Heures supplémentaires : 17 avril 2023 Cour d’appel de Basse-Terre RG n° 21/00526

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Heures supplémentaires : 17 avril 2023 Cour d’appel de Basse-Terre RG n° 21/00526
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RLG/LP

COUR D’APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT N° 63 DU DIX SEPT AVRIL DEUX MILLE VINGT TROIS

AFFAIRE N° : RG 21/00526 – N° Portalis DBV7-V-B7F-DKEK

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes de Pointe-à-Pitre – section commerce – du 20 avril 2021

APPELANT

Monsieur [D] [X]

[Adresse 6],

[Adresse 6]

[Localité 3]

Représenté par Maître Jérôme NIBERON (SCP MORTON & ASSOCIES, Toque 104), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BARTH

INTIMÉES

SARL LUDIGUAD prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentée par Maître Elsa KAMMERER, avocat postulant inscrit au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BARTH (Toque 102) & par Maître Jean MACCHI, avocat plaidant inscrit au barreau de la MARTINIQUE

Fédération AGIRC-ARRCO (venant aux droits depuis le 1er janvier 2019 de l’Association pour le Régime de Retraite Complémentaire de Retraite des Cadres, prise en la personne de son président et de son directeur général domiciliés en cette qualité audit siège.

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Maître Delphine MONTBOBIER, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 5 Décembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Rozenn Le Goff, conseillère, présidente,

Mme Marie-Josée Bolnet, conseillère,

Madame Annabelle Clédat, coneillère,

Les parties ont été avisées à l’issue des débats de ce que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 6 mars 2023, date à laquelle le prononcé de l’arrêt a été prorogé au 17 avril 2023.

GREFFIER Lors des débats : Mme Valérie Souriant, greffier.

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l’article 450 al 2 du code de procédure civile.

Signé par Mme Rozenn Le Goff, conseillère, présidente, et par Mme Lucile POMMIER, greffier principal, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

***********

FAITS ET PROCÉDURE

M. [D] [X] a été embauché en contrat à durée déterminée, pour un remplacement à temps plein, par la SARL Ludiguad du 4 février 2010 au 8 mars 2010.

Puis M. [D] [X] a été embauché suivant contrat à durée indéterminée à compter du 9 mars 2010, en qualité de responsable du magasin La Grande Récré à [Localité 4].

Le 15 janvier 2018, M. [D] [X] a conclu une rupture conventionnelle avec son employeur, convention homologuée par la DIECCTE le 19 février 2018.

Suivant requête déposée au greffe le 19 novembre 2018, M. [D] [X] a saisi le Conseil des prud’hommes de Pointe-à-Pitre en revendication du statut de cadre et paiement de diverses sommes en exécution de son contrat de travail.

Par jugement du 20 avril 2021 la formation de départage du conseil de prud’hommes de Pointe-à-Pitre a :

CONDAMNÉ la SARL Ludiguad à verser à M. [D] [X] la somme de de 2 688,30 euros au titre de la prime d’ancienneté, ainsi que la somme de 286,83 euros au titre des congés payés y afférents ;

CONDAMNÉ la SARL Ludiguad à verser à M. [D] [X] la somme de 1 729,24 euros au titre des heures supplémentaires effectuées au cours de l’année 2017, ainsi que la somme de 172,92 euros au titre des congés payés afférents ;

CONDAMNÉ la SARL Ludiguad à verser à M. [D] [X] la somme de 685,54 euros au titre des heures effectuées durant des jours fériés en 2017, ainsi que la somme de 68,55 euros au titre des congés payés y afférents ;

CONDAMNÉ la SARL Ludiguad à remettre à M. [D] [X] une attestation Pôle Emploi et un certificat de travail rectifiés ;

DÉBOUTÉ M. [D] [X] du surplus de ses demandes ;

CONDAMNÉ la SARL Ludiguad à verser à M. [D] [X] la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTÉ la Fédération AGIRC-ARRCO de sa demande sur le fondement des dispositions

de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNÉ la SARL Ludiguad aux entiers dépens;

ORDONNÉ l’exécution provisoire.

M. [D] [X] a interjeté un 1er appel de ce jugement par déclaration du 11 mai 2021 puis un 2nd appel par déclaration du 12 mai 2021.

Une ordonnance de jonction a été rendue le 27 janvier 2022 et l’ordonnance de clôture est intervenue le 20 octobre 2022.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Selon ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 19 janvier 2022, M. [D] [X] demande à la cour de :

DÉCLARER recevable l’appel et l’y dire fondé,

REFORMER le jugement en toutes ses dispositions,

STATUANT DE NOUVEAU

A TITRE LIMINAIRE

PRONONCER la mise hors de cause du GIE ARGIC-ARRCO ;

A TITRE PRINCIPAL AU FOND,

REFORMER le jugement du 20 avril 2021, en ce qu’il le déboute ;

LE CONFIRMER en ce qu’il fait droit à sa demande de paiement de la somme de 685,54 euros par la SARL Ludiguad à laquelle il convient d’ajouter une indemnité de congés payés de 10% supplémentaires, soit au total la somme de 754,09 euros ;

STATUANT DE NOUVEAU,

REFORMER LE JUGEMENT ENTREPRIS

CONDAMNER la SARL Ludiguad à le positionner rétroactivement au niveau VII de la classification annexée à la Convention collective nationale des commerces de détail non alimentaires (IDCC1517) correspondant au statut de Cadre ;

CONDAMNER la SARL Ludiguad à procéder à son affiliation à la caisse des cadres sous astreinte de 250 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir.

CONDAMNER la SARL Ludiguad au paiement des cotisations sociales applicables à son statut de Cadre ;

CONDAMNER la SARL Ludiguad à lui verser des dommages et intérêts pour non-respect du statut de cadre pendant 7 années pour un montant correspondant à 6 mois de salaires bruts soit la somme de 42 030,00 euros

CONDAMNER la SARL Ludiguad à lui verser la prime d’ancienneté pour la période du 1er octobre 2014 au 30 septembre 2017, à laquelle il convient d’ajouter une indemnité de congés payés de 10% supplémentaires, soit au total la somme de 3 391,30 euros ;

CONDAMNER la SARL Ludiguad au paiement des heures supplémentaires effectuées en 2015, 2016 et 2017, soit la somme de 102 885,30 euros ;

CONDAMNER la SARL Ludiguad à lui verser une indemnité compensatrice de congés payés sur heures supplémentaires de 10 %, soit la somme de 10 288,53 euros ;

CONDAMNER la SARL Ludiguad à lui verser une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé égale à 6 mois de salaires bruts, soit la somme de 42 030,00 euros ;

CONDAMNER la SARL Ludiguad à lui verser un rappel d’indemnité de congés payés calculée selon la méthode du 1/10e plus avantageuse, soit la somme de 3 432,33 euros ;

CONDAMNER la SARL Ludiguad à lui verser des dommages et intérêts pour non application de la Convention collective IDCC1517 pour un montant correspondant à 2 mois de salaires bruts, soit la somme de 14 010,32 euros ;

CONDAMNER la SARL Ludiguad à lui verser des dommages et intérêts pour remise d’une attestation pôle emploi erronée pour un montant correspondant à un mois de salaire brut, soit la somme de 7 005,16 euros ;

CONDAMNER la SARL Ludiguad à la rectification de ses bulletins de paie depuis son embauche intégrant la régularisation des cotisations sociales concernant le statut cadre, les heures supplémentaires, les indemnités de congés payés et la prime d’ancienneté sous astreinte de 250 euros par jour de retard à compter de la notification de l’arrêt à intervenir ;

CONDAMNER la SARL Ludiguad à la remise de tous documents sociaux dûment rectifiés et à la production de l’attestation de régularisation de ses droits au titre de la retraite cadre pour les années allant de mars 2010 à février 2018 sous astreinte de 250 euros par jour de retard à compter de la notification de l’arrêt à intervenir ;

CONDAMNER la SARL Ludiguad à la rectification et la remise de l’attestation destinée à Pôle emploi qui doit intégrer les heures supplémentaires, les indemnités de congés payés et la prime d’ancienneté sous astreinte de 250 euros par jour de retard à compter de la notification de l’arrêt à intervenir ;

CONDAMNER la SARL Ludiguad à la rectification de son certificat de travail sous astreinte de 250 euros par jour de retard à compter de la notification du l’arrêt à intervenir ;

CONDAMNER la SARL Ludiguad à lui fournir le justificatif prouvant son affiliation rétroactive à la Caisse des Cadres sous astreinte de 250 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir ;

JUGER que la décision à intervenir sera assortie des intérêts légaux à compter de la saisine du Conseil des Prud’hommes ;

CONDAMNER la SARL Ludiguad aux dépens de l’instance.

CONDAMNER la SARL Ludiguad à lui verser la somme de 6 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Lui DONNER ACTE qu’il ne sollicite aucune condamnation à l’encontre de la Fédération AGIRCARRCO et qu’il sollicite sa mise hors de cause.

Selon ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 25 janvier 2022, la SARL Ludiguad demande à la cour d’Infirmer le jugement en ce qu’il l’a condamnée à verser à M. [X] la somme de 1.729,24 euros au titre des heures supplémentaires effectuées au cours de l’année 2017, ainsi que la somme de 172,92 euros au titre des congés payés y afférents, 685,54 euros au titre des heures effectuées durant des jours fériés en 2017, ainsi que la somme de 68,55 euros au titre des congés payés y afférents, 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile, aux dépens,

– de Confirmer le jugement en ce qu’il a ramené le montant de la prime d’ancienneté à 2.688,30 euros, outre 268,83 euros au titre des congés payés y afférents, et débouté M. [X] du surplus de ses demandes,

Et statuant à nouveau,

– Constater l’application de la convention collective nationale des commerces de détail non alimentaires,

Et par conséquent,

A titre principal,

– Constater qu’il y a lieu de positionner M. [X] niveau VI, agent de maîtrise,

– Ramener le montant de la prime d’ancienneté à 2.688,30 euros, outre 268,83 euros au titre des congés payés y afférents,

A titre subsidiaire, si par extraordinaire le Conseil devait positionner M. [X] niveau VII, cadre, débouter M. [X] de sa demande de prime d’ancienneté,

En tout état de cause, constater le montant dû de 228,51 euros à titre d’indemnité des heures effectuées les jours fériés,

– Débouter M. [X] de l’ensemble de ses autres moyens, fins et conclusions.

Selon ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 14 octobre 2021 la fédération AGIRC-ARRCO venant aux droits depuis le 1er janvier 2019 de l’association pour le régime de retraite complémentaire de retraite des cadres (AGIRC), demande à la cour de :

– Statuer ce que de droit sur la demande de jonction des deux procédures d’appel enregistrées sous les n RG 21/00526 et RG 21/00530,

– Infirmer le jugement du 20 avril 2021, en ce qu’il l’a déboutée de sa demande d’article 700 du code de procédure civile,

Pour le surplus, dans la mesure où le jugement dont appel n’a pas statué sur toutes ses demandes et qu’une procédure en omission de statuer est pendante devant le conseil de prud’hommes de Pointe-à-Pitre, il est demandé, dans l’attente de la décision à intervenir, de statuer comme suit :

– Prononcer sa mise hors de cause,

– Condamner M. [X] à lui payer la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais de 1ère instance,

– Condamner M. [X] à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu’aux entiers dépens pour la procédure d’appel.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux conclusions des parties pour plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I / Sur la mise hors de cause de la fédération AGIRC-ARRCO venant aux droits depuis le 1er janvier 2019 de l’association pour le régime de retraite complémentaire de retraite des cadres (AGIRC),

En l’absence de prétention exposée à son encontre, il y a lieu de mettre la fédération AGIRC-ARRCO venant aux droits depuis le 1er janvier 2019 de l’association pour le régime de retraite complémentaire de retraite des cadres (AGIRC), hors de cause.

II / Sur la revendication du statut de cadre

La qualification professionnelle d’un salarié doit être appréciée au regard des fonctions réellement exercées.

L’activité de la SARL Ludiguad est soumise à la Convention collective nationale des commerces de détail non alimentaires (IDCC1517) concernant notamment les commerces centrés sur les produits jeux, jouets, modélismes, Code NAF 4765Z, code mentionné sur les bulletins de paie de M. [D] [X] et sur l’extrait K Bis de la Société.

Le chapitre XII de cette convention collective présente les règles de la classification conventionnelle, visant à construire une hiérarchie professionnelle :

– Employés : niveau I à V

– Agents de maîtrise : niveau VI

– Cadres : niveau VII à IX

M. [D] [X], engagé comme responsable de magasin, revendique le statut de cadre (niveau VII) tandis que la SARL Ludiguad lui reconnaît le statut d’agent de maîtrise (niveau VI).

La classification « cadre niveau VII» correspond aux emplois nécessitant une autonomie dans son domaine de responsabilités et dans l’organisation de son activité et qui impliquent la responsabilité totale d’un magasin ou d’un service, d’un secteur. Ainsi, le cadre niveau VII participe à la définition des moyens mis à sa disposition, recrute et prend toute décision ayant des conséquences sur l’évolution professionnelle du personnel sur lequel il a l’autorité.

La classification « agent de maîtrise niveau VI » de la Convention Collective nationale des commerces de détail non alimentaires correspond aux emplois ainsi décrits :

« Compétences et connaissances :

emploi exigeant des compétences complexes qui peuvent être multiples (plusieurs filières ou activités) ;

Complexité du poste et multiactivité :

Effectue des opérations qualifiées et complexes du fait de métiers connexes, de difficultés techniques, laissant une marge d’interprétation.

Complexité du poste lié à un emploi spécialisé nécessitant la connaissance et l’expérience professionnelle de la spécialisation correspondante ou lié à la gestion d’une unité nécessitant des compétences multiples

Autonomie et responsabilité

Autonomie limitée aux moyens mis à sa disposition dans l’organisation du magasin ou service ou dans la fonction occupée.

A la responsabilité d’un magasin, d’un service sous l’autorité et les directives du chef d’entreprise, d’un directeur ou d’un responsable commercial ou à la responsabilité d’une activité correspondant à l’emploi occupé en qualité de spécialiste.

A la seule responsabilité d’animer, d’organiser et de coordonner son équipe.

Communication et dimension relationnelle :

Emploi qui nécessite de savoir communiquer sur des sujets complexes, coopérer, former, contribuer à l’évaluation de ses collaborateurs, et négocier avec des interlocuteurs variés. ».

L’un des emplois repères correspondant à cette classification est « responsable de magasin ».

Selon son contrat de travail, M. [D] [X] a été engagé en qualité de responsable de magasin, ses missions consistant essentiellement à assurer le fonctionnement général, dans tous ses aspects, du magasin de vente dont il assure la responsabilité, conseiller la clientèle en vue de développer et réaliser la vente de tous les produits distribués par la société et tous les autres produits venant à être commercialisés par la société ; ce contrat précise que les missions qui lui seront confiées seront décidées par la direction et s’effectueront selon les instructions qui lui seront données notamment par note de service ; dans le cadre de sa fonction de responsable de magasin, il aura notamment à accomplir des tâches (précisément listées) sous la responsabilité de la direction, en matière d’assistance-vente, animation commerciale, de marketing, de relation client, de gestion commerciale, de gestion financière, d’organisation commerciale, de communication, de sécurisation, de recrutement, de management, et de ressources humaines.

Enfin, le contrat comporte une clause rédigée comme suit : « M. [D] [X] s’engage à exercer son activité au mieux des intérêts de la société sous la direction et le contrôle de son directeur général ou de toute personne déléguée par lui à cet effet. ».

Il est établi aux débats que M. [D] [X] a demandé à bénéficier du statut cadre durant les négociations pré-contractuelles mais que cette classification lui a été refusée.

M. [D] [X] revendique le statut de cadre aux motifs qu’il gérait le magasin dans sa totalité ; qu’il recrutait le personnel permanent et saisonnier dont il signait les contrats d’embauche ; qu’il établissait les plannings de tous les salariés y compris leurs congés payés ; qu’il établissait ses commandes en choisissant ses fournisseurs ; qu’il préparait les objectifs de chiffres d’affaires et de marges, élaborait le budget du magasin, passait les commandes, programmait les livraisons ; que la SARL Ludiguad produit un courriel dans lequel M. [E] s’adresse à un fournisseur en lui demandant expressément de se rapprocher de M. [D] [X], le désignant comme directeur du magasin pour la planification de la livraison et la pose de ses produits. (Pièce adverse 17, courriel du 13 mai 2015) ; qu’il bénéficiait d’une rémunération de base mensuelle de 4 077,56 euros, largement supérieure à la rémunération minimale prévue pour le dernier niveau IX de la classification (3 250,00 euros), ce qui confirme son statut de cadre ; que les avantages qui lui étaient accordés par la SARL Ludiguad (billet d’avion annuel, prime annuelle sur objectifs, véhicule mis à sa disposition avec frais d’entretien et d’essence) viennent corroborer le fait qu’il relevait de la catégorie Cadre, voire même Cadre Supérieur ; qu’il a été embauché au sein d’une autre société en qualité de Responsable de Magasin au statut cadre, niveau VII.

Il est cependant établi au dossier par des échanges de courriels entre M. [D] [X], M. [G] [E], gérant de la SARL Ludiguad, et M. [F] [V], directeur commercial que :

– M. [D] [X] était en relation constante avec sa hiérarchie ;

– les commandes de M. [D] [X] devaient être validées par M. [G] [E] (mail du 31 octobre 2017) ;

– M. [G] [E] fixait le budget et le notifiait à M. [D] [X] (mails des 5 juin 2012 et 9 juin 2017) ;

– dans un courriel du 27 janvier 2015, M. [X] sollicitait l’accord de M. [E] avant un « remodeling » du magasin ;

– il sollicitait également l’accord de son employeur, par mail du 8 septembre 2015, afin de valider la procédure qu’il souhaitait mettre en place pour contrôler la marchandise livrée ;

– c’est M. [E] qui validait les prix proposés par M. [D] [X] (mail adressé le 4 août 2017 par M. [X] à M. [E]) ;

– M. [X] ne pouvait recruter sans passer par M. [E] pour établir les contrats de travail (pièce 15 de l’intimée)

Par ailleurs, les contrats de travail saisonnier ou à durée déterminée versés aux débats mentionnent tous que la SARL Ludiguad est représentée par son gérant, M. [G] [E].

Il découle des développements qui précèdent que M. [D] [X] ne pouvait exercer aucune de ses missions essentielles sans en référer à M. [E], et il est sans incidence, dans ces conditions, que s’adressant par un courriel à un fournisseur concernant une livraison, M. [E] ait improprement désigné M. [D] [X] comme ‘directeur du magasin’ au lieu de ‘responsable du magasin’.

C’est donc à juste titre que la formation de départage du conseil de prud’hommes a retenu que les fonctions réellement exercées par M. [D] [X], et détaillées dans son contrat de travail, correspondaient à l’emploi repère « responsable de magasin » et donc à la classification « agent de maîtrise, niveau VI ».

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a débouté M. [D] [X] de l’ensemble de ses demandes relatives à l’application du statut de cadre (notamment ses demandes d’affiliation à la fédération AGIRC-ARRCO venant aux droits depuis le 1er janvier 2019 de l’association pour le régime de retraite complémentaire de retraite des cadres (AGIRC), de condamnation de la SARL Ludiguad au paiement des cotisations sociales applicables au statut de cadre et de dommages-intérêts pour non-respect du statut cadre pendant 7 années pour un montant correspondant à 6 mois de salaires bruts soit la somme de 42 030,00 euros).

III / Sur les heures supplémentaires

En vertu de l’article L. 3121-27 du code du travail, la durée légale de travail effectif des salariés à temps complet est fixée à 35 heures par semaine (soit 151 heures/mois).

Selon l’article L. 3121- 28 du même code, toute heure accomplie au-delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit à une majoration salariale ou, le cas échéant, à un repos compensateur équivalent.

Conformément à l’article L. 3121-22 du code du travail, les heures supplémentaires donnent lieu

– à une majoration du salaire de 25 % pour chacune des 8 premières heures (au-delà de 35 heures et jusqu’à la 43e incluse)

– à une majoration du salaire de 50 % pour les suivantes.

Il résulte des dispositions des articles L. 3171-2, alinéa 1, L. 3171-3, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi 2016-1088 du 8 août 2016, et L. 3171-4 du code du travail, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

Au soutien de sa demande, M. [D] [X] expose, en substance, que :

– les horaires d’ouverture du magasin La Grande Récré étaient du lundi au samedi de 9 h 00 à 20 h 00, soit 66 heures par semaine.

– les contrats de travail des Responsables de magasin du Groupe SOVADOM sont établis sur une base de 39 heures hebdomadaires, dont 4 heures supplémentaires forfaitaires, mais l’employeur exigeait de la part de ses Responsables qu’ils soient présents à l’ouverture et à la fermeture du magasin et qu’ils effectuent des heures bien au-delà de celles mentionnées dans leur contrat de travail ;

– du lundi au samedi, il commençait sa journée le matin à 9 h 00, la terminait le soir à 20 h 00 et il prenait une pause de 13 heures à 14 heures comme en attestent les plannings hebdomadaires (pièce n 19) ;

M. [D] [X] verse aux débats des tableaux détaillés et des récapitulatifs annuels des heures supplémentaires réalisées au-delà des 39 heures pour les années 2015, 2016 et 2017 (pièces 9.1, 9.2, 9.3, 9.4, 9.5 et 9.6), dont il calcule le coût comme suit :

Année 2015 :

149,62 heures à 125 % soit 149,62 x 33,606 euros = 5 028,13 euros

637,88 heures à 150 % soit 637,88 x 40,326 euros = 25 723,15 euros

Année 2016 :

176,42 heures à 125 % soit 176,42 x 33,606 euros = 5 928,77 euros

760,08 heures à 150 % soit 760,08 x 40,326 euros = 30 650,99 euros

Année 2017 :

170,00 heures à 125 % soit 170,00 x 33,606 euros = 5 713,02 euros

740,00 heures à 150 % soit 740,00 x 40,326 euros = 29 841,24 euros

M. [D] [X] produit ainsi des éléments préalables de nature à étayer sa demande et qui peuvent être discutés par l’employeur.

La SARL Ludiguad répond que M. [D] [X] n’a jamais mentionné d’heures supplémentaires le concernant dans les états préparatoires de salaires. À quoi l’intéressé réplique, sans être contredit, que, selon les consignes qui lui avaient été données, seules les heures supplémentaires effectuées par les vendeurs devaient figurer sur ces états.

La société Ludiguad produit un relevé des ouvertures et fermetures du magasin du 1er janvier au 31 octobre 2016, dans le but de démontrer que d’après le badge utilisé, M. [X] ne réalisait en réalité que 30 % de ces ouvertures/fermetures. (pièce 19).

M. [X] réplique, sans être contredit sur ce point que cet historique ne mentionne que le code utilisateur de la personne qui active et désactive l’alarme mais ne peut en aucun cas démontrer son absence à ces moments d’ouvertures et de fermetures ; que le magasin la Grand Récré a une superficie de 1 000 m2, exigeant que deux personnes minimum soient présentes lors de l’ouverture et la fermeture du magasin pour des raisons de sécurité et de bon sens ; qu’il était le seul supérieur hiérarchique présent au magasin la Grand Récré à [Adresse 5], M. [E] résidant habituellement en Martinique.

La cour considère, au vu de l’ensemble de ces éléments, que la société échoue à contredire les éléments apportés par l’appelant au soutien de sa demande.

La SARL Ludiguad sera ainsi condamnée à payer à M. [D] [X] la somme de 102 885,30 euros au titre des heures supplémentaires outre les congés payés de 10 288,53 euros.

Le jugement entrepris sera réformé sur ce point.

IV/ Sur la prime d’ancienneté

Il ressort des dispositions de l’article 2 du chapitre XIII de la Convention collective nationale des commerces de détail non alimentaires qu’« une prime d’ancienneté calculée sur le salaire minimum mensuel du niveau I sera versée au salarié, niveaux I à VI à raison de 3 %, 6 %, 9 %, 12 % et 15 % après 3, 6, 9, 12 et 15 ans de présence continue dans l’entreprise, quelles que puissent être les modifications survenues dans la nature juridique de celle-ci.

Les périodes pendant lesquelles le contrat de travail a été seulement suspendu ne sont pas exclues ; toutefois, la durée du congé parental n’est prise en compte que par moitié.

La prime d’ancienneté s’ajoute au salaire réel de l’intéressé et doit figurer à part sur le bulletin de paie.

Elle est calculée au prorata temporis en ce qui concerne les salariés travaillant à temps partiel. Les montants de salaires minima sont fixés par avenants à la convention collective nationale. Le premier barème des rémunérations minimales figure en annexe ».

C’est par des motifs pertinents, que la cour adopte, que la formation de départage du conseil de prud’hommes a condamné la SARL Ludiguad à payer à M. [D] [X] la somme de 2688,30 euros au titre de la prime d’ancienneté, ainsi que la somme de 286,83 euros au titre des congés payés y afférents.

V/ Sur les heures effectuées durant les jours fériés

Les dispositions de la Convention Collective nationale des commerces de détail non alimentaires prévoient qu’en cas de travail un jour férié, le salarié perçoit, en plus de son salaire, une indemnité spéciale égale à 50 % des heures effectuées ce jour férié.

Il n’est pas contesté que M. [D] [X] a travaillé les jours fériés suivants :

Vendredi 14 avril 2017 (vendredi Saint) : 4 heures

Lundi 17 avril 2017 (lundi de Pâques) : 5 heures

Jeudi 25 mai 2017 (Ascension) : 4 heures

Vendredi 14 juillet 2017 : 4 heures

soit 17 heures réparties sur 4 jours fériés.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu’il a condamné la SARL Ludiguad à payer à M. [D] [X] la somme de 685,54 euros (17 x 40,326 euros) outre 68,55 euros au titre des congés payés afférents.

VI/ Sur le travail dissimulé

L’article L.8223-1 du code du travail dispose qu’« En cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l’article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire ».

Selon l’article L 8221-5 du code du travail est réputé travail dissimulé (par dissimulation d’emploi salarié) le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d’un bulletin de paie ou d’un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre P de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.

En l’espèce, il ne ressort pas des éléments du dossier que l’employeur aurait, de manière intentionnelle, mentionné sur les bulletins de salaires un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement effectué pour éviter le paiement des contributions et cotisations sociales correspondantes.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de paiement de l’indemnité forfaitaire prévue à l’article L8223-1 du code du travail.

VII / Sur le rappel d’indemnité compensatrice de congés payés

Conformément aux dispositions de l’article L 3141-24 à 31 du Code du travail, sauf mode de calcul plus favorable au salarié prévu par un usage ou dans le contrat de travail, l’indemnité de congés payés est calculée par comparaison entre 2 modes de calcul :

*selon la 1ère méthode, l’indemnité est égale à 1/10e de la rémunération brute totale perçue par le salarié au cours de la période de référence ;

*selon la 2nde méthode (celle du maintien de salaire), l’indemnité de congés payés est égale à la rémunération que le salarié aurait perçue s’il avait continué à travailler.

C’est le montant le plus avantageux pour le salarié qui est payé.

Pour effectuer le calcul, l’employeur peut tenir compte :

*soit de l’horaire réel du mois,

*soit du nombre moyen de jours ouvrables (ou ouvrés), soit du nombre réel de jours ouvrables (ou ouvrés).

M. [D] [X] demande que soit appliquée la 1ère méthode du 1/10e de la rémunération brute totale perçue par le salarié au cours de la période de référence qui lui est plus avantageuse que la 2ème méthode de maintien de salaire qui lui a été appliquée systématiquement.

Il convient de faire droit à la demande de rappel d’indemnité de congés payés calculée selon la méthode la plus avantageuse, soit la somme de 3 432,33 euros.

Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu’il a rejeté la demande de paiement de ce chef

VIII / Sur la demande de dommages-intérêts pour non application de la Convention collective IDCC15I7

M. [D] [X] sollicite la réparation de son préjudice né de l’absence de mention sur ses bulletins de paye de la convention collective applicable, de sa classification et de la prime d’ancienneté.

Faute de démonstration du préjudice dont est demandée la réparation, M. [D] [X] doit être débouté de sa demande.

Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

IX / Sur la demande de dommages-intérêts pour remise d’une attestation Pôle Emploi erronée

M. [D] [X] sollicite la réparation de son préjudice né de la remise d’une attestation Pôle Emploi ne prenant pas en compte les heures supplémentaires, la prime d’ancienneté et l’indemnité de congés payés.

C’est par des motifs pertinents, que la cour adopte, que la formation de départage du conseil de prud’hommes a rejeté la demande.

X / Sur la remise des documents rectifiés

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a condamné la SARL Ludiguad à remettre à M. [X] une attestation Pôle Emploi et un certificat de travail conformes.

Il convient également d’ordonner à la SARL Ludiguad de remettre à M. [D] [X] un bulletin de paye récapitulatif des sommes versées en exécution du présent arrêt concernant les heures supplémentaires, la prime d’ancienneté et le rappel d’indemnité compensatrice de congés payés, sans qu’il soit nécessaire d’assortir cette décision d’une astreinte.

XI / Sur l’application de l’article 700 du code de procédure civile

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a condamné la SARL Ludiguad à payer à M. [D] [X] la somme de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Il convient d’y ajouter la somme de 1000 euros pour ses frais irrépétibles en cause d’appel.

Il n’apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de la fédération AGIRC-ARRCO venant aux droits depuis le 1er janvier 2019 de l’association pour le régime de retraite complémentaire de retraite des cadres (AGIRC), les frais qu’elle a engagés et qui ne sont pas compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

Met la fédération AGIRC-ARRCO venant aux droits depuis le 1er janvier 2019 de l’association pour le régime de retraite complémentaire de retraite des cadres (AGIRC), hors de cause ;

Confirme le jugement de la formation de départage du conseil de prud’hommes de Pointe-à-Pitre en date du 20 avril 2021 en toutes ses dispositions, sauf en ce qui concerne les heures supplémentaires et le rappel d’indemnité compensatrice de congés payés ;

Statuant à nouveau sur ces points,

Condamne la SARL Ludiguad à payer à M. [D] [X] les sommes suivantes :

– 102 885,30 euros au titre des heures supplémentaires effectuées en 2015,2016 et 2017 outre 10 288,53 euros au titre des congés payés afférents

– 3 432,33 euros à titre de rappel d’indemnité compensatrice de congés payés

Y ajoutant,

Ordonne à la SARL Ludiguad de remettre à M. [X] un bulletin de paye récapitulatif des sommes versées en exécution du jugement entrepris et du présent arrêt concernant les heures supplémentaires, la prime d’ancienneté et le rappel d’indemnité compensatrice de congés payés;

Condamne la SARL Ludiguad à payer à M. [D] [X] la somme supplémentaire de 1000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SARL Ludiguad aux entiers dépens ;

Rejette le surplus des demandes, plus amples ou contraires.

Le greffier, La présidente,

 


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