Heures supplémentaires : 10 mai 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 22/00231

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Heures supplémentaires : 10 mai 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 22/00231
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COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

19e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 10 MAI 2023

N° RG 22/00231

N° Portalis DBV3-V-B7G-U6Y4

AFFAIRE :

S.A.R.L. SAINT DEK

C/

[D] [E]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 16 Septembre 2020 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT

N° Chambre :

N° Section : C

N° RG : F18/00871

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Xavier MARTINEZ

Me Philippe ACHACHE

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX MAI DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

S.A.R.L. SAINT DEK

N° SIRET : 800 658 882

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentant : Me Xavier MARTINEZ, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, vestiaire : 216 – N° du dossier DADI

APPELANTE

****************

Monsieur [D] [E]

né le 24 Juin 1987 à [Localité 3] (99)

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentant : Me Philippe ACHACHE, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, vestiaire : PC 238 – N° du dossier [E]

INTIME

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 24 Mars 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Laure TOUTENU, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle MONTAGNE, Président,,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Dévi POUNIANDY,

EXPOSE DU LITIGE

M. [D] [E] a été engagé par la société Saint Dek suivant un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel à compter du 4 décembre 2017 en qualité d’employé polyvalent.

Le contrat de travail comprenait une période d’essai de 60 jours, renouvelable une fois.

Le 4 février 2018, l’employeur a renouvelé la période d’essai.

La relation de travail était régie par la convention collective nationale de détail de fruits, légumes, épicerie et produits laitiers.

Par lettre du 12 février 2018, l’employeur a rompu la période d’essai avec un délai de prévenance de deux semaines.

Le 9 juillet 2018, M. [E] a saisi le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt afin d’obtenir la condamnation de la société Saint Dek au paiement de dommages et intérêts pour rupture abusive de la période d’essai,d’heures supplémentaires et d’indemnité pour travail dissimulé.

Par jugement en date du 16 septembre 2020, auquel il est renvoyé pour exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, cette juridiction a condamné la société Saint Dek à verser à M. [E] les sommes suivantes :

* 6 658,58 euros à titre d’indemnité pour heures supplémentaires,

* 665 euros à titre de congés payés afférents,

– ordonné la remise des documents sociaux suivants conformes au présent jugement : le certificat de travail, l’attestation Pôle emploi, le bulletin de paie,

– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

– dit n’y avoir lieu à l’exécution provisoire,

– condamné la société Saint Dek à verser à M. [E] la somme de 895 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Le 20 janvier 2022, la société Saint Dek a interjeté appel à l’encontre de ce jugement.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 13 mars 2023, la société Saint Dek demande à la cour de :

– réformer le jugement sauf en ce qu’il a écarté les demandes au titre de la période d’essai émanant de M. [E] et celles relatives au travail dissimulé et statuant à nouveau :

– dire et juger qu’il n’y a lieu à heures supplémentaires et à remise de documents sociaux conformes au jugement à intervenir,

– condamner M. [E] à lui payer la somme de 1 000 euros au titre de la procédure abusive outre 1 500 euros au titre de l’article 700 en cause de première instance et 1 500 euros en cause d’appel,

– condamner M. [E] aux dépens de première instance et d’appel, dont distraction au profit de Maître Xavier Martinez, avocat au barreau de Seine-Saint-Denis,

– débouter M. [E] de l’ensemble de ses demandes et moyens, y compris au titre de ses demandes reconventionnelles et/ou appel incident.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 30 juin 2022, M. [E] demande à la cour de :

– confirmer la décision entreprise en ce qu’elle a condamné la société Saint Dek aux sommes suivantes :

* 6 658,58 euros à titre d’indemnité pour heures supplémentaires,

* 665 euros à titre de congés payés afférents,

– infirmer la décision entreprise en ce qu’elle l’a débouté des demandes de dommages et intérêts pour rupture abusive de la période d’essai et d’indemnité pour travail dissimulé,

– statuant de nouveau, condamner la société Saint Dek aux sommes suivantes :

* 5 133,66 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé,

* 8 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive de la période d’essai,

– ordonner la remise du certificat de travail, de l’attestation Pôle emploi, d’un bulletin de paie conformes sous astreinte de 15 euros par jour et par document

– déclarer irrecevable et mal fondée en toutes ses demandes la société Saint Dek et l’en débouter purement et simplement,

– la condamner à la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 code de procédure civile et aux entiers dépens.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

L’ordonnance de clôture de la procédure est intervenue le 14 mars 2023.

MOTIVATION

Sur la rupture de la période d’essai

Le salarié fait valoir que l’employeur n’avait pas de reproches à lui faire sur ses qualités professionnelles, qu’il a renouvelé la période d’essai pour des fonctions d’épicier et qu’il a rompu la période d’essai pour un motif étranger à ses compétences. Il en déduit que la rupture de la période d’essai est abusive.

L’employeur indique que le salarié doit démontrer le caractère prétendument abusif de la période d’essai, que le salarié n’a jamais réclamé le paiement d’heures supplémentaires ou fait d’autre requête. Il conclut que la rupture de la période d’essai est intervenue selon les dispositions légales.

Aux termes de l’article L. 1221-25 du code du travail, lorsqu’il est mis fin, par l’employeur, au contrat en cours ou au terme de la période d’essai définie aux articles L. 1221-19 à L. 1221-24 ou à l’article L. 1242-10 pour les contrats stipulant une période d’essai d’au moins une semaine, le salarié est prévenu dans un délai qui ne peut être inférieur à :

1° Vingt-quatre heures en deçà de huit jours de présence ;

2° Quarante-huit heures entre huit jours et un mois de présence ;

3° Deux semaines après un mois de présence ;

4° Un mois après trois mois de présence.

La période d’essai, renouvellement inclus, ne peut être prolongée du fait de la durée du délai de prévenance.

Lorsque le délai de prévenance n’a pas été respecté, son inexécution ouvre droit pour le salarié, sauf s’il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice. Cette indemnité est égale au montant des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s’il avait accompli son travail jusqu’à l’expiration du délai de prévenance, indemnité compensatrice de congés payés comprise.

L’employeur n’a pas à motiver la rupture de la période d’essai qui ne doit pas être abusive.

La preuve de l’abus de droit incombe au salarié.

En l’espèce, l’employeur a notifié par un écrit la rupture de la période d’essai.

Le salarié note que la période d’essai avait été renouvelée, toutefois, ce renouvellement était prévu par le contrat de travail et la durée totale de la période d’essai ne dépassait pas quatre mois.

Il invoque également l’absence de reproches sur ses qualités professionnelles, cependant l’employeur n’avait pas d’obligation de motiver la rupture de la période d’essai et le salarié ne démontre pas que la rupture de la période d’essai soit intervenue pour un motif étranger à ses qualités professionnelles.

Ainsi, le salarié ne caractérise pas de légèreté blâmable de l’employeur ou d’intention de nuire à l’origine d’un abus dans la rupture de la période d’essai. Il doit être débouté de sa demande de dommages et intérêts sur ce fondement.

Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

Sur les heures supplémentaires

En application notamment de l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences légales et réglementaires.

Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

Le salarié sollicite une somme de 6 658,58 euros au titre des heures supplémentaires qu’il considère avoir accomplies du 4 décembre 2017 au 28 février 2018, outre 665 euros au titre des congés payés afférents.

Il indique qu’il travaillait généralement du lundi au vendredi de 9h à 13h ou 14h et de 13h30/14h30 à 20h et produit un décompte quotidien et hebdomadaire des heures qu’il considère avoir travaillées montrant ses heures de prise de poste entre 7h et 9h, ses heures de fin de poste généralement vers 20h et la déduction d’une pause méridienne de 30 minutes.

Il sollicite les majorations suivantes : de la 1ère à la 2ème heure supplémentaire : +10%, de la 2ème à la 6ème heure supplémentaire : +25%, au-delà +50%.

Il s’en déduit que le salarié présente des éléments suffisamment précis quant aux heures supplémentaires qu’il considère avoir accomplies de sorte que l’employeur est en mesure d’y répondre.

L’employeur ne produit pas d’éléments propres montrant le contrôle des heures de travail du salarié. Il critique le décompte produit, aucun document suffisamment précis permettant de ‘justifier la charge des faits allégués propres à les fonder’, les propos étant étayés uniquement par les allégations du salarié, se constituant une preuve à lui-même.

Après pesée des éléments produits par l’une et l’autre des parties, la cour a la conviction que le salarié a accompli des heures supplémentaires non rémunérées conformément aux missions qui lui étaient confiées qu’elle évalue à 6 658,58 euros, outre 665 euros au titre des congés payés afférents.

Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

Sur le travail dissimulé

Aux termes de l’article L.8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 3243-2, relatif à la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.

En l’espèce, le caractère intentionnel d’une mention sur le bulletin de paie d’un nombre d’heures inférieur à celui réellement accompli, n’est pas démontré.

Le salarié sera débouté de sa demande d’indemnité à ce titre.

Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

Sur la remise des documents sociaux

Il y a lieu d’ordonner la remise d’un bulletin de paie conforme à la présente décision, sans que le prononcé d’une astreinte soit nécessaire, la remise des autres documents n’étant pas utile.

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a ordonné la remise du certificat de travail et de l’attestation Pôle emploi et confirmé en ce qu’il a ordonné la remise d’un bulletin de paie conforme.

Sur la procédure abusive

La présente procédure étant partiellement fondée, elle n’est pas abusive. La société Saint Dek sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Le jugement attaqué sera confirmé sur ce point.

Sur les autres demandes

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles.

La société Saint Dek succombant à la présente instance, en supportera les dépens d’appel. Elle devra régler à M. [E] une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement sauf en ce qu’il a ordonné la remise d’un certificat de travail et de l’attestation Pôle emploi,

Statuant à nouveau sur le chef infirmé et y ajoutant :

Déboute M. [E] de sa demande de remise d’un certificat de travail et de l’attestation Pôle emploi conformes,

Condamne la société Saint Dek aux dépens d’appel,

Condamne la société Saint Dek à payer à M. [E] la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Isabelle MONTAGNE, Président, et par Madame Dévi POUNIANDY, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

 


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