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ARRET
N°
S.A.S. FLAM’UP
C/
[Y]
copie exécutoire
le 17/05/2023
à
Me LE PIVERT
Me BURY
LDS/IL/BG
COUR D’APPEL D’AMIENS
5EME CHAMBRE PRUD’HOMALE
ARRET DU 17 MAI 2023
*************************************************************
N° RG 22/00143 – N° Portalis DBV4-V-B7G-IKCI
JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE CREIL DU 09 DECEMBRE 2021 (référence dossier N° RG F 19/00265)
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE
S.A.S. FLAM’UP Agissant poursuites et diligences de son représentant légal
domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 3]
comparante en la personne de M. [L], président
assitée, concluant et plaidant par Me Elisabeth LE PIVERT-LEONARD, avocat au barreau de COMPIEGNE
assistée de Me Jérôme LE ROY de la SELARL LEXAVOUE AMIENS-DOUAI, avocat au barreau d’AMIENS substituée par Me Alexis DAVID, avocat au barreau d’AMIENS, avocat postulant
ET :
INTIME
Monsieur [N] [Y]
né le 12 Avril 1955
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 2]
comparant en personne,
assisté, concluant et plaidant par Me Sophie BURY de la SELEURL SOPHIE BURY AVOCAT, avocat au barreau de PARIS
Me Emilie RICARD, avocat au barreau d’AMIENS, avocat postulant
DEBATS :
A l’audience publique du 22 mars 2023, devant Madame Laurence de SURIREY, siégeant en vertu des articles 786 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, ont été entendus les avocats en leurs conclusions et plaidoiries respectives.
Madame [G] [R] indique que l’arrêt sera prononcé le 17 mai 2023 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Isabelle LEROY
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Madame [G] [R] en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :
Mme Laurence de SURIREY, présidente de chambre,
Mme Caroline PACHTER-WALD, présidente de chambre,
Mme Eva GIUDICELLI, conseillère,
qui en a délibéré conformément à la Loi.
PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :
Le 17 mai 2023, l’arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Laurence de SURIREY, Présidente de Chambre et Mme Isabelle LEROY, Greffière.
*
* *
DECISION :
M. [Y] a été embauché le 1er juillet 1979 par la Seita. Son contrat de travail a été transféré à la société Flam’up (la société ou l’employeur) le 31 décembre 2000.
Au dernier état de la relation contractuelle il occupait le poste de responsable marketing et vente.
La société, dont l’activité est, depuis 2008, le négoce d’allumettes, allume-feu, briquets et produits pyrotechniques, compte plus de 10 salariés.
Elle a pour directeur M. [L] depuis 2002.
Elle applique la convention collective nationale du commerce de gros depuis 2008.
Le salarié a été placé en arrêt maladie du 7 août 2018 au 22 février 2019.
Le 25 février 2019, le médecin du travail l’a déclaré inapte à son poste au motif que ses capacités restantes ne lui permettaient pas d’occuper un poste de travail dans la société mais qu’il pouvait bénéficier de toutes formations utiles permettant de favoriser son reclassement professionnel.
Saisi par l’employeur qui sollicitait la désignation d’un médecin inspecteur du travail afin qu’il donne son avis sur l’aptitude ou l’inaptitude du salarié et, à titre subsidiaire, qu’il dise quelles mesures prendre pour adapter ou aménager le poste de travail, le conseil de prud’hommes, par ordonnance rendue le 25 avril 2019 en la forme des référés, a déclaré que M. [Y] était inapte professionnellement au sein de la société Flam’up, dit n’y avoir lieu à désignation d’un médecin inspecteur du travail et condamné la société au paiement de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
La société a interjeté appel de cette décision.
Cet appel a été déclaré caduc par ordonnance du 17 octobre 2019.
M. [Y] a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement par courrier du 27 mai 2019.
Ne s’estimant pas rempli de ses droits quant à l’exécution de son contrat de travail et poursuivant la nullité de son licenciement, il a saisi le conseil de prud’hommes de Creil le 14 octobre 2019, lequel par jugement du 9 décembre 2021 a :
– dit que le licenciement de M. [Y] était nul en raison du harcèlement moral subi,
– fixé le salaire moyen de ce dernier à 6 048 euros,
– condamné la société à lui verser les sommes de :
– 120 960 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,
– 18 144 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et 1 814,40 euros au titre des congés payés afférents,
– 6 048 euros au titre du non-respect de l’obligation de prévention,
– 6 048 euros au titre du non-respect de l’obligation de sécurité de moyens renforcés,
– 35 140,77 euros de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires pour inopposabilité de la clause de forfait en jours et 3 514,07 euros au titre des congés payés afférents,
– 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté le salarié du surplus de ses demandes,
– ordonné le remboursement par la société aux organismes concernés des indemnités de chômage versées au salarié du jour de son licenciement au jour du jugement, à concurrence de trois mois d’indemnités,
– dit que les créances salariales porteraient intérêts au taux légal à compter du 5 décembre 2019, soit la date de l’audience de bureau de conciliation et d’orientation et pour les autres sommes, à compter du 9 décembre 2021, date de mise à disposition du jugement,
– ordonné la capitalisation des intérêts,
– ordonné à la société de remettre à M. [Y] les bulletins de salaire, attestation Pôle emploi et un reçu pour solde de tout compte conformes au jugement sous astreinte de 150 euros par jour au-delà de 30 jours après la notification du jugement,
– rappelé les règles applicables en matière d’exécution provisoire,
– condamné la société aux dépens.
La société Flam’up, qui est régulièrement appelante de ce jugement, par conclusions remises le 2 mars 2023, demande à la cour de :
– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [Y] de ses demandes de primes exceptionnelles, de rémunération variable, de dommages et intérêts pour absence d’entretien professionnel, de rappel de salaire pour non versement de la prime de garantie d’ancienneté et des congés afférents à ses demandes,
– l’infirmer en ce qu’il :
– a dit que le licenciement de M. [Y] était nul en raison du harcèlement moral subi,
– a fixé le salaire moyen de ce dernier à 6 048 euros,
– l’a condamnée à lui verser les sommes de :
– 120 960 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,
– 18 144 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et 1 814,40 euros au titre des congés payés afférents,
– 6 048 euros au titre du non-respect de l’obligation de prévention,
– 6 048 euros au titre du non-respect de l’obligation de sécurité de moyens renforcés,
-35 140,77 euros de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires pour inopposabilité de la clause de forfait en jours et 3 514,07 euros au titre des congés payés afférents,
– 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– a débouté le salarié du surplus de ses demandes,
– a ordonné le remboursement aux organismes concernés des indemnités de chômage versées au salarié du jour de son licenciement au jour du jugement, à concurrence de trois mois d’indemnité,
– a dit que les créances salariales porteraient intérêts au taux légal à compter du 5 décembre 2019, soit la date de l’audience de bureau de conciliation et d’orientation et pour les autres sommes à compter du 9 décembre 2021, date de mise à disposition du jugement,
– a ordonné la capitalisation des intérêts,
– lui a ordonné de remettre à M. [Y] les bulletins de salaire, attestation Pôle emploi et un reçu pour solde de tout compte conformes au jugement sous astreinte de 150 euros par jour au-delà de 30 jours après la notification du jugement,
– Statuant à nouveau, débouter M. [Y] de l’ensemble de ses demandes et le condamner à lui verser la somme de 3 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
Aux termes de ses conclusions remises le 8 mars 2023, M. [Y] demande à la cour de :
– réformer le jugement en ce qu’il a entaché son dispositif d’une erreur matérielle et a limité son indemnisation à la somme de 6 048 euros pour non-respect de l’obligation de sécurité de moyen renforcé et à la même somme pour non-respect de l’obligation de sécurité de prévention,
– confirmer le jugement en ce qu’il a :
– dit que son licenciement était nul en raison du harcèlement moral subi,
– fixé son salaire moyen à 6 048 euros,
– condamné la société à lui verser les sommes de :
– 120 960 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,
– 18 144 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et 1 814,40 euros au titre des congés payés afférents,
– 35 140,77 euros de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires pour inopposabilité de la clause de forfait en jours et 3 514,07 euros au titre des congés payés afférents,
– 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– ordonné le remboursement par la société aux organismes concernés des indemnités de chômage,
– condamné la société aux intérêts au taux légal et aux entiers dépens,
– exécution provisoire dans la limite de neuf mois de salaire,
– remise des bulletins de salaire, attestation Pôle emploi et solde de tout compte rectifiés sous astreinte de 150 euros par jour,
– infirmer le jugement en ce qu’il l’a débouté de ses demandes de rappel de prime exceptionnelle non perçue, congés payés afférents, rappel de salaire pour la rémunération variable non perçue, congés payés afférents, dommages et intérêts pour absence d’entretien professionnel, rappel de salaire sur garantie d’ancienneté et congés payés afférents,
-Statuant à nouveau :
– constater la contradiction entre la discussion et le dispositif du jugement rendu par le conseil de prud’hommes, constitutive d’une erreur matérielle et en conséquence procéder à la rectification de cette erreur du dispositif en indiquant que la société doit être condamnée aux sommes suivantes :
– 18 144 euros au titre du non-respect de l’obligation de prévention,
-20 000 euros au titre du non-respect de l’obligation de sécurité de moyens renforcés,
– fixer son salaire moyen à 6 048 euros brut,
– débouter la société de l’ensemble de ses demandes,
– déclarer que son licenciement est nul en raison du harcèlement moral subi et en conséquence, condamner la société à lui verser les sommes suivantes :
– dommages et intérêts pour licenciement nul : 120 960 euros,
– indemnité compensatrice de préavis : 18 144 euros,
– congés payés afférents : 1 814,40 euros,
– constater que la société a manqué à de nombreuses obligations sociales et en conséquence,
– la condamner à lui payer les sommes suivantes au titre :
– non-respect de l’obligation de prévention : 18 144 euros,
– non-respect de l’obligation de sécurité de moyen renforcé : 20 000 euros,
– rappel de salaire pour la prime exceptionnelle non perçue : 20 660 euros
– congés payés afférents : 2 026 euros,
– rappel de salaire pour la rémunération variable non perçue : 9 629 euros,
– congés payés afférents : 962,90 euros,
– dommages et intérêts pour l’absence d’entretien professionnel : 6 048 euros,
– rappel de salaire sur garantie d’ancienneté : 8 108,10 euros,
– congés payés afférents : 810,80 euros,
– rappel de salaire au titre des heures supplémentaires pour inopposabilité de la clause de forfait en jours : 35 140,77 euros,
– rappel de salaire au titre des congés payés sur heures supplémentaires : 3 514,07 euros,
– article 700 du code de procédure civile : 3 500 euros,
– condamner la société au remboursement des allocations Pôle emploi dans la limite de six mois d’allocations,
– condamner la société aux intérêts au taux légal et aux entiers dépens,
– ordonner la remise des bulletins de salaire, de l’attestation Pôle emploi et du reçu pour solde de tout compte rectifiés sous astreinte de 150 euros par jour de retard.
Il est renvoyé aux conclusions des parties pour le détail de leur argumentation.
EXPOSE DES MOTIFS :
1/ Sur la demande de rectification d’erreur matérielle :
Il résulte de la lecture du jugement que le conseil de prud’hommes a entendu condamner la société Flam’up au paiement de la somme de 18 144 euros au titre du manquement à l’obligation de prévention et 20 000 euros au titre du manquement à l’obligation de sécurité de moyen renforcé et que son dispositif est donc entaché d’une erreur matérielle en ce qu’il la condamne au paiement de la somme de 6 048 euros au titre de chacun de ces chefs.
Il convient donc de rectifier le dispositif de ce jugement en ce sens que la société Flam’up est condamnée par le conseil de prud’hommes au paiement des sommes de 18 144 euros au titre du manquement à l’obligation de prévention et 20 000 euros au titre du manquement à l’obligation de sécurité de moyen renforcé.
2/ Sur la rupture du contrat de travail :
2-1/ Sur l’existence d’un harcèlement moral :
Aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Peuvent caractériser un harcèlement moral les méthodes de direction mises en ‘uvre par un supérieur hiérarchique dès lors qu’elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d’entraîner une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Selon l’article L. 1154-1 du même code, dans sa version applicable à la cause, lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L.1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L. 1152-1 du code du travail ; que, dans l’affirmative, il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement et que, sous réserve d’exercer son office dans les conditions qui précèdent, le juge apprécie souverainement si le salarié établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement et si l’employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement.
En l’espèce, le salarié évoque un contexte de management exercé de façon autoritaire, brutale et directive qui a conduit à un turn over important dans l’entreprise et affirme avoir lui-même fait l’objet de pressions, humiliations et d’un traitement vexatoire de la part de M. [M] sous couvert de M. [L] qui voulait le contraindre à prendre sa retraite.
La société réplique que le salarié, qui souhaitait partir à la retraite avec une somme beaucoup plus importante que celle à laquelle il avait droit, a monté de toutes pièces un dossier de harcèlement moral qui est inexistant dans l’unique but de lui soutirer de l’argent car elle a refusé de faire droit à sa demande de rupture conventionnelle beaucoup trop coûteuse pour elle et que c’est lui qui avait un comportement odieux avec les collaborateurs et n’était plus investi dans ses fonctions.
M. [Y] présente les six faits suivants :
– une modification de la durée du travail, la société ayant tenté, à compter de l’année 2007, à plusieurs reprises, de lui imposer la mise en place d’une convention de forfait alors qu’il était soumis à la durée légale du travail. Il produit des bulletins de paie qui font mention d’un forfait journalier jusqu’au 1er décembre 2017, puis d’un horaire de 151,67 heures par mois pendant cinq mois avant de revenir au forfait journalier ainsi qu’un échange e-mail du 1er juin 2018 par lequel il se plaint d’une modification importante de son contrat de travail sans son accord et les réponses de MM. [L] et [M] faisant état d’une anomalie liée à une mise à jour importante du logiciel de paie. Il convient de noter que dans son message le salarié ne se plaint pas que lui soit imposé un forfait jours mais plutôt, à l’inverse, que l’employeur soit revenu sur cette modalité pour lui imposer les 35 heures.
– une baisse de rémunération, son salaire n’ayant augmenté qu’une seule fois, en septembre 2015, en 15 ans d’activité, puis ayant baissé en 2017 avec une diminution de sa prime variable et, enfin, à compter de 2019, avec la diminution puis la disparition de sa prime exceptionnelle de manière unilatérale et sans préavis. Il verse également aux débats ses bulletins de paie qui montrent qu’il a perçu une prime exceptionnelle de 10 000 euros en 2013, 11 500 en 2014, 12 000 en 2015, 2016 et 2017, puis de 11 340 en 2018, 3 955 en 2019.
– une modification unilatérale des fonctions avec le retrait du jour au lendemain de la gestion de la partie marketing qu’il assurait depuis 14 ans, la perte de la supervision du département des ventes au fil des années, la transformation de ses fonctions de responsable marketing et ventes détenues depuis 2003 en celle de responsable commercial sans signature d’un avenant. Il se prévaut pour l’essentiel d’une lettre recommandée qu’il a adressée à l’employeur le 9 octobre 2018 aux termes de laquelle il récapitule les griefs qu’il lui fait et de la copie d’un avenant à son contrat de travail, non signé, prévoyant notamment l’instauration d’une clause de non-concurrence.
– une perte de substance de ses fonctions avec le retrait brutal et pour un motif fallacieux, en janvier 2017 et janvier 2018, de clients qu’il avait lui-même apportés accompagné de propos humiliants et désobligeants à son égard. Il produit, outre sa lettre du 9 octobre 2018, un échange de courriels du 3 avril 2018 d’où il ressort qu’il ne gère plus les produits Carrefour ainsi que d’autres marques et que consigne a été donnée à la gestionnaire des ventes et logistique de ne plus lui envoyer « le stock CSF », un e-mail de M. [M] du 2 mai 2018, avec pour objet « 1er avertissement », ainsi rédigé «[N], puis-je savoir à quoi vous jouez ‘ Merci de me transférer directement les mails de Carrefour qui vous sont adressés que cela vous plaise ou non. M. [X] a été informé officiellement ce jour que vous ne gérez plus le dossier. M. [H] est quant à lui déjà informé ainsi que Mme [V] pour la partie logistique » ainsi qu’un e-mail du même expéditeur, en clôture d’une discussion à propos du référencement d’un produit chez Monoprix, rédigé en ces termes : « contenter-vous de faire ce que l’on vous demande. Assumer ne serait-ce qu’un minimum vos responsabilités, montrer au moins l’exemple à vos collaborateurs au lieu de buter en touche à chaque fois que l’on vous dit quelque chose, je vous assure que vous en sortirez grandit. Peut-être que si vous étiez un peu plus présent vous auriez eu le temps pour superviser ce qui se passe au sein de votre service, à moins qu’il s’agisse pour vous d’une retraite à mi-temps… retenez une chose, très simple à retenir, votre bilan sera fait en fin d’année et on en rediscutera à ce moment ».
– isolement professionnel, la société le poussant à prendre sa retraite contre son gré à partir du moment où il a 60 ans, procédant à des recrutements pour organiser son départ, lui retirant son équipe de quatre collaborateurs au profit d’une seule assistante commerciale sans que la charge de travail en soit diminuée pour autant, coupures de tout accès à ses courriels professionnels à compter du 3 septembre 2018 au prétexte qu’il était en arrêt de travail. Il se prévaut de la fiche de définition de ses fonctions de responsable marketing qui mentionne au titre des moyens humains trois collaborateurs (deux attachés commercial et un employé agent de vente), ainsi que des organigrammes pour les années 2014, 2016 et 2018 qui montrent une équipe de deux collaborateurs.
– des propos déplacés et des menaces, une dévalorisation de son travail, une atteinte à son honneur et sa dignité et des comportements humiliants de son supérieur hiérarchique en présence des salariés de la société et des clients pour le pousser à la retraite. Au soutien de ce grief, il verse aux débats les deux courriers électroniques de M. [M] sus cités, un e-mail du 2 mars 2018 de la même personne rédigé en ces termes « j’ai soldé les cravates qui restaient car invendables au regard des quantités restantes vous aviez donné votre feu vert, vous avez une mémoire sélective !!! Précipitation oblige c’est un plan foireux’ on se renseigne avant de proposer la lune », un autre du 21 mars 2018 ainsi rédigé « Au travers de ce mail a-t-on appris quelque chose ‘ La prochaine fois je serai plus direct [N], ça suffit maintenant », une attestation de M. [Z], selon laquelle il a été à plusieurs reprises témoin de faits de harcèlement moral sur le lieu de travail dont M. [Y] a été victime, manifestés par des propos et une attitude physique violents et menaçants, le 31 mars 2017 et le 4 juin 2018, ces derniers propos étant audibles de toutes les personnes présentes dans les bureaux, et il a été en copie de nombreux échanges d’e-mails visant à rabaisser son intégrité professionnelle ainsi que sa crédibilité devant les clients et l’ensemble du personnel au quotidien.
Comme le soutient l’employeur, la matérialité des faits de modification unilatérale du contrat de travail par l’imposition d’un régime de travail au forfait n’est pas matériellement établie par les pièces produites par le salarié lequel apparaît, au contraire, demandeur du forfait jour puisqu’il s’insurge de la mention « 151,67 heures » sur quelques bulletins de paie.
De même, la modification unilatérale et la perte de substance de ses fonctions ne résultent pas des courriels qu’il verse aux débats qui ne concernent qu’un ou deux clients de son portefeuille, toutefois la brutalité de ce retrait transparaît dans le ton des messages à ce propos.
Par ailleurs, l’isolement professionnel n’est pas démontré et la réduction de son équipe de trois (et non quatre selon sa fiche de poste contrairement à ce qu’affirme M. [Y]) à deux membres est ancienne puisqu’elle remonte à 2014 sans que le salarié s’en soit jamais plaint.
En revanche, si effectivement M. [Y] a bénéficié d’une évolution salariale très favorable, en hausse constante entre 2002 et 2018, une baisse de rémunération est apparue en 2018 avec la réduction de la prime exceptionnelle pour 2017.
De plus, si l’attestation de M. [Z] doit être prise avec précaution en raison du fait que celui-ci a été licencié pour faute grave en août 2018 comme le fait valoir l’employeur, la tenue de propos humiliants par la voie de courriers électroniques dont d’autres collaborateurs sont en copie (six pour celui du 21 mars 2018, cinq pour celui du 23 mai 2018, deux pour celui du 2 mai 2018), excédant ce qui est admissible de la part d’un supérieur hiérarchique, même légitimement énervé, est objectivement établie par la production des messages litigieux précités.
Ainsi, les faits matériellement établis par le salarié, pris dans leur ensemble, laissent présumer l’existence d’un harcèlement moral.
L’employeur répond qu’il a réduit la prime exceptionnelle en 2018 en raison de la baisse des résultats du salarié depuis 2015 par défaut de motivation. Cependant, il ne justifie pas de ce que cette prime, qui ne figure pas au contrat de travail, était effectivement liée au chiffre d’affaires alors que, bien que selon lui les résultats du salarié ont commencé à baisser en 2015, il a maintenu cette prime au même niveau en 2016 et 2017. Au surplus, il ne justifie d’aucune alerte du salarié concernant ses résultats.
Les attestations produites par l’employeur, dont les auteurs affirment que M. [Y] avait des relations difficiles avec sa hiérarchie et ses collaborateurs et ses collaboratrices, ne permettent pas de justifier les propos menaçants et humiliants tenus par M. [M] à son encontre de manière répétée et publique.
Au surplus, ces attestations ne sont pas entièrement conformes aux dispositions des articles 202 du code de procédure civile en ce que la mention de ce que leurs auteurs ont conscience qu’une fausse attestation les expose à des sanctions pénales n’est pas manuscrite.
De plus, un e-mail adressé par M. [L] à M. [M] le 31 janvier 2019 lui soumettant le texte de l’attestation à rédiger, prive, de plus fort, les témoignages produits par l’employeur de valeur probante.
M. [Y] rapporte la preuve par la production d’un certificat du Dr [P] de l’existence d’un état d’anxiété réactionnelle et de la prescription prolongée de médicaments anxiolytiques et de somnifères et par conséquent de la dégradation de son état de santé.
Ainsi, à l’examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que l’employeur échoue à démontrer que les faits matériellement établis par M. [Y] sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le harcèlement moral est donc établi.
2-2/ Sur la nullité du licenciement :
Aux termes de l’article L 1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral et pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.
L’article L 1152-3 dispose que toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L 1152-1 et L 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul.
M. [Y] soutient que son licenciement trouve sa cause dans les faits de harcèlement moral dont il a été victime.
Il en justifie par la production des certificats médicaux constatant l’existence d’un syndrome anxieux depuis le mois de septembre 2018 et de ses arrêts de travail répétés alors qu’il n’est pas fait état au dossier d’antécédent de ce type, ainsi que par l’avis d’inaptitude du médecin du travail selon lequel ses capacités restantes ne lui permettent pas d’occuper un poste de travail dans la société.
Il en résulte que son licenciement pour inaptitude, qui trouve sa cause dans une situation de harcèlement moral, est nul.
M. [Y] est donc en droit de réclamer une indemnité compensatrice de préavis et une indemnité, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois, sur le fondement de l’article L. 1235-3-1 du code de procédure civile.
En application de la convention collective, il y a lieu de condamner la société au paiement de la somme, non spécifiquement contestée dans son quantum, de 18 144 euros correspondant à trois mois de salaire au titre de l’indemnité compensatrice de préavis outre 1 814,40 euros au titre des congés payés y afférents.
Compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié, de son âge, de sa capacité à trouver un nouvel emploi, du montant des salaires des six derniers mois et de son ancienneté dans l’entreprise (40 ans), la cour fixe à 50 000 euros les dommages et intérêts pour licenciement nul.
Il convient de faire application des dispositions de l’article L.1235-4 du code du travail et, par confirmation du jugement, d’ordonner à l’employeur de rembourser à l’antenne Pôle emploi concernée les indemnités de chômage versées à l’intéressé depuis son licenciement dans la limite de trois mois de prestations.
3/ Sur la demande au titre de l’obligation de prévention :
M. [Y] affirme avoir alerté à plusieurs reprises la société sur la situation de détresse dans laquelle il se trouvait sans obtenir de réaction de sa part ce qui caractérise un manquement à l’obligation générale de prévention qui lui incombe.
La société réplique qu’elle a répondu aux courriers du salarié pour réfuter point par point le soit-disant harcèlement moral dont il prétendait être l’objet et dont le seul but était d’obtenir de sa part le paiement d’une indemnité de départ supérieure à l’indemnité de retraite qu’il jugeait ridicule.
L’article L.1152-4 du code du travail précise : l’employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.
En l’espèce, l’employeur ne justifie pas des mesures prises pour prévenir le harcèlement moral toutefois, le salarié n’apporte pas la preuve d’un préjudice distinct de celui qui est déjà réparé au titre du harcèlement moral lui-même.
Il y a donc lieu, par infirmation du jugement, de rejeter cette demande.
4/ Sur la demande de dommages et intérêts pour non-respect de l’obligation de sécurité de l’employeur :
À ce titre, le salarié invoque les mêmes manquements et le même préjudice que ceux qui ont conduit à la condamnation de la société pour harcèlement moral de sorte que le jugement qui lui a alloué une somme de ce chef sera infirmé.
5/ Sur le rappel de salaire au titre des primes :
5-1/ Sur la prime exceptionnelle :
M. [Y] fait valoir qu’en vertu d’un usage, il a perçu, entre 2004 et 2016, une prime, qui augmentait chaque année, compensant l’absence d’augmentation de son salaire de base ; que pour la première fois en 2017, son montant a baissé sans explication ; qu’en 2018, il n’a rien perçu à ce titre ; que faute de dénonciation régulière, cet usage devait continuer à s’appliquer, l’employeur ne pouvant invoquer pour se justifier, une baisse de son chiffre d’affaires à défaut de corrélation annoncée entre la prime et le chiffre d’affaires et d’explication sur les méthodes de calcul.
Il réclame par conséquent, un reliquat de prime pour 2017, l’intégralité de celle-ci pour 2018 et une proratisation de la prime de 2019.
La société réplique que le montant de la prime était corrélée au chiffre d’affaires net du portefeuille du salarié qui a baissé entre 2016 et 2017 de 242 942 euros ce qui justifiait une baisse de la prime en 2018.
Il n’est pas spécifiquement contesté par l’employeur qu’il était d’usage au sein de l’entreprise de verser une prime dite exceptionnelle chaque année.
Ainsi qu’il a été dit précédemment, M. [Y] a perçu une prime dite exceptionnelle à compter de 2005 d’un montant en constante augmentation, stabilisé à 12 000 euros à partir de 2014 sans qu’il soit justifié que cette prime était liée à ses résultats et ce qui est contredit, d’ailleurs, par le fait que le chiffre d’affaires du salarié a été en baisse à compter de 2016 sans que le montant de la prime en soit affecté, ni même de son mode de calcul alors qu’elle apparaît en chiffre rond jusqu’en 2017.
La société ne pouvait donc unilatéralement revenir sur cet usage de sorte qu’elle sera condamnée, par infirmation du jugement, au paiement d’un rappel de prime exceptionnelle à hauteur de 20 660 euros outre 2 026 euros au titre des congés payés y afférents, dans les limites de la demande.
5-2/ Sur la prime sur objectifs :
M. [Y] soutient qu’il est fondé, à défaut de transparence concernant les modalités de calcul et de versement de la prime sur objectifs, à demander que le montant de la rémunération variable sur objectifs versée en 2016 (4213 euros) soit pris comme base de référence pour les années 2017 et 2018, cette prime ayant diminué sans explication en 2017, puis été supprimée en 2018 et 2019.
L’employeur expose que le portefeuille clients du salarié ayant baissé avec sa répartition entre plusieurs commerciaux, dans l’intérêt de la société afin de permettre son développement qu’un seul commercial ne pouvait pas assurer, sa prime variable de 0,072 % du chiffre d’affaires 3 x net a baissé en proportion et qu’il n’y avait aucune raison légitime qu’il bénéficie d’une prime sur le chiffre d’affaires réalisé par les autres commerciaux.
Il renvoie, notamment, à la lecture de ses pièces n°35 et 36 intitulées ‘prime de résultat pour le personnel Flam’up’ et ‘prime de présence pour le personnel Flam’up’ en date du 13 septembre 2012, qui ne font pas mention d’un calcul sur la base de 0,072 % du chiffre d’affaires mais d’un chiffre variable en fonction de l’ancienneté, du résultat de l’entreprise et de l’absentéisme du salarié.
À défaut de justification d’un mode de calcul clair de la part de rémunération variable qui a baissé considérablement en 2017 et n’a pas été versée en 2018 et 2019, M. [Y] est en droit de demander un rappel de rémunération variable sur la base de celle qui lui était versée en 2016, pour les années 2017 et 2018, soit la somme de 9 629 euros outre 962,90 euros au titre des congés payés y afférents.
6/ Sur la demande de dommages-intérêts pour non versement de la garantie d’ancienneté prévue conventionnellement :
M. [Y] fait valoir qu’il n’a jamais perçu la prime dite de garantie d’ancienneté représentant 1/12 de la rémunération conventionnelle de l’année civile écoulée majorée de 17 % prévue par la convention collective ce qui lui a causé un préjudice et réclame, en conséquence, le versement d’un rappel de salaire de ce chef sur trois ans.
La société répond que le salarié confond la prime d’ancienneté et la garantie d’ancienneté qui est une majoration du salaire de base en fonction de l’ancienneté acquise, incorporé dans le salaire et que, percevant une rémunération supérieure au seuil minimum prévu par la convention collective depuis plus de cinq ans, il ne pouvait prétendre à cette garantie d’ancienneté.
La convention collective en son article 40 cité par M. [Y] ne prévoit pas une prime d’ancienneté, à savoir une somme d’argent attribuée au salarié, en plus de son salaire, en fonction de sa durée de présence quelque soit le salaire de base qu’il perçoit, mais une garantie d’ancienneté qui est une majoration du salaire de base en fonction de l’ancienneté acquise et qui est incorporée au salaire.Le salarié, percevant un salaire largement supérieur aux minima de la convention collective est mal fondé en sa demande. Le jugement sera, par conséquent, confirmé en ce qu’il a rejeté celle-ci.
7/ Sur la demande de dommages et intérêts pour absence d’entretien professionnel et absence d’adaptation du salarié à l’évolution de l’emploi :
M. [Y] fait valoir que s’il a eu une carrière remarquable, passant du statut d’agent de maîtrise à celui de responsable marketing et ventes, ce n’est dû qu’à son seul investissement et sa passion du métier, la société n’ayant jamais pris la peine de l’accompagner et de le former au mépris de l’obligation qui lui incombe en application de l’article L. 6321-1 du code du travail. Il fait remarquer que la société justifie son impossibilité de reclassement, notamment, par son défaut de maîtrise de l’informatique.
La société ne justifie pas d’actions de formation et de l’existence d’entretiens professionnels formels.
Toutefois, le salarié, qui relève à juste titre le caractère extraordinaire de sa promotion au sein de l’entreprise et qui a été déclaré inapte avec impossibilité de reclassement au sein de l’entreprise, ne justifie d’aucun préjudice de sorte qu’il y a lieu de confirmer le jugement qui a rejeté sa demande de ce chef.
8/Sur la demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires :
La société fait valoir que la clause de forfait était applicable au salarié qui le revendiquait et que celui-ci ne justifie pas de l’accomplissement d’heures supplémentaires pour la raison qu’il n’en faisait aucune.
M. [Y] invoque l’inopposabilité de la convention de forfait à défaut d’avenant au contrat de travail le formalisant.
La cour rappelle que l’application à un salarié d’une clause de forfait annuel en jours est subordonnée à la conclusion d’un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à
défaut, d’une convention ou un accord de branche et à la signature d’une convention individuelle de forfait passée avec le salarié par écrit.
En l’espèce, la seconde condition, au moins, fait défaut ce qui ne permet pas à la société d’opposer à M. [Y] l’existence d’une convention de forfait, peu important que celui-ci n’ait formulé aucune réclamation de ce chef pendant la durée de la relation contractuelle, et l’oblige à rémunérer les heures supplémentaires accomplies.
Aux termes de l’article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.
Selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
Au cas d’espèce, M. [Y] prétend que sa durée de travail se situait aux alentours de 12 heures par jour.
Il verse aux débats, un tableau récapitulatif des heures accomplies entre le mois de janvier 2016 et le mois de janvier 2018, des copies d’agenda et des ordres de déplacement montrant certains jours une amplitude de travail importante.
Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l’employeur d’y répondre en apportant les siens.
Au vu des éléments produits de part et d’autre, et sans qu’il soit besoin d’ordonner une mesure d’instruction, la cour a acquis la conviction au sens du texte précité que M. [Y] a bien effectué les heures supplémentaires non rémunérées dont le paiement est réclamé.
En effet, la société conteste l’accomplissement de ces heures mais ne produit pas les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par M. [Y], ni aucun élément permettant de contredire les relevés mensuels de ses horaires de travail dont il résulte qu’il a effectué des heures supplémentaires non payées.
C’est donc à juste titre que le conseil de prud’hommes a condamné l’employeur au paiement de la somme de 35 140,77 euros brut au titre des heures supplémentaires plus 3 514,07 euros au titre des congés payés afférents.
9/ Sur les demandes accessoires :
Les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la réception
par l’employeur de sa convocation devant le bureau d’orientation et de conciliation du conseil de prud’hommes et les sommes de nature indemnitaire à compter de la décision les prononçant.
L’employeur devra remettre au salarié les documents de fin de contrat conformes au présent arrêt sans qu’il soit justifié de la nécessité d’assortir cette obligation d’une astreinte.
L’issue du litige commande de confirmer le jugement s’agissant des dépens et des frais irrépétibles.
La société, qui perd le procès en appel pour l’essentiel, doit en assumer les dépens et sera condamnée à verser au salarié la somme indiquée au dispositif sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle sera déboutée de sa demande de ce chef.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
ordonne la rectification de l’erreur matérielle figurant sur le jugement en ce qu’il y a lieu de lire au dispositif :
– 18 104,84 euros au titre du non-respect de l’obligation de prévention au lieu de 6 048 euros,
– 20 000 euros au titre de l’obligation de sécurité de moyen renforcé au lieu de 6 048 euros,
infirme le jugement en ce qu’il a :
– condamné la société Flam’up à payer à M. [Y] les sommes de 120 960 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement nul, 18 104,84 euros au titre du non-respect de l’obligation de prévention et 20 000 euros au titre de l’obligation de sécurité de moyen renforcés,
– débouté M. [Y] de ses demandes au titre du rappel de salaire pour la rémunération variable et de la prime exceptionnelle non perçue,
– assorti l’obligation de remise des documents de fin de contrat conformes à sa décision sous astreinte,
– dit que les créances salariales porteraient intérêts au taux légal à compter de la date de l’audience du bureau de conciliation et d’orientation,
le confirme pour le surplus des dispositions soumises à la cour,
statuant à nouveau des chefs infirmés,
condamne la société Flam’up à payer à M. [N] [Y] les sommes suivantes :
– 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,
– 20 660 euros au titre du rappel pour la prime exceptionnelle non perçue outre 2 026 euros au titre des congés payés afférents,
– 9 629 euros au titre de la rémunération variable non perçue outre 962,90 euros au titre des congés payés y afférents,
dit que les sommes de nature salariale portent intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau d’orientation et de conciliation du conseil de prud’hommes et les sommes de nature indemnitaire à compter de la décision les prononçant,
Déboute M. [Y] de ses demandes de dommages-intérêts pour non-respect de l’obligation de prévention et au titre de l’obligation de sécurité,
ordonne à la société Flam’up de remettre à M. [N] [Y] les bulletins de salaire, une attestation Pôle emploi et un reçu pour solde de tout compte conformes au présent arrêt,
rejette toute autre demande,
condamne la société Flam’up aux dépens d’appel,
la condamne à verser à M. [N] [Y] la somme de 1 200 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais engagés à hauteur de cour.
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.