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ARRÊT DU
14 Avril 2023
N° 611/23
N° RG 21/01994 – N° Portalis DBVT-V-B7F-T7CI
PS/CL
AJ
Jugement du
Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LILLE
en date du
28 Octobre 2021
(RG 20/00552 -section )
GROSSE :
aux avocats
le 14 Avril 2023
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
– Prud’Hommes-
APPELANTE :
Mme [F] [N]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Marie GRANGE, avocat au barreau de LILLE
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 59178/02/21/012775 du 17/12/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de DOUAI)
INTIMÉE :
E.U.R.L. RESTAURANT CASA JUANITO US L’ENSEIGNE L’ESPADON
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Marion NIVELLE, avocat au barreau de LILLE
DÉBATS : à l’audience publique du 07 Mars 2023
Tenue par Alain MOUYSSET
magistrat chargé d’instruire l’affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,
les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER : Annie LESIEUR
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Marie LE BRAS
: PRÉSIDENT DE CHAMBRE
Alain MOUYSSET
: CONSEILLER
Patrick SENDRAL
: CONSEILLER
ARRÊT : Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 14 Avril 2023,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par Marie LE BRAS, Président et par Serge LAWECKI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 14 février 2023
FAITS ET PROCEDURE
Le 10 janvier 2020 Mme [N] a été engagée en qualité de serveuse par la société RESTAURANT CASA JUANITO moyennant un salaire mensuel de 602 euros pour 15 heures hebdomadaires. Le 3 juillet 2020 elle a saisi le conseil de prud’hommes afin d’obtenir la résiliation de son contrat aux torts de l’employeur et le paiement de diverses sommes. Par jugement contradictoire ci-dessus référencé les premiers juges ont “constaté sa démission “, l’ont déboutée de ses demandes au titre de la résiliation et ont dit n’y avoir lieu à indemnité de procédure.
Vu l’appel formé par Mme [N] contre ce jugement et ses conclusions du 24/1/2022 ainsi libellées:
“PRONONCER la résiliation du contrat de travail avec les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
CONDAMNER la Société RESTAURANT CASA JUANITO au paiement des sommes suivantes :
-120.58€ au titre de l’indemnité de licenciement
-791.09€ au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-791.09€ au titre de l’indemnité compensatrice de préavis outre 79.10 € au titre des congés payés y afférent,
ORDONNER à peine d’astreinte l’établissement et la remise de l’ensemble de ses fiches de paye, son certificat de travail, d’une attestation Pôle emploi et du solde de tout compte
CONDAMNER la Société RESTAURANT CASA JUANITO à verser la somme de 3 000 € sur le fondement de l’article 37 de la loi de 1991 et 13 € au titre du droit de plaidoirie
REPARER l’omission de statuer commise par le Conseil de Prud’hommes relativement à l’ensemble des demandes suivantes et CONDAMNER l’employeur au paiement des sommes de :
-4.492.75 € au titre du rappel de salaire outre congés payés
-1.406,79€ au titre de l’indemnité d’activité partielle outre droit à congés payés y afférents
-1.000€ à titre de dommages et intérêts pour non versement de l’indemnité d’activité partielle
-791.09 € au titre du rappel de salaire dû pendant la période allant du 2 juin au 2 juillet 2020 outre les congés payés.
-4.746,54€ au titre de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.’
Vu l’absence de conclusion de l’intimée, son conseil ayant entendu dégager sa responsabilité,
MOTIFS
SES DEMANDES AU TITRE DE L’EXECUTION DU CONTRAT
Dans le dispositif du jugement le conseil de prud’hommes n’a pas statué sur les demandes relatives à l’exécution du contrat. Il convient donc de réparer cette omission et de statuer sur l’ensemble des demandes.
La demande de rappel de salaires
Aux termes de l’article L 3171-2 du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Il résulte de ces dispositions qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées prétendument accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre en produisant ses propres éléments.
En l’espèce, pour la période postérieure à la signature du CDI à temps partiel, dont elle ne sollicite pas la requalification en temps complet, Mme [N] produit un relevé d’heures auquel l’employeur n’apporte aucune contradiction. Le conseil de prud’hommes a rejeté la demande au motif que le contrat de travail était à temps partiel, ce qui n’est pas discuté, et qu’aucun transport public n’était possible aux heures prétendument effectuées, ce qui n’est pas suffisant pour écarter la demande.
Il ressort d’attestations concordantes et d’un échange de Sms que la salariée a cessé de se tenir à la disposition de son employeur le 3 février 2020. La réalité d’une embauche effective à temps plein à compter du 24/11/2019 ne résulte pas du document non daté dans lequel le gérant indique, en employant le futur, que la salariée ” exercera ” en qualité de serveuse moyennant 1522 euros de salaire à compter du 24/11/2019. Bien plus, il appert qu’à compter de cette date Mme [N] a été liée à la société intimée par une ” convention de mise en situation en milieu professionnel ” conclue sous l’égide de Pôle Emploi dans le cadre de laquelle elle était payée par cet organisme sans avoir la qualité de salariée de l’entreprise d’accueil. L’ancienneté de services à retenir s’étend donc du 10 janvier au 3 février 2020.
Vu les éléments produits aux débats, attestant à la fois d’une absence de paiement par l’employeur des heures complémentaires effectuées et d’une surévaluation par la salariée de leur nombre puisqu’elle englobe dans ses décomptes des heures déjà payées, la cour dispose d’éléments suffisants pour lui allouer la somme de 407,55 euros augmentée de l’indemnité de congés payés afférente.
La demande d’indemnité pour travail dissimulé
Il résulte du jugement et il n’est pas contesté que la société RESTAURANT CASA JUANITO a établi une déclaration préalable à l’embauche le 10 janvier 2020. Elle n’a été destinataire d’aucune invitation à régulariser le paiement des heures complémentaires dont le montant n’est pas significatif au regard du salaire de référence. Par ailleurs, la salariée a été recrutée après une période de mise en situation professionnelle organisée par Pôle Emploi dans un cadre légal rigoureux. L’article L 8223-1 du code du travail réservant le bénéfice de l’indemnité pour travail dissimulé aux seuls salariés auxquels l’employeur a eu recours en violation des articles L 8221-3 et L 8221-5 du code du travail, ce qui dans la présente affaire n’est pas avéré faute de dissimulation intentionnelle, la demande sera rejetée.
La demande au titre des salaires et dommages-intérêts au titre de l’absence de placement en activité partielle
Il ressort de ce qui précède que la salariée a cessé de se tenir à la disposition de son employeur avant l’entrée en vigueur des dispositions du 15 mars 2020 l’autorisant à recourir au dispositif d’activité partielle dans le cadre de la crise dite du Covid. Dans ces conditions l’employeur n’a pas commis de faute en ne lui proposant pas un tel dispositif. Les demandes seront donc rejetées.
La demande de résiliation du contrat de travail
Il résulte de ce qui précède que la salariée est fondée de reprocher à l’employeur de ne pas lui avoir payé ses heures complémentaires. Ces faits justifient, en raison de leur gravité, la résiliation du contrat de travail dont la poursuite était impossible. Le jugement sera donc infirmé y compris en ce qu’il a constaté la démission de la salariée ne pouvant résulter de ce qu’elle n’est plus venue travailler. La résiliation, aux torts de l’employeur, produira les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse à compter du 3 février 2020 date de cessation définitive des fonctions.
Vu son ancienneté d’à peine un mois la salariée n’a pas droit à l’indemnité de licenciement. A titre d’indemnité compensatrice de préavis elle a droit à 1 mois de salaire conformément au contrat de travail dérogeant sur ce point aux dispositions légales et conventionnelles. Compte tenu des effectifs de l’entreprise inférieurs à 11, de l’ancienneté de Mme [N], de son âge, du revenu dont elle a été privée, de ses qualifications et de ses difficultés à retrouver un emploi il y a lieu de lui allouer 500 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral et financier causé par la perte d’emploi injustifiée.
Les frais de procédure
L’appel a généré des frais qu’il serait inéquitable de laisser totalement à la charge de l’appelante. La société RESTAURANT CASA JUANITO devra donc lui payer une somme sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile tenant compte de ce qu’elle bénéficie de l’aide juridictionnelle totale.
PAR CES MOTIFS, LA COUR
INFIRME le jugement
Statuant à nouveau et y ajoutant
RESILIE le contrat de travail aux torts de l’employeur avec effet le 3 février 2020
CONDAMNE la société RESTAURANT CASA JUANITO à payer à Mme [N] les sommes suivantes:
heures complémentaires : 407,55 euros
indemnité de congés payés: 40,75 euros
indemnité compensatrice de préavis: 602 euros
indemnité de congés payés: 60,20 euros
dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse 500 euros
indemnité de procédure: 150 euros
ORDONNE la délivrance par l’employeur d’un certificat de travail, d’une attestation Pôle emploi et d’un bulletin de paie conformes au présent arrêt
DIT n’y avoir lieu à astreinte
DEBOUTE Mme [N] du surplus de ses demandes
CONDAMNE la société RESTAURANT CASA JUANITO aux dépens d’appel et de première instance.
LE GREFFIER
Serge LAWECKI
LE PRESIDENT
Marie LE BRAS