. Vous aviez alors reconnu une « baisse de régime » ;
2. Mon email du 4 mai 2016 où je vous faisais part de ma déception et de mes inquiétudes quant à la faiblesse de vos ventes et dans lequel je vous invitais à réagir au second trimestre 2016, avec une « inversion immédiate (au T2) et sensible et dans votre nombre de rendez-vous et propositions sur clients comme sur prospects et surtout dans vos ventes ».
Force est de constater que le sursaut attendu n’a pas eu lieu.
L’écart avec vos collègues reste très conséquent et surtout, vos ventes sont extrêmement faibles en valeur absolue et incompatibles avec la réussite du projet d’Atequacy de s’imposer sur le segment des risques professionnels.
Aussi, nous vous notifions par la présente votre licenciement pour insuffisance professionnelle ».
Afin de justifier l’insuffisance professionnelle invoquée, l’employeur de Madame [J] produit ses évaluations de 2012 à 2015. Il en résulte qu’alors qu’elle donnait pleine satisfaction jusqu’en 2014, elle a connu une très grosse baisse de résultats en 2015.
Son évaluation pour l’année concernée, réalisée en février 2016, mentionne en effet des «’résultats complément insuffisants’» et met en garde la salariée sur la nécessité de les redresser. Il est également noté qu’ «’un redressement des ventes et un décollage rapide des ventes de logiciels sont impératifs’», et que les résultats sont à améliorer pour 2016, ce dont la salariée convient elle-même, reconnaissant une «’baisse de régime’» sans donner toutefois plus d’explications. L’évaluation met en avant dans les notations réalisées des faiblesses dans l’autonomie de la fonction, le sens de l’organisation et la force de proposition, ainsi qu’un certain manque d’investissement et une perte de motivation.
L’évaluation du premier semestre 2015, réalisée en octobre 2015, mettait déjà en avant la faiblesse des résultats et un début d’année «’difficile’».
S’agissant du premier semestre 2016, les chiffres produits par l’employeur mettent en évidence des difficultés persistantes à accomplir les missions confiées, puisqu’au 30 juin 2016, le niveau de réalisation des objectifs était le suivant :
-AT/MP en nombre de contrat = 25% de l’objectif à fin juin, qui est de 8 contrats ;
-AT/MP en valeur risque = 1% de l’objectif à fin juin, qui est de 800.000 € ;
-Chiffre d’affaires logiciel en location = 1% de l’objectif à fin juin, qui est de 42.000 € ;
-Chiffre d’affaires encaissé en prévention = 0% de l’objectif à fin juin, qui est de 24.000 €.
En comparaison, les chiffres de ses collègues ayant des objectifs comparables sont très supérieurs’:
-Monsieur [S] [G]’:
-AT/MP en nombre de contrat = 138’% de l’objectif à fin juin, qui est de 8 contrats ;
-AT/MP en valeur risque = 70 % de l’objectif à fin juin, qui est de 800.000 € ;
-Chiffre d’affaires logiciel en location = 45 % de l’objectif à fin juin, qui est de 42.000 € ;
-Chiffre d’affaires encaissé en prévention = 0 % de l’objectif à fin juin, qui est de 24.000 €.
– Monsieur [F] [N] :
-AT/MP en nombre de contrat = 25% de l’objectif à fin juin, qui est de 8 contrats ;
-AT/MP en valeur risque = 86 % de l’objectif à fin juin, qui est de 800.000 € ;
-Chiffre d’affaires logiciel en location = 46 % de l’objectif à fin juin, qui est de 42.000 € ;
-Chiffre d’affaires encaissé en prévention = 104 % de l’objectif à fin juin, qui est de 24.000 €.
Par ailleurs, sur le premier semestre 2016, Madame [J] a assuré moins de rendez-vous clients que ses collègues à poste équivalent’:
-Madame [T] [J] : 39 rendez-vous
-Monsieur [F] [N] : 60 rendez-vous
-Monsieur [S] [G] : 66 rendez-vous
Ainsi, sur un an et demi, soit une période suffisamment significative, la salariée n’a pas été en mesure de mettre en place des actions pour atteindre si ce n’est la totalité de ses objectifs, à tout le moins des chiffres approchant ceux de ses collègues placés dans la même situation. Ces difficultés professionnelles sont préjudiciables aux intérêts de l’entreprise puisqu’elles impactent ses résultats.
Madame [J] conteste l’insuffisance professionnelle en invoquant le manque d’accompagnement. Toutefois, il ressort des éléments versés au débat qu’elle a pu bénéficier de formations et d’un accompagnement.
Elle ne livre pour sa part aucune explication à sa baisse de performance notable et durable à compter de 2015.
Ces éléments caractérisent l’insuffisance professionnelle, qui justifie le licenciement.
En conséquence, il convient de réformer le jugement entrepris en ce qu’il a dit que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse, et accordé à la salariée une indemnité à ce titre. Statuant à nouveau, il convient de débouter la salariée de sa demande d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur la convention de forfait jours
Il ressort des dispositions de l’article L. 3121-63 du code du travail que les forfaits annuels en heures ou en jours sur l’année sont mis en place par un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche.
Toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires.
Le non-respect par l’employeur des clauses de l’accord collectif destinées à assurer la protection de la sécurité et de la santé des salariés soumis au régime du forfait en jours prive d’effet la convention de forfait.
Plus spécifiquement, le défaut de tenue des entretiens spécifiques portant sur la charge de travail du salarié, l’organisation du travail dans l’entreprise, l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie personnelle et familiale ainsi que sur la rémunération du salarié, entraîne l’inopposabilité de la convention de forfait au salarié.
En l’espèce, la convention de forfait jour de Madame [J] a été conclue aux termes d’un avenant à son contrat de travail du 1er janvier 2011, se référant à l’accord du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail, pris en application de la convention collective nationale des bureaux d’études techniques (Syntec).
Or, à la date à laquelle la convention individuelle a été conclue, les dispositions de l’accord collectif n’étaient pas de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l’intéressé, et, donc, à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié, ainsi que l’a jugé la Cour de cassation dans son arrêt du 24 avr. 2013, no 11-28.398.
L’employeur invoque une régularisation de la situation qui serait intervenue depuis avec l’avenant du 1er avril 2014 à l’accord du 22 juin 1999.
Toutefois, les dispositions de l’article 12 de la loi du 8 août 2016, qui prévoient la poursuite, sans l’accord du salarié, d’une convention de forfait en jours lorsque l’accord collectif qui organise le recours à ces forfaits est révisé pour être mis en conformité avec les dispositions légales, ne sont pas applicables aux avenants de révision conclus avant son entrée en vigueur.
Ainsi, l’existence de l’avenant du 1er avril 2014 n’a aucun effet sur la validité du forfait qui avait été stipulé à l’avenant du 1er janvier 2011 et reposait alors sur des garanties conventionnelles insuffisamment protectrices. Les conditions de validité du forfait n’étant pas réunies au moment de sa conclusion, celui-ci était nul. L’apparition de garanties protectrices au 1er avril 2014 ne permettait pas de réactiver une convention de forfait qui était, en vertu de son annulation, réputée n’avoir jamais existé. Il appartenait donc aux parties au contrat de conclure un avenant au contrat de travail soumettant le salarié à une nouvelle convention de forfait, soumis aux nouvelles dispositions collectives. Or tel n’a pas été le cas.
En conséquence, il convient de confirmer le jugement du conseil de prud’hommes en ce qu’il a dit que la convention de forfait jours était nulle.
Sur la demande au titre des heures supplémentaires
Lorsqu’une convention de forfait en heures est déclarée inopposable, le décompte et le paiement des heures supplémentaires doivent s’effectuer selon le droit commun, au regard de la durée légale de 35 heures hebdomadaires ou de la durée considérée comme équivalente.
Aux termes de l’article L. 3171-4 du même code, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
Il appartient donc au salarié de présenter, au préalable, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies, afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement, en produisant ses propres éléments.
Le salarié peut prétendre au paiement des heures supplémentaires accomplies, soit avec l’accord de l’employeur, soit s’il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées.
En l’espèce, la salariée produit de nombreux échanges de mails venant étayer ses allégations selon lesquelles elle travaillait de 9h à 19h, avec une pause déjeuner d’une heure, soit en moyenne 5 heures supplémentaires par semaine, hors RTT dont elle a bénéficié.
L’employeur conteste qu’elle ait réalisé des heures supplémentaires, invoquant notamment le temps de connexion au logiciel SESAM, qui était destiné à enregistrer l’activité de l’équipe des commerciaux et était selon lui un support indispensable à leur travail, et une pause déjeuner d’une heure et demi.
S’agissant de la durée de la pause déjeuner, il ressort effectivement des extraits produits du logiciel SESAM, dont la véracité n’est pas contestée par la salariée, que celle-ci était non pas d’une heure mais une heure trente.
S’agissant en revanche de l’amplitude horaire, contestée par l’employeur, la salariée justifie d’échanges de mail sur des plages horaires hors connexion au logiciel SESAM, qui venait enregistrer l’activité mais n’en rendait pas compte intégralement, étant précisé notamment que les rendez-vous clients s’effectuaient hors connexion.
Au regard de ces éléments, il convient de retenir que la salariée a réalisé en moyenne 4h30 supplémentaires par semaine sur la période considérée, hors RTT dont elle a bénéficié.
En conséquence, le jugement déféré sera réformé en ce qu’il a alloué à Madame [J] les sommes de 12.972 € au titre des heures supplémentaires, outre 1.297,20 € de congés payés afférents, qui correspondaient à 5 heures supplémentaires par semaine.
Statuant de nouveau, l’employeur sera condamné à verser à la salariée 11.674,80 € au titre des heures supplémentaires, outre 1.167,48 € de congés payés afférents.
Sur la demande de dommages et intérêts pour nullité de la convention de forfait
La salariée ne justifie pas d’un préjudice qu’elle aurait subi autre que celui déjà réparé par l’octroi d’un rappel au titre de ses heures supplémentaires.
Il convient en conséquence sur ce point d’infirmer la décision déférée en ce qu’elle a condamné l’employeur à lui verser la somme de 2.500 € au titre du préjudice subi du fait de la nullité de la convention de forfait, et statuant de nouveau, de débouter la salariée de sa demande à ce titre.
Sur la demande d’indemnité pour travail dissimulé
Il résulte des dispositions des articles L. 8221-5 et L. 8223-1 du code du travail, que le fait, pour l’employeur, de mentionner intentionnellement sur le bulletin de paie du salarié un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli est réputé travail dissimulé et ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité forfaitaire égale à 6 mois de salaires.
Le caractère intentionnel du délit de travail dissimulé ne peut résulter de la seule application d’une convention de forfait illicite.
En l’espèce, la salariée ne démontre pas que l’employeur n’a pas appliqué de bonne foi l’accord collectif qui a été par la suite invalidé.
Elle échoue donc à caractériser le caractère intentionnel exigé par les textes susvisés.
En conséquence, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu’il l’a déboutée de sa demande d’indemnité pour travail dissimulé.
Sur la remise des documents
Il convient d’ordonner la remise d’un bulletin de salaire rectificatif, ainsi que d’un certificat de travail et d’une attestation destinée à Pôle Emploi, conformes aux dispositions du présent arrêt, sans que le prononcé d’une astreinte apparaisse nécessaire.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
Il y a lieu de confirmer la décision du conseil de prud’hommes sur ces points, et y ajoutant, de condamner l’employeur aux dépens de l’appel, ainsi qu’à verser à Madame [J] la somme de 1.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de l’appel.
L’employeur sera débouté de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe,
Infirme le jugement du 5 mars 2020 du conseil de prud’hommes de Paris, sauf en ce qu’il a’:
-dit que la convention de forfait jours était nulle,
-condamné la société ATEQUACY aux droits de laquelle vient la société BDO Risques professionnels aux dépens de première instance ainsi qu’à verser à la salariée 1.500 € à titre d’indemnité de l’article 700 du code de procédure civile,
-débouté Madame [J] de sa demande au titre du travail dissimulé,
Statuant à nouveau,
Déboute Madame [J] de sa demande d’indemnité au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Déboute Madame [J] de sa demande de dommages et intérêts au titre de la nullité de la convention de forfait jours,
Condamne la société BDO Risques professionnels à verser à Madame [J] la somme de 11.674,80 € au titre des heures supplémentaires, outre 1.167,48 € de congés payés afférents,
Ordonne la remise d’un bulletin de salaire rectificatif, ainsi que d’un certificat de travail et d’une attestation destinée à Pôle Emploi, conformes aux dispositions du présent arrêt, sans que le prononcé d’une astreinte apparaisse nécessaire,
Condamne la société BDO Risques professionnels aux dépens de l’appel,
Condamne la société BDO Risques professionnels à verser à Madame [J] la somme de 1.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de l’appel,
Déboute la société BDO Risques professionnels de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT