Heures supplémentaires : 10 mai 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 19/09843

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Heures supplémentaires : 10 mai 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 19/09843
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Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 3

ARRET DU 10 MAI 2023

(n° , 8 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/09843 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CAWAH

Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Mai 2019 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° 18/03147

APPELANT

Monsieur [Y] [K]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Johanna BRITZ, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

SARL CIMPRESS FRANCE

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Benjamine FIEDLER, avocat au barreau de PARIS, toque : R255

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s’étant pas opposés à la composition non collégiale de la formation, devant Madame Anne MENARD, Présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Anne MENARD, présidente

Madame Véronique MARMORAT, présidente

Madame Roselyne NEMOZ-BENILAN, magistrat honoraire

Lors des débats : Madame Sarah SEBBAK, greffier

ARRÊT :

– contradictoire

– mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

– signé par Madame Anne MENARD, présidente et par Madame Sarah SEBBAK, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [K] a été embauché par la société Vista Print Espagne le 9 février 2012 en qualité de manager, puis son contrat a été transféré à la société Cimpress France le 1er juillet 2015.

Il a été promu directeur financier MOW, puis senior directeur Finance en juillet 2017.

Il a été licencié le 27 novembre 2017 aux motifs suivants :

‘…Toutefois, malgré nos demandes, vous n’avez jamais respecté cet engagement de présence à [Localité 5], pourtant consubstantiel à la relation de travail.

En effet, vous n’êtes venu travailler à [Localité 5] que de manière épisodique, nos données internes confirmant un temps de présence au siège de l’ordre de 23% depuis le début de l’année.

De plus, au cours de l’année 2017, vous n’avez pas manqué de marquer votre désintérêt quant aux missions qui étaient les votre au titre de vos fonctions.

De plus, afin de vous remotiver et vous rassurer dans vos fonctions, nous vous avons accordé une promotion aux fonctions de senior director-fiance, strategy et analytics à compter du mois de mai 2017.

Nous avons néanmoins été contraints de constater que votre degré d’investissement pour mener à bien vos missions n’a jamais été à la hauteur de celle de votre poste. Et cette tendance s’est sensiblement accéléré depuis juillet 2017.

1- Sur votre incapacité objective et durable à mener à bien vos fonctions

Or vous n’avez montré aucune proactivité ni apporté aucune plus-value, alors que nos activités nécessitaient une participation active de votre part.

Par exemple lors de conférences téléphoniques intervenues en 2017, vous vous êtes mis de facto en retrait en ne participant pas aux échanges, quand bien même vous y étiez invité.

Cette attitude résolument passive n’est évidemment pas celle attendue d’un cadre ayant votre niveau de responsabilité.

Néanmoins, force est de constater que vos projets professionnels et/ou personnel sont affecté la bonne exécution des missions élémentaires qui vous étaient dévolues, notamment en juin et juillet 2017 lorsque vous avez gravement compromis l’image du groupe Cimpress dans le cadre de ses activités au Japon.

En effet, vous étiez alors chargé de participer à la décision de recrutement d’un responsable, à un très haut niveau hiérarchique (le PDG de notre filiale) pour notre activité en lien avec notre marché japonais.

Notre consultant du cabinet [Z] [A], extrêmement réputé sur la place, avait identifié, à l’issue d’un processus de sélection, quatre profils potentiels.

Notre interlocuteur au sein d'[Z] [A], exaspéré par vos absences imprévues, a laissé un message sur la boîte vocale de monsieur [F] le 18 juillet 2017, pour lui faire part du fait qu vous aviez, sans prévenir, multiplié les absences aux rendez-vous téléphoniques organisés avec les candidats. Ce message téléphonique insistait sur le fait que les différents candidats se sont fâchés devant ce comportement inacceptable.

Le jour même, ce 18 juillet 2017, ce consultant a également adressé à monsieur [I] [F] un courrier de plainte dans les termes suivants :

‘Cher [I],

Merci pour votre réponse, je ne souhaite pas partager ce genre de chose avec vous, mais si ce genre de chose se reproduit à nouveau, votre entreprise perdra toute confiance auprès des candidats japonais et cela nuirait fortement à votre réputation.

Voici ce qui s’est jusqu’à présent passé lors des entretiens téléphoniques avec monsieur [K] et les quatre candidats :

Avec monsieur [U]

– le 27 juin, monsieur [K] ne s’est pas présenté pour l’appel de monsieur [U] et nous l’avons contacté par email mais nous n’avons eu aucune réponse. Huit heures plus tard, il nous a envoyé un email en indiquant que ce rendez-vous téléphonique s’est retiré de son calendrier et qu’il a oublié de l’appeler.

Nous avons de nouveau fixé un rendez-vous téléphonique avec eux.

– le 11 juillet, monsieur [K] a appelé monsieur [U] avec 15 minutes de retard par rapport à l’horaire prévu, et monsieur [U] a dit que monsieur [K] ne s’étant pas excusé par rapport à son absence d’appel le 27 juin.

Avec monsieur [P]

– le 29 juin, monsieur [K] a appelé monsieur [P] avec 20 minutes de retard par rapport à l’horaire prévu.

Avec monsieur [G]

– le 6 juin, monsieur [K] a appelé monsieur [G] avec 15 minutes de retard par rapport à l’horaire prévu

Avec monsieur [D]

– le 18 juillet, aujourd’hui, monsieur [K] n’a pas appelé monsieur [D]’.

Ce retour extrêmement négatif de la part d’un prestataire extérieur est particulièrement démonstratif de cos carences professionnelles et du désintérêts que vous portez à vos missions.

En outre les répercussions sur ‘image de notre groupe ont été désastreuses, d’une part dans le cadre du bon déroulement de notre processus de recrutement mais également, d’autre part, vis à vis de notre crédibilité auprès de notre partenaire [Z] [A].

Autre incident regrettable en lien avec le Japon, vous n’avez rien fait pour encadrer ou faciliter la prise de poste de notre nouveau directeur financier à Tokyo, au seul prétexte que vous n’auriez pas de lien hiérarchique avec elle car elle ne figurait pas correctement dans le fichier informatique de Cimpress comme membre de votre équipe. Ce alors même que vous aviez participa aux entretiens d’embauche de cette personne de part votre statut de membre senior au sein de la direction financière.

Cette réponse teintée d’un désinvestissement avoué, était par ailleurs antinomique de quelqu’un se disant capable de reprendre à son compte notre activité DIGIPRI au Japon.

Nous pourrions malheureusement multiplier les exemples d’incidents et d’absences inexpliquées aux réunions d’équipe.

Pour ne citer qu’un exemple, s’agissant de la réunion mensuelle ‘monthly country review’ du 14 novembre 2017 à 10 heures, vous avez adressé à monsieur [F] un email à 10 heures le jour même (soit au moment même où démarrait la réunion) indiquant ‘j’ai un rendez-vous extérieur ce matin que je ne peux pas reprogrammer et je ne pourrai pas participer à la réunion’.

Vous avez ainsi mis votre supérieur hiérarchique devant le fait accompli, au dernier moment et sans aucune explication valable.

… vous vous permettez de déléguer à d’autres la gestion de tâches qui vous reviennent prioritairement comme le ‘capital allocation/strategic planning process.

2- Sur le non respect de vos obligations contractuelles

…Vous deviez passer au moins 50% de votre temps de travail au siège de la société à [Localité 5].

Malgré nos demandes, vous n’avez manifestement pas respecté cet engagement.

… Vous n’avez même pas conservé de domicile à [Localité 5]…

Cette absence d’information de la modification de votre adresse est évidemment problématique.

Outre la violation de votre obligation d’information, cela est révélateur d’une absence de volonté d’exercer vos fonctions au moins 50% de votre temps de travail à [Localité 5].

…votre temps de présence étant de l’ordre de 23% depuis le début de l’année.

Pire lorsque vous deviez venir à [Localité 5], vous vous êtes parfois permis, avec une totale légèreté, de décommander votre venue de manière impromptu, comme le 10 octobre 2017 en raison d’une possible grève Air France.

Par ailleurs, vous avez manifestement abusé de votre éloignement du bureau parisien en considérant que vous disposiez d’une liberté totale dans le décompte de vos journées travaillées et non travaillées.

Nous nous sommes en effet très récemment rendu compte de très nombreuses erreurs dans la manière dont vous reportiez vos absences/congés dans notre système interne, par exemple :

– la prise du lundi 3 juillet 2017 de manière inopinée et sans intégrer de demande dans le système

– les 17 et 18 juillet 2017 comptés comme jours travaillés alors que vous nous indiquez être malade, sans même vous adresser un certificat médical

– le 25 août 2017 indiqué comme ‘rendez-vous privé’

– les 21 et 22 septembre 2017 où vous indiquez être ‘bloqué’ ou ‘à l’extérieur’

Par conséquent, le quantum des congés/absences répertoriés dans notre système interne n’est pas complet, ce qui n’est pas acceptable.

Le solde de vos congés payés ne peut être considéré comme 100% fiable…

Vous avez confondu l’autonomie qui vous était offerte dans l’organisation de votre emploi du temps avec une liberté totale d’action que vous pensiez avoir et qui a résulté en une gestion erratique de vos responsabilités.

Pour preuve votre emploi du temps est parsemé des références que vous n’avez pu expliquer ‘block’ et ‘rendez-vous privés’.

Enfin, pour compléter ce tableau déplorable, nous avons constaté que vous avez fait encourir, depuis le pois de mars 2017, 5.115,50 euros de dépenses en utilisant votre carte de crédit professionnelle sans fournir le moindre justificatif alors même que les factures étaient toutes réglées directement par la société’.

Monsieur [K] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris le 24 avril 2018, et il a été débouté de toutes ses demandes par jugement du 21 mai 2019 dont il a interjeté appel le 30 septembre 2019.

Par conclusions récapitulatives du 27 décembre 2019, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, il demande à la cour d’infirmer le jugement, et de condamner la société Cimpress à lui payer les sommes suivantes :

109.899 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

94.194 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral

7.120 euros à titre d’indemnité pour congé ‘vistabreak’ non pris

120.895 euros à titre de rappel d’heures supplémentaires

12.089 euros au titre des congés payés afférents

49.325 euros au titre des repos compensateurs non pris

3.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

Par conclusions récapitulatives du 27 mars 2020, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, la société Cimpress France demande à la cour de confirmer le jugement, de débouter monsieur [K] de toutes ses demandes, et de le condamner au paiement d’une somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

La Cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.

MOTIFS

I – DEMANDES RELATIVES A L’EXÉCUTION DU CONTRAT DE TRAVAIL

– Sur les demandes au titre des heures supplémentaires

– Inopposabilité de la convention de forfait jour

Il est constant que monsieur [K] était soumis à une convention de forfait jour.

Il appartenait donc à l’employeur d’organiser, chaque année, un entretien individuel portant sur la charge de travail, l’organisation du travail, et son articulation avec la vie privée du salarié.

Cette question n’était pas évoquée spécifiquement durant les entretiens d’évaluation, et l’employeur ne peut se retrancher derrière les points organisés chaque semaine avec le supérieur hiérarchique de monsieur [K], dont le contenu n’est pas établi par les pièces produites.

Il en résulte que la convention de forfait jour est inopposable au salarié, qui est donc en droit de solliciter le paiement des heures supplémentaires qu’il aurait réalisées.

– Sur les heures supplémentaires invoquées par le salarié

En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, de répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées.

Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

En l’espèce, monsieur [K] produit un relevé sur trois années des horaires qu’il indique avoir réalisé, qui est précis et met l’employeur en situation de répondre en donnant ses propres arguments.

L’employeur n’a pas mis en place de mécanisme de contrôle des horaires. Toutefois, il fournit des éléments qui sont de nature à contester en partie le relevé de monsieur [K], dès lors que ce dernier fait état d’heures travaillées alors qu’il était en congé ou absent pour différentes raisons. Par ailleurs, le salarié effectue un décompte à la journée, et non à la semaine, ce qui l’amène à solliciter des heures supplémentaires pour des semaines où il n’a travaillé que 32 heures.

La cour a donc les éléments pour estimer que monsieur [K] travaillait en moyenne 40 heures par semaine, uniquement au cours des semaines où il n’avait pas de journée de congé ou d’absence. Il sera fait droit à sa demande au titre des heures supplémentaires, y compris la majoration, à hauteur de la somme de 45.500 euros, outre 4.550 euros au titre des congés payés afférents.

Le contingent annuel pour heures supplémentaires de 130 heures a été dépassé pour l’année 2016, de sorte qu’il sera fait droit à la demande au titre des repos compensateurs non pris à hauteur de la somme de 6.370 euros.

– Sur la demande au titre du harcèlement moral

Par application des dispositions de l’article L1154-1 du code du travail, il appartient au salarié qui se prétend victime de harcèlement moral de présenter des faits laissant supposer l’existence de ce harcèlement ; celui-ci se définit, selon l’article L 1152-1 du code du travail, par des actes répétés qui ont pour objet ou pour effet, indépendamment de l’intention de leur auteur, une dégradation des conditions de travail du salarié, susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement.

Une situation de harcèlement moral se déduit ainsi essentiellement de la constatation d’une dégradation préjudiciable au salarié de ses conditions de travail consécutive à des agissements répétés de l’employeur révélateurs d’un exercice anormal et abusif par celui-ci de ses pouvoirs d’autorité, de direction, de contrôle et de sanction.

Monsieur [K] expose qu’au cours des derniers mois de la relation contractuelle, il a été peu à peu isolé, qu’il n’était plus convié à certaines réunions auxquelles il aurait dû être présent, et que son supérieur hiérarchique lui a refusé des entretiens qu’il sollicitait.

Pour justifier de ce que des entretiens professionnels lui auraient été refusés, il produit deux mails :

– un échange du 10 octobre 2017 où il annonce qu’une grève à Air France étant annoncée pour la journée, il reprogramme sa venue en France à la semaine suivante, et demande à son supérieur hiérarchique un entretien téléphonique ‘avant jeudi’. Ce dernier lui répond : ‘Salut [Y], mon agenda est très serré cette semaine, comme tu le sais, il y a un CET de 4 heures aujourd’hui précédé de deux heures de préparation et une journée entière de YSD demain avec nos collègues de Chine’.

– un message du 5 octobre 2017 de son supérieur dans les termes suivants : ‘Bonjour [Y], je m’interrogeais sur la nécessité de maintenir notre réunion d’aujourd’hui. Je n’ai aucun sujet urgent qui ne puisse attendre ton passage à [Localité 5] la semaine prochaine’.

Pour justifier de ce qu’il aurait été mis à l’écart de réunions stratégiques, il produit un mail du 19 octobre 2017, en anglais non traduit, relatif à un projet dit ‘projet [C]’, qui comporte trois destinataires au nombre desquels il n’est pas.

Pour justifier de ce qu’il aurait été demandé à son équipe de ne pas lui communiquer certaines informations, il produit un mail d’un membre de son équipe du 10 novembre 2017 dans les termes suivants : ‘[Y], [I] juste told me there is no need for you to connect’, qu’il traduit par ‘[Y], [I] vient juste de me dire qu’il n’était pas nécessaire de te mettre dans la boucle’, alors que la traduction à retenir serait plutôt “[Y], [I] vient de me dire qu’il n’y a pas besoin que tu te connectes”, cette formulation ne revêtant aucune exclusion.

Pris dans leur ensemble, ces éléments ne permettent pas de supposer que monsieur [K] ait été victime d’actes de harcèlement moral.

– Sur les congés ‘vista break’

Il s’agit d’un congé complémentaire accordé aux salariés éligibles.

Toutefois, le document interne qui réglemente ce congé indique expressément qu’il n’est pas applicable aux salariés transférés depuis Cimpress Espagne vers une entité sans politique ‘break’ applicable.

Monsieur [K] ne verse aucun élément dont il résulterait que ces congés serait applicables en France, l’employeur précisant que ce n’est pas le cas en raison de la législation relative aux congés plus favorable en France.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il n’a pas fait droit à ce chef de demande.

II – SUR LE LICENCIEMENT

Aux termes des dispositions de l’article L 1232-1 du Code du travail, tout licenciement motivé dans les conditions prévues par ce code doit être justifié par une cause réelle et sérieuse ; en vertu des dispositions de l’article L 1235-1 du même code, en cas de litige, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.

Par application des dispositions de l’article L 1232-6 du Code du travail, la lettre de licenciement, notifiée par lettre recommandée avec avis de réception, comporte l’énoncé du ou des motifs invoqués par l’employeur ; la motivation de cette lettre, précisée le cas échéant dans les conditions prévues par les articles L1235-2 et R1232-13 du même code, fixe les limites du litige.

En l’espèce, il est reproché en premier lieu à monsieur [K] de ne pas avoir maintenu sa résidence en France, et d’y avoir passé environ 23% de son temps, contrairement aux stipulations contractuelles.

Son contrat de travail après transfert au sein de Cimpress France indique que son lieu de travail est fixé au siège de la société, donc à [Localité 5].

Par la suite, et notamment au cours de l’année 2017, des échanges sont intervenus car monsieur [K] souhaitait passer plus de temps en Espagne auprès de sa famille. Il ressort des échanges de mail produit qu’il a été autorisé à travailler la moitié du temps en Espagne, tout en maintenant une adresse physique en France.

Or il ressort des graphiques produits par l’employeur qu’il n’a travaillé en réalité en 2017 que 23% du temps à [Localité 5], et 70% à [Localité 4], le surplus correspondant à des déplacements.

En outre, s’il conteste qu’il n’avait plus aucune résidence à [Localité 5], il n’en justifie pas malgré les demandes réitérées qui ont été faites durant la procédure, et l’employeur verse de son côté un mail qu’il a adressé en novembre 2017 où il indique avoir dû repasser par son hôtel pour régler la note, ce qui confirme qu’il n’avait pas de logement personnel.

Ainsi, il est établi que monsieur [K] ne respectaient ni les dispositions de son contrat de travail relatives à son lieu de travail, ni l’organisation plus favorable qui avait été mise en place ultérieurement à sa demande.

Il est par ailleurs reproché à monsieur [K], alors qu’il participait au recrutement d’un directeur de filiale au Japon, d’avoir accumulé les retards lors des rendez-vous, et d’en avoir omis deux. Monsieur [K] ne conteste pas ces retards, sauf à dire qu’il n’a pas mis huit heures mais une heure seulement pour s’excuser à la suite du premier oubli. Toutefois, il qualifie les difficultés relatées par l’agence de recrutement de ‘non-événement’. La cour ne partage pas cette analyse. Le même candidat a eu à subir un oubli, puis lors du rendez-vous reporté un retard, et n’a reçu aucune excuse. Le fait que l’agence de recrutement ait listé ces faits par écrit, et le ton de son courriel, amène à considérer que l’image de l’entreprise a été atteinte par ce comportement désinvolte, ce qui est nécessairement dommageable à l’occasion du recrutement d’un salarié devant avoir de très hautes responsabilités, et avec lequel monsieur [K] aurait été amené à travailler.

Les pièces produites établissent par ailleurs qu’à l’automne 2017, l’agenda de monsieur [K] montrait de nombreuses journées ‘bloquées’, ou consacrées à des rendez-vous privés, qu’il lui arrivait de ne pas travailler pour superviser son déménagement, ou de s’absenter sans prévenir, les 17 et 18 juillet 2017, en demandant à postériori s’il devait adresser un certificat médical, qu’il se prévalait d’une grève annoncées pour ne pas venir à [Localité 5], sans indiquer que son propre vol aurait été annulé. Il est également établi qu’il a annulé sa présence à une réunion à laquelle il devait participer en prévenant au moment où la réunion commençait, et qu’il a invoqué un rendez-vous extérieur ce qui aurait de toute évidence pu être anticipé.

Sans s’expliquer de manière précise sur ces différents points, monsieur [K] met en avant son parcours ascensionnel dans la société, et ses évaluations antérieures, ce qui n’est pas de nature à contredire les points évoqués dans la lettre de licenciement.

Au regard de l’ensemble de ces éléments, la cour estime que le non respect des dispositions contractuelles relatives à la présence en France, ainsi que le comportement désinvolte à l’égard des candidats au recrutement, de ses collègues et de ses supérieurs hiérarchiques dans la gestion de son agenda, permettent de retenir l’existence d’un désinvestissement de monsieur [K], qui au regard de son statut dans la société justifie la rupture du contrat de travail.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a dit que le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse.

PAR CES MOTIFS

La cour,

CONFIRME le jugement, sauf en ce qu’il a débouté monsieur [K] de ses demandes au titre des heures supplémentaires et des repos compensateurs non pris.

Statuant à nouveau de ce chef,

CONDAMNE la société Cimpress France à payer à monsieur [K] les sommes suivantes :

45.500 euros au titre des heures supplémentaires

4.550 euros au titre des congés payés afférents

6.370 euros au titre des repos compensateurs non pris

VU l’article 700 du code de procédure civile,

DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile

DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes.

CONDAMNE la société Cimpress France aux dépens de première instance et d’appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 


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