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AFFAIRE : N° RG 21/03097
N° Portalis DBVC-V-B7F-G33I
Code Aff. :
ARRET N°
C.P
ORIGINE : Décision du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’AVRANCHES en date du 11 Octobre 2021 – RG n° F 19/00264
COUR D’APPEL DE CAEN
1ère chambre sociale
ARRET DU 17 MAI 2023
APPELANTE :
S.A.R.L. TAXI FLORENCE Activité
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Amélie MARCHAND-MILLIER, avocat au barreau de COUTANCES
INTIME :
Monsieur [D] [N]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me Pascale GRAMMAGNAC-YGOUF, avocat au barreau de CAEN
DEBATS : A l’audience publique du 06 mars 2023, tenue par Mme PONCET, Conseiller, Magistrat chargé d’instruire l’affaire lequel a, les parties ne s’y étant opposées, siégé seul, pour entendre les plaidoiries et en rendre compte à la Cour dans son délibéré
GREFFIER : Mme ALAIN
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme DELAHAYE, Présidente de Chambre,
Mme PONCET, Conseiller, rédacteur
Mme VINOT, Conseiller,
ARRET prononcé publiquement le 17 mai 2023 à 14h00 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Mme DELAHAYE, présidente, et Mme GOULARD, greffier
FAITS ET PROCÉDURE
La SARL Taxi Florence a embauché M. [D] [N] comme chauffeur de taxi en contrat à durée déterminée du 4 février au 3 mars 2019. Son contrat a été renouvelé jusqu’au 3 avril puis jusqu’au 31 mai 2019.
Le 3 juin 2019, un contrat à durée déterminée à terme au 31 août 2019 a été établi entre la SARL Taxi des îles et M. [N].
Le 6 novembre 2019, M. [N] a saisi le conseil de prud’hommes d’Avranches pour demander, à l’encontre de la SARL Taxi Florence, la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, une indemnité de requalification, un rappel de salaire pour heures supplémentaires, une indemnité pour travail dissimulé, la reconnaissance d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et des dommages et intérêts à ce titre.
Par jugement du 11 octobre 2021, le conseil de prud’hommes a requalifié le contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, a condamné la SARL Taxi Florence à verser à M. [N] : 1 521€ d’indemnité de requalification, 3 100,18€ (outre les congés payés afférents) de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, 1 521€ de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail, 2 000€ en application de l’article 700 du code de procédure civile et a condamné la SARL Taxi Florence à remettre, sous astreinte, à M. [N] des bulletins de paie rectifiés, certificat de travail et attestation Pôle Emploi.
La SARL Taxi Florence a interjeté appel du jugement.
Vu le jugement rendu le 11 octobre 2021 par le conseil de prud’hommes d’Avranches
Vu les dernières conclusions de la SARL Taxi Florence, appelante, communiquées et déposées le 14 février 2022, tendant à voir le jugement infirmé, à voir M. [N] débouté de ses demandes et condamné à lui verser 3 000€ en application de l’article 700 du code de procédure civile
Vu les dernières conclusions de M. [N], intimé, communiquées et déposées le 16 mai 2022, tendant à voir le jugement confirmé et à voir la SARL Taxi Florence condamnée à lui verser 2 000€ de dommages et intérêts pour appel abusif et 2 500€ supplémentaires en application de l’article 700 du code de procédure civile
Vu l’ordonnance de clôture rendue le 15 février 2023
MOTIFS DE LA DÉCISION
1) Sur la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée
Le contrat a été conclu le 4 février pour un surcroît temporaire d’activité et renouvelé pour ce même motif.
Le contrat n’expose pas les raisons de ce surcroît temporaire d’activité et la SARL Taxi Florence n’en indique pas non plus les raisons dans ses conclusions se bornant à indiquer qu’avant et après l’embauche de M. [N], la société n’avait aucun salarié et que le recours à un salarié en plus du gérant exerçant également une activité de chauffeur de taxi établit, en soi, l’existence d’un surcroît d’activité pendant la période d’emploi.
Ce raisonnement n’est étayé par aucun élément puisque la SARL Taxi Florence ne justifie pas n’avoir eu aucun salarié avant et après l’emploi de M. [N] et ne justifie pas, non plus, que son gérant aurait poursuivi son activité pendant la période d’emploi de M. [N]. De surcroît, la simple mention d’un des cas de recours autorisé à un contrat à durée déterminée ne constitue pas l’indication précise d’un motif qui doit impérativement être mentionnée dans le contrat.
Il y a lieu, en conséquence, de requalifier le contrat à durée déterminée conclu le 4 février 2019.
La somme réclamée au titre de l’indemnité de requalification n’est pas contestée, ne serait-ce qu’à titre subsidiaire par la SARL Taxi Florence, et sera donc retenue.
2) Sur les heures supplémentaires
En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle de heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
M. [N] produit un tableau où figurent, pour chaque jour, ses heures d’embauche et de fin de la journée de travail. Cet élément est suffisamment précis pour permettre à la SARL Taxi Florence de répondre. Faute pour celle-ci d’apporter le moindre élément ni même la moindre explication, les heures réclamées par M. [N] seront retenues pour la période du 4 février au 31 mai 2019. Les heures décomptées comprennent des heures comprises dans les 35H qui auraient contractuellement dû être payées et qui ont été retenues et des heures supplémentaires.
M. [N] réclame également le paiement d’heures supplémentaires accomplies en juin et juillet 2019.
Le contrat à durée déterminée conclu avec la SARL Taxi Florence a pris fin le 31 mai 2019. Après cette date, M. [N] a été embauché par la SARL Taxi des îles (dont le co-gérant est également gérant de la SARL Taxi Florence). M. [N], à qui cette charge incombe, n’établit pas qu’il aurait, en fait, travaillé pour la SARL Taxi Florence pendant cette période – notamment en utilisant les véhicules de cette société et non ceux de la SARL Taxi des îles- ou aurait reçu des ordres du gérant de la SARL Taxi Florence en cette qualité. Faute d’éléments, il n’est donc pas fondé à réclamer la paiement des heures supplémentaires travaillées après le 31 mai 2019 à la SARL Taxi Florence.
Au total, les heures dues de février à mai sont les suivantes :
– 0,75H au taux normal ouvrant droit, compte tenu d’un taux horaire de 10,03€, à un rappel de 7,52€
– 14H majorées à 25% ouvrant droit à un rappel de 175,52€
– 64,5H majorées à 50% ouvrant droit à un rappel de 996,52€
Au total, la somme due est de 1 179,56€ bruts (outre les congés payés afférents).
3) Sur la rupture du contrat
Le contrat à durée déterminée ayant été requalifié en contrat à durée indéterminée, la rupture des relations à l’issue de ce contrat s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.En effet, M. [N] n’ayant eu aucune initiative dans la fin de ce contrat, la SARL Taxi Florence ne saurait valablement arguer que la rupture des relations contractuelles s’analyserait en une démission parce que M. [N] aurait conclu un contrat avec la SARL Taxi des îles à l’issue du contrat à durée déterminée.
Compte tenu d’une ancienneté inférieure à un an, M. [N] peut prétendre à des dommages et intérêts au plus égaux à un mois de salaire.
M. [N] ne produit aucun élément sur sa situation postérieure à la rupture du contrat de travail. Il ressort toutefois du dossier qu’il a travaillé de mai à août pour la SARL Taxi des îles.
Compte des autres éléments connus : son âge (54 ans), son ancienneté (un peu moins de 4 mois), son salaire moyen (2 342,55€ après réintégration du rappel de salaire), il y a lieu de confirmer la somme allouée par le conseil de prud’hommes et de lui allouer 1 521€ de dommages et intérêts
3) Sur les points annexes
Agir et défendre en justice constituent un droit qui ne dégénère en abus qu’en cas de mauvaise foi ou d’erreur équipollente au dol. En l’espèce, la SARL Taxi Florence a obtenu, en faisant appel, une diminution des sommes mises à sa charge ce qui suffit à exclure l’existence d’un abus.
Les sommes accordées produiront intérêts au taux légal à compter du 15 novembre 2019, date de réception par la SARL Taxi Florence de sa convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation à l’exception de celle allouée à titre dommages et intérêts et en application de l’article 700 du code de procédure civile qui produiront intérêts à compter du 26 octobre 2021, date de notification du jugement confirmé sur ce point.
La SARL Taxi Florence devra remettre à M. [N], dans le délai d’un mois à compter de la date du présent arrêt, un bulletin de paie complémentaire, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi rectifiés conformément à la présente décision. En l’absence d’éléments permettant de craindre l’inexécution de cette mesure, il n’y a pas lieu de l’assortir d’une astreinte.
Il serait inéquitable de laisser à la charge de M. [N] ses frais irrépétibles. La somme allouée par le conseil de prud’hommes sera confirmée sans qu’il y ait lieu de l’augmenter.
DÉCISION
PAR CES MOTIFS, LA COUR,
– Confirme le jugement en ce qu’il a requalifié le contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, dit que sa rupture s’analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, condamné la SARL Taxi Florence à verser à M. [N] 1 521€ à titre d’indemnité de requalification, 1 521€ de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 2 000€ en application de l’article 700 du code de procédure civile
– Y ajoutant
– Dit que la somme de 1 521€ accordée à titre d’indemnité de requalification produira intérêts au taux légal à compter du 15 novembre 2019, dit que les sommes de 1 521€ accordée à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de 2 000€ allouée en application de l’article 700 du code de procédure civile produiront intérêts au taux légal à compter du 26 octobre 2021
– Réforme le jugement pour le surplus
– Condamne la SARL Taxi Florence à verser à M. [N] 1 179,56€ bruts de rappel de salaire outre 117,96€ bruts au titre des congés payés afférents avec intérêts au taux légal à compter du 15 novembre 2019
– Dit que la SARL Taxi Florence devra remettre à M. [N], dans le délai d’un mois à compter de la date du présent arrêt, un bulletin de paie complémentaire, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi rectifiés conformément à la présente décision
– Déboute M. [N] du surplus de ses demandes
– Condamne la SARL Taxi Florence aux entiers dépens de première instance et d’appel
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
E. GOULARD L. DELAHAYE