Heures supplémentaires : 17 mai 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 19/07097

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Heures supplémentaires : 17 mai 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 19/07097
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COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

1re chambre sociale

ARRET DU 17 MAI 2023

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 19/07097 – N° Portalis DBVK-V-B7D-OMEC

Arrêt n° :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 03 OCTOBRE 2019 du CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION DE DÉPARTAGE DE BÉZIERS – N° RG F 16/00093

APPELANTE :

Madame [O] [X]

née le 24 Décembre 1964 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 2]/

Représentée par Me Stéphanie JAUVERT, avocat au barreau de BEZIERS

INTIMEE :

S.A.R.L. AGENCE A prise en la personne de ses représentans légaux domiciliés es-qualités audit siège

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Thibault GANDILLON de la SCP LES AVOCATS DU THELEME, avocat au barreau de MONTPELLIER

(postulant) et par Me Charlotte HUBAU, avocate au barreau de VERSAILLES (plaidant)

Ordonnance de clôture du 14 Mars 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 15 MARS 2023,en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Florence FERRANET, Conseiller et Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller, chargés du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Florence FERRANET, Conseiller, faisant fonction de président d’audience en remplacement du président de chambre empêché

Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller

Mme Véronique DUCHARNE, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Marie BRUNEL

ARRET :

– contradictoire ;

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

– signé par Madame Florence FERRANET, Conseiller, et par Mme Marie BRUNEL, Greffier.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE :

Le 11 janvier 1999 était crée par les deux associées Mme [O] [X] et Mme [W] [C], la société Studio A ayant pour objet la profession et la publication de presse ainsi que la publicité, la gérante désignée était Mme [Y] [X].

Le 4 juillet 2000 était signé entre Mme [O] [X] et Mme [Y] [X] représentant la société Studio A, un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel de 16 heures par semaine prévoyant une rémunération mensuelle brute de 2 914,09 francs. Mme [O] [X] était engagée en qualité d’employée administrative.

Selon assemblée générale extraordinaire du 17 mai 2000 Mme [Y] [X] démissionnait de ses fonctions de gérante et était remplacée par Mme [T] [X].

Selon avenant du 20 juin 2002, l’horaire hebdomadaire de travail de Mme [O] [X] était réduit à 35 heures, pour une rémunération brute de 1 154,27 €.

Selon assemblée générale extraordinaire du 11 mars 2008, Mme [T] [X] démissionnait de ses fonctions de gérante et était remplacée par Mme [W] [C].

Le 25 septembre 2012 était établi entre la société Agence A et Mme [O] [X] un contrat de travail à durée indéterminée prévoyant une durée de travail de 39 heures, Mme [O] [X] étant engagée en qualité de directrice d’agence pour une rémunération brute de 36 000 € par an outre une rémunération variable.

Le 26 septembre 2012, l’assemblée générale de la société Studio A a procédé à une augmentation de capital, a agréé un nouvel associé, la société Rouge Vif représentée par M. [Z], a changé de nom devenant la société Agence A et a nommé comme nouveau gérant M. [Z].

Le 18 août 2015, Mme [O] [X] était placé en arrêt de travail pour « burn out ».

Le 10 septembre 2015 Mme [O] [X] était informé d’un rendez-vous à son domicile le 15 septembre 2015 pour une contre-visite médicale relative à son arrêt de travail.

Le 3 novembre 2015 le médecin du travail dans le cadre de la visite de reprise suite à maladie ou un accident non professionnel déclarait Mme [O] [X] inapte à la reprise du travail dans l’entreprise procédure d’urgence pour danger immédiat prévu à l’article R.4624-31 du code du travail sans qu’il n’y ait lieu de prévoir une deuxième visite.

Le 25 novembre 2015 Mme [O] [X] était convoquée à un entretien préalable en vue de son licenciement suite à l’avis d’inaptitude du 3 novembre 2015.

Le 11 décembre 2015 Mme [O] [X] était licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Le 16 février 2016 Mme [O] [X] a saisi le conseil de prud’hommes de Béziers sollicitant le réglement d’heures supplémentaires, un rappel d’indemnité de licenciement, une indemnité de préavis, une indemnité pour licenciement irrégulier, des dommages-intérêts pour harcèlement moral et une indemnité pour nullité du licenciement.

Par jugement rendu le 3 octobre 2019, le conseil de prud’hommes de Béziers a rejeté l’ensemble des demandes formées par Mme [O] [X] et l’a condamnée aux dépens.

**

Mme [O] [X] a interjeté appel de ce jugement le 29 octobre 2019.

Dans ses dernières conclusions déposées au greffe par RPVA le 15 février 2023 elle demande à la cour d’infirmer le jugement et statuant à nouveau de :

Condamner la société Agence A à lui verser la somme de 406,19 € bruts au titre des heures supplémentaires du mois d’août 2015 et les congés payés afférents ;

Dire que ces indemnités de rupture doivent être calculées sur la base d’une ancienneté au 4 juillet 2000 ;

Condamner la société Agence A à lui verser la somme de 16 860,38 € à titre de rappel d’indemnité de licenciement ;

Condamner la société Agence A à lui verser la somme de 3 300,15 € à titre d’indemnité pour licenciement irrégulier ;

Dire que la rupture du contrat de travail le 11 décembre 2015 s’analyse en un licenciement nul compte tenu du harcèlement moral subi ;

Condamner la société Agence A à lui verser les sommes suivantes :

– 40 000 € à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral ;

– 40 000 € nets à titre d’indemnité pour nullité du licenciement ;

– 9 900,45 € bruts au titre de l’indemnité de préavis de trois mois et les congés payés correspondant ;

Condamner la société Agence A aux dépens et à lui verser la somme de 2 500 € titre de l’article 700 du code de procédure civile.

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La société Studio A dans ses conclusions déposées au greffe le 9 mars 2023 demande à la cour de confirmer le jugement, de constater l’absence de justificatifs de faits de harcèlement moral, de dire que le licenciement de Mme [O] [X] repose sur une cause réelle et sérieuse, de la débouter de ses demandes et de la condamner à lui verser la somme de 3 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

**

Pour l’exposé des moyens il est renvoyé aux conclusions précitées en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 14 mars 2023, fixant la date d’audience au 15 mars 2023.

MOTIFS :

Sur l’ancienneté de Mme [O] [X] :

L’existence de relations de travail ne dépend, ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention, mais des circonstances de fait dans lesquelles est exercée l’activité professionnelle. Il appartient à celui qui invoque l’existence d’un contrat de travail d’en rapporter la preuve.

Il incombe à celui qui invoque le caractère fictif d’un contrat de travail apparent d’en rapporter la preuve.

En l’espèce Mme [O] [X] a bénéficié à compter du 4 juillet 2000 d’un contrat de travail avec la société Studio A.

La société Agence A conteste la réalité de ce contrat de travail au motif que la salariée détenait la moitié des parts sociales de la société, que les deux gérantes successives Mme [Y] [X] et Mme [T] [X] n’ont exerçé aucune fonction dans la société, que c’est Mme [O] [X] qui présidait les assemblées générales de la société et a signé le bail du 1er septembre 2011 concernant le local à [Localité 4], qu’elle-même lors de la prise de participation n’a été en contact qu’avec Mme [O] [X] qui dirigeait l’entreprise et a transmis les éléments comptables, que Mme [O] [X] dans son courriel du 19 septembre 2012 reconnaît avoir procédé à des embauches et à un licenciement, que c’est Mme [O] [X] qui avait la signature sur les chèques de la société, payait les fournitures et encaissait les paiements, que d’ailleurs Pôle Emploi en 2009 avait déclaré que Mme [O] [X] ne relevait pas de l’assurance chômage.

Dès le début de la relation contractuelle, a existé un désaccord entre Mme [O] [X] et la société Agence A, sur la qualité de salarié de la première antérieurement au 25 septembre 2012, raison pour laquelle Mme [O] [X] a refusé de signer le contrat de travail établi le 25 septembre 2012 qui comportait la mention « Mme [O] [X] est engagée à partir du 1er octobre 2012. Ce contrat de travail conclu à la suite du changement de statut de Mme [O] [X] dirigeante de fait jusqu’à l’augmentation de capital de la société Studio A fondée par elle qui devient la société Agence A. ».

En l’état de ce désaccord initial, il ne peut être tiré aucun argument du fait que sur les bulletins de salaire des mois d’octobre à décembre 2012, figure une ancienneté au 4 juillet 2000, dès lors que dès le 1er janvier 2013 figure la reprise d’ancienneté au 1er octobre 2012.

Il ne peut être tiré aucun argument du fait que Mme [O] [X] détenait la moitié des parts sociales de la société Studio A, et que Mme [C] gérante de droit lui a donné mandat le 22 novembre 2011 de la représenter lors de la signature du contrat de bail du 1er décembre 2011.

Par contre il ressort des échanges de courriels des 26, 31 juillet, et 12 septembre 2012, que lors des négociations avec la société Agence A, le seul interlocuteur de cette dernière dans le cadre de la prise de participation au sein de la société Studio A a été Mme [O] [X], qui a transmis les informations et les documents comptables sollicités, et du courriel du 19 septembre 2012 que Mme [O] [X] procédait aux recrutements et aux licenciements de la société Studio A, élément qui est confirmé par l’attestation de Mme [D] produite par la salariée, qui déclare qu’elle a été recrutée en 2011 par Mme [O] [X], qu’ainsi Mme [O] [X] était responsable de la gestion du personnel et gérait les relations avec le comptable.

Mme [O] [X] conteste avoir avoir exercé la gérance de fait de la société Studio A depuis sa création, toutefois elle ne conteste pas l’affirmation de la société Agence A selon laquelle c’était elle qui signait les chèques et payait les créanciers et ne produit aucune pièce permettant de contredire cette affirmation.

Elle produit à l’appui de sa contestation deux attestations de Mme [C], gérante de droit de la société Studio A à compter du 11 mars 2008.

Il sera fait observer d’une part qu’elle ne produit aucune pièce sur la période de gérance des années 2000 à 2008.

D’autre part Mme [C] indique qu’elle était bien la gérante de la société Studio A jusqu’au 26 septembre 2012, que pendant cette période Mme [O] [X] était soumise à ses directives sur le plan administratif, financier et professionnel, qu’elle faisait chaque semaine un compte rendu détaillé de ses activités et qu’elles se rencontraient au moins deux fois par mois pour échanger les documents et faire un point précis sur l’organisation et la stratégie à adopter.

Toutefois ces deux attestations émanant de la gérante de droit qui a tout intérêt a confirmer la réalité de son rôle dans la société, sont rédigées en termes très généraux, ne font référence à aucune date précise et à aucun événement précis et ne sont corroborrées par aucune pièce permettant de conforter la réalité des fonctions exercées par Mme [C].

Ces attestations ne suffisent à remettre en cause le contenu des courriels précis qui ont été échangés dans les mois précédents la prise de participation qui démontrent l’exercice par Mme [O] [X] du pouvoir de direction et de gestion de la société Studio A.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de Mme [O] [X] tendant à faire remonter son ancienneté au 4 juillet 2000 et la demande subséquente de paiement d’un complément d’indemnité de rupture.

Sur les heures supplémentaires effectuées au mois d’août 2015 :

Selon l’article L.3171-4 du code du travail, ‘en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable’.

Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

Mme [O] [X] reproche son employeur de ne pas lui avoir réglé en aout 2015 les 17,33 heures supplémentaires mensuelles qu’elle effectuait depuis son embauche le 1er octobre 2012.

Elle produit aux débats trois bulletins de salaire pour la période du 1er août au 31 août 2015, sans préciser lequel doit être retenu comme correspondant au salaire qui lui a été réglé.

En tout état de cause il ressort de ces trois bulletins de salaire que les heures supplémentaires à 125 % ont bien été prises en compte et rémunérées, à tout le moins pour la période de travail effectif savoir antérieurement à l’arrêt maladie du 18 août 2015.

Mme [O] [X] sera donc déboutée de sa demande aux fins de paiement d’heures supplémentaires effectuées en août 2015 et non rémunérées.

Sur le harcèlement moral :

L’article L 1152-1 du code du travail prévoit qu’aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale, ou de compromettre son avenir professionnel.

En application de l’article L 1154’1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif à l’application de l’article L 1152-1, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement et au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il appartient donc au juge pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits et d’apprécier si les faits matériellement établis pris dans leur ensemble permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L 1152’1 du code du travail. Dans l’affirmative il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ces décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Mme [O] [X] se plaint :

– d’avoir subi des critiques incessantes, des dénigrements et des propos humiliants ;

– d’avoir été isolée du reste de la communauté de travail ;

– de s’être vue retirer ses outils de travail ;

– d’avoir été affectée à des tâches subalternes ;

– d’avoir subi des pressions incessantes, des menaces et un chantage en sa qualité d’associée ;

– de s’être vu refuser sa reprise ancienneté ;

– de ne pas avoir été payée de ses heures supplémentaires en août 2015 ;

– de s’être vu imposer des congés payés dans l’attente de la visite de reprise le médecin du travail ;

– d’avoir reçu tardivement son attestation de salaire ;

Il a été statué sur le fait que la société Agence A n’avait pas à reprendre une ancienneté de Mme [O] [X] au 4 juillet 2000 et que celle-ci a été payée pour les heures supplémentaires effectuées au cours du mois d’août 2015.

L’ échange de courriels du 12 décembre 2014 qui fait référence à une opposition de vues entre Mme [O] [X] et M. [Z] sur la mise à disposition du poste informatique qui faisait jusque là partie de la société Agence A à une dénommée « [N] », ne traduit aucune pression et en tout état de cause ne peut être retenu comme un élément de harcèlement à l’encontre de Mme [O] [X] ès qualité de salariée.

L’échange de courriels du 24 novembre 2015 dans lequel Mme [P] communique à Mme [O] [X] les attestations de salaire envoyées à la sécurité sociale ne fait pas référence à une remise tardive de l’attestation de salaire.

Il n’est pas justifié ce que des outils de travail ont été retirés à Mme [O] [X].

Par contre Mme [O] [X] produit aux débats l’attestation de M. [H], salarié du groupe Rouge Vif, qui déclare qu’alors qu’il travaillait avec Mme [O] [X] de 2013 à 2015, il lui était demandé d’y passer le moins de temps possible, qu’il devait donc collaborer avec Mme [O] [X] « en cachette » en l’appelant le soir et le week-end, que les avis de Mme [O] [X] n’étaient pas pris en compte, que ses appels téléphoniques étaient ignorés (qu’il a entendu des propos tels que «Oh  non pas elle »), que les directives qui lui étaient adressées changeaient et que plusieurs jours de travail pouvaient être balayés, que les informations n’étaient pas partagées et que c’est lui qui souvent lui apprenait ce qui se passait avec les clients, que les tâches les plus ingrates lui étaient confiées « ça ne rapporte rien, t’as qu’à le donner à [O] », qu’elle a été prévenue la veille d’une demande de présentation d’un appel d’offre alors qu’elle n’avait pas le droit de travailler dessus, qu’on lui interdisait de rencontrer certains clients, que le travail de celle-ci était déclassé « c’est nul, c’est n’importe quoi, un enfant de cinq ans fait mieux ».

Elle produit l’attestation de Mme [D], salariée de la société Agence A de janvier 2011 à octobre 2015, qui fait état d’un désintéressement du groupe Rouge Vif pour la société Agence A à partir de 2014, une absence d’entretiens annuels en janvier 2015 et de ce que l’état de santé de Mme [O] [X] sa responsable était fragilisé par le comportement de sa hiérarchie.

Elle produit :

– Des courriels des 25 et 26 septembre 2014 émanant de Mme [U] qui font état de son retour sur ses « créa » dans lesquelles sont formulées des critiques sur son travail « ça ressemble à un dessin enfantin de baleine ».

– Un échange de courriels du 16 février 2015 qui fait état d’un mail adressé à la mauvaise personne et un échange de courriels du 27 juillet 2015 dans lequel il lui est reproché un envoi inutile.

– Un courriel du 27 février 2015 dans lequel elle s’interroge sur les entretiens annuels pour l’Agence A et un second dans lequel il lui est répondu qu’elle doit voir avec [E] ;

– Un courriel du 25 février 2015 qui l’informe que l’appel d’offre pour la région languedoc roussillon sera pris en charge par [Localité 6].

Elle justifie qu’entre 2014 et 2015 son nom a été enlevé des membres du comité de direction du groupe Rouge Vif.

Elle produit l’échange de mails des 27 et 28 octobre 2015 duquel il ressort que Mme [P] a insisté pour qu’elle prenne 15 jours de congés dans la foulée de son arrêt maladie qui a pris fin le 1er novembre 2015.

Elle produit la synthèse de l’enquête faite par la caisse primaire d’assurance-maladie dans le cadre de la procédure de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie déclarée le 18 août 2015 qui fait référence à l’absence de remplacement de la salariée Mme [A] qui a démissionné en juillet 2013, au fait que Mme [O] [X] a réalisé à compter de cette date des journées de travail variant de 8 à 11 heures.

Il est donc justifié de l’existence de critiques, reproches et propos négatifs, d’un isolement de Mme [O] [X] avec la non attribution de certains dossiers et l’attribution de tâche subalternes, du retrait du nom de Mme [O] [X] de la liste des membres du comité de direction du groupe et de la demande insistante pour qu’elle prenne 15 jours de congés à la suite de son arrêt maladie.

Mme [O] [X] produit son arrêt de travail du 18 août 2015 pour burn-out, le certificat du médecin du travail qui indique à la médecin généraliste la nécessité de prolonger l’arrêt de travail et de consulter un psychiatre, le certificat médical d’un premier psychiatre en date du 5 septembre 2015 qui décrit un tableau évoquant un burn out et la prescription d’antidépresseurs et d’hypnoptiques, le certificat du docteur [B] second psychiatre qui atteste suivre Mme [O] [X] depuis le mois d’octobre 2015 pour syndrome anxio-depressif réactionnel nécessitant un traitement médicamenteux et un soutien psychothérapique, les prescriptions médicamenteuses sur la période du 18 août 2015 au 12 octobre 2016.

Ces éléments pris dans leur ensemble permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral.

Toutefois comme le fait valoir la société Studio A :

– Les propos dénigrants que M. [H] déclare avoir entendus, n’ont pas, selon son attestation été proférés en présence de Mme [O] [X] et celui ci ne déclare pas en avoir informée l’interessée ;

– Les critiques formulées dans les courriels des 25 et 26 septembre 2014 émanant de Mme [U], ne sont pas de nature à caractériser des propos dénigrants ou humiliants dès lors qu’il ne s’agit que de simples critiques ;

– Mme [G] qui a aussi travaillé avec Mme [O] [X] atteste de relations sympathiques et il ressort des courriels produits aux débats que les termes employés même si une critique d’une prestation de Mme [O] [X] était évoquée, étaient toujours amicaux, rapports amicaux qui ressortent aussi des trois SMS des 10 juin et 30 septembre 2014 et 2 avril 2015, adressés à Mme [O] [X].

En ce qui concerne la mise à l’écart de Mme [O] [X], la société Studio A rappelle que l’attribution des dossiers entre les différentes agences qui composent le groupe Rouge Vif relève des relations commerciales entre ces deux entités, et que le fait que certains dossiers n’aient pas été attribués à la société Agence A ne peut caractériser un fait de harcèlement moral à l’encontre de la directrice de cette agence.

En outre le témoignage de M. [H] relativement à l’isolement de Mme [O] [X], est contredit par les témoignages de Mme [V] et de Mme [G] qui attestent avoir travaillé en collaboration avec Mme [O] [X] sur plusieurs projets, Mme [G] faisant état de relations sympathiques, d’une aide apportée afin qu’elle puisse developper l’agence A et d’une absence de tensions avec M. [Z] et Mme [U].

Enfin il est de même exact que la présence de Mme [O] [X] dans l’organigramme du groupe Rouge Vif relève exclusivement de la qualité d’associée de celle-ci, et non de ses fonctions de directrice de la société Agence A.

En ce qui concerne la demande de prise de congés dans la foulée de l’arrêt maladie, la société Studio A justifie que cette demande résultait du fait que Mme [O] [X] avait un solde important de congés à prendre, que l’activité de l’agence était peu importante sur cette période, et pour cette seule raison il lui a été proposé de prendre 15 jours de congés, ce qu’elle n’a pas refusé.

Il est n’est donc pas justifié d’agissements répétés des supérieurs hierarchiques de Mme [O] [X], constitutifs d’un harcèlement moral à l’encontre de cette salariée, Mme [O] [X] sera déboutée de sa demande de reconnaissance d’harcèlement moral à son encontre, et de sa demande de dommages et intérêts subséquente, le jugement sera confirmé de ce chef.

En l’absence de harcèlement moral, les demande tendant à voir prononcer la nullité du licenciement et l’allocation de dommages et intérêts à ce titre ainsi que l’allocation d’une indemnité de préavis seront rejetées, le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la demande d’indemnité pour licenciement irrégulier :

Mme [O] [X] soutient que la convocation du 25 novembre 2015 à son entretien préalable ne mentionne ni l’adresse de la mairie ni celle de l’inspection du travail où il était possible de se fournir la liste des conseillers du salarié.

La société Agence A fait valoir que dès le 30 novembre 2015 Mme [O] [X] l’a informée de ce qu’elle ne pouvait pas se rendre à l’entretien, qu’il lui a alors été proposé un report de l’entretien mais que par courriel du 3 décembre 2015, elle a répondu ne pas souhaiter de report dès lors qu’elle n’assisterait pas à l’entretien.

Est produit aux débats le courriel adressé par Mme [O] [X] à la société Studio A le 3 décembre 2015 dans lequel elle indique « je tenais à cet effet à préciser que je ne souhaite pas le report de mon entretien préalable compte tenu que je suis sans rémunération depuis maintenant le 3 novembre 2015, ce qui me cause un préjudice financier important ».

Il en résulte que nonobstant le non-respect des dispositions de l’article L 1232-4 du code du travail, Mme [O] [X], qui a manifesté son intention de ne pas se rendre à son entretien préalable, n’a pas subi de préjudice du fait de l’absence de précision dans sa lettre de convocation de l’adresse des services dans lesquels la liste des conseillers susceptibles de l’assister était consultable.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté Mme [O] [X] de sa demande de dommages-intérêts.

Sur les autres demandes :

Mme [O] [X] qui succombe sera tenue aux dépens d’appel.

Il ne paraît pas équitable de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour ;

Confirme le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Béziers le 3 octobre 2019 ;

Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme [O] [X] aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LE CONSEILLER

Marie BRUNEL Florence FERRANET

 


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