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ARRÊT DU
14 Avril 2023
N° 559/23
N° RG 21/02100 – N° Portalis DBVT-V-B7F-UARX
PS/VDO
Jugement du
Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de Valenciennes
en date du
29 Novembre 2021
(RG 19/00307 -section )
GROSSE :
aux avocats
le 14 Avril 2023
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
– Prud’Hommes-
APPELANTE :
S.N.C. ANZIN
[Adresse 2]
représentée par Me Loïc LE ROY avocat au barreau de DOUAI, substitué par Me Alexis DAVID, avocat au barreau d’AMIENS, assisté de Me Valérie BREGER, avocate au barreau de LAVAL,
INTIMÉE :
Mme [U] [A]
[Adresse 1]
représentée par Me Ioannis KAPPOPOULOS, avocat au barreau de VALENCIENNES
DÉBATS : à l’audience publique du 14 Mars 2023
Tenue par Patrick SENDRAL
magistrat chargé d’instruire l’affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,
les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER : Séverine STIEVENARD
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Marie LE BRAS
: PRÉSIDENT DE CHAMBRE
Alain MOUYSSET
: CONSEILLER
Patrick SENDRAL
: CONSEILLER
ARRÊT : Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 14 Avril 2023,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par Marie LE BRAS, Président et par Serge LAWECKI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 21 février 2023
FAITS ET PROCEDURE
La société ANZIN exerce une activité commerciale sous l’enseigne NOZ. Le 3 décembre 2012 elle a engagé Mme [A] en qualité d’animatrice avant de lui confier le poste de directrice adjointe de son magasin d’Anzin. Les 27, 28 et 29 juin 2019 la salariée a exercé, avec plusieurs subordonnés, un droit de retrait suite à des conditions de travail difficiles en raison de fortes chaleurs. Le 12 juillet 2019 elle a été mise à pied à titre conservatoire et licenciée le 31 juillet suivant pour faute grave.
Par jugement ci-dessus référencé le conseil de prud’hommes, saisi par Mme [A] de réclamations salariales et indemnitaires au titre de son licenciement à ses dires dénué de cause réelle et sérieuse, a statué ainsi :
« DIT le licenciement de Madame [U] [A] pour cause réelle et sérieuse
CONDAMNE la SNC NOZ à lui payer les sommes suivantes:
2 900 euros au titre de l’indemnité de licenciement
3 100 euros au titre de l’indemnité de préavis
358 euros (sic) au titre des congés payés afférents
601,00 euros au titre des heures supplémentaires.
500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile…
DEBOUTE Madame [U] [A] du surplus de ses demandes
DEBOUTE la SNC NOZ de sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.»
Vu l’appel formé par la société ANZIN par déclaration ainsi rédigée :
«’Objet/Portée de l’appel: Appel tendant à l’annulation de la décision susvisée ou à sa réformation en ce qu’elle: DIT le licenciement de Madame [U] [A] pour cause réelle et sérieuse. CONDAMNE la SNC NOZ, prise en la personne de son représentant légal, à payer à Madame [U] [A], les sommes suivantes: DEUX MILLE NEUF CENTS EUROS à titre de l’indemnité de licenciement TROIS MILLE CENT EUROS au titre de l’indemnité de préavis TROIS CENT CINQUANTE HUIT EUROS au titre des congés payés y afférents, SIX CENT UN EUROS au titre des heures supplémentaires PRECISE que les condamnations prononcées emportent intérêts au taux légal: à compter de la date de réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation pour les sommes de nature salariale, soit le 04 octobre 2019 ; à compter du présent jugement pour toute autre somme. Du chef des dépens et de l’article 700 du CPC’».’
Vu ses conclusions du 13/7/2022 par lesquelles l’employeur demande à la cour d’infirmer le jugement en ses dispositions critiquées par l’acte d’appel, de le confirmer pour le surplus, de rejeter la demande de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire et de lui allouer la somme de 2500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile
Vu les conclusions d’appel incident du 20 avril 2022 par lesquelles Mme [A] prie la cour de :
« INFIRMER la décision en ce qu’elle a’dit le licenciement pour cause réelle et sérieuse.
DIRE et JUGER le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse.
CONDAMNER la SNC NOZ ANZIN à verser :
– 3 733 euros bruts au titre de l’indemnité de préavis, outre 373,30 euros bruts de congés payés
– 3107,76 euros nets au titre de l’indemnité de licenciement
-1 039,97 euros bruts au titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire, outre 104 euros bruts au titre des droits aux congés payés y afférents.
– 22 500 euros nets de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
– 10 000 euros nets de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire
ORDONNER à la SNC NOZ ANZIN de rembourser à Pôle Emploi les indemnités chômage versées à Madame [A], et ce, dans la limite de six mois
CONFIRMER le jugement du Conseil de prud’hommes en ce qu’il a condamné la SNC NOZ ANZIN à verser à Madame [A] la somme de 601 euros au titre des heures supplémentaires
CONDAMNER la SNC NOZ ANZIN à verser à Madame [A] la somme de 2500 euros nets au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS
Les heures supplémentaires
aux termes de l’article L 3171-2 du code du travail, lorsque tous les’salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de’travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Il résulte de ces dispositions qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies il appartient au salarié’de présenter, à l’appui de sa demande, des’éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées prétendument accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre en produisant ses propres éléments.
En l’espèce Mme [A], qui était soumise à l’horaire collectif, produit un compte des heures selon elle effectuées ainsi que des attestations de collègues faisant état de la promesse de son employeur de lui assurer la récupération en repos de quelques heures supplémentaires effectuées en période estivale. La société appelante ne produit aucun élément sur les heures effectuées par la salariée et elle n’a pas déféré à la sommation de produire les données utiles en sa possession. Il ressort des débats que Mme [A] a travaillé une quarantaine d’heures en plus de la durée légale. Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a exactement chiffré sa créance.
Le licenciement
la lettre de licenciement fixant les termes du litige est ainsi rédigée’:
« vous êtes embauchée par la Société ANZIN depuis le 3 décembre 2012 et vous occupez actuellement, sous contrat à durée indéterminée, le poste d’ Animatrice, niveau 3. Dans le cadre de vos fonctions, il vous appartient de participer à la gestion courante et de garantir le bon fonctionnement du magasin en soutien ou en l’absence de I’ Animateur Equipe Magasin. …nous vous notifions par la présente notre décision de vous licencier pour faute grave, pour les motifs suivants :
le jeudi 27 juin 2019, à 13 heures, vous avez réuni l’ensemble des salariés de la société présents, dans le bureau du magasin, et avez contraint ces derniers, à exercer leur droit de retrait, sous la menace de les « frapper ». Vous ne pouvez, en aucun cas, faire pression auprès des salariés, et qui plus est sous la menace de violences physiques pour qu’ils exercent leur droit de retrait. En agissant de la sorte, vous avez commis une atteinte à la liberté de travail, ceci est inacceptable. Cette conduite témoigne incontestablement d’une intention de nuire à l’intérêt de notre société. Par ailleurs, le lendemain, le vendredi 28 juin 2019, vers 9 heures, vous avez menacé de mort une salariée détachée au sein du magasin. Sortie de vos gonds après des remarques sur la tenue du magasin, vous avez insulté et proféré des menaces de mort à l’encontre de cette dernière si elle ne déguerpissait pas de l’enceinte du magasin. Le fait n’est pas isolé puisque vous avez, de nouveau, insulté un prestataire de service le lundi 8 juillet 2019. Nous ne pouvons tolérer un tel déchaînement de violence et d’agressivité dans vos propos qui nuit à l’ambiance de travail au sein du magasin et à nos relations avec nos partenaires. Enfin, votre comportement a un effet néfaste pour la Société, Nous ne pouvons accepter une telle attitude de la part de nos collaborateurs et ce d’autant plus compte tenu du poste que nous vous avons confié. La responsabilité qui vous incombait, impliquait une loyauté sans faille. En agissant ainsi, vous avez trahi la confiance que nous vous accordions.’»
La société ANZIN reprend les griefs dans ses écritures et produit les attestations de témoins mentionnées dans la lettre de licenciement. Elle fait valoir que le licenciement de Mme [A], étranger à l’exercice de son droit de retrait, est fondé sur ses manquements répétés rendant impossible la poursuite de la relation contractuelle.
Mme [A] rétorque que’:
– elle a exercé son droit de retrait en raison des conditions de travail insupportables régnant dans l’entrepôt et de l’incapacité de l’employeur à y remédier malgré un rapport de l’inspection du travail et la pétition de plusieurs dizaines de personnels et de clients
– étant responsable de la santé de son personnel elle l’a informé de ses droits
– elle n’a menacé ni injurié quiconque, ce qui n’avait aucune justification
– son licenciement, reposant sur l’exercice non abusif du droit de retrait, a méconnu l’article L 4131-3 du code du travail.
Sur ce,
aux termes de l’article L 1232-1 du code du travail tout licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse. Lorsque l’employeur invoque une faute grave du salarié il lui incombe d’en apporter la preuve à charge pour le juge d’apprécier le caractère réel et sérieux des griefs et de rechercher s’ils constituaient une violation des obligations découlant du contrat de travail rendant impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. Il est par ailleurs de règle, en application de l’article L 4131-3 du code du travail, qu’aucune sanction ne peut être infligée à un salarié s’étant retiré d’une situation de travail dont il avait un motif raisonnable de penser qu’elle présentait un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé.
Présentement, il résulte des nombreux témoignages concordants de salariés et du rapport de l’inspection du travail qu’à la fin du mois de juin 2019 les conditions de travail au sein du lieu de vente, un entrepôt ni isolé ni ventilé, étaient éprouvantes du fait de la chaleur extérieure. Mme [A], qui a exercé son droit de retrait dont le bien-fondé n’est pas discuté, a été accompagnée voire suivie dans l’exercice de ce droit par de nombreux collègues. Le 12 juillet 2019, jour d’envoi de la lettre de licenciement, son employeur lui a adressé le courrier suivant :
«’Objet : Réponse au droit de retrait
Madame, nous revenons vers vous… vous avez exercé votre droit de retrait le 27 juin dernier, renouvelé les 28 et 29 juin suivants. Le 27 juin 2019, vous nous avez communiqué par la voie de mails imprimés, et signés par les personnes ayant décidé d’exercer leur droit de retrait, les raisons qui justifiaient, selon vous, de l’opportunité de ce droit de retrait. Vous nous exposiez ainsi « les chaleurs étouffantes » à l’origine de « maux de tête» et de « passages aux toilettes », Ces termes ont été renouvelés dans les droits de retrait du 28 et 29 juin 2019 et des précisions complémentaires apportées telles que « nausées » et « maux de ventre ». Compte-tenu de la nature des faits invoqués, c’est avec le plus grand soin que nous avons choisi d’analyser la situation. Ainsi, dans un premier temps, nous déplorons l’impossibilité matérielle de vérifier les faits. En effet, vous arguez de «chaleurs étouffantes» sans jamais faire état de températures précises. Les seuls éléments tangibles en notre possession sont les relevés de température effectués par l’Inspecteur du travail le 26 juin, soit la veille du premier droit de retrait. Ces dernières ont ainsi été évaluées entre 29 et 31°. L’Institut National de la Recherche Scientifique dans sa communication « travail et chaleur d’été) estime ainsi la température à partir de laquelle un risque de danger existe pour les salariés à 33.1, soit largement au-dessus des températures constatées par l’Inspecteur du travail lors de sa visite. De plus, les conséquences sur votre santé que vous présentez à l’appui de votre droit de retrait, telles que les maux de ventre ou les maux de tête ne nous semblent pas relever du périmètre du droit de retrait…’»
C’est dans ce contexte que la société ANZIN lui reproche les faits suivants:
les faits du 27 juin: menaces pour contraire des salariés à se retirer
la société ANZIN prétend que lors d’une réunion avec le personnel Mme [A] a menacé de représailles ses collègues s’ils n’exerçaient pas leur droit de retrait. Au soutien de cette allégation elle verse’:
– l’attestation de Madame [S], employée de magasin
« le jeudi 27 juin, Mme [A] [U] adjointe au magasin et Mlle [C] employée nous ont contraint de nous réunir au bureau pour nous dire que le magasin aller fermer à 13h car ils m’étaient en place le droit de retrait. De ce fait, les salariés qui voulaient rester ont été obligé de quitter le magasin. Je rajouterais que Mlle [A] et Mlle [C] nous ont menacée de nous frapper si nous revenions travailler l’après-midi. Cela est arrivé vers 13h dans le bureau du magasin. »
– l’attestation de Mme [V], collègue de Mme [S]
«’suite à l’application du droit de retrait, j’ai accueilli chez moi Mme [S] [I] en pleurs vers 14h. je n’étais pas présente sur le magasin car en accident travail à l’époque des faits. Celle-ci m’a expliqué avoir subit de la pression de la part de Mme [A] [U]. [I] [S] ne désirait pas exercer le droit de retrait. Celle-ci m’a confier ne pas avoir eu le choix car peur des représailles »
– l’attestation de Madame [JO], employée de magasin
« le jeudi 27 juin lors de la mise en place du droit de retrait sur le magasin nous avons été contraints de quitter le magasin. En effet, Mlle [A] [U], adjointe et Mlle [C] [T], employé nous on réuni au bureau pour nous dire qu’elles allaient fermer le magasin à 13H. Par conséquent, les salariés qui voulaient rester pour travailler ont été obligés de quitter le magasin. De plus Mlle [A] et [G] [C] nous ont menaces « de nous casser la gueule » si nous revenions travailler l’après-midi. Tous ceci s’est passé vers 13 H le bureau du magasin juste avant de quitter notre poste. »
Mme [A] dénie toute force probante à ces témoignages établis à ses dires sous la pression de l’employeur. Elle produit des attestations de salariés ([P], [C], [M], [E] et [Z]) affirmant s’être retirés de leur plein gré par suite de conditions de travail difficiles. Elle communique également des SMS de Mme [JO] dans lesquels celle-ci dit n’avoir été ni injuriée ni menacée. Du reste, la tenue d’une réunion au cours de laquelle les propos litigieux auraient été tenus, ce hors la présence du directeur ce qui n’est pas crédible, ne ressort d’aucun élément. Il sera ajouté que Mme [A] n’avait pas de raison objective de menacer ses collègues puisque la plupart, y compris Mme [JO], étaient solidaires de la décision collective de retrait. Mme [S] était pour sa part signataire de la pétition réclamant de meilleures conditions de travail et elle avait donné son accord par SMS au mouvement collectif de retrait. Les attestations précitées sont donc à prendre avec circonspection étant observé que de plusieurs témoignages il ressort que le directeur du magasin a fait savoir à Mme [A] qu’elle serait «’virée’» en cas d’exercice du droit de retrait. Toujours est-il que le grief est infondé.
Les faits du 28 juin’: injure et menace envers Mme [D], prestataire de services
l’employeur verse aux débats les attestations de :
-Madame [H] prestataire de service
« à mon arrivée ce vendredi 28 juin 2019 sur le magasin d’anzin accompagnée de mes collègues mr [O] [F] et mr [N] [J], j’ai constaté avant d’entrer une violente dispute dans le magasin. mme [JO] [B] nous a ouvert la porte et j’ai entendu des échanges verbaux déplacés nous pouvons même parler de menaces de mort puisque Mme [A] [U] am du magasin d’anzin envers mme [D] aem du magasin de proville venue en renfort suite au droit de retrait fait sur le magasin le 27 juin 2019 a la demande menaçante de mme [A] [U] mme [C] [T] et mme [M] [L] d’après les dires de mme [JO] [B] mme [S] [I] et mme [E] [K]) : «hord de ma vue je vais te crever sale garce» concernant le droit de retrait étant dans la salle de réunion a l’étage mme [JO] [B] mme [S] [I] et mme [E] [K] ont échange avec moi en me disant qu’elles n’avaient pas eu le choix de faire de droit de retrait car elles avaient peur du comportement de mme [A] elles m’ont dit qu’elles avaient peur de la pression et des représailles. elles ont agi par peur. ce comportement pour un encadrant est inacceptable.»
– Monsieur [N] prestataire de service
« mon arrivée ce vendredi 28 juin 2019 sur le magasin noz anzin en compagnie de mes collègues animateurs Mme [H] [X] et monsieur [O] [F] a 9h02, nous avons entendu des hurlement provenant de l’enceinte du magasin. nous nous sommes positionnés devant la porte et nous avons sonné pour qu’on vienne nous ouvrir. de ce fait mme [JO] [B] est venue nous ouvrir toute tremblante car il y avait une grosse dispute dans le magasin entre mme [A] am du magasin et Mme [D] venue en renfort sur le magasin suite au droit de retrait exerce par une partie de l’effectif. En commençant à rentrer dans le magasin nous entendons tres clairement la phrase qui pour moi est une menace de mort « hors de ma vue sale garce, je vais te crever » émanant de la bouche de mme [A] et ce envers mme [D]. suite a cela mme [D] prend ses précautions et fait attention aux moindres faits et gestes de mme [A] craignant des actes envers sa personne et elle est en est arrive a garer son véhicule hors du parking par peur de découvrir des degats sur celui-ci »
-Madame [D] animateur d’équipe magasin en détachement à la société ANZIN
« je me suis rendue au magasin SARL NOZ ANZIN le vendredi 28 juin à 8h. J’ai été reçue par Mme [A] [U] adjointe suite à la demande de ma direction pour venir en aide au magasin car celui rencontre des difficultés. Après avoir exprimer mes constat à Mme [A] sur le manque de tenue du magasin Celle-ci s’est emporter et a tenu des propos insultants et menaçant malgré la présence des managers Mr [O] [F], Mme [H] [X] Mr [N] [Y] « dégage de ma vue où je vais te crever sale garce Je vais te démonter si tu dégages pas Or de ma vue grosse merde Barre toi. Je vais te faire la peau »
Leur narration n’est pas confirmée par M.[R], salarié de l’entreprise, décrivant le « comportement déplacé et agressif de Mme [D]’» envers Mme [A] le 28 juin 2019 avant l’ouverture du magasin. Il appert que M.[O], directeur du magasin, bien que présent lors de l’altercation, n’a pas établi d’attestation pour donner sa version des faits. Du reste, il n’a pas sanctionné ni même recadré immédiatement Mme [A] ce qui n’aurait pas manqué d’être le cas si les faits, graves, s’agissant d’une menace de mort, s’étaient produits. Aucune plainte pénale n’a du reste été déposée ni par la société ANZIN, ni par Mme [D] ni par l’employeur de celle-ci.
Les attestations de Mme [H], [D] et [N] sont sujettes à caution dès lors qu’elles diffèrent sur l’heure et les circonstances des faits et qu’elles sont établies pour partie en des termes identiques par des prestataires placés sous la subordination économique de la société ANZIN voire du réseau NOZ. D’autre part, de leur emplacement, en dehors de l’entrepôt, il est peu probable qu’elles aient pu entendre une dispute et identifier les propos étant observé que Mme [JO] ne corrobore pas leur version quant au fait qu’elle serait allée leur ouvrir en pleurs. Toujours est-il qu’en l’état d’éléments aussi ténus le doute doit profiter à Mme [A] et que ce grief est infondé.
Les faits du 8 juillet 2019′: injures envers M. [P]
dans son témoignage particulièrement succinct, rédigé le jour même des faits, quelques jours avant la mise à pied conservatoire et dans celui tout aussi succinct de Mme [W], il est indiqué que Mme [A] a traité M.[P], prestataire extérieur, de c…. mais il n’est fourni aucun détail sur le lieu, l’heure ou le contexte des faits. Ces témoignages ne présentent pas de caractère d’objectivité suffisant dans le contexte ci-dessus rapporté d’autant que leurs auteurs étaient prestataires de service sous la subordination économique de la société ANZIN voire du réseau NOZ. Le doute devant là encore profiter à la salariée, ce grief est infondé.
Il en découle que son licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse.
Compte tenu des périodes d’absence l’indemnité de licenciement s’élève à la somme de 2722,01 euros et non à celle fixée par le premier juge. L’indemnité compensatrice de préavis a en revanche été exactement calculée de sorte qu’il convient de confirmer le jugement sur ce point.
En ce qui concerne les salaires de la mise à pied conservatoire et les dommages-intérêts pour licenciement vexatoire, dans le dispositif de ses écritures la salariée ne demande pas l’infirmation du jugement en ses dispositions ayant’rejeté ses demandes. Du reste, elle n’a pas indiqué former appel incident. Le jugement sera donc confirmé.’
Il ressort de l’article L 1235-3 du code du travail que lorsque le licenciement survient pour une cause non réelle et sérieuse, le juge condamne l’employeur au paiement d’une indemnité comprise entre des minima et des maxima. Mme [A] conclut à l’inopposabilité de ce barème compte tenu de sa non-conformité à l’article 24 de la charte sociale européenne et à la convention n°158 de l’OIT. Toutefois, la Charte sociale européenne n’ayant pas d’effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers, dès lors que sa mise en oeuvre en droit interne nécessite que soient pris des actes complémentaires d’application, son invocation ne peut conduire à écarter l’application des dispositions de l’article L 1235-3 du code du travail. La Convention n°158 de l’OIT ne requiert en revanche l’intervention d’aucun acte complémentaire pour être applicable en droit interne par le juge français. Aux termes de son article 10, si les organismes mentionnés à l’article 8 de la présente convention arrivent à la conclusion que le licenciement est injustifié, et si, compte tenu de la législation et de la pratique nationales, ils n’ont pas le pouvoir ou n’estiment pas possible dans les circonstances d’annuler le licenciement et/ou d’ordonner ou de proposer la réintégration du travailleur, ils devront être habilités à ordonner le versement d’une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée. Le terme « adéquat » visé dans cette disposition signifie que l’indemnité pour licenciement injustifié doit, d’une part être suffisamment dissuasive pour éviter le licenciement injustifié, et d’autre part raisonnablement permettre l’indemnisation de la perte injustifiée de l’emploi. Or, les dispositions des articles L. 1235-3 et L. 1235-3-1 du code du travail qui octroient au salarié, en cas de licenciement injustifié, une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variant notamment en fonction du montant du salaire mensuel et de l’ancienneté du salarié et qui prévoient que, dans les cas de licenciements nuls, le barème ainsi institué n’est pas applicable, permettent raisonnablement l’indemnisation de la perte injustifiée de l’emploi. Le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l’employeur est également assuré par l’application, d’office par le juge, des dispositions de l’article L1235-4 du code du travail. Ces différentes dispositions sont donc de nature à permettre le versement d’une indemnité adéquate au sens de l’article 10 de la Convention n°158 de l’OIT, de sorte que le moyen afférent ne peut prospérer.
Compte tenu des effectifs de l’entreprise, de l’ancienneté de Mme [A], du salaire dont elle a été privée du fait du licenciement (1866 euros bruts par mois, par moyenne de l’ensemble de ses rémunérations), de ses qualifications, de ses difficultés à retrouver un emploi, de son âge (43 ans) et des justificatifs sur sa situation il lui sera alloué 13 060 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral et financier causé par la perte d’emploi injustifiée.
Les frais de procédure
L’appel a occasionné des frais qu’il serait inéquitable de laisser à la charge de Mme [A]. la société ANZIN devra donc lui régler une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile s’ajoutant à celle allouée par les premiers juges.
PAR CES MOTIFS, LA COUR
CONFIRME le jugement sauf en ce qu’il a rejeté la demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et chiffré l’indemnité de licenciement à la somme de 2900 euros
statuant à nouveau sur les dispositions infirmées et y ajoutant
CONDAMNE la société ANZIN à payer à Mme [A] les sommes suivantes :
– indemnité de licenciement: 2722, 01 euros
– dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse: 13 060 euros
– indemnité de procédure en appel’: 2500 euros
ORDONNE le remboursement par la société ANZIN à Pôle emploi des indemnités de chômage versées à Mme [A] suite au licenciement, dans la limite de 6 mois
DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes
CONDAMNE la société ANZIN aux dépens d’appel.
LE GREFFIER
Serge LAWECKI
LE PRESIDENT
Marie LE BRAS