Heures supplémentaires : 16 mai 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/01249

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Heures supplémentaires : 16 mai 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/01249
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Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 11

ARRET DU 16 MAI 2023

(n° , 17 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/01249 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDC3F

Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Décembre 2020 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOBIGNY – RG n° 19/01727

APPELANTE

Madame [M] [I]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Savine BERNARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0138

INTIMEE

S.A. SOCIETE D’EXPLOITATION DU CENTRE CARDIOLOGIQUE DU NORD

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Hervé CABELI, avocat au barreau de PARIS, toque : R250

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre,

Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre,

Madame Catherine VALANTIN, Conseillère,

Greffier, lors des débats : Madame Manon FONDRIESCHI

ARRET :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre, et par Madame Manon FONDRIESCHI, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTION DES PARTIES

Mme [M] [I], née en 1982, a été engagée par la SA société d’exploitation du centre cardiologique du Nord (ci-après le CCN), par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 17 octobre 2011 en qualité de directrice des ressources humaines, statut cadre supérieur- niveau 1 coefficient 525.

Dans l’exercice de ses fonctions, la salariée était placée sous l’autorité hiérarchique de M. [J], directeur général de la société.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de l’hospitalisation privée du 18 avril 2002.

Par lettre remise en main propre le 3 mai 2018, Mme [I] a été convoquée à un entretien préalable fixé au 22 mai 2018, auquel elle s’est présentée, assistée par Mme [K], déléguée du personnel.

Le 23 mai 2018, la salariée a rencontré le médecin du travail qui rendait l’avis suivant’:

« Pas d’avis ce jour. Etat de santé temporairement incompatible avec le maintien du poste. Doit voir son médecin traitant », et elle était placée, le même jour, en arrêt de travail en raison d’une «’Anxio-dépression aigue pour accusations injustes au sein de l’entreprise ».

Elle a ensuite été licenciée pour faute sérieuse par lettre datée du 31 mai 2018, reçue le 2 juin 2018.

La lettre de licenciement précisait que Mme [I] devait effectuer son préavis d’une durée de six mois.

Le 4 juin 2018, la salariée a indiqué avoir été victime d’un accident du travail en raison du choc résultant de la réception de la lettre de licenciement. La société a alors adressé une déclaration d’accident du travail à la CPAM en formulant des réserves quant au caractère professionnel de l’accident.

Par courrier du 22 juin 2018, la salariée a contesté les motifs de son licenciement, indiquant par ailleurs, l’impossibilité d’effectuer son préavis en raison de son arrêt maladie. Le CCN a répondu, en maintenant sa position, par courrier du 25 juin 2018, et en précisant qu’il contestait la qualification d’accident du travail.

La CPAM a notifié un refus de prise en charge de l’accident du travail par courrier du 10 septembre 2018 puis par courrier du 25 octobre 2019 a informé la société de ce que, après décision de la commission de recours amiable, l’accident était pris en charge au titre de la législation relative aux risques professionnels.

La salariée a quitté la société le 2 décembre 2018. Elle a été en arrêt de travail pendant toute la durée de son préavis.

A la date de sortie des effectifs, Mme [I] avait une ancienneté de 7 ans et 1 mois et le CCN occupait à titre habituel plus de dix salariés.

Contestant à titre principal la validité, à titre subsidiaire la légitimité de son licenciement et réclamant diverses indemnités, outre des dommages et intérêts pour harcèlement moral, préjudice moral, licenciement brutal et vexatoire, nullité de la convention de forfait-jours et outre des rappels de salaires pour heures supplémentaires, Mme [I] a saisi le 27 mai 2019, le conseil de prud’hommes de Bobigny, qui, par jugement du 17 décembre 2020, auquel la cour se réfère pour l’exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a statué comme suit :

– déboute Mme [I] de l’ensemble de ses demandes’;

– déboute la société d’exploitation du centre cardiologique du nord de sa demande reconventionnelle d’article 700 du code de procédure civile’;

– condamne Mme [I] aux éventuels dépens.

Par déclaration du 20 janvier 2021, Mme [I] a interjeté appel de cette décision, notifiée le 22 décembre 2020.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 29 novembre 2022, Mme [I] demande à la cour de :

– infirmer le jugement en ce qu’il a débouté Mme [I] de l’ensemble de ses demandes, et, statuant à nouveau ;

1/ juger que Mme [I] a fait l’objet d’un harcèlement moral ;

En conséquence, condamner la société au paiement de 36.139 euros à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l’article L.1152-1du code du travail ;

2/ juger que la société a violé son obligation de sécurité à l’égard de Mme [I] ;

En conséquence, condamner la société au paiement de 36.139 euros à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l’article L.4121-1du code du travail ;

3/ sur le licenciement ;

A titre principal, juger que le licenciement est nul, à titre principal car attentatoire à la liberté d’expression et à titre subsidiaire car il constitue l’aboutissement ultime du harcèlement moral dont Mme [I] a fait l’objet ;

En conséquence, condamner la société au paiement de 72.278 euros à titre d’indemnité pour licenciement nul ;

A titre subsidiaire, juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

En conséquence, condamner la société au paiement de 48.185 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

4/ juger que les circonstances humiliantes et vexatoires ont entouré la rupture du contrat de travail de Mme [I] ;

En conséquence, condamner la société au paiement de 12.046 euros à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l’article L.1222-1 code du travail ;

5/ juger que la clause de forfait est nulle ou à tout le moins inopposable à Mme [I];

En conséquence, condamner la société au paiement de 84.191,02 euros au titre des heures supplémentaires sur la période du 31 mai 2015 au 31 mai 2018 et 8419,02 au titre des congés payés afférents ;

En conséquence, condamner la société au paiement de 45.825,34 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect de la contrepartie obligatoire au repos et 4582,53 euros au titre des dommages-intérêts pour privation des congés payés afférents ;

6/ condamner la société au paiement de 36.139 euros au titre de l’indemnité pour travail dissimulé sur le fondement de l’article L.8223-1 du code du travail ;

7/ condamner la société au paiement de 6.023 euros au titre du 13ème mois pour l’année 2018;

8/ condamner la société au paiement de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du CPC;

9/ condamner la société au paiement des intérêts légaux avec anatocisme et aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 9 décembre 2022, la société d’exploitation du centre cardiologique du nord demande à la cour de’:

– confirmer le jugement querellé en toutes ses dispositions’;

– dire et juger Mme [I] mal fondée en son appel’;

– la débouter de toutes ses demandes’;

-condamner Mme [I] à payer au CCN la somme de 5.000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d’appel.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 25 janvier 2023 et l’affaire a été fixée à l’audience du 14 mars 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le harcèlement moral

Pour infirmation de la décision entreprise, Mme [I] soutient en substance qu’elle a subi des agissements constitutifs de harcèlement moral dont l’aboutissement a été la notification de son licenciement, à savoir :

– l’absence de retour de son N+1 après des alertes les 26 et 30 juin 2017 sur les difficultés rencontrées avec l’adjointe aux ressources humaines ;

– l’absence de retour de son N+1 fin août 2017 sur la mise en place d’une réunion de service’;

– l’injonction du directeur général de réaliser une réunion en sa présence puis empêchement par ce dernier à sa réalisation ;

– le silence du directeur général le 20 octobre 2017 lorsque qu’elle lui a remonté un mail d’une collègue au ton particulièrement sec’;

– l’absence de réponse du directeur général le 14 décembre 2017 après qu’elle lui a remonté des rumeurs selon lesquelles il cherchait « à recueillir des signalements à son encontre» ;

– l’absence constante de réponse de son N+1 et notification d’un long mail de reproches après sa relance par un nouveau mail d’alerte le 15 mars 2018′;

– la contribution au maintien d’un climat délétère à son encontre par la passivité de la direction’;

– la dégradation de son état de santé.

L’employeur rétorque que la salariée prétend pour la première fois après son licenciement qu’elle aurait été harcelée et qu’il s’agit d’un stratagème consistant à retourner, contre la société, le grief de harcèlement formulé à son encontre dans la lettre de licenciement.

Aux termes de l’article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L’article L.1152-2 du même code dispose qu’aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

L’article L.1152-3 du même code précise que toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul.

Dès lors que sont caractérisés ces agissements répétés, fussent sur une brève période, le harcèlement moral est constitué indépendamment de l’intention de son auteur.

En application des articles L.1152-1 et L.1154-1 du code du travail, pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments présentés par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis pris dans leur ensemble, laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L.1152-1 du code du travail. Dans l’affirmative, il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Sous réserve d’exercer son office dans les conditions qui précèdent, le juge apprécie souverainement si le salarié établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement et si l’employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement.

En l’espèce, à l’appui de sa demande, Mme [I] présente les éléments suivants :

– des échanges de courriels du 22 juin 2017, entre Mme [G], responsable paie et Mme [I] sur le projet de réorganisation du service paie eu égard notamment à l’absence pour maladie d’une collaboratrice, Mme [D] et à la mise en place d’un nouveau logiciel OCTIME, Mme [G] proposant notamment que Mme [O] intègre à temps plein le service paie si cela correspond au projet professionnel de celle-ci (alors à mi-temps au service paie et à mi-temps comme adjointe DRH) ;

– des courriels des 26 et 30 juin 2017 adressés par Mme [I] à M. [J], son supérieur hiérarchique, directeur général, relatifs à l’organisation du service paie : Mme [I] exprimait que l’hypothèse selon laquelle Mme [O] pourrait garder son poste d’ajointe DRH à mi-temps et paie à mi-temps, conformément aux souhaits de celle-ci, ne la satisfaisait pas et qu’elle était en désaccord avec l’attitude consistant à répondre ‘systématiquement favorablement aux souhaits de personnes qui ne donnent pas satisfaction’ en faisant référence à l’augmentation octroyée à Mme [G] en 2012 alors qu’elle ne remplit pas ses missions et adopte une attitude ‘revendicatrice voire agressive, estimant que le CCN ne la considérait pas’ ; Mme [I] souhaitait échanger à ce sujet avec M. [J] ;

– un courriel du 5 juillet 2017 adressé à Mme [I] par M. [J] selon lequel les membres du directoire réunis ce même jour ont demandé à ce que dès le 6 juillet soient réunis en sa présence et celle de Mme [I], les salariés RH et paie afin de confirmer que Mme [Y] (Mme [O]) reprendra son poste initial d’adjointe DRH à plein temps,’le service paie s’établira au niveau 2,5 ETP lors des discussions menées avec [E] (Mme [G]) et en phase avec son analyse des besoins au préalablement faite’, M. [J] demandant en outre à Mme [I] de mettre en oeuvre dans les plus brefs délais et au plus tard avant son départ en congés, en concertation avec Mme [G] ‘la définition du poste recherché, les publicités et autres annonces en ce sens sur les supports ad’hoc’. Il précisait également qu’un essai pourrait être fait avec le jeune homme ‘dont vous m’avez montré le CV ce matin et comme nous en avons discuté tous les deux au préalable, il pourrait être conjointement formé par [E] (Mme [G]) et [T] (Mme [O]) pour le service paie…’ ;

– des échanges de courriels sur la mise en place d’une réunion en vue de la réorganisation du service paie entre M. [J], Mme [I] et Mme [G] ;

– un courriel de Mme [I] adressé à M. [J] le 14 décembre 2017 faisant suite à ‘l’échange que nous avons eu ce lundi 11 décembre 2017 après la journée d’intégration’ et exprimant la vision du service paie de Mme [I] en réponse à une demande de M. [J] ;

– des courriels de Mme [I] du mois de mars 2017 adressés à M. [J] sur les difficultés rencontrées avec le service paie et plus particulièrement Mme [G], le courriel en réponse de M. [J] du 26 mars 2017, lui reprochant le ton de ses messages, le fait de ne pas atteindre ses objectifs et de ne pas respecter les consignes du directoire en cherchant à imposer sa position ;

– l’attestation de M. [W] qui a travaillé comme responsable paie en intérim au sein du CCN à compter du 17 novembre 2017 révélant un climat haineux du service paie à l’encontre de Mme [I], un climat hostile de la part des assistantes administratives et des autres membres du service de la direction, la mise en place d’une campagne de déstabilisation de la DRH en fonction, un dysfonctionnement du service amplifié par le retour de la responsable de paie à mi-temps thérapeutique Mme [G], les critiques incessantes de Mme [G] et de Mme [O], l’absence d’envie d’évolution au sein du service, ‘la seule ambition [étant] de pousser la DRH à la démission ou bien contribuer à son limogeage’ ;

– l’attestation de Mme [K], référente bloc opératoire, selon laquelle une personne lui a déclaré qu”on va pouvoir la virer’ en parlant de Mme [I] et que M. [J] avait l’intention de la mettre sous tutelle et de faire un signalement à l’inspection du travail;

– un certificat médical en date du 2 août 2018 de Mme [UC], psychologue, selon laquelle la pression professionnelle dans laquelle Mme [I] a vécu depuis le printemps 2017 a ‘éclaté en incompréhension et désorientation totale avec l’entretien disciplinaire puis le licenciement’ ;

– l’arrêt de travail du 23 mai au 30 juin 2018 avec la mention suivante ‘ Anxio-dépression aigue pour accusations injustes au sein de l’entreprise’.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, la cour retient que contrairement à ce que soutient Mme [I], il résulte des pièces présentées par elle que M. [J] a répondu dès le 5 juillet 2017 à ses mails des 26 et 30 juin 2017, que les instructions alors données ressortaient du pouvoir de direction de l’employeur sans qu’il puisse lui être reproché une absence de concertation avec Mme [I] étant relevé au demeurant qu’elle avait donné son avis sur l’organisation du service paie dans les différents mails adressés à M. [J] ; que les échanges de mails produits révèlent que M. [J] et Mme [I] discutaient régulièrement des difficultés rencontrées ; que l’attestation de M. [W] rédigée est insuffisamment précise et circonstanciée pour avoir une quelconque valeur probante ; que Mme [K] évoque également dans son attestation les difficultés rencontrées par Mme [G] dont celle-ci avait fait part par mail à Mme [I] et à M. [J] et qui avait reçu pour seule réponse l’affectation de Mme [O] au poste d’ajointe RH, ce qui a entraîné une surcharge de travail pour elle et son arrêt de travail ; qu’enfin, il appartenait en premier chef à Mme [I], directrice des ressources humaines, cadre supérieur, d’organiser le service paie au vu des instructions données par le directoire sans pouvoir exiger du directeur général ‘son soutien dans le sens que je vous indique’.

En conséquence, force est de constater que ne sont pas matériellement établis des faits qui pris dans leur ensemble, laissent supposer l’existence d’agissements répétés constitutifs de harcèlement moral. C’est donc à juste titre que les premiers juges ont débouté Mme [I] de sa demande au titre du harcèlement moral. La décision déférée sera confirmée de ce chef.

Sur la prévention des risques

Pour infirmation de la décision critiquée, la salariée fait valoir qu’elle a fait part à son directeur général de faits dégradant ses conditions de travail et celles de son équipe ainsi que de la nécessité qu’il intervienne ; que ce dernier n’est ni intervenu ni n’a mis en place une enquête ; qu’en conséquence, l’article 4 de l’accord cadre «’sur le harcèlement et la violence au travail » du 26 mars 2010 a été violé.

La société répond qu’il résulte de cet accord cadre qu’une enquête ne doit être diligentée par l’employeur que si ce dernier est saisi d’une plainte de harcèlement moral de la part d’un salarié; que Mme [I] ne s’est jamais plainte durant l’exécution du contrat de travail et n’a sollicité l’ouverture d’une enquête qu’après la notification de son licenciement.

En application de l’article L. 1152-4 du code du travail, l’employeur doit prendre toutes les dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.

En l’espèce, il n’est pas établi l’existence de faits de harcèlement moral à l’encontre de Mme [I] qui en conséquence ne justifie pas d’un quelconque préjudice qui serait lié à l’absence de mesures de prévention. A l’instar des premiers juges, Mme [I] doit être déboutée de sa demande de dommages-intérêts à ce titre.

Sur la convention de forfait-jours et les heures supplémentaires

Pour infirmation de la décision sur ce point, Mme [I] soutient essentiellement que la clause de forfait figurant dans son contrat de travail est nulle ou à tout le moins inopposable motifs pris que l’accord d’entreprise du 1ermai 2008 ne précise pas les modalités de décompte des journées et demi-journées travaillées ni les modalités de suivi ni l’amplitude des journées d’activité et de la charge de travail ; qu’en conséquence les heures supplémentaires doivent être rémunérées.

L’employeur réplique que l’accord d’entreprise du 1er mai 2008 prévoit en son article 10-2-5 les modalités de contrôle des jours travaillés, le décompte des jours travaillés et des jours de repos ainsi que l’organisation d’une réunion avec le supérieur hiérarchique pour évaluer la charge de travail, de sorte que ni sa validité ni son opposabilité peuvent être contestés ; que subsidiairement, la salariée ne justifie pas de l’accomplissement d’heures supplémentaires, aucun courriel professionnel ou agenda susceptible de confirmer les heures supplémentaires effectuées n’étant produit.

En application des articles L.3121-38 et suivants du code du travail dans leur rédaction issue de la loi n°2008-780 du 20 août 2008, et des articles L.31121-53 et suivants du code du travail dans leur version issue de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, la conclusion de conventions individuelles de forfait, en heures ou en jours, sur l’année est prévue par un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche. Cet accord collectif préalable détermine les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait, ainsi que la durée annuelle du travail à partir de laquelle le forfait est établi, et fixe les caractéristiques principales de ces conventions. La conclusion d’une convention individuelle de forfait requiert l’accord du salarié. La convention est établie par écrit. Peuvent conclure une convention de forfait en jours sur l’année, dans la limite de la durée annuelle de travail fixée par l’accord collectif prévu à l’article L. 3121-39, d’une part les cadres qui disposent d’une autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l’horaire collectif applicable au sein de l’atelier, du service ou de l’équipe auquel ils sont intégrés et d’autre part, les salariés dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée et qui disposent d’une réelle autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps pour l’exercice des responsabilités qui leur sont confiées. Un entretien annuel individuel est organisé par l’employeur, avec chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l’année. Il porte sur la charge de travail du salarié, l’organisation du travail dans l’entreprise, l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que sur la rémunération du salarié.

La loi n° 2008-789 du 20 août 2008 précise que les accords conclus en application des articles L. 3121-40 à L. 3121-51 du code du travail dans leur rédaction antérieure à la publication de la présente loi restent en vigueur.

Contrairement à ce que soutient l’employeur, l’article 10.2.4 de l’accord collectif d’entreprise du 1er mai 2008 sur l’organisation du travail aux termes duquel ‘les cadres concernés par la conclusion d’une convention de forfait annuel en jours déterminent leur propre durée de travail qu’ils font varier en fonction de leur charge de travail… dans l’hypothèse où un salarié cadre autonome estimerait que sa charge de travail est trop importante, il pourra demander la tenue d’une réunion avec son supérieur hiérarchique afin d’en analyser les causes’ ne répond pas aux exigences de loi en ce que cet accord ne prévoit pas un entretien annuel individuel organisé par l’employeur portant sur la charge de travail du salarié, l’organisation du travail dans l’entreprise, l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie personnelle et familiale ainsi que sa rémunération, mais seulement un entretien à l’initiative du salarié en cas de besoin.

En conséquence, la convention de forfait jours prévue par le contrat de travail de Mme [I] en son article 4 est nulle sans que l’employeur ne puisse valablement soutenir qu’en qualité de directrice des ressources humaines avec un rôle de conseil et de support juridique de la direction générale et ayant pour missions notamment le contrôle de la politique des ressources humaines et le suivi du temps de travail, Mme [I], qui n’a pas sollicité d’entretien annuel, ne pouvait pas se prévaloir de cette nullité. La salariée est donc bien fondée à solliciter le paiement des heures supplémentaires sous réserve qu’elles soient établies.

L’article L.3121-27 du code du travail dispose que la durée légale de travail effectif des salariés à temps complet est fixée à 35 heures par semaine.

L’article L.3121-28 du même code précise que toute heure accomplie au-delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit à une majoration salariale ou, le cas échéant, à un repos compensateur équivalent.

En application de l’article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

En l’espèce, à l’appui de sa demande de paiement des heures supplémentaires sur la période du 31 mai 2015 au 31 mai 2018, Mme [I] présente les éléments suivants:

– un tableau présentant jour après jour les horaires de travail et les heures hebdomadaires (pièces n°69 à 71),

– des mails corroborant les heures matinales ou tardives (pièces n°72 à 89),

– une attestation de M. [V], cadre de santé à la retraite d’un ancien cadre de santé (pièce n°48).

La salariée présente ainsi des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’elle dit avoir réalisées, permettant ainsi au CCN qui assure le contrôle des heures effectuées d’y répondre utilement.

A cet effet, le CCN verse aux débats les éléments suivants :

– le procès verbal du CHSCT du 19 septembre 2016 auquel participait Mme [I] et selon lequel un logiciel de gestion des plannings (OCTIME) est en cours de déploiement auprès des cadres et référents des services de soins et administratifs, outil piloté par le service des ressources humaines ayant pour objectif de faciliter la lisibilité des plannings pour les salariés, l’encadrement et le service paye, la mise en place étant prévue pour janvier 2017 ;

– une plaquette de présentation de ce logiciel OCTIME ;

– le planning individuel de Mme [I] depuis janvier 2016.

Cependant, la cour retient que le planning individuel de Mme [I] ne laissant apparaître aucune heure supplémentaire est, selon l’employeur, prétendument extrait du logiciel OCTIME mis en place qu’à compter de janvier 2017 alors que la salariée réclame de paiement des heures supplémentaires pour partie à compter de 2015 ; qu’en outre, comme le souligne la salariée, il n’est nullement établi que le logiciel a été effectivement mis en place en janvier 2017 ni que c’est bien elle qui a rempli les plannings produits ; que les heures d’envoi des courriels ne peuvent à elles seules établir l’amplitude des journées de travail.

En conséquence, au regard de l’ensemble des éléments produits, la cour a conviction que la salariée a exécuté des heures supplémentaires mais dans une moindre mesure que ce qui est prétendu par Mme [I], et par infirmation de la décision entreprise, condamne le CCN à lui verser la somme de 83.093,59 euros outre la somme de 8.309,35 euros de congés payés afférents.

Sur la contrepartie obligatoire en repos

En application de l’article L. 3121-38 du code du travail, à défaut d’accord, la contrepartie obligatoire sous forme de repos mentionnée à l’article L. 3121-30 est fixée à 50 % des heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent annuel mentionné au même article L. 3121-30 pour les entreprises de vingt salariés au plus, et à 100 % de ces mêmes heures pour les entreprises de plus de vingt salariés.

En application de la convention collective, le contingent annuel d’heures supplémentaires est de 130 heures.

Il résulte des éléments du dossier et notamment des tableaux produits que Mme [I] a effectué plus de 130 heures supplémentaires en 2015, 2016, 2017 et 2018 sans que l’employeur ne justifie l’avoir informée de ses droits en matière de repos compensateur.

Eu égard aux éléments de calcul présentés par la salariée et sans moyen opposant pertinent présenté par l’employeur, il convient de condamner le CCN à verser à Mme [I] la somme de 49.665,37 € de dommages-intérêts au titre de la contrepartie obligatoire en repos, en ce compris les congés payés.

Sur la rupture par un licenciement pour faute sérieuse

Pour infirmation de la décision sur ce point, Mme [I] fait valoir essentiellement que son licenciement est nul motifs pris des deux griefs 6°) et 7°) attentatoires à sa liberté d’expression et au harcèlement moral subi.

A titre subsidiaire, elle soutient que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse et prétend que le mail du 26 mars 2018 est un avertissement de telle sorte que tous les griefs antérieurs sont purgés, invoquant la règle non bis in idem ; qu’en outre de nombreux griefs sont également prescrits et n’ont pas été évoqués lors de l’entretien préalable ; qu’en tout état de cause, ils sont injustifiés.

Le CCN réplique que les griefs en question sont le fait d’avoir caché ses agissements à la direction en prenant soin de les travestir, lequel est lié au grief consistant à lui reprocher le fait d’avoir harcelé ses subordonnées ; que la liberté d’expression s’arrête en cas de propos injurieux, diffamatoires et excessifs, ce qui est le cas en l’espèce ; que le licenciement de la salariée ne peut être en lien avec la dénonciation d’un harcèlement dans la mesure où il n’est pas caractérisé et qu’en toute hypothèse, le licenciement est antérieur à la dénonciation des faits de harcèlement. La société affirme en outre que les faits relatés dans le mail du 26 mars 2018 sont étrangers aux griefs reprochés à la salariée pour fonder le licenciement. Pour s’opposer à la prescription, l’employeur rétorque que les fautes ont été portées à la connaissance de la direction par le commissaire aux comptes en mai 2018.

Selon l’article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles’; si un doute subsiste, il profite au salarié.

Ainsi l’administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n’incombe pas spécialement à l’une ou l’autre des parties, l’employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.

La lettre de licenciement qui circonscrit les limites du litige est ainsi rédigée :

‘1°) Nous avons découvert le 2 mai 2018 : que le service dont vous avez la charge a déclaré et réglé avec retard le l0 juillet 2017 au lieu du 5 juillet 2017 les cotisations URSSAF relatives au mois de juin 2017, que ce retard a entraîné une mise en demeure de l’URSSAF de payer une somme de 62.740,49 € à titre de pénalités et majorations en date du 18 juillet 2017, qu’une demande de remise gracieuse de ces pénalités et majorations a été formée, laquelle a été rejetée par l’URSSAF en date du 6 octobre 2017, reçue le 13 octobre, que vous avez personnellement adressé en date du 20 novembre 2017 une nouvelle demande de remise gracieuse à l’URSSAF;

Nous vous reprochons : de ne pas avoir informé la Direction du retard de déclaration des cotisations du mois de juin 2017, de ne pas avoir informé la Direction de la réception de la mise en demeure de l’URSSAF pour un montant de 62.740,49 € dès le l8 juillet 2017, de ne pas avoir informé la Direction du refus de l’URSSAF de remettre ces pénalités et majorations dès le 13 octobre 2017, d’avoir, alors que la notification de l’URSSAF précisait que toute contestation de la décision de refus de remise gracieuse ne pouvait être formée que dans un délai de 2 mois devant le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale, pris une mesure juridiquement inadéquate en adressant personnellement une nouvelle demande de remise gracieuse en date du 20 novembre 2017, de ne pas avoir informé la Direction de votre initiative, privant ainsi le CCN de toute possibilité de recours, d’avoir omis de mentionner la somme de 62.740,49 € susmentionnée sur la liste des provisions que vous avez transmise à l’expert-comptable de notre Société en décembre 2017 en vue de l’établissement des comptes sociaux, ce qui a suscité en mai 2018 une demande d’ajustement des comptes sociaux du CCN de la part du commissaire aux comptes par la comptabilisation d’une provision de 60.000 € à titre de pénalités et majorations;

Ces faits caractérisent une faute sérieuse qui justifie votre licenciement ;

2°) Nous avons découvert, à la lecture du refus de remise gracieuse de l’URSSAF et de votre courrier précité du 20 novembre 2017 à l’URSSAF dont nous avons eu connaissance début mai, que le refus de l’URSSAF a été motivé par le fait des remises précédemment accordées ;

Nous avons ainsi découvert que des précédentes erreurs avaient déjà été commises par votre service en mai 2016 et mars 2017 dans les déclarations et paiements de cotisations URSSAF ;

Nous vous reprochons de ne pas avoir informé la Direction de ces incidents, de ces pénalités et majorations et de leur remise, ce qui n’a pas permis de prendre les mesures adéquates, manifestement nécessaires, pour pallier à ces défauts récurrents aux conséquences économiquement préjudiciables ;

Nous vous reprochons également de ne pas avoir pris ou proposé les mesures nécessaires à la réorganisation de votre service afin de remédier à ces problèmes, ce qui a entraîné leur réitération et la pénalité de 62.740 € sus-évoquée ;

Ces faits caractérisent une faute sérieuse qui justifie votre licenciement ;

3°) Vous n’avez malgré les demandes récurrentes de la Direction, ni recherché ni embauché le personnel adéquat, laissant le service paie, dont vous avez la responsabilité en sous-effectif ; Cette situation. a suscité des retards de paiement des salaires qui ont entraîné le mécontentement des salariés et dégradé le climat social du CCN ;

Vous vous êtes en effet contentée de remplacer Madame [E] [G] en arrêt maladie par Monsieur [A] [W] et de prendre Madame [X] [WW] en contrat de professionnalisation en alternance, mettant ainsi sa formation à la charge de ses collègues en portant ainsi à 1.5 ETP le nombre de postes au sein du service paie alors que nous souhaitions et vous demandions de porter ce service à 2.5 ETP ;

Ces faits constituent une faute sérieuse qui justifie votre licenciement ;

4°) Vous avez adopté vis-à-vis des personnels des services paie et ressources humaines un comportement autoritaire et vexatoire entraînant pour vos subordonnés un état de stress et d’anxiété ainsi que des troubles du sommeil avec insomnies ;

Cet état de fait que vous nous avez caché nous a été finalement révélé directement par les intéressés malgré la crainte de mesures de rétorsion que vous suscitez et nous a été confirmé par Madame [N], médecin du travail ;

Selon cette dernière, quatre salariés du service des ressources humaines lui ont signalé de tels troubles ‘qui ont été à l’origine pour deux salariés d’arrêt de travail prolongé’ ;

Parmi ces quatre salariés, Mesdames [E] [G] et [T] [O] qui se plaignent:

L’une (Madame [G]) de relations tendues, de problèmes de communication, des conditions de travail dégradées dues à l’absence de remplacement d’une salariée et au défaut de réponse de votre part à ses demandes ayant entraîné une détresse psychique et physique à l’origine de son arrêt de travail ;

L’autre (Madame [O]) de relations difficiles avec vous, de conditions de travail dégradées, de non-reconnaissance l’ayant amenée à solliciter la rupture conventionnelle de son contrat de travail ;

Nous avons également reçu le témoignage de Madame [H] [Z] qui mentionne l’état de détresse psychologique dans lequel elle a trouvé Madame [B] [F] en raison des propos que vous avez eus en décembre 2017 consistant à lui dire ‘qu’elle sentait mauvais et qu’il fallait qu’elle trouve une solution pour pallier à ces mauvaises odeurs’ ;

De tels propos vexatoires et dégradants sont inacceptables à l’égard de ladite salariée et porte un préjudice important au CCN dans la mesure où ils émanent d’un de ses cadres supérieurs ;

Nous avons en outre appris de Monsieur [P] [U] que sept personnes sont venues le voir en sa qualité de secrétaire du CHSCT afin d’évoquer leur mal-être professionnel en lien avec leur relationnel avec vous mais n’ont pas souhaité le transcrire par peur de représailles ;

Il apparaît également que Madame [L] [PH], ancienne salariée du CCN, a été victime de votre comportement à son égard ;

D’autres salariés de votre service se sont plaints de remarques et critiques désobligeantes, récurrentes de votre part ayant entraîné une perte de confiance en eux et en leurs capacités professionnelles ;

De tels agissements vis-à-vis de plusieurs salariés de votre service ayant généré une détresse psychologique à l’origine de leur souhait de rompre leur contrat de travail (pour Madame [T] [O]), leurs arrêts maladie (pour Madame [E] [G] et Madame [T] [O]) et leur situation de mal-être (pour Madame [B] [F], Madame [L] [PH]) sont inacceptables et caractérisent autant de fautes sérieuses de votre part ;

5°) Il vous est en outre reproché indépendamment de ces comportements inacceptables une attitude générale consistant à refuser toute concertation et dialogue avec vos subordonnés, à ne pas donner suite à leur demande et à ne pas suivre certains dossiers tels les indicateurs sociaux et l’évaluation annuelle des salariés ;

Ces manquements qui sont imputables à une méthode de management cassante et autoritaire portent préjudice à la qualité des rapport sociaux au sein de notre établissement et caractérisent une faute sérieuse qui justifie votre licenciement ;

6°) Nous constatons bien plus que vous avez non seulement caché vos agissements à la direction mais avez pris soin de les travestir ;

Vous n’avez eu de cesse dans vos mails à la Direction depuis Novembre 2017 de faire des reproches à l’égard de Mesdames [O] et [G] pour tenter de vous opposer à leur retour au sein de votre service ou pour nous faire accepter la demande de rupture conventionnelle de Madame [O] que vous l’aviez poussée à formuler ;

Le fait de présenter à la Direction des appréciations négatives sur vos subordonnées en rapportant des faits invérifiables ou en leur imputant les conséquences de votre propre comportement (cf. votre email du l4 mars 2018 indiquant : ‘ je vous rappelle les risques opérationnels pour le service et les risques de santé pour l’entourage direct de [T] et [E] provoqués par leur attitude si la situation n’est pas résolue dans les meilleures circonstances’) tout en omettant de faire part à votre direction de leurs demandes caractérise un défaut de franchise de votre part constitutif d’une faute sérieuse qui justifie votre licenciement ;

Contrairement à ce que vous prétendez, les ‘risques de santé’ identifiés par le médecin du travail que nous avons interrogé à la suite de votre email et révélés par les représentants du personnel ne provenaient pas de vos subordonnées mais de votre comportement ;

7°) Il vous est également reproché de m’avoir adressé en ma qualité de supérieur hiérarchique des propos polémiques et irrespectueux consistant notamment :

A me reprocher de vous adresser par e-mail un message ‘ d’ailleurs très différent de celui que vous m’avez transmis oralement hier’ (votre mail du 11 avril 2018) accréditant l’idée d’une duplicité de ma part,

A me prêter des propos que je ne vous ai pas tenus (voir votre email du 15 mars 2018 indiquant: ‘plusieurs fois vous m’avez dit : ne le dites pas à [S] car il pourrait se mettre en colère contre [E]’),

A me reprocher faussement d’avoir demandé à un salarié de recueillir des signalements contre vous (votre e-mail du 14 décembre 2017),

A me reprocher de ne pas vous avoir soutenu et de vous avoir laissé seule lors d’un entretien avec [T] et [E] alors que cela relevait de votre mission et que les informations que vous me donniez s’avèrent inexactes (votre e-mail du 14 novembre 2017).

Ce comportement allant de manière crescendo vis-à-vis de votre Direction est constitutif d’une faute sérieuse qui justifie votre licenciement ;

8°) Il vous est enfin reproché de ne pas avoir transmis les instructions adéquates ni vérifié les bulletins de paie établis par Monsieur [W] (salarié en CDD remplaçant Madame [G]) et d’avoir laissé le CCN payer des sommes trop élevées au titre du treizième mois 2017 aux salariés nouvellement arrivés ayant moins d’un an d’ancienneté pour un total de plus de 20 000 € (salaires + cotisations) ;

L’ensemble de ces faits caractérise des fautes sérieuses qui justifient votre licenciement ”.

Les faits mentionnés dans la lettre de licenciement à l’appui de la faute sérieuse sont donc les suivants’:

– la découverte par l’employeur, en mai 2018, de différents manquements vis-à-vis de l’Urssaf par la salariée’;

– l’absence de recherche et d’embauche de personnel adéquat malgré les demandes de la direction conduisant à laisser le service paie en sous effectif’;

– le comportement autoritaire et vexatoire vis-à-vis des personnels des services paie et ressources humaines entraînant chez les subordonnées un état de stress et d’anxiété ainsi que des troubles du sommeil avec insomnies’;

– l’attitude générale consistant à refuser toute concertation et dialogue avec les subordonnées témoignant d’une méthode de management cassante et autoritaire’;

– la présentation à la direction d’appréciations négatives sur les subordonnés’;

– les propos polémiques et irrespectueux envers la supérieure hiérarchique’;

– l’absence de transmission des instructions adéquates et absence de vérification des bulletins de paie établis par un salarié remplaçant.

A titre principal sur la nullité du licenciement

Vu l’article L. 1121-1 du code du travail et l’article 10, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Il résulte de ces textes que sauf abus, le salarié jouit, dans l’entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d’expression et il ne peut être apporté à celle-ci que des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché.

Il est de droit que l’exercice de la liberté d’expression ne peut justifier un licenciement, quel qu’il soit, qu’en cas d’abus, celui-ci étant caractérisé lorsque les propos ou écrits utilisés sont injurieux, diffamatoires ou excessifs. Des propos critiques, même vifs, ne caractérisent pas un abus.

En l’espèce, il résulte de la lettre de licenciement 6°) et 7°) que l’employeur de Mme [I] lui reproche :

– ‘d’avoir eu de cesse dans [ses] mails à la Direction depuis Novembre 2017 de faire des reproches à l’égard de Mesdames [O] et [G] pour tenter de vous opposer à leur retour au sein de votre service ou pour nous faire accepter la demande de rupture conventionnelle de Madame [O] que vous l’aviez poussée à formuler’;

– d’avoir ‘ présenter à la Direction des appréciations négatives sur vos subordonnées en rapportant des faits invérifiables ou en leur imputant les conséquences de votre propre comportement (cf. votre e~mail du l4 mars 2018 indiquant : ‘ je vous rappelle les risques opérationnels pour le service et les risques de santé pour l’entourage direct de [T] et [E] provoqués par leur attitude si la situation n’est pas résolue dans les meilleures circonstances’) tout en omettant de faire part à votre direction de leurs demandes caractérise un défaut de franchise de votre part constitutif’;

– d’avoir adressé à M. [J] en sa ‘qualité de supérieur hiérarchique des propos polémiques et irrespectueux consistant notamment : à me reprocher de vous adresser par e-mail un message ‘ d’ailleurs très différent de celui que vous m’avez transmis oralement hier’ (votre mail du 11 avril 2018) accréditant l’idée d’une duplicité de ma part, à me prêter des propos que je ne vous ai pas tenus (voir votre e-mail du 15 mars 2018 indiquant: ‘plusieurs fois vous m’avez dit : ne le dites pas à [S] car il pourrait se mettre en colère contre [E]’), à me reprocher faussement d’avoir demandé à un salarié de recueillir des signalements contre vous (votre e-mail du 14 décembre 2017), à me reprocher de ne pas vous avoir soutenu et de vous avoir laissé seule lors d’un entretien avec [T] et [E] alors que cela relevait de votre mission et que les informations que vous me donniez s’avèrent inexactes (votre e-mail du 14 novembre 2017)’.

Les mails critiqués par l’employeur relèvent de la liberté d’expression de Mme [I] qui a pu ainsi exprimer les difficultés rencontrées dans la mise en place d’une nouvelle organisation du service paie au regard notamment de l’installation d’un nouvel outil de gestion, de l’absence d’une salariée en arrêt de travail et d’une charge de travail augmentée pour les autres salariées. C’est en vain que l’employeur oppose à Mme [I] une quelconque ‘duplicité’ alors que de nombreux mails du mois de novembre 2017 adressés par Mmes [G] et [O] sur les difficultés rencontrées et leur charge de travail étaient adressées non seulement à Mme [I] mais également en copie à M. [J] et à M. [R] Président du directoire et que, parfaitement au courant de la situation du service, il n’établit, à ce titre, aucun abus de la part de la salariée dans les propos exprimés dans ses mails qui ne font que révéler des divergences d’appréciation et des désaccords.

En outre, au constat que Mme [K] a attesté qu’une personne dont elle n’a pas voulu révéler l’identité, lui a déclaré que M. [J] avait l’intention de mettre Mme [I] sous tutelle et de faire un signalement auprès de l’inspection du travail, que Mme [I] a effectivement tenu seule une réunion importante sur la réorganisation du service paie alors qu’elle avait réclamé le soutien de son supérieur hiérarchique eu égard aux difficultés rencontrées dans le service et qu’il ne pouvait ignorer comme étant destinataire en copie de nombreux courriels et comme ayant dû déjà intervenir en 2013 auprès de Mme [G] pour la recadrer, que le rapport d’audit interne du mois de mars 2018 met en exergue d’une part le refus de la DRH adjointe (Mme [O]) de réaliser certaines tâches comme d’aider la salariée en contrat professionnel au prétexte qu’elle n’était pas sa tutrice ou le refus de la DRH adjointe d’obtempérer sur des sujets permettant la production de la paie et d’autre part, un management de la DRH collaboratif et participatif mais s’opposant parfois à un manque de collaboration de l’adjointe DRH qui estime que l’extension de son périmètre mériterait une revalorisation salariale qu’elle a demandée et n’a pas obtenue, l’employeur ne caractérise pas davantage d’abus de la part de Mme [I] dans la rédaction de ses mails adressés à M. [J] les 11 avril 2018, 15 mars 2018, 14 décembre 2017 et 14 novembre 2017 dont les termes ne sont ni polémiques ni injurieux.

En conséquence et par infirmation de la décision entreprise, la cour retient que le caractère illicite du motif du licenciement prononcé, même en partie, en raison de l’exercice par la salariée de sa liberté d’expression, liberté fondamentale, entraîne à lui seul la nullité du licenciement.

Sur les conséquences financières

En application de l’article L.1235-2-1 du code du travail, en cas de pluralité de motifs de licenciement, si l’un des griefs reprochés au salarié porte atteinte à une liberté fondamentale, la nullité encourue de la rupture ne dispense pas le juge d’examiner l’ensemble des griefs énoncés, pour en tenir compte, le cas échéant, dans l’évaluation qu’il fait de l’indemnité à allouer au salarié, sans préjudice des dispositions de l’article L. 1235-3-1.

Au constat que le mail du 26 mars 2018 adressé à Mme [I] par M. [J] ayant pour objet ‘Mise au point et Rappels’ ne constitue nullement une sanction prise par l’employeur à la suite d’un agissement de la salariée considéré par l’employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération, mais une simple mise au point sur des éléments désapprouvés par le directeur général sans être de nature à affecter la carrière de Mme [I] dans le CCN, c’est en vain que Mme [I] se prévaut de l’épuisement du pouvoir disciplinaire de son employeur pour les faits antérieurs au mail du 26 mars 2018.

Sur les deux griefs relatifs à l’URSSAF, il résulte du rapport communiqué par le commissaire aux comptes du CCN au président du directoire, M. [R] le 4 juin 2018 en application de l’article L.823-16 du code de commerce, que lors de son contrôle, le commissaire aux comptes a pris connaissance de l’existence d’un retard de déclaration et de paiement URSSAF du second trimestre 2017, d’une demande de remise gracieuse formulée par le service paie mais rejetée par l’URSSAF, d’un second courrier transmis directement par la DRH en novembre 2017 sans retour de l’URSSAF, de pénalités à hauteur de 60 Keuros et l’absence de provisionnement de cette somme en l’absence d’information transmise au service comptable. Alors que la salariée invoque la prescription des faits fautifs, force est de constater que l’employeur n’établit pas qu’il a eu connaissance de ces faits dans les deux mois ayant précédé l’engagement de la procédure de licenciement le 3 mai 2018 et que c’est en vain qu’il se prévaut à cet effet du rapport du 4 juin 2018 postérieur au licenciement. Ces deux griefs ne sauraient donc être retenus.

Sur le 3ème grief, il appert que Mme [WW] a été recrutée en contrat de professionnalisation en novembre 2017, que s’agissant de ce recrutement, Mme [I] avait informé M. [J] le 27 octobre 2017 qu’elle l’avait reçue le 6 octobre 2017 et qu’à défaut d’avoir pu faire un point avec lui, elle lui avait envoyé son CV qu’il avait validé ; que Mme [I] a demandé à de multiples reprises des rendez-vous à M. [J] au sujet de l’organisation du service RH ; que le 2 novembre 2017 elle informait celui-ci de qu’elle avait deux rendez-vous de recrutement dans l’après-midi. Il s’ensuit que M. [J], supérieur hiérarchique de Mme [I], connaissait les recrutements mis en place par la salariée et que dès lors l’employeur ne peut lui reprocher en mai 2018 d’avoir embauché deux personnes en mettant à la charge des autres salariées leur formation. Ce grief ne peut donc pas davantage être retenu.

Sur le 4ème grief, il est de droit que les dispositions de l’article L. 1154-1 du code du travail ne sont pas applicables lorsque survient un litige relatif à la mise en cause d’un salarié auquel sont reprochés des agissements de harcèlement moral.

Au constat que dans son courrier du 24 mai 2018 complété le 8 décembre 2022, le docteur [N], médecin du travail, atteste avoir reçu depuis 2014 à leurs demandes et à plusieurs reprises 4 salariés du service ressources humaines qui selon leurs dires, ont signalé être atteints de troubles psychosociaux (état de stress, anxiété, troubles du sommeil avec insomnies), à l’origine pour deux salariées d’arrêts de travail prolongés et qui seraient, selon elles, en partie dus aux difficultés relationnelles rencontrées avec la DRH, sans pour autant qu’il soit évoqué des faits de harcèlement moral et étant relevé que le médecin du travail ne fait que relater les dires des salariées ; que les difficultés relationnelles mises en exergue dans les échanges de courriels et non contestées par les différentes protagonistes étaient connues de M. [J] depuis plusieurs années ; que le 9 décembre 2013, ce dernier avait rappelé à Mme [G] qu’elle se trouvait dans un lien de subordination avec Mme [I] et qu’elle avait à ce titre l’obligation de respecter et d’exécuter ses directives, sans remettre en cause ses compétences techniques et relevait ‘la nécessité d’améliorer son relationnel’ ; que s’agissant de Mme [O], la cour a retenu ci-avant qu’elle refusait parfois d’exécuter les missions qui lui étaient dévolues et notamment de former Mme [WW] en contrat de professionnalisation alors même qu’elle se plaignait de sa charge de travail; que Mme [Z] ne fait que rapporter des dires dont elle n’a pas été le témoin ; que l’attestation de M. [U] est particulièrement imprécise pour avoir une quelconque force probante ; que Mme [PH] fait part de sa déception de ne pas avoir été nommée en qualité d’adjointe DRH sans faire état d’agissements répétés constitutifs de harcèlement moral ; la cour retient que ce grief n’est pas établi.

Sur le 5ème grief, les éléments versés aux débats par l’employeur ne permettent pas d’établir des méthodes de management cassante et autoritaire, la cour ayant déjà retenu que l’attestation de M. [U] étant sans valeur probante et que Mme [PH] témoigne d’une déception de ne pas avoir obtenu le poste de d’adjointe RH ; qu’en outre, Mme [C] qui a demandé la révision de son contrat de travail à Mme [I] en vain, ce qui relevait de son pouvoir de direction, a fini par obtenir satisfaction auprès du Président du directoire, et ne caractérise nullement les méthodes de management comme qualifiées par le CCN. Ce grief ne sera donc pas retenu.

Sur le 8ème grief, l’employeur qui connaissait les difficultés du service paie dont deux salariées étaient en arrêt maladie (Mme [G] et Mme [O]) et le recrutement de Mme [WW] en contrat de professionnalisation ainsi que M. [W] en remplacement de Mme [G] ne peut sérieusement reprocher à Mme [I] de ne pas avoir vérifié les bulletins de paie de plusieurs centaines de salariés établis par M. [W]. Ce grief ne peut donc pas davantage être retenu.

En application des articles L.1235-2-1 et L. 1235-3-1 du code du travail, compte tenu de la situation de Mme [I], âgée de 36 ans au jour de la rupture, bénéficiant près 7 années d’ancienneté, et justifiant d’un nouvel emploi en qualité de chargée de missions RH dans une association moyennant un salaire brut annuel de 60.000 euros, au vu des bulletins de salaire produits et des rappels d’heures supplémentaires octroyés, il convient de condamner le CCN à lui verser la somme de 65.000 euros à titre d’indemnité pour licenciement nul.

Sur les circonstances humiliantes et vexatoires du licenciement

Mme [I] fait valoir que l’employeur doit exécuter le contrat de travail loyalement en application de l’article L. 1222-1 du code du travail et que les circonstances vexatoires et humiliantes qui entourent la rupture du contrat de travail créent un préjudice distinct ; qu’elle s’est vouée son travail et a été licenciée aux motifs qu’elle aurait eu un comportement vexatoire et autoritaire ; qu’il s’agit là d’un motif qui crée un préjudice distinct.

Le CCN réplique que la procédure de licenciement est régulière ; que l’annonce du licenciement n’a pas été faite publiquement ; que la salariée n’a pas été privée des avantages liés à sa fonction avant la fin de son préavis.

Les éléments du dossier ne permettent pas de caractériser des circonstances vexatoires et humiliantes du licenciement, le seul fait que les différents griefs ne soient pas retenus ne pouvant suffire. En conséquence, Mme [I] sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts à ce titre et la décision critiquée confirmée de ce chef.

Sur le 13ème mois

La salariée soutient qu’elle a quitté les effectifs le 2 décembre 2018 et qu’elle aurait du percevoir le prorata de son 13ème mois ; que le conseil de prud’hommes a jugé que la somme était due et que la société devait être condamnée mais n’a pas repris la condamnation dans le dispositif du jugement.

L’employeur rétorque qu’il résulte de l’accord d’entreprise du 1er mai 2018 que le 13ème mois correspond au temps de présence réel déduction faite de toutes absences hormis celle engendrée par un accident du travail. Or, la salariée ayant été absente pour maladie (et non pour accident du travail), la société fait valoir la régularité de la déduction opérée.

En l’espèce, l’accord d’entreprise du 1er mai 2008 prévoit que les salariés, à compter de 6 mois de présence, bénéficieront de ‘la prime de 13ème mois correspondant au temps de présence réel dans l’entreprise déduction faite de toutes absences hormis celle engendrée par l’accident de travail (sic)’, qu’en cas de départ d’un salarié en cours d’année, la fraction du 13ème mois restant à percevoir sera versée prorata temporis.

Il résulte du jugement du tribunal judiciaire de Bobigny en date du 14 janvier 2021 saisi par le CCN en contestation de la décision du 14 mai 2019 par laquelle la commission de recours amiable de la CPAM de Paris a reconnu le caractère professionnel de l’accident de travail survenu le 4 juin 2018 à Mme [I], que par lettre du 10 septembre 2018 reçue le 17 septembre 2018 la CPAM de Paris a notifié au CCN le refus de prise en charge au titre de la législation professionnelle de l’accident du travail déclaré par Mme [I] le 4 juin 2018 au motif qu’au moment du fait accidentel, la victime n’était pas sous la subordination de son employeur ; que ‘cette décision est définitivement acquise au CCN’ ; que ‘la lettre de notification de prise en charge après refus en date du 25 octobre 2019 précise bien qu’après décision de la commission de recours amiable, l’accident cité en objet est pris en charge au titre de la législation relative aux risques professionnels, en conséquence cette notification annule et remplace, pour la victime, la précédente notification de refus’ ; qu”il suit de là que le CCN ayant reçu notification de la décision du 10 septembre 2018 de refus de prise en charge à titre professionnel de l’accident de Mme [I], devenue définitive dans ses rapports avec la caisse, n’a pas intérêts à agir à l’encontre de la décision ultérieure de prise en charge de cet accident’ ; que la société est ‘donc irrecevable à demander que la décision de la commission de recours amiable du 14 mai 2019 prise sur recours de sa salariée, lui soit déclarée inopposable’.

Il s’ensuit que si la décision de refus de prise en charge de l’accident survenu le 4 juin 2018 au titre de la législation relative aux risques professionnels est devenue définitive à l’égard de l’employeur, il n’en demeure pas moins que la commission de recours amiable a décidé de la prise en charge l’accident de Mme [I] au titre de la législation relative aux risques professionnels.

En application de l’accord collectif qui vise le salarié absent hors accident du travail sans distinction, il convient donc de faire droit à la demande de Mme [I] et par ajout à la décision déférée, de condamner le CCN à lui verser la somme de 6.023,22 euros au titre du 13ème mois pour l’année 2018 prorata temporis.

Sur les frais irrépétibles

Le CCN sera condamné aux entiers dépens de 1ère instance et en cause d’appel. Il devra verser à Mme [I] la somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement déféré en ce qu’il a débouté Mme [M] [I] de ses demande au titre du harcèlement moral ;

INFIRME le jugement déféré pour le surplus ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

JUGE que le licenciement de Mme [M] [I] est nul ;

CONDAMNE par la SA société d’exploitation du centre cardiologique du Nord à payer à Mme [M] [I] les sommes suivantes :

– 83.093,59 euros au titre des heures supplémentaires ;

– 8.309,35 euros de congés payés afférents ;

– 49.665,37 € de dommages-intérêts au titre de la contrepartie obligatoire en repos, en ce compris les congés payés ;

– 65.000 euros à titre d’indemnité pour licenciement nul

– 6.023,22 euros au titre du 13ème mois pour l’année 2018 prorata temporis ;

RAPPELLE que les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil des prud’hommes, les autres sommes à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter de la décision qui les alloue ;

CONDAMNE la SA société d’exploitation du centre cardiologique du Nord aux entiers dépens;

CONDAMNE la SA société d’exploitation du centre cardiologique du Nord à verser à Mme [M] [I] la somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

La greffière, La présidente.

 


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