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N° RG 21/02459 – N° Portalis DBV2-V-B7F-IZTU
COUR D’APPEL DE ROUEN
CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE
SECURITE SOCIALE
ARRET DU 11 MAI 2023
DÉCISION DÉFÉRÉE :
Jugement du CONSEIL DE PRUD’HOMMES DE BERNAY du 21 Mai 2021
APPELANT :
Monsieur [Y] [S]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représenté par Me Anne-Laure COCONNIER de la SELARL VERDIER MOUCHABAC, avocat au barreau de l’EURE
INTIMEE :
S.A.R.L. LES TERRASSES DE [Localité 3]
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Erick LECOEUR de la SELARL LECOEUR & DUMONTIER-SERREAU, avocat au barreau de ROUEN substituée par Me Astrid GENTES, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 06 Avril 2023 sans opposition des parties devant Madame POUGET, Conseillère, magistrat chargé du rapport.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame BIDEAULT, Présidente
Madame ALVARADE, Présidente
Madame POUGET, Conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme WERNER, Greffière
DEBATS :
A l’audience publique du 06 Avril 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 11 Mai 2023
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé le 11 Mai 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
signé par Madame BIDEAULT, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.
EXPOSÉ DU LITIGE
Le 10 juillet 2018, M. [Y] [S] a été engagé en qualité de cuisinier par la société Les terrasses de [Localité 3] (la société) selon un contrat à durée indéterminée.
Le 7 novembre 2019, il s’est vu convoquer à un entretien préalable à un éventuel licenciement qui a eu lieu le 19 novembre 2019.
Par courrier daté du 22 novembre 2019, la société a notifié à M. [S] son licenciement pour faute grave.
Contestant cette décision, il a saisi le conseil de prud’hommes de Bernay, lequel par jugement du 21 mai 2021, a :
– débouté M. [S] de l’ensemble de ses demandes,
– débouté la société de l’ensemble de ses demandes,
– mis les dépens à la charge respective des parties.
M. [S] a relevé appel de cette décision le 15 juin 2021 et par conclusions remises le 20 août 2021, il demande à la cour de :
– infirmer le jugement du conseil de prud’hommes,
– juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– juger que son licenciement a été prononcé dans des conditions vexatoires,
– juger qu’il a réalisé des heures supplémentaires et, à titre subsidiaire,
– juger que la société a violé les règles relatives au décompte obligatoire par l’employeur des heures de travail du salarié non occupé selon un horaire collectif,
– juger que la société a dissimulé une partie des heures qu’il a travaillées,
– juger que la société n’a pas respecté les durées de travail maximales quotidiennes et hebdomadaires,
– condamner la société à lui payer les sommes suivantes :
829 euros au titre de l’indemnité de licenciement,
2 494 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
249 euros au titre des congés payés afférents,
4 988 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
5 000 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement vexatoire,
62 003 euros à titre de rappel de salaires au titre des heures supplémentaires, outre 6 200 euros au titre des congés payés afférents,
62 003 euros au titre des dommages et intérêts pour violation des règles relatives au décompte obligatoire par l’employeur des heures de travail du salarié non occupé selon un horaire collectif,
14 964 euros à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
5 000 euros au titre des dommages et intérêts pour dépassement des durées maximales de travail,
2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société aux dépens.
Par conclusions remises le 13 octobre 2021, la société demande à la cour de :
– débouter M. [S] de toutes ses demandes,
– confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,
– condamner M. [S] à lui régler la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
L’ordonnance de clôture a été fixée au 16 mars 2023.
Il est renvoyé aux conclusions des parties pour l’exposé détaillé de leurs moyens et arguments.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur les heures supplémentaires
Aux termes de L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
M. [S], engagé sur la base mensuelle de 169 heures, fait valoir que du 10 juillet 2018 jusqu’au 15 mars 2019, il a travaillé seul en cuisine, ce qui l’a contraint à accomplir des heures supplémentaires.
Il verse aux débats les éléments suivants :
– un courrier du 19 septembre 2019 de son employeur dans lequel ce dernier reconnaît que « lors des 6 premiers mois de l’arrivée » du salarié, celui-ci était « la seule personne en cuisine assurant des soirées de 20, 30 à 40 couverts » selon les saisons, qu’il a embauché une aide en cuisine à temps complet à compter du 15 mars 2019 et lui a accordé plusieurs jours de congés (une semaine en septembre 2018, des jours pour le mariage de son fils, des jours de congés fin décembre 2018 et en avril 2019),
– le courrier en réponse du salarié faisant état du succès rencontré par le restaurant et de « pics de 80 couverts par journée », « d’un rythme anormal pour une personne seule en cuisine », d’heures de repos à « préparer et à passer les commandes », de l’inexpérience de l’aide de cuisine engagée et « de plus de 55 heures de travail par semaine pendant 3 mois »,
– des bulletins de salaires faisant état du paiement de 17,33 heures supplémentaires chaque mois.
Il indique que jusqu’au 15 mars 2019, il travaillait cinq jours par semaine selon les horaires suivants : 8h30 à 15h puis de 18h à 23h45, soit 50 heures par semaine. Puis après l’embauche de l’aide de cuisine, il travaillait sur quatre jours durant 45 heures par semaine de 8h30 à 14h30 puis de 18h à 22h45.
Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l’employeur d’y répondre.
Au-delà des remarques et allégations sans incidence sur l’objet du débat, l’employeur nie la fréquentation du restaurant indiquée par le salarié et indique que celui-ci est situé dans le village de [Localité 3], qu’il a connu « une bonne fréquentation » les week-ends et durant les vacances estivales mais que durant la basse saison, il ne pouvait faire « que 5 à 6 couverts » voire aucun durant l’hiver.
Pour autant, s’il est vrai que la fréquentation d’un restaurant varie au cours de la semaine et des saisons, la cour constate que l’employeur ne produit pas d’éléments objectifs lui permettant réellement de l’apprécier.
Cependant, il fournit deux attestations de salariées : l’une indiquant qu’elle effectuait la vaisselle « pendant 15 mois » (Mme [D]) et l’autre (Mme [M]) qu’il lui a été demandé par l’employeur de nettoyer les cuisines sans que la période de son intervention soit précisée. Il produit également des plannings de M. [S] de juillet 2018 à septembre 2019 faisant état d’un « temps de travail effectif de 39 heures » et enfin, la liste des tâches du commis de cuisine.
La cour relève que ces derniers documents ne sont pas signés par le salarié à l’exception de celui d’octobre 2019 et celui du mois suivant est annoté par ce dernier qui reconnaît avoir accompli 40h15 la semaine du 5 novembre 2019.
Au surplus, ces plannings font état des mêmes horaires de travail chaque semaine soit 8,50 heures le lundi, 7 h le mardi, 8h le jeudi et 9 h les samedi et dimanche, ce qui est contradictoire avec les éléments ci-dessus développés par l’employeur. En effet, ce dernier a reconnu une activité soutenue du salarié durant la période estivale, les week-ends et les premiers mois d’embauche où il travaillait seul en cuisine, pour autant son volume horaire de travail n’augmente pas. De même, la cour constate que ce même volume demeure identique après l’embauche d’une aide en cuisine pour « soulager » M. [S], selon l’employeur.
Pourtant tenu d’assurer le contrôle du temps de travail de ses salariés, l’employeur ne justifie pas, par les pièces produites, des heures réellement effectuées par son salarié.
Par conséquent, eu égard à l’ensemble des éléments produits par les parties, aux remarques ci-dessus, au taux horaire, aux majorations applicables, aux heures supplémentaires réglées et sans qu’il soit mesure d’ordonner une mesure d’expertise, il sera fait droit à la demande de M. [S] à hauteur de 6 737,88 euros, outre les congés payés y afférents pour la somme de 673,79 euros.
La décision déférée est infirmée sur ce chef et il n’y a pas lieu de statuer sur la demande de dommages-intérêts pour violation des règles relatives au décompte obligatoire des heures de travail puisqu’elle est formée à titre subsidiaire.
Sur les durées quotidienne et hebdomadaire de travail
Arguant du bénéfice des dispositions combinées des articles L. 3121-18 et L. 3121-20 du code du travail, le salarié soutient que son employeur n’a pas respecté les durées maximales quotidienne et hebdomadaire de travail.
Toutefois, il ressort des précédents développements que la cour n’a pas retenu les volumes horaires allégués par le salarié mais des quantum bien inférieurs qui n’établissent pas un dépassement des durées de travail considérées.
La décision déférée sera confirmée en ce qu’elle a rejeté cette prétention.
Sur le travail dissimulé
Aux termes de l’article L 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait, notamment, pour tout employeur :
– soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d’un bulletin de paie ou d’un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;
– soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.
L’article L 8223-1 du même code dispose qu’en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l’article L 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
Les précédents développements ont permis d’établir que des heures supplémentaires ont été payées par l’employeur et que d’autres, dans des proportions bien inférieures à celles indiquées par le salarié, ne l’ont pas été. Pour autant, dans leurs échanges de courriers, le salarié n’a pas formé de demande à ce titre, de sorte qu’il ne peut être établi une volonté de dissimulation desdites heures supplémentaires permettant de caractériser l’élément intentionnel de l’infraction reprochée à l’employeur.
Le jugement doit être confirmé sur ce chef.
Sur le licenciement verbal
M. [S] soutient que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse en ce qu’il lui a été notifié verbalement le 23 novembre 2019 au soir en lui demandant de quitter l’entreprise et ce, alors qu’aucun motif écrit n’avait été porté à sa connaissance. De plus, il fait valoir que la société ne justifie pas de la date d’envoi du courrier de licenciement et encore moins de celle de sa notification.
L’employeur conclut au rejet de ce moyen. Il indique que la lettre de congédiement a été envoyée le 23 novembre 2019 et que s’il lui a été demandé de quitter le restaurant le 23 novembre au soir, c’est nécessairement postérieurement à l’envoi de ladite lettre.
En application de l’article L 1232-6 du code du travail, l’employeur qui décide de licencier un salarié doit notifier le licenciement par lettre recommandée avec avis de réception.
Le licenciement verbal est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
La rupture du contrat de travail se situe à la date où l’employeur a manifesté sa volonté d’y mettre fin, c’est-à-dire au jour de l’envoi de la lettre recommandée avec demande d’avis de réception notifiant la rupture.
L’envoi de la lettre de licenciement par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, ne constitue pas une formalité substantielle mais un mode de preuve du licenciement. La preuve de la notification du licenciement peut être apportée par tous moyens. Il appartient au salarié qui prétend avoir fait l’objet d’un congédiement verbal d’en apporter la preuve.
Il ressort de l’avis de dépôt de la lettre de licenciement que celle-ci a été déposée le 23 novembre 2019 à 9h56. Or, le salarié allègue que son employeur lui a demandé de quitter l’entreprise le 23 novembre au soir.
Quand bien même ce dernier fait serait démontré, ce qui n’est pas le cas et qu’il est contesté, la cour relève que l’employeur avait préalablement rompu le contrat de travail par l’envoi de ladite lettre contenant les motifs du licenciement, de sorte que la réitération verbale de la décision de licenciement postérieurement audit envoi, est dénuée de conséquences juridiques.
Par conséquent, le jugement déféré est confirmé sur ce chef.
Sur le licenciement pour faute grave
La faute grave s’entend d’une faute d’une particulière gravité ayant pour conséquence d’interdire le maintien du salarié dans l’entreprise.
La preuve des faits constitutifs de faute grave incombe à l’employeur et à lui seul et il appartient au juge du contrat de travail d’apprécier au vu des éléments de preuve figurant au dossier si les faits invoqués dans la lettre de licenciement sont établis, imputables au salarié, et s’ils ont revêtu un caractère de gravité suffisante pour justifier son éviction.
La lettre de licenciement est ainsi motivée :
« (‘) les motifs de ce licenciement sont les suivants :
– Le 22 octobre 2019, vous avez fait preuve d’insubordination et d’un comportement provocateur en refusant une convocation à un entretien avec moi-même pour planifier l’organisation et le planning de votre équipe.
– Le 25 octobre, malgré des demandes répétées de la direction toute la journée, vous avez délibérément transmis tardivement différents menus pour le service du soir et de commandes de clients pour les jours suivants. Ces faits ont désorganisé le bon fonctionnement de la société (‘).
– A plusieurs reprises, vous avez bousculé volontairement et brutalement le personnel de service en salle malgré nos rappels à l’ordre. Ces faits se sont produits à de nombreuses reprises ayant même à faire tomber la personne, et pour l’aider à se relever, la soulever par les fesses. Le 9 novembre 2019, vous avez une nouvelle fois bousculée, Madame [Z], et ceci devant la direction. Nous ne pouvons tolérer ce comportement agressif et avec des gestes déplacés envers vos collègues.
– Malgré nos diverses relances orales et écrites, vous refusez de nettoyer et de remettre en ordre la cuisine à la fin du service, tâches précisées dans le contrat de travail. Ce refus a occasionné un non-respect des normes d’hygiène et de sécurité en vigueur pouvant nuire à la qualité à la réputation de l’établissement et nous obligeant à réorganiser les services et plannings pour faire intervenir vos collègues du service d’entretien des chambres durant votre journée de repos.
– Malgré nos relances orales et écrites, vous négligez et refusez de respecter les normes d’hygiène en vigueur au niveau de la conservation des aliments, ainsi que sur le pointage des températures des chambres froides et frigos. Une nouvelle fois, la semaine du 18 novembre 2019, nous avons constaté qu’aucun pointage température des appareils n’avait été fait.
– Malgré mes nombreuses demandes, vous refusez chaque semaine, et une nouvelle fois la semaine du 19 au 23 novembre 2019, de respecter et de faire respecter le planning hebdomadaire des horaires de travail, et ceci pour les heures d’arrivée, tout cela sans l’accord de la direction, ce manquement pénalisant l’organisation et engendrant une perte financière pour la société.
– Non-respect du pointage horaire, le 6 novembre alors que vous êtes parti à 14h16, vous pointez un départ à 14h30, ceci alors que le matin même je vous demandais de bien respectait le pointage des heures.
– Non-respect et dénigrement de l’autorité ou du personnel féminin, vous persistez à ne pas respecter ou ignorer les avis et demandes de mon épouse gérante, cela s’est produit une nouvelle fois le vendredi 22 novembre alors que vous deviez l’appeler pour prendre des plats, les propos ont été : « allô et allô » et ceci devant le personnel de service. Votre problème avec la gente féminine a été une nouvelle fois mise en avant lorsque lors de l’entretien du 19 novembre 2019, vous avez exprimé en parlant de votre commis de cuisine qui n’était pas assez compétente d’après vous « qu’en plus c’était une femme », à cela s’ajoute le fait que vous estimez que l’enlèvement des poubelles de cuisine est une affaire de femmes.
– Le samedi 11 novembre 2019 lors du service de week-end, on ne propose qu’un seul menu à 25 € afin de faire le moins de travail de préparation possible pour un menu plus élaboré, vous avez pris l’initiative sans en parler avec la direction de passer plusieurs plats du menu à 16 € de la semaine dans le menu à 25 €. Cette initiative a pénalisé notre image vis-à-vis des clients qui s’en sont aperçus et qui n’ont pas appréciés.
Nous considérons que ces faits constituent une faute grave rendant impossible votre maintien temporaire dans l’entreprise (…) ».
Alors que les différents faits sont contestés par le salarié, la cour relève que l’employeur ne produit pas de pièces permettant d’établir la matérialité des griefs datés des 22 et 25 octobre 2019, ainsi que ceux relatifs au non-respect du planning hebdomadaire des horaires de travail, au fait de ne pas avoir procédé au pointage horaire la journée du 6 novembre ou encore concernant le menu du 11 novembre proposé.
Il en est de même des prétendues « bousculades » de personnel et de Mme [Z], la journée du 9 novembre 2019, puisque la main-courante de cette dernière ne fait aucunement état de tels faits mais dénonce uniquement des prétendues pressions de l’appelant pour revenir sur des propos qu’elle aurait tenus, soit un élément qui n’est pas évoqué dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige.
Au-delà du fait que les refus réitérés du salarié de nettoyer la cuisine ne peuvent être établis par le fait qu’il ait été demandé à une autre salariée de le faire, comme cela a été précédemment évoqué, les photographies produites d’aliments ne démontrent pas plus le non-respect des normes d’hygiène et de sécurité reproché à l’appelant, si bien que la preuve de ce grief n’est pas non plus rapportée.
Par ailleurs, l’attestation de Mme [H], co-gérante et épouse du gérant, est dénuée de valeur probante eu égard à son statut et à ses liens avec M. [X], signataire de la lettre de licenciement, si bien que le grief tiré du non-respect et du dénigrement de l’autorité et du personnel féminin n’est pas établi.
Concernant le défaut de pointage de la température des chambres froides et frigo, il convient de constater qu’aucun reproche n’a jamais été adressé au salarié sur ce point et que la pièce n°17 relative à l’enregistrement des températures ne contient pas de tableau concernant la semaine du 18 novembre 2019 visée dans la lettre de licenciement.
Enfin, l’employeur ne justifie d’aucune « relance orale ou écrite » telle qu’évoquée dans la lettre de licenciement, pas plus que du mécontentement de clients ou de la désorganisation de l’entreprise qui résulterait du comportement du salarié.
Ainsi, la cour constate que l’employeur échoue à rapporter la preuve des griefs reprochés au salarié et, partant, à justifier son licenciement pour faute grave ou même pour cause réelle et sérieuse.
Il sera fait droit aux demandes formées au titre des indemnités de licenciement et compensatrice de préavis, lesquelles ne sont pas utilement discutées.
L’article L.1235-3 du code du travail, dans sa version en vigueur, fixe l’indemnité du salarié ayant plus d’un an d’ancienneté dans une entreprise employant habituellement moins de 11 salariés, entre 0,5 et 2 mois de salaire.
Dans ces conditions et en l’absence d’élément concernant la situation postérieure à la rupture, il convient d’allouer au salarié la somme de 2 500 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La décision déférée est par conséquent infirmée sur ces chefs.
En revanche, elle est confirmée en ce qu’elle a rejeté la demande de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire lequel ne peut résulter du seul fait que des accusations de la lettre de licenciement concernent une de ses anciennes collègues féminines et qu’il habite le même village que son ancien employeur. Ceci est d’autant plus exact que l’arrêt a considéré comme non établis les griefs reprochés de sorte que le salarié ne peut valablement évoquer une atteinte à son honneur et à sa probité.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
En qualité de partie succombante, la société est condamnée aux dépens de première instance et d’appel et déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles.
Pour le même motif, elle est condamnée à payer au salarié la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Infirme le jugement du conseil de prud’hommes de Bernay du 21 mai 2021, sauf en ses dispositions relatives au travail dissimulé, aux dommages-intérêts pour licenciement vexatoire et pour dépassement des durées quotidienne et hebdomadaire de travail,
Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant,
Dit que le licenciement de M. [Y] [S] est dénué de cause réelle et sérieuse,
Condamne la société Les terrasses de [Localité 3] à payer à M. [S] les sommes suivantes :
6 737,88 euros de rappel de salaire pour heures supplémentaires, outre les congés payés y afférents pour la somme de 673,79 euros,
2 500 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
829 euros au titre de l’indemnité de licenciement,
2 494 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 249 euros au titre des congés payés afférents,
2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;
Condamne la société Les terrasses de [Localité 3] aux dépens de première instance et d’appel.
La greffière La présidente