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PC/PR
ARRET N° 264
N° RG 21/01272
N° Portalis DBV5-V-B7F-GH73
[Y]
C/
Association RADIO COLLEGE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE POITIERS
Chambre sociale
ARRÊT DU 11 MAI 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 mars 2021 rendu par le Conseil de Prud’hommes de LA ROCHELLE
APPELANTE :
Madame [O] [Y]
née le 05 décembre 1972 à [Localité 6] (17)
[Adresse 2]
[Localité 1]
Ayant pour avocat Me Pascal MOMMEE de l’ASSOCIATION CABINET MOMMÉE-PRÉVOST, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT
INTIMÉE :
Association RADIO COLLEGE
N° SIRET : 349 391 474
Collège d'[Localité 3]
[Adresse 5]
[Localité 3]
Ayant pour avocat postulant Me Christophe BELLIOT, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT
Ayant pour avocat plaidant Me Lorène BEAUDOUX, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 907 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 07 février 2023, en audience publique, devant :
Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président
Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente
Madame Valérie COLLET, Conseiller
GREFFIER, lors des débats : Monsieur Damien LEYMONIS
GREFFIER, lors du délibéré : Madame Patricia RIVIERE
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile que l’arrêt serait rendu le 27 avril 2023. A cette date, le délibéré a été prorogé au 11 mai 2023.
– Signé par Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président, et par Madame Patricia RIVIERE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE :
Mme [O] [Y] a été engagée en qualité de journaliste animateur radio par l’association Radio Collège à compter du 24 avril 2017 dans le cadre d’un contrat d’accompagnement dans l’emploi, moyennant un salaire de 930 € brut pour une durée de travail hebdomadaire de 22 heures.
Mme [Y] a été placée en arrêt de travail pour maladie du 20 septembre 2017 au 29 janvier 2019.
Le 30 janvier 2019, Mme [Y] adressait au président de l’association un courrier recommandé dans lequel elle indiquait solliciter d’entrer en négociation en vue de procéder à une rupture anticipée du CDD.CAE.
Le 7 février 2018, les parties signaient un document intitulé ‘résiliation d’un commun accord d’un contrat à durée déterminée de façon anticipée’ stipulant notamment que la cessation définitive du contrat est fixée au 7 février 2018, que Mme [Y] percevra l’indemnité compensatrice de congés payés, correspondant aux congés acquis mais non utilisés au nouveau terme du contrat et le salaire brut du dernier mois.
Par requête reçue le 25 septembre 2019, Mme [Y] a saisi le conseil de prud’hommes de La Rochelle d’une action en paiement de rappel de rémunération, en requalification de la rupture du contrat en licenciement sans cause réelle et sérieuse du fait du harcèlement moral dont elle prétendait avoir été victime et en paiement des indemnités subséquentes à la requalification.
Par jugement du 25 mars 2021, le conseil de prud’hommes de La Rochelle a :
– débouté Mme [Y] de toutes ses demandes,
– débouté l’association Radio Collège de sa demande reconventionnelle en application de l’article 700 du C.P.C.,
– laissé à chaque partie la charge des dépens par elles avancés.
Mme [Y] a interjeté appel de cette décision selon déclaration transmise au greffe de la cour le 19 avril 2021.
La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance du magistrat de la mise en état en date du 10 janvier 2023.
Au terme de ses dernières conclusions remises et notifiées le 12 juillet 2021, auxquelles il convient à ce stade de se référer pour l’exposé détaillé des éléments de droit et de fait, Mme [Y] demande à la cour, réformant le jugement entrepris :
– de condamner l’association Radio Collège à lui payer la somme de 2 135,49 € brut à titre de rappel de rémunération sur heures complémentaires et supplémentaires et celle de 213,50 € au titre des congés payés y afférents, avec intérêts de droit depuis la saisine du conseil de prud’hommes et capitalisation,
– de juger qu’elle a été victime d’un harcèlement moral au travail sans que l’employeur prenne toute disposition pour l’empêcher,
– de déclarer la rupture amiable du 7 février 2018 nulle et de la requalifier en licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– de condamner l’association Radio Collège à lui payer une somme équivalente au salaire brut qu’elle aurait dû percevoir jusqu’à la fin du contrat, en ce compris les congés payés, soit 4 689,64 € brut, avec intérêts de droit depuis la saisine du conseil de prud’hommes et capitalisation,
– de condamner l’association Radio Collège à lui payer la somme de 10 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice lié au harcèlement,
– de condamner l’association Radio Collège à lui payer la somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du C.P.C., outre les dépens.
Par conclusions remises et notifiées le 8 octobre 2021 auxquelles il convient également de se référer pour l’exposé détaillé des éléments de droit et de fait, l’association Radio Collège demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et, y ajoutant, de condamner Mme [Y] à lui payer la somme de 3 000 € en application de l’article 700 du C.P.C. à hauteur d’appel, outre les entiers dépens.
MOTIFS
I – Sur la demande en paiement de rappel de rémunération au titre d’heures complémentaires et supplémentaires :
Le salarié peut prétendre au paiement des heures supplémentaires accomplies, soit avec l’accord au moins implicite de l’employeur, soit rendues nécessaires par les tâches qui lui ont été confiées.
En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
Les éléments apportés par le salarié peuvent être établis unilatéralement par ses soins, la seule exigence posée étant qu’ils soient suffisamment précis pour que l’employeur puisse y répondre.
Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences légales et réglementaires précitées.
Dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant sans être tenu de préciser le détail de son calcul.
En l’espèce, il est constant :
– que Mme [Y] a été engagée en qualité de journaliste – animateur radio avec mission de préparer les journaux, de réaliser des reportages et les présenter à l’antenne, sur la base d’une durée de travail hebdomadaire de 22 heures, l’article 5 du contrat de travail précisant que la durée hebdomadaire de travail peut varier sur tout ou partie de la période contractuelle sans être supérieure à la durée légale hebdomadaire,
– qu’a été annexé au contrat de travail un tableau des horaires ainsi détaillés :
> lundi 9h-12h30, 13h30-16h
> mardi 9h-12h30, 13h30-16h
> mercredi 8h – 12h30
> jeudi
> vendredi 9h00 – 12h30 13h30 – 15h30.
Au soutien de sa demande de rappel de rémunération, Mme [Y] expose :
– qu’elle a établi des calendriers manuscrits tenus au jour le jour distinguant les horaires effectués au sein de la radio et ceux effectués à domicile, la réalité de ces derniers étant établie par des correspondances échangées avec l’employeur auquel elle transmettait par mails les fichiers numériques qu’elle avait réalisés chez elle,
– qu’il est indifférent que l’employeur n’ait pas été destinataire d’une demande d’heures supplémentaires, alors même qu’il ne pouvait ignorer leur exécution, s’agissant notamment du remplacement d’une collègue en vacances pendant lequel elle a dû préparer six émissions du mercredi 5 juillet au mercredi 12 juillet inclus, y compris la matinale du jeudi 6 juillet (jour de repos) tout en continuant la production des ‘zooms’ et des ‘flashs’
– qu’il est impossible d’écarter l’ensemble des documents produits au motif qu’un récapitulatif comporte une erreur voire une série d’erreurs, que si elle a pris quatre mercredis en août 2014, elle a quand même travaillé à domicile même si elle a mentionné être ‘en repos’ l’après-midi,
– que sa situation de bénéficiaire d’une formation dans le cadre d’un contrat d’insertion ne peut être comparée à celle d’un journaliste/animateur confirmé en termes de productivité et rendement et que les 22 heures hebdomadaires dont 2 heures d’antenne lui étaient insuffisantes pour accomplir ses tâches (produire 8 ‘sons’, préparer la matinale du mercredi).
Elle verse aux débats, à l’appui de ses prétentions :
– un tableau synoptique de son temps de travail pour juillet 2017 (pièce 13) détaillant ses horaires par jour et par semaine et faisant apparaître un total de 16 h 60 d’heures supplémentaires,
– des tableaux synoptiques des ‘heures effectuées à domicile’ (pièces 15 à 17) détaillant pour juin, juillet et août 2017 le nombre quotidien d’heures travaillées et les tâches correspondantes (préparation des émissions, montages des reportages et rédaction des textes de lancement, préparation programmation musicale, préparation interviews, entrevues sur le terrain) faisant apparaître un volume de 76,86 et 38 heures de travail,
– copies de mails (pièces 18 à 22 et 31) d’envoi de ‘zooms’ et ‘flash’ de son adresse personnelle aux adresses [Courriel 4] et/ou louise@radiocollège.fr sur une période comprise entre juin et septembre 2017 (63 pièces jointes au total),
– un décompte (pièce 22) des heures complémentaires et à domicile restant dues arrêté à la somme de 2 135,49 €,
– copie (pièces 23 et 24) d’un agenda papier sur lequel sont reportés manuscritement les temps de travail,
– copie des fichiers de sons produits.
Les éléments produits par Mme [Y] sont suffisamment précis pour permettre à l’employeur d’y répondre en produisant ses propres éléments.
L’association Radio Collège conclut au débouté de Mme [Y] en soutenant :
– s’agissant des heures complémentaires réalisées au siège de l’association en juillet 2017 en remplacement de Mme [T] :
> qu’elle n’a jamais demandé à Mme [Y] d’effectuer des heures complémentaires dont l’intéressée n’a sollicité pour la première fois le paiement qu’en septembre 2019,
> que Mme [Y] a été absente du vendredi 23 au lundi 26 juin 2017 inclus sans qu’aucun jour de congé ne lui soit décompté et qu’elle a été autorisée à prendre 4 mercredis en août 2017 après augmentation artificielle de son compteur de congés,
> qu’elle est malvenue à réclamer le paiement d’heures complémentaires alors qu’elle a bénéficié à la même époque de jours de repos non comptabilisés,
– s’agissant des heures complémentaires à domicile :
> que les tâches confiées à Mme [Y] pouvaient être réalisées sans dépassement de l’horaire contractuel :
* qu’antérieurement au recrutement de Mmes [Y] et [T], leur prédécesseure assumait seule la préparation et l’animation de l’émission quotidienne sur la base de 22 heures hebdomadaires sans recours à des heures complémentaires,
* que Mme [Y] n’avait la charge que d’une émission par semaine (contre 4 à sa collègue) à charge de produire quotidiennement un ‘zoom’ (interview entre 4 et 10 minutes) et un ‘flash’ (interview d’1 à 2 minutes), rythme qu’elle n’a pu tenir sur la période litigieuse, ainsi que l’établit un tableau-relevé des productions diffusées dans l’émission (pièce 2)
* que par ailleurs, alors que le contrat prévoyait la réalisation d’une émission mensuelle d’une heure sur la base des problématiques locales, Mme [Y] n’en a réalisé aucune, produisant en cause d’appel un ‘projet’ qui n’est qu’un copier-coller d’une émission de France Culture,
* que la collègue de travail de Mme [Y] atteste que les 22 heures de travail étaient largement suffisantes pour réaliser les tâches demandées,
> que le prétendu travail à domicile a été réalisé sans l’accord et à l’insu de l’employeur :
* qu’en effet, les 22 heures hebdomadaires étaient suffisantes pour réaliser les tâches demandées,
* que les mails invoqués par Mme [Y] ont été adressés non à l’employeur mais à Mme [T] sa collègue de travail et que leur envoi n’établit pas que les supports ont été réalisés au domicile de l’appelante,
> que les relevés établis par Mme [Y] sont affectés de nombreuses incohérences leur ôtant toute crédibilité :
* quantification excessive (10 h les 3 et 4 juin 2017, 5 h le 8 juillet 2017) pour une préparation de programmation musicale pour une émission de 2 heures alors même que la station dispose d’un outil informatique permettant de puiser dans une playlist de 30 000 chansons et que la programmation de Mme [Y] s’avère répétitive (pièce 25: comparatif de diffusion, rediffusion et multidiffusion des titres dans ses émissions) et qu’il n’appartenait pas à Mme [Y] de créer une bibliothèque musicale,
* comptabilisation les samedi 10 et dimanche 11 juin 2017 de temps de préparation pour ‘textes de lancement pour lundi’ alors qu’elle n’a produit aucun zoom ou flash pour l’émission du lundi 12 juin,
* comptabilisation de 7h30 de travail les 13 et 14 juillet 2017 pour ébauche et structure d’émissions mensuelles à partir de septembre 2017 qui n’ont cependant donné lieu à fourniture d’aucun support,
* comptabilisation de 13 heures de travail à domicile les 4, 6, 8, 10 et 15 août 2017 pour préparation des émissions du mercredi alors que Mme [Y] avait demandé à prendre ses congés pendant les 4 mercredis du mois d’août (demande de congés, pièce 6) et qu’elle reconnaît elle-même, dans un document explicatif intitulé ‘sur mes heures’ (pièce 32) avoir pris seule l’initiative de travailler depuis son domicile pour prendre de l’avance, pour sa prochaine émission en septembre 2017.
Sur ce,
1 – sur les heures complémentaires réalisées au siège de la station en juillet 2017 :
L’employeur qui ne conteste pas que Mme [Y] a assuré le remplacement de Mme [T] pendant les congés de celle-ci du 5 au 13 juillet 2017, ne peut prétendre opposer à la demande de paiement d’heures complémentaires générées par cette situation, une prétendue absence injustifiée de deux jours en juin 2017 (n’ayant donné lieu à aucune retenue sur salaire), alors même que le temps de travail est calculé sur une base hebdomadaire, sans pouvoir donner lieu à ‘compensation’ (telle qu’implicitement invoquée par l’employeur) au titre d’un trop-perçu antérieur.
L’employeur (qui ne peut utilement se prévaloir d’une ignorance de la réalisation de ces heures complémentaires exécutées au siège même de l’association) ne produit aucun élément objectif et vérifiable de nature à remettre en cause le décompte précis et détaillé produit par Mme [Y] à hauteur de 16 h 60.
2 – sur les heures complémentaires ‘à domicile’, il doit être considéré, au regard des éléments versés aux débats :
– s’agissant de la prétendue absence de nécessité de recours à des heures complémentaires pour l’exécution des tâches confiées à la salariée : que les comparaisons tant avec la personne à laquelle Mme [Y] a succédé qu’avec celle travaillant en binôme avec elle ne sont pas pertinentes, la première bénéficiant d’une ancienneté et d’une expérience supérieures à celles de Mme [Y] et la seconde n’ayant pas la charge de la réalisation des zooms et flashs qui pesait quasi exclusivement sur Mme [Y],
– s’agissant de la connaissance par l’employeur de l’exécution d’un travail à l’extérieur de la station, qu’elle s’évince des envois réguliers des zooms et flashs quotidiens dont Mme [Y] avait la charge tant sur l’adresse personnelle que sur l’adresse professionnelle de Mme [T], hors temps de travail à la station,
– s’agissant des incohérences affectant les relevés horaires établis par Mme [Y] : il échet de constater que Mme [Y] ne fournit aucune explication pertinente aux contestations de l’employeur relatives à la comptabilisation de temps de préparation, le weekend du 10 et 11 juin 2017, d’un zoom et d’un flash pour l’émission du lendemain, en réalité non transmis, de 7h30 de travail pour la préparation d’une émission mensuelle qui n’a donné lieu à transmission d’aucun support et de 13h30 de travail pendant des journées de repos (mercredis du mois d’août 2017), étant par ailleurs considéré que le temps comptabilisé début juin 2017 par Mme [Y] à titre de préparation de la programmation musicale, correspondant aux premières émissions dont elle devait avoir la charge et à la découverte et l’appréhension des ressources, n’apparaît pas disproportionné, étant observé que ce temps de préparation musicale a par la suite été réduit.
Après déduction des heures de travail complémentaires ‘à domicile’ comptabilisées mais non justifiées et objectivement injustifiables, représentant 25 heures, il sera alloué à Mme [Y] une somme de 1873 € brut à titre de rappel de rémunération, outre la somme de 187,34 € brut au titre des congés payés y afférents, augmentées des intérêts au taux légal à compter de la date de notification de la convocation de l’employeur devant le bureau de conciliation et capitalisation dans les conditions prévues par l’article 1343-2 du code civil.
II – Sur les demandes relatives à la rupture de la relation de travail :
Mme [Y] soutient que la rupture amiable du contrat de travail serait en réalité imputable à une situation de harcèlement moral au travail dont elle aurait été victime sans que l’employeur ait pris toutes dispositions pour l’empêcher et devrait être requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Aux termes des articles L. 1152-1 et L. 1152-2 du code du travail le harcèlement moral d’un salarié se définit par des agissements répétés, ayant pour objet ou effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale, ou de compromettre son avenir professionnel et aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral, ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.
En application de l’article L. 1154-1 du même code dans sa rédaction issue de la loi du 8 août 2016 il incombe au salarié de présenter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un tel harcèlement, éléments au vu desquels la partie défenderesse doit prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs de harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Mme [Y] expose :
– qu’elle décrit dans un document de 18 pages (pièce 4) les multiples incidents qui ont été provoqués par MM. [N] et [S], leur signalement au président de l’association et notamment celui du 20 septembre 2017 ainsi décrit : Lorsque [W] [S] est arrivé j’étais en train de finir le montage d’un reportage… Il attendait que [E] commence son émission en direct pour me harceler. Cependant, celle-ci est revenue entre-temps, elle a donc été témoin d’une partie de l’agression. Et lorsque’elle est sortie du bureau, il a commencé avec un air méprisant à me poser des questions : je veux savoir pourquoi tu as un casque sur la tête’ La discussion est passée du casque à des reproches sur mes heures de travail que je modulais en fonction de mes reportages. Tu as bien une attestation, il y a quoi de noté dessus ‘ Dis-moi ce que ton médecin a écrit. Je lui ai alors dit que cela relevait du secret médical et que seulement ma hiérarchie pouvait lire le contenu. Cela ne lui a pas plu du tout, il a commencé à élever la voix de plus en plus fort. Je lui ai dit que je n’avais pas de comptes à lui rendre même pas sur mes heures de travail et que si j’avais des comptes à rendre c’est à [U] [R]. Il m’a alors dit : C’est [U] qui m’a dit, c’est [U] qui m’a dit, c’est facile de dire ça !’ Je lui ai dit que je faisais mes heures et que j’avais aussi des heures en plus qui ne m’avaient pas été payées. ‘Ce n’est pas mon problème. Tu dois me rendre compte à moi et à [G]’ m’a-t-il répondu avant de partir comme un fou fermer la porte en faisant bien en sorte de ne pas la claquer pour que [E] qui présentait son émission ne n’entende pas. Il s’est avancé vers moi dans le but de m’intimider, cependant j’ai vraiment cru qu’il allait me frapper mais comme je n’ai pas bougé, il a été déstabilisé. Choquée et ne pouvant effectuer mon travail, j’ai quitté les locaux…
– que ce document qui à lui seul n’aurait pas de valeur probante est corroboré par des éléments objectifs et vérifiables :
> un certificat de son médecin traitant du 26 janvier 2018 (pièce 5) Elle se plaint de troubles anxieux avec sensations vertigineuses, troubles du sommeil, palpitations, paresthésies, pollakiurie, diarrhées et lors de l’examen une anxiété évaluée de modéré à grave, score de 27 sur l’échelle d’Hamilton de l’anxiété,
> des arrêts de travail à compter du 20 septembre 2017,
> une attestation d’un collègue de travail, M. [L] (pièce 25) A radio collège, j’étais animateur bénévole pendant 5 ans. Les deux animateurs salariés de l’association [W] [S] (essentiellement) et [G] [N] (parfois) ont enregistré mes émissions dans le studio de Radio Collège au collège d'[Localité 3]. Mes émissions étaient diffusées en direct tous les jeudis de 19h à 20h. A plusieurs reprises, souvent pour des raisons assez futiles où je ne partageais pas leur point de vue, j’ai constaté et subi des agressions verbales assez violentes. Le ton montait très vite avec ces animateurs pédagogiques pourtant censés accompagner les bénévoles et les enfants qui produisent des émissions pour la radio. Parfois en cas de blocage, je me retournais soit vers [P] [B] (responsable de la grille des programmes) ou même parfois le président de l’association, [U] [R], tous deux dirigeant l’association au sein d’un bureau bénévole. La dernière réunion dite de conciliation organisée suite à un énième différend de point de vue m’a conduit il y a un peu plus de deux ans à mettre fin à mes émissions et toutes prises de contact avec les membres de cette association. Pourtant cette radio me tenait à coeur car elle a été fondée par mon père. Lors de cette dernière réunion, en effet,, M. [R] n’a pas trouvé utile de recadrer des salariés (qui m’insultaient une nouvelle fois en sa présence et celle de [P] [B]). Il s’est montré une nouvelle fois totalement impuissant face à cette situation. A ma connaissance, je n’ai pas été la seule victime de ces débordements agressifs, une amie, animatrice bénévole, m’avait fait part de faits similaires et en plus sexistes à son encontre’,
> un mail de transmission d’arrêt de travail du 9 septembre 2017 ainsi rédigé : Je vous informe également que mon médecin va m’écrire un certificat médical de contre indication concernant l’utilisation de casques audio et l’exposition aux bruits et sons trop forts pendant un mois afin d’éviter une aggravation de ma perte auditive. Ce délai me permettra de réaliser un bilan ORL puisque j’ai rendez-vous mardi 3 octobre 2017 et par la suite d’effectuer une contre-visite chez le médecin,
> un mail du 20 septembre 2017 par elle adressé à sa référente Pôle Emploi (pièce 7),
Je subis des pressions et abus de pouvoir de la part des salariés de l’association. Vendredi 15 septembre, l’un des salariés qui est aussi mon tuteur ainsi que le président de l’association m’ont demandé de me mettre en arrêt-maladie. Ce matin, mercredi 20 septembre, l’un des salariés s’en est pris à moi verbalement. Celui-ci a même fermé la porte du bureau, il est venu vers moi avec violence dans le but de m’intimider. J’ai donc quitté le bureau toute tremblante et prise de panique, je suis partie de la structure pour retourner à mon domicile. Entre-temps j’ai laissé un message vocal à [U] [R] afin de le mettre au courant et j’ai aussi contacté le co-président. J’ai aussi téléphoné à la médecine du travail et à mon médecin traitant. En effet, ils sont au courant des pressions psychologiques que je subis dans le cadre de mon travail. De plus, je dois partir en formation à partir du 9 octobre, formation qui ne plaît pas à tout le monde puisque j’ai dû me battre pour avoir ce droit. De même j’ai effectué des heures complémentaires il y a quelques mois qui ne me seront pas payées ([U] [R] m’a affirmé qu’il n’avait pas les moyens de les financer. Et je n’ai toujours pas ma feuille de salaire d’août. Sans parler de la charge de travail que l’on me donne de façon à ce que je ne puisse pas faire le travail demandé, ce que j’arrive à faire tout de même.
Je voulais vous signaler ce problème afin que cela ne se reproduise pas avec une autre personne. Je suis actuellement dans l’impasse. Quant à eux, ils ont ce qu’ils voulaient c’est à dire un arrêt maladie de travail de ma part.
> – un mail de [E] [T], daté du 20 septembre 2017, 12h17 (pièce 8) Tu sais, je n’ai pas entendu le reste de ce que vous avez dit avec [W] ce matin. Mais je pense que c’et une question de sécurité au travail pour toi qui l’a motivé à poser la question du casque. Et de mon côté j’aurais sûrement dû te dire quand tu as proposé de mettre le casque, il ne faut pas que ton histoire de tympan empire et j’aurais très bien pu en mettre un moi de casque si ça avait été perturbant d’entendre ton montage. Je suis désolée que ça n’ait pas pu être discuté de manière plus apaisée.
> un mail de M. [R] du 20 septembre 2017, 12h05 (pièce 9) Je viens de prendre connaissance de l’incident qui s’est déroulé ce matin. Je vous appellerai dans le journée à ce sujet et la réponse qu’elle y a apportée à 12h51 (pièce 9) Oui il y a eu un souci avec [W] ce matin. Toujours le même problème de pressions psychologiques que je subis depuis le début de mon contrat de travail. Ce matin, celui-ci s’est montré assez violent envers moi dans le but de m’intimider. Cependant choquée et par peur je suis partie de radio collège à mon domicile. Je vous ai tout de suite contacté par téléphone et laissé un message vocal. J’ai par la suite contacté [P] [B] d’ailleurs nous avons dialogué de vive voix. J’ai également téléphoné à mon médecin traitant, à la médecine du travail et j’ai envoyé un mail à l’une des personnes de Pôle Emploi qui gère les CAE pour expliquer la situation.
Ces éléments, pris tant ensemble qu’isolément, sont insuffisants à laisser supposer l’existence d’une situation de harcèlement moral caractérisée par des agissements répétés ayant pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d’altérer sa santé ou de compromettre son avenir professionnel.
En effet, à l’exception de l’incident survenu le 20 septembre 2017 entre Mme [Y] et M. [S] dont l’existence même n’est pas contestée, Mme [Y] ne produit aucun élément objectivement vérifiable laissant supposer l’existence d’autres faits, antérieurs ou postérieurs, constitutifs de harcèlement moral, étant considéré :
– que le document intitulé ‘explication des problématiques rencontrées, autres points du harcèlement’ (pièce 4) est une preuve pré-constituée ne pouvant, en soi et à elle seule, se voir reconnaître de valeur probante,
– que l’attestation de M. [L] ne fait état d’aucun fait concernant Mme [Y].
Le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a débouté Mme [Y] de sa demande tendant à voir juger qu’elle a été victime d’un harcèlement moral au travail sans que l’employeur prenne toute disposition pour l’empêcher, et de ses demandes subséquentes en requalification de la rupture du contrat de travail et en paiement de l’indemnité prévue par l’article L1243-4 du code du travail et de dommages-intérêts en réparation du préjudice lié au harcèlement.
III – Sur les demandes accessoires :
L’équité ne commande pas de faire application de l’article 700 du C.P.C. en faveur de l’une quelconque de parties, s’agissant tant des frais irrépétibles exposés en première instance ( le jugement déféré étant confirmé en ce qu’il a débouté l’association Radio Collège de ce chef de demande) que de ceux exposés en cause d’appel.
L’association Radio Collège sera condamnée aux dépens d’appel et de première instance (le jugement déféré étant infirmé en ce qu’il a laissé à chaque partie la charge des dépens par elle avancés).
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :
Vu le jugement du conseil de prud’hommes de La Rochelle en date du 25 mars 2021,
Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a :
– débouté Me [Y] de sa demande tendant à voir juger qu’elle a été victime d’un harcèlement moral au travail sans que l’employeur prenne toute disposition pour l’empêcher, et de ses demandes subséquentes en requalification de la rupture du contrat de travail, en paiement de l’indemnité prévue par l’article L1243-4 du code du travail et en paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice lié au harcèlement,
– débouté les parties de leurs demandes en application de l’article 700 du C.P.C.,
Infirmant la décision entreprise en ce qu’elle a débouté Mme [Y] de sa demande en paiement de rappel de rémunération sur heures complémentaires et d’indemnité de congés payés y afférents et laissé à chaque partie la charge des dépens par elle avancées et statuant à nouveau de ces chefs :
– Condamne l’association Radio Collège à payer à Mme [O] [Y], à titre de rappel sur heures complémentaires pour la période comprise entre juin et août 2017, la somme de 1873 € brut à titre de rappel de rémunération, outre la somme de 187,34 € brut au titre des congés payés y afférents, augmentées des intérêts au taux légal à compter de la date de notification de la convocation de l’employeur devant le bureau de conciliation, avec capitalisation dans les conditions prévues par l’article 1343-2 du code civil,
– Condamne l’association Radio Collège aux dépens de première instance,
Ajoutant au jugement déféré :
– Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du C.P.C. en cause d’appel,
– Condamne l’association Radio Collège aux dépens d’appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,