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Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 7
ARRET DU 13 AVRIL 2023
(n° , 6 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 18/04884 – N° Portalis 35L7-V-B7C-B5NW2
Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Mars 2018 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de CRETEIL – RG n° F16/02837
APPELANTE
Association ADEF RESIDENCES
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Yves CLAISSE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0500
INTIME
Monsieur [H] [B]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par Me Flora BARCLAIS, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC7
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 20 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Bérénice HUMBOURG, présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Bérénice HUMBOURG, présidente de chambre,
Madame Guillemette MEUNIER, présidente de chambre,
Monsieur Laurent ROULAUD, conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Marie-Charlotte BEHR
ARRET :
– CONTRADICTOIRE,
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Bérénice HUMBOURG, présidente de chambre, et par Madame Marie-Charlotte BEHR, Greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROC”DURE ET PR”TENTIONS DES PARTIES
L’association Adef Résidences (ci-après l’Association) est une association à caractère social, régie par les dispositions de la loi du 1er juillet 1901. Elle gère 42 établissements de type EHPAD, MAS ou FAM, disséminés sur tout le territoire national. Elle emploie plus de 10 salariés.
Son siège social est situé à [Localité 3], au sein duquel fonctionnent les services supports des établissements (RH, paie, informatique, logistique etc’).
L’Association a engagé M. [H] [B] suivant contrat de travail à temps plein du 31 août 2009 prenant effet à compter du 1er septembre 2009 en qualité de gestionnaire de paie, catégorie ETAM pour une durée de travail de 35 heures par semaine.
Le 19 mars 2015, M. [B] a été désigné membre du CHSCT. Le 2 novembre 2015, M. [B] a été désigné Représentant Syndical au Comité d’Entreprise.
M. [B] occupe toujours le poste de gestionnaire de paie, catégorie ETAM.
M. [B] a saisi le conseil de prud’hommes de Créteil le 29 septembre 2016 pour obtenir le paiement de diverses sommes.
Par jugement rendu le 5 mars 2018, le Conseil de prud’hommes a condamné l’Association au paiement des sommes suivantes :
– 3.366,19 euros au titre des heures supplémentaires et 336,20 euros au titre des congés payés afférents,
– 1.200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
L’Association Adef Résidences a interjeté appel partiel de ce jugement par déclaration du 3 avril 2018 et demande à la cour, par conclusions du 8 novembre 2018, d’infirmer le jugement en ce qu’il l’a condamnée au paiement de diverses sommes et statuant à nouveau, de :
– débouter M. [B] de ses demandes au titre des heures supplémentaires concernant la période du 1er septembre 2013 au 31 août 2016,
– confirmer le jugement rendu le 5 mars 2018 par le Conseil de prud’hommes de Créteil en ce qu’il a débouté M. [B] de sa demande de dommages-intérêts au titre de l’infraction de travail dissimulé,
En tout état de cause,
– condamner M. [B] au versement de la somme de 1.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
Selon dernières conclusions du 10 août 2018, M. [B] demande à la cour de :
– confirmer le jugement rendu le 5 mars 2018 en ce qu’il a condamné l’Association à lui verser la somme de 3.366,19 euros à titre de rappel de salaire majoré pour heures supplémentaires et 336,20 euros d’indemnité compensatrice de congés payés en incidence, ordonné la délivrance d’un bulletin de paie unique correspondant à l’ensemble des créances salariales et condamné la société à verser au demandeur la somme de 1.200 euros d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;
– infirmer le jugement en ce qu’il a rejeté toutes autres demandes, et, statuant à nouveau, – juger que le versement des primes exceptionnelles ne peut tenir lieu de règlement des heures supplémentaires, peu important que le montant de ces primes paraisse correspondre à celui des heures supplémentaires effectuées ;
– juger que la rémunération des heures supplémentaires effectuées sous forme de primes exceptionnelles caractérise une volonté de l’employeur de se soustraire aux formalités énumérées à l’article L. 8221-5 du code du travail ;
En conséquence,
– condamner l’Association Adef Résidences à lui verser la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé ;
– condamner l’Association Adef Résidences à lui verser 3000 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile outre les dépens.
Pour un exposé des moyens des parties, la cour se réfère expressément aux conclusions transmises par la voie électronique.
L’instruction a été déclarée close le 7 décembre 2022.
MOTIFS
Sur les heures supplémentaires
L’Association conteste la réalisation d’heures supplémentaires non rémunérées et expose que le règlement des heures supplémentaires figurant sur les bulletins de paye est consécutif aux déclarations de M. [B] quant à l’utilisation de ses heures de délégation.
M. [B] évalue son rappel d’heures supplémentaires à la somme de 3.366,19 euros pour la période du 1er septembre 2013 au 31 août 2016 selon le détail suivant : 22,56 HS majorées pour la période du 1er septembre au 31 décembre 2013, 36,76 HS majorées pour l’année 2014, 47,18 HS majorés pour l’année 2015 et 38,08 HS majorées pour la période du 1er janvier au 31 août 2016. Il précise que seules les heures supplémentaires correspondant à l’utilisation de ses heures de délégation après 18h30 ou pendant le week-end, c’est-à-dire en dehors de la plage variable de travail effectif, lui ont été payées.
Aux termes de l’article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l’article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l’employeur tient à la disposition de l’inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.
Enfin, selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
Au soutien de sa demande, le salarié produit :
– divers documents ou lettres dans lesquels il faisait état de la réalisation d’heures supplémentaires (entretien individuel, lettres recommandées avec AR des 4 et 29 mars 2016),
– ses relevés de pointage couvrant toute la période litigieuse du 1er septembre 2013 au 31 août 2016 mentionnant par jour l’heure d’arrivée et de départ et les heures de la pause méridienne, outre les heures travaillées par jour, le cumul journalier des heures au-delà de 7 heures et le cumul mensuel,
– les fiches de demandes de RTT,
– un tableau récapitulatif des heures supplémentaires alléguées par mois sur la période mentionnant une déduction au titre des «RTT» de 7 heures par mois, le total non payé réclamé sur l’année et en outre pour 2015 et 2016 la mention des heures d’ores et déjà payées effectuées après 18h30 ou le week-end du fait de ses mandats,
– ses bulletins de paie entre juillet 2015 et juin 2016 mentionnant le paiement d’heures supplémentaires.
Le salarié présente ainsi des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
L’Association soutient que les éléments produits par le salarié ne constituent pas un relevé de pointage des horaires de travail effectif mais simplement un relevé des heures auxquelles M. [B] est entré et sorti du bâtiment dans lequel le siège social est situé ; qu’en outre il en ressort qu’il ne prenait aucune autre pause dans la journée que celle du midi, ce qui semble invraisemblable et qu’ainsi cet élément n’est pas suffisant à caractériser des heures de travail effectif.
Le conseil de prud’hommes a relevé à juste titre que la société ne produisait aucun élément de nature à justifier l’horaire de travail du salarié et se contentait de contester la créance, au motif que le système de badgeage est un outil destiné à assurer la sécurité sur le site et qui n’a pas pour objet de contrôler la durée du travail. Or, il appartient à l’Association de produire des éléments de nature à justifier des horaires qui, selon elle, auraient été réellement exécutés par M. [B], ce qu’elle ne fait pas et elle ne justifie pas plus de quelle manière elle mesurait le temps de travail de ce dernier.
En second lieu, l’Association fait valoir que seules les heures supplémentaires effectuées à sa demande ou, à tout le moins, avec son accord, ouvrent droit à rémunération et qu’elle n’a jamais demandé à M. [B] d’accomplir des heures supplémentaires, celui-ci ayant reconnu maîtriser parfaitement son poste dès 2013.
Toutefois, la maîtrise d’un poste n’exclut pas en soi la réalisation d’heures supplémentaires et les relevés du badge du salarié étant connus de son employeur, les éventuelles heures supplémentaires réalisées l’étaient de fait avec son accord tacite puisqu’il ne s’y est pas opposé, peu important également que le salarié ait ou non réclamé le paiement d’heures supplémentaires avant la saisine du conseil.
En revanche, l’Association relève à juste titre que la durée du travail étant légalement fondée sur un décompte hebdomadaire, les heures supplémentaires doivent s’apprécier semaine par semaine et non sur un mois.
Or, les relevés de badge produits par le salarié mentionne un cumul «jour» des heures ou minutes travaillées au-delà ou en deçà de 7 heures quotidiennes et un cumul «mensuel», alors que les heures supplémentaires doivent être calculées sur le temps de travail effectué au-delà de 35 heures par semaine civile.
Ainsi, il résulte de l’ensemble des éléments soumis à la cour par les parties que M. [B] a bien exécuté des heures supplémentaires qui ne lui ont pas été rémunérées, mais dans une proportion moindre, toutefois, que ce qu’il indique au vu des relevés examinés par semaine civile. La créance en résultant s’élève à la somme de 2 000 euros bruts, outre 200 euros bruts au titre des congés payés afférents.
Le jugement sera infirmé en ce sens.
Sur le travail dissimulé
Le salarié considère que c’est délibérément que son employeur a fait le choix de refuser de régler les heures supplémentaires effectuées pendant la plage variable de travail effectif (entre 8h et 18h30 sur la période litigieuse) tout en acceptant de régler les heures de délégation effectuées après 18h30 ou durant le week-end ; qu’en outre des primes exceptionnelles ont commencé à lui être versées à compter de l’année 2013 afin de «compenser» le non règlement de ces heures supplémentaires, M. [B] détaillant la perception de 6.600 euros de primes exceptionnelles entre 2013 et 2016. Il caractérise le préjudice subi du fait de l’absence de déclaration d’une partie de son emploi aux organismes sociaux ce qui impactera ses droits au Pôle Emploi et à la retraite.
La société conteste toute intention de dissimulation et rappelle qu’elle réglait de manière régulière les heures supplémentaires dues, le salarié ne justifiant en outre d’aucun préjudice.
En application de l’article L. 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour l’employeur de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de certaines formalités telle que la remise des bulletins de paie avec mention d’un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement effectué.
En l’absence de rupture du contrat de travail, le salarié peut prétendre à des dommages-intérêts s’il prouve une faute de son employeur et la réalité du préjudice allégué.
Il ne ressort pas des pièces produites et notamment des courriers allouant des primes exceptionnelles que l’Association ait entendu les verser afin de rémunérer les heures supplémentaires accomplies. En effet, outre le fait que ces courriers mentionnaient comme cause du versement l’investissement ou la contribution du salarié à la performance de son service, le montant total de ces primes est bien supérieur à celui des heures supplémentaires dont M. [B] a sollicité le paiement.
De même aucune conséquence ne peut être tirée, d’une part, d’un courriel émanant du conseil de l’Association du 29 mai 2013 attirant son attention, d’une façon générale, sur une jurisprudence portant sur les heures supplémentaires payées par des primes exceptionnelles, sans aucune mention de la situation de M. [B] ou d’une pratique de l’employeur et, d’autre part, d’un procès-verbal de la réunion des délégués du personnel du 22 mars 2017 mentionnant uniquement la suppression des primes exceptionnelles.
Ainsi, le seul fait pour l’Association d’avoir payé et mentionné un nombre d’heures supplémentaires erroné est insuffisant à établir sa volonté de dissimulation, étant observé que la cour a retenu une somme moindre que celle demandée.
En tout état de cause, s’agissant du préjudice, la condamnation de l’employeur portant sur une somme exprimée en brut, le salarié sera rétabli dans ses droits s’agissant notamment de ses cotisations retraite.
Le jugement sera confirmé en ce sens.
Sur les demandes accessoires
Il convient d’ordonner la remise d’une fiche de paie récapitulative conforme à la présente décision.
L’Association qui succombe partiellement supportera les dépens et devra participer aux frais irrépétibles engagés par le salarié en cause d’appel à hauteur de 1 500 euros, la somme allouée pour la première instance étant confirmée.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
CONFIRME le jugement sauf sur le montant du rappel de salaire alloué,
CONDAMNE l’Association Adef Résidences à verser à M. [B] les sommes de :
– 2 000 euros bruts au titre des heures supplémentaires et 200 euros bruts au titre des congés payés afférents,
– 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
ORDONNE à l’Association Adef Résidences de remettre à M. [B] une fiche de paie récapitulative conforme à la présente décision,
CONDAMNE l’Association Adef Résidences aux dépens.
La greffière, La présidente.