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délivrées le
à
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
1re chambre sociale
ARRET DU 10 MAI 2023
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 19/07008 – N° Portalis DBVK-V-B7D-OL6C
Arrêt n° :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 24 SEPTEMBRE 2019 du CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER
N° RG F 18/00701
APPELANT :
Monsieur [S] [E]
né le 02 Mai 1986 à [Localité 6]
de nationalité Française
[Adresse 3]
Représenté par Me Céline ROUSSEAU et Me MASOTTA de la SELARL ALTEO, avocat au barreau de MONTPELLIER
Autre qualité : Intimé dans 19/07068 (Fond)
INTIMEE :
S.A.S. BEC CONSTRUCTION LANGUEDOC ROUSSILLON prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social situé
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me François BORIE de la SCP DORIA AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER (postulant), et par Me MEZIANE, avocat au barreau de BORDEAUX (plaidant)
Autre qualité : Appelant dans 19/07068 (Fond)
Ordonnance de clôture du 14 Février 2023
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 07 MARS 2023,en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre
Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller
Mme Véronique DUCHARNE, Conseillère
Greffier lors des débats : Mme Marie BRUNEL
ARRET :
– contradictoire ;
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
– signé par Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre, et par Mme Marie BRUNEL, Greffière.
*
* *
EXPOSÉ DU LITIGE
La SAS BEC CONSTRUCTION LANGUEDOC-ROUSSILLON a embauché M. [S] [E] à compter du 1er juillet 2009 suivant contrat de travail à durée indéterminée du 23 juin 2009 en qualité de compagnon professionnel.
Les relations contractuelles des parties sont régies par les dispositions de la convention collective nationale des ouvriers du bâtiment du 8 octobre 1990.
Le salarié a été victime d’un accident du travail le 18 mai 2011, se coupant le pouce gauche. Il était placé en arrêt de travail du 18 mai 2011 au 3 octobre 2011.
Le salarié était placé en arrêt maladie du 24 janvier 2013 au 4 mars 2013 en raison d’une entorse du genou gauche, puis du 13 juin 2015 au 14 septembre 2015 pour une fissure au ménisque du genou gauche.
Le 28 janvier 2016, le salarié était victime d’un second accident du travail résultant de lésions et de fissures au ménisque du genou droit. Il était alors placé en arrêt de travail jusqu’au 7 octobre 2016.
Le 27 juin 2017, le salarié obtenait le titre professionnel de conducteur de grue à tour.
Le salarié a été placé en arrêt maladie le 22 janvier 2018 pour syndrome anxio-dépressif et il ne devait pas reprendre le travail dans l’entreprise. Courant février 2018, il sollicitait la reconnaissance du caractère professionnel de sa maladie, laquelle était acceptée par la CPAM le 4 décembre 2018 après avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles.
Sollicitant notamment la résiliation judiciaire du contrat de travail en raison de faits de harcèlement moral, M. [S] [E] a saisi le 6 juillet 2018 le conseil de prud’hommes de Montpellier, section industrie, lequel, par jugement rendu le 24 septembre 2019, a :
prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail au jour du prononcé du jugement ;
condamné l’employeur à payer au salarié les sommes suivantes :
‘ 165,21 € au titre des heures supplémentaires ;
‘ 16,52 € au titre des congés payés y afférents ;
’20 000,00 € à titre de dommages et intérêts ;
’10 404,00 € à titre d’indemnité de licenciement ;
‘ 3 843,32 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;
‘ 384,33 € au titre des congés payés y afférents ;
‘ 750,00 € au titre des frais irrépétibles ;
condamné le salarié à restituer à l’employeur la somme de 3 372,99 € bruts en remboursement des indemnités journalières qui lui ont été indûment versées ;
débouté le salarié du surplus de ses demandes ;
débouté l’employeur de sa demande relative aux frais irrépétibles ;
condamné l’employeur aux entiers dépens.
Cette décision a été notifiée le 28 septembre 2019 à M. [S] [E] qui en a interjeté appel suivant déclaration du 24 octobre 2019.
Le 27 février 2020, l’employeur a adressé au salarié une lettre ainsi rédigée :
« À l’issue de la visite médicale de reprise que vous avez passée, le 28 janvier 2020, le Dr [K], médecin du travail, vous a déclaré « inapte, avec dispense de l’obligation de reclassement » : « tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé » et « l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi » et sans autres conclusions et indications. Nous vous avons alors convoqué le 12 février 2020 à un entretien fixé au 24 février 2020. Par courrier du 20 février 2020, reçu le 24 février 2020, vous nous avez indiqué que vous ne viendriez pas à l’entretien auquel vous étiez convoqué. Le Dr [K] dans son avis d’inaptitude a dispensé notre entreprise de recherche de reclassement en interne. Au niveau du groupe FAYAT, nous avons recherché les possibilités de reclassement dans toutes les structures. Aucune de ces sociétés n’a d’opportunité d’emploi. Cette situation nous contraint, malheureusement, à procéder à votre licenciement pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement. Vous bénéficiez normalement d’un préavis de 2 mois, mais compte tenu du fait que vous êtes dans l’impossibilité d’exécuter celui-ci, la date de première présentation de cette lettre à votre domicile fixera la date de rupture de votre contrat. L’ensemble des documents relatifs à la rupture de votre contrat de travail sera alors tenu à votre disposition en nos bureaux. De plus, nous tenons à vous rappeler que nous restons à votre disposition pour tout renseignement complémentaire qu’il vous plairait de nous demander. Enfin, en application du dispositif de la portabilité, nous vous rappelons qu’à compter de la rupture de votre contrat de travail vous avez la possibilité de continuer à bénéficier à titre gratuit du maintien des garanties complémentaires de prévoyance et de santé en application de l’article de L. 911-8 du code de la sécurité sociale et en vigueur au sein de notre entreprise sous réserve de percevoir les allocations chômage et aux conditions suivantes : adresser à PROBTP l’avis d’admission du Pôle Emploi, puis régulièrement, les attestations d’indemnisation de l’assurance chômage. Le maintien de ces garanties cessera dès la fin du versement de vos allocations de chômage. Il vous appartiendra d’informer immédiatement PROBTP de votre reprise d’activité. »
L’instruction a été clôturée par ordonnance du 14 février 2023.
Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 14 février 2023 aux termes desquelles M. [S] [E] demande à la cour de :
confirmer le jugement entrepris en son principe, mais procéder à une indemnisation de ses préjudices en de plus justes proportions ;
lui donner acte de son remboursement de la somme de 3 372,99 € au titre des indemnités journalières ;
condamner l’employeur à lui payer la somme de 182,75 € (43,86 € + 138,89 €) outre les sommes éventuellement payées entre le 10 décembre 2019 et le 27 janvier 2020 ;
condamner l’employeur à lui payer les sommes suivantes nettes de CSG-CRDS pour les sommes indemnitaires :
‘ 872,46 € au titre des heures supplémentaires ;
‘ 87,46 € au titre des congés payés y afférents ;
’11 994,06 €, soit six mois de salaires, au titre du travail dissimulé ;
’15 000,00 € pour exécution déloyale de la relation contractuelle ;
’11 369,36 € à titre d’indemnité de licenciement ;
‘ 3 998,02 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis ;
‘ 39,98 € [sic] au titre des congés payés y afférents ;
‘ 726,19 € au titre de la participation liée à l’exercice clos au 30 septembre 2019 ;
’50 000,00 € à titre de dommages-intérêts concernant la rupture du contrat de travail ;
‘ 3 000,00 € au titre des frais irrépétibles ;
condamner l’employeur aux entiers dépens.
Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 3 février 2023 aux termes desquelles la SAS BEC CONSTRUCTION LANGUEDOC-ROUSSILLON demande à la cour de :
la dire recevable et bien fondée en son appel partiel ;
infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
‘prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail au jour du prononcé du jugement ;
‘condamné l’employeur à payer au salarié les sommes suivantes :
‘ 165,21 € au titre des heures supplémentaires ;
‘ 16,52 € au titre des congés payés y afférents ;
’20 000,00 € à titre de dommages et intérêts ;
’10 404,00 € à titre d’indemnité de licenciement ;
‘ 3 843,32 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;
‘ 384,33 € au titre des congés payés y afférents ;
‘ 750,00 € au titre des frais irrépétibles ;
‘débouté l’employeur de sa demande relative aux frais irrépétibles ;
‘condamné l’employeur aux entiers dépens ;
dire qu’elle n’a pas manqué à ses obligations en matière de sécurité ni en matière de harcèlement moral ;
dire qu’il n’y a pas lieu de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail ni a fortiori la nullité de son licenciement pour inaptitude ;
débouter le salarié de l’ensemble de ses demandes ;
confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
‘condamné le salarié à restituer à l’employeur la somme de 3 372,99 € bruts en remboursement des indemnités journalières qui lui ont été indûment versées ;
‘débouté le salarié de sa demande de complément de salaire et de congés payés y afférents ;
dire que le montant des indemnités journalières à rembourser s’élève à la somme de 182,75 € ;
dire que le rappel d’heures supplémentaires restant dû s’élève à la somme de 32,91 € outre 3,29 € au titre des congés payés y afférents ;
débouter le salarié de ses demandes :
‘au titre du travail dissimulé ;
‘au titre de l’exécution déloyale de la relation contractuelle ;
‘au titre de l’indemnité de licenciement, de l’indemnité compensatrice de préavis et des congés payés y afférents ;
‘au titre de la participation aux bénéfices liée à l’exercice clos au 30 septembre 2019 ;
‘de dommages et intérêts au titre de la rupture du contrat de travail ;
‘au titre des frais irrépétibles et des dépens ;
condamner le salarié à lui payer la somme de 1 000 € au titre des frais irrépétibles outre les dépens de première instance et d’appel.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1/ Sur les heures supplémentaires
En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
Le salarié soutient qu’il a accompli des heures supplémentaires qu’il détaille ainsi :
‘ semaine du 1er au 4 décembre 2015 :
il indique avoir effectué 11h50 heures supplémentaires qui lui ont été payées avec une majoration de 25 % alors qu’au-delà de 8 heures de travail elles auraient dû être payées avec une majoration de 50 %, la rémunération horaire étant fixée à 12,54 € bruts, il réclame le paiement de 3,50 heures à 25 % pour compenser les 25 % manquants ce qui équivaut à la somme de 10,97 € ;
‘ semaine du 7 au 14 décembre 2015 :
il indique avoir effectué 13h50 heures supplémentaires qui lui ont été payées avec une majoration de 25 % alors qu’au-delà de 8 heures de travail elles auraient dû être payées avec une majoration de 50 %. la rémunération horaire étant fixée à 12,54 € bruts, il réclame comme précédemment le paiement de 5,50 heures à 25 % pour compenser les 25 % manquants ce qui équivaut à la somme de 17,24 € ;
‘ semaine du 14 décembre au 18 décembre 2015 :
il soutient avoir effectué 9h50 heures supplémentaires qui lui ont été payées avec une majoration de 25 % alors qu’au-delà de 8 heures de travail elles auraient dû être payées avec une majoration de 50 %, la rémunération horaire étant fixée à 12,54 € bruts. Il sollicite le paiement de 1,50 heures à 25 % pour compenser les 25 % manquants ce qui équivaut à la somme de : 4,70 € ;
‘ semaine du 4 janvier au 8 janvier 2016 :
il indique avoir effectué 12h50 heures supplémentaires qui lui ont été payées avec une majoration de 25 % alors qu’au-delà de 8 heures de travail elles auraient dû être payées avec une majoration de 50 %, la rémunération horaire étant fixée à 12,54 € bruts, il réclame le paiement de 4,50 heures à 25 % pour compenser les 25 % manquants ce qui équivaut à la somme de 14,10 € ;
‘ semaine du 11 janvier au 15 janvier 2016 :
il soutient avoir effectué 10h50 heures supplémentaires qui lui ont été payées avec une majoration de 25 % alors qu’au-delà de 8 heures de travail elles auraient dû être payées avec une majoration de 50 %, la rémunération horaire étant fixée à 12,54 € bruts, il demande le paiement de 2,50 heures à 25 % pour compenser les 25 % manquants ce qui équivaut à la somme de 7,84 € ;
‘ semaine du 18 janvier au 22 janvier 2016 :
il indique avoir effectué 9h50 heures supplémentaires qui lui ont été payées avec une majoration de 25 % alors qu’au-delà de 8 heures de travail elles auraient dû être payées avec une majoration de 50 %, la rémunération horaire étant fixée à 12,54 € bruts, il sollicite le paiement de 1,50 heures à 25 % pour compenser les 25 % manquants ce qui équivaut à la somme de 4,70 €s.
Le salarié réclame encore le paiement des heures supplémentaires suivantes :
‘ 3 heures supplémentaires pour le mois de décembre 2016, majorées à 50 % sur la base d’un taux horaire de 12,54 €, soit 56,43 € ;
‘ 2,50 heures supplémentaires pour le mois de mars 2017, majorées à 50 % sur la base d’un taux horaire de 12,54 €, soit 47,02 € ;
‘ 1,50 heures supplémentaires pour le mois d’août 2017, majorées à 50 % sur la base d’un taux horaire de 12,67 €, soit 28,50 € ;
‘ 0,25 heure supplémentaire pour le mois de septembre 2017 majorée à 25 % sur la base d’un taux horaire de 12,67 euros, soit 3,95 € ;
‘ 8,75 heures supplémentaires pour le mois de juillet 2017, majorée à 25 % sur la base d’un taux horaire de 12,67 €, soit 138,58 €.
Le salarié fait valoir de plus que le 5 janvier 2018 il a effectué 1,50 heures supplémentaires non payées, de même que le 18 janvier 2018, 2 heures supplémentaires non rémunérées, ces 3,50 heures supplémentaires majorées à 25 % sur la base d’un taux horaire de 12,67 € représentant la somme de 55,43 €.
Le salarié soutient enfin qu’il n’a pas été rémunéré au titre des heures de montées et de descentes de la grue, ce qui équivaut à 20 minutes de travail quotidien, 10 minutes pour monter, 10 minutes pour redescendre ni au titre des pauses obligatoires de 20 minutes après six heures de travail durant les journées continues de travail, soit, entre les mois de juillet 2017 et janvier 2018 33,66 heures supplémentaires se décomposant comme suit ;
‘ 15,84 heures doivent être majorées à hauteur de 25 %, sur la base d’un taux horaire de 12,67 €, soit 250,86 € ;
‘ 17,82 heures doivent être majorées à hauteur de 50 %, sur la base d’un taux horaire de 12,67 € soit 232,11 €.
Le salarié réclame ainsi le paiement de la somme de 872,46 € au titre des heures supplémentaires outre celle de 87,46 € au titre des congés payés y afférents.
L’employeur fait valoir qu’une erreur du logiciel de paie avait conduit à la rémunération des heures supplémentaires après 43 heures à 25 % et non à 50 % mais que cette erreur a été rectifiée et les rappels de rémunération servis au salarié et mentionnés sur le bulletin de paie de février 2018, comme ce dernier l’avait reconnu dans ses écritures de première instance.
L’employeur ajoute pour s’opposer aux demandes du salarié que les heures supplémentaires dont le salarié fait état n’apparaissent pas sur les relevés de pointage, lesquels concordent parfaitement avec les bulletins de paie sauf pour 32,91 €.
La cour retient que les éléments produits par le salarié sont suffisamment précis pour permettre à l’employeur d’y répondre utilement et qu’ainsi il appartient à ce dernier d’apporter ses propres éléments.
Il apparaît ainsi que les majorations à 50 % qui ne constituent pas des heures supplémentaires, mais uniquement des modalités de rémunération de ces dernières, ont bien été régularisées avec la paie du mois de février 2018, que les heures supplémentaires ne se décomptent pas par jour comme le propose le salarié mais par semaine et que rien ne permet de retenir que les temps d’accès à la cabine de grue aient été décomptés du temps de travail par l’employeur.
Au vu de l’ensemble des éléments produit, la cour retient que l’employeur a omis de régler des heures supplémentaires pour la somme de 32,91 € outre celle de 3,29 € au titre des congés payés y afférents.
2/ Sur le travail dissimulé
Il n’apparaît pas que l’employeur ait intentionnellement dissimulé les heures supplémentaires réalisées par le salarié qui sera dès lors débouté de sa demande d’indemnité pour travail dissimulé formée en application des dispositions de l’article L. 8223-1 du code du travail.
3/ Sur les indemnités journalières
Le salarié reproche à l’employeur de ne pas lui avoir reversé les indemnités journalières qu’il a reçues de PROBTP au titre de la période allant du 16 au 21 novembre 2019 soit 43,86 € et au titre de la période allant du 22 novembre au 10 décembre 2019 la somme de 138,89 €, soit un total du de 182,75 €, outre les sommes éventuellement payées entre le 10 décembre 2019 et le 27 janvier 2020, étant relevé qu’il a bien remboursé la somme de 3 372,99 €.
L’employeur ne conteste pas devoir la somme de 43,86 € + 138,89 € = 182,75 €, mais il demande à la cour de confirmer qu’il est bien fondé à solliciter la répétition de la somme de 3 372,99 € en application des articles 1302 et suivants du code civil.
En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné le salarié à restituer à l’employeur la somme de 3 372,99 € et l’employeur sera condamné à payer au salarié la somme de 182,75 €. Il ne sera pas fait droit à la demande concernant la période du 10 décembre 2019 au 27 janvier 2020 dès lors qu’elle est éventuelle et indéterminée.
4/ Sur la participation
Le salarié réclame la somme de 726,19 € au titre de la participation liée à l’exercice clos au 30 septembre 2019 en faisant valoir qu’il ne pouvait être exclu du droit à participation en raison de son absence dès lors que cette dernière était causée par une maladie professionnelle.
L’employeur répond que l’article 9 de l’accord de participation énonce qu’en application de l’article D. 3324-10 du code du travail, la répartition de la participation entre les salariés bénéficiaires est effectuée proportionnellement au total des rémunérations perçues alors que le salarié n’a plus perçu de salaire depuis le 22 janvier 2018.
L’article L. 3324-6 du code du travail disposait dans sa rédaction en vigueur du 1er mai 2008 au 12 mai 2020 que :
« Sont assimilées à des périodes de présence, quel que soit le mode de répartition retenu par l’accord :
1° Les périodes de congé de maternité prévu à l’article L. 1225-17 et de congé d’adoption prévu à l’article L. 1225-37 ;
2° Les périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle en application de l’article L. 1226-7. »
En application du texte précité, il apparaît que la somme réclamée par le salarié, et qui n’est pas plus discutée en son calcul par l’employeur, lui est bien due pour le montant sollicité.
5/ Sur l’obligation de sécurité, le harcèlement moral et l’exécution loyale du contrat de travail
Le salarié sollicite le paiement d’une somme globale de 15 000 € à titre de dommages et intérêts en reprochant à l’employeur d’avoir manqué à son obligation de sécurité et d’exécution de bonne foi du contrat de travail ainsi que d’avoir commis des actes de harcèlement moral.
Ces trois griefs obéissent à des régimes probatoires différents, l’employeur supportant seul la charge de la preuve du respect de ses obligations de sécurité alors que le salarié doit rapporter la preuve de l’exécution de mauvaise foi du contrat de travail dont il se prévaut. La charge de la preuve du harcèlement moral se trouve partagée entre les parties aux termes de l’article L. 1154-1 du code du travail qui dispose que :
« Lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. »
Le salarié reproche à l’employeur de lui avoir fréquemment imposé un rythme de travail extrêmement soutenu, soit plus de dix heures par jour, en alternant dans une même journée, les travaux au sol et la conduite de la grue, cette cadence étant aggravée par l’absence totale de pause, pas même pour déjeuner. Il rapporte que lorsqu’il demandait une pause son supérieur lui répondait : « si tu es un fainéant, tu peux prendre ta pause ».
Le salarié fait grief à l’employeur, lorsqu’il travaillait au sol, de ne pas lui avoir offert d’équipement de sécurité et notamment de harnais. Il produit un certain nombre de photographies dont il déduit qu’il travaillait sans harnais, sans garde-corps, sans fixation et sans aucune sécurité alors qu’il se trouvait à plusieurs mètres du sol et en contact direct avec des matériaux dangereux parfois suspendus au-dessus de sa tête, qu’il travaillait avec une simple échelle pour accéder à une plate-forme, alors que ce n’était pas sa fonction, et ce, sans aucune forme de sécurité.
Le salarié reproche à l’employeur de lui avoir demandé de remplacer les grutiers en pauses malgré une absence d’avenant au contrat de travail, l’obligeant à abandonner la tâche à laquelle il s’adonnait alors.
Il fait valoir que ces pratiques engendraient un état d’épuisement accompagné de baisses de concentration et de visibilité ainsi qu’un manque de précision. Il ajoute que l’encadrement du chantier lui imposait de travailler avec une grue « shuntée », c’est-à-dire sans sécurité pour empêcher les collisions, dans le but de voir le chantier progresser plus rapidement. Il explique que quand la grue était « shuntée », un signal de couleur apparaissait, ledit signal visuel étant parfois accompagné d’un signal auditif, l’ensemble étant visible et perceptible à plusieurs mètres de distance.
Le salarié fait reproche à l’employeur de l’avoir obligé à faire fonctionner la grue alors que des rafales de vent dépassaient les 70 km/h.
Il produit les témoignages suivants :
‘ M. [T], chef d’équipe et délégué du personnel :
« [‘] a plusieurs reprises j’ai assisté à un train de banche qui a été projeté contre un mur à cause des rafales de vent, des ouvriers travaillaient juste à côté et ont failli se faire écraser [‘]. Malgré tous ces incidents [S] subissait les réflexions du chef trop lent, qu’il devait se réveiller, cela faisait rire les compagnons qui se trouvaient en bas à côté du chef. [‘] » ;
‘ M. [C] :
« j’ai travaillé avec [E] [S] sur le chantier Prado Concorde à [Localité 4], il me remplaçait à la grue à midi, l’après-midi et le soir après ma journée de travail. À plusieurs reprises, il me fit part de ses problèmes de travailler shunter (sécurité désactivée) et malgré ses remarques à l’encadrement, les responsables ne voulaient rien savoir. [S] n’avait pas le choix. [‘]. Malgré le fait qu’il était débutant, les responsables lui mettaient une grosse pression avec des cadences de travail infernales, l’obligeant à shunter malgré ses refus, à faire des journées continues sans pause de midi, de plus de 10 h. Il travaillait au sol le matin et montait à la grue à midi puis redescendait au sol à 13 h et remontait à la grue à 15h30. Ils le faisaient travailler au-dessus des limites de vent autorisées (à plus de 85 km). [‘]. [S] m’a avoué avoir eu des idées noires envers sa propre personne (des envies de se jeter de la grue) [‘]. [‘] il ne comprenait pas pourquoi on le traitait de cette façon [‘] les responsables, les chefs de chantiers, le chef d’équipe et certains ouvriers le rabaissaient en lui faisant croire qu’il était un bon à rien sans eux, qu’il leur devait tout même sa place de grutier alors qu’il fait du bon travail malgré son peu d’expérience » ;
‘ M. [A], chef d’équipe :
« [‘] quand [S] est arrivé au chantier Urban Graphies à [Localité 5] la direction m’a dit de le mettre à s’occuper des banches [‘] et lui faisait faire de très grosses journées avec une pression incessante pour qu’il aille le plus vite, car le béton arrivait et l’engueulait le soir pour la pose et la préparation des banches et pour décharger les camions. Quand [S] se plaignait l’encadrement lui répondait tu vas pas faire ta mauviette. Un Jour, [S] a fait un mauvais geste et son genou a gonflé le chef de chantier lui a dit « quand tu rentres mets des glaçons ça ira » il est parti du chantier en boitant et le lendemain l’encadrement m’a dit « c’est un fainéant, il a fait exprès ». J’ai revu [S] sur le chantier Pôle Santé de Thau à [Localité 7], l’encadrement du chantier l’a mis dans mon équipe alors qu’on était au piquage de pieux dans la boue toute la journée et connaissant ses antécédents médicaux (problèmes genoux), je voulais le mettre à un poste moins contraignant pour ses genoux mais l’encadrement ne voulait en aucun cas que je le change de poste en me disant qu’ils n’étaient pas là pour faire du social du coup [S] était toute la journée à piquer des pieux dans la boue jusque aux mollets avec une pression pour aller toujours plus vite, j’ai d’ailleurs pris [S] à son poste ce jour-là, le 30 novembre 2016 [‘]. J’ai retrouvé [S] [E] sur le chantier Prado Concorde [‘] où il est arrivé avec sa formation de grutier obtenue. Il travaillait toute la Journée au sol avec un autre chef d’équipe [B] [F] qui le faisait monter à la grue le soir après sa journée de travail et aussi entre midi et 13 h sans le prévenir avant. M. [F] faisait des réflexions racistes à son égard. J’ai également vu M. [F] faire travailler [S] sans harnais ni sécurité, i’ai d’ailleurs pris une photo (le 7 décembre 2017) sur laquelle on voit [S] avec son chef d’équipe travaillant sans harnais ni sécurité [‘]. J’ai également constaté que [S] était victime de pressions et d’intimidation de la part de l’encadrement du chantier au vu de son statut de jeune grutier, c’est-à-dire en déverrouillant le système anti-collusion de plus, on lui imposait de faire des journées continues de plus de 10 heures sans pause (6h30-7h à 18h-18h30) voire plus. Quand vers 12h30, il demandait une pause on lui répondait si tu es un fainéant tu peux prendre la pause. J’ai entendu cet échange entre [S] et son chef de chantier ([M] [O]) sur talkie-walkie le 18 janvier 2018, l’encadrement le poussait à travailler même avec des conditions météo dangereuses (vent violent avec des rafales qui dépassent la limite autorisée cela aurait dû interrompre la journée de travail) » ;
‘ M. [V] :
« sur le chantier de Prado Concorde à [Localité 4], j’étais dans la même équipe que [S] [E] avec [B] [F] comme chef d’équipe, il demandait beaucoup à [S], il le faisait marcher des kilomètres chaque jour malgré ses problèmes aux genoux, il était tout le temps derrière lui à lui demander d’aller vite et d’arrêter de se plaindre et qu’il n’était pas content qu’il change de métier. J’ai remarqué qu’il lui faisait faire des choses qui ne correspondaient pas à sa qualification. J’ai souvent vu l’encadrement venir dire à [S] de monter à la grue sans qu’il ne soit au courant avant alors qu’il avait travaillait toute la journée en bas. Quand il conduisait la grue je voyais très souvent le voyant allumé cela veut dire que la grue était hors sécurité. Je lui ai demandé pourquoi il conduisait sans sécurité, il m’a répondu qu’il n’avait pas le choix que tous les grutiers le faisaient par obligation et qu’ils risquaient des réprimandes s’ils refusaient. »
Le salarié produit encore l’audition de M. [T], chef d’équipe et délégué du personnel, par l’enquêteur de la CPAM, dans le cadre de sa demande de reconnaissance de maladie professionnelle :
« En ce qui concerne M. [E] j’ai constaté à plusieurs reprises qu’il travaillait avec une grue shuntée. J’ai filmé à plusieurs reprises la grue de M. [E] ainsi que d’autres collègues avec l’accord de M. [P] en janvier ou février 2018 qui faisaient apparaître des salariés travaillant sans garde-corps, sans harnais et avec des grues shuntées. Il y avait M. [E] dans une grue qui percutait une autre grue shuntée. Il s’est déplacé sur le chantier PRADO CONCORDE à [Localité 4] où M. [E] travaillait. Il a demandé aux chefs de chantiers la raison pour laquelle les grues étaient shuntées. Le chef de chantier a dit qu’il y avait un problème mécanique. M. [P] a proposé de faire venir un réparateur. Il travaillait avec des vents violents qui dépassaient 70 km/h alors que c’est formellement interdit, il faisait des journées continues pouvant aller jusqu’à 11-12 heures sur la grue sans pause déjeuner. Il m’a à plusieurs reprises alerté sur ses conditions de travail. J’ai moi-même alerté verbalement M. [P]. J’ai pris l’initiative de rédiger un courrier en janvier 2018 où je fais état des problèmes rencontrés par M. [E] ainsi que l’ensemble des salariés. Ce courrier a été adressé en copie à l’inspection du travail ainsi qu’à la médecine du travail. Je précise que M. [M] [O] a eu des mots déplacés et des insultes envers [S] [E] en ma présence. À savoir lorsque M. [E] a refusé de monter à la grue en raison du vent violent, M. [O] lui a dit « tu montes et tu la fermes ». Je suis intervenu mais M. [E] est monté sous la pression de M. [O] Ils ont accroché 7,5 mètres de banches malgré les rafales de vent. Lorsqu’il a soulevé les banches, elles se sont déportées avec la rafale de vent ce qui a failli écraser un intérimaire. M. [O] lui a alors crié de tout moller, cela signifie de descendre de la grue. [‘]. Du fait de mes interventions systématiques concernant la sécurité sur les chantiers, j’ai été relégué au poste de man’uvre depuis trois mois. [‘]. Actuellement, je travaille au sous-sol où je peux voir ce qui se passe à l’extérieur. [‘] »
Le 29 janvier 2018, M. [T], écrivait à M. [P], directeur général de la société, en ces termes :
« Cela fait au moins deux ans que nous portons à votre connaissance les dysfonctionnements que nous avons constatés sur vos chantiers, récemment certains de vos salariés ont décidé de stopper le travail sur le chantier pour vous alerter une fois encore, avec insistance sur leurs conditions de travail Vous nous avez demandé de reprendre le travail et avez programmé une réunion pour mettre tous les points litigieux sur la table. Nous vous avons donné notre parole les salariés ont repris le travail et suite à cette réunion nous avons avancé sur certains points. Mais subsiste de graves problèmes concernant les grutiers ceux-ci sont soumis à une pression insupportable venant des bancheurs et des chefs de chantiers. Vous avez constaté par vous-même lors de votre venue les faits très graves suivants : les grues ont toutes les sécurités « shunté » et ce sur la demande expresse des responsables et chefs de chantiers qui n’hésitent pas à menacer physiquement et verbalement les grutiers pour les obliger à travailler sans les sécurités. Certains ont demandé un document écrit pour se protéger bien évidemment ils ont essuyé un refus catégorique. Par ce courrier nous vous informons que tout grutier qui se sentant menacé et obligé de travailler en shuntant les sécurités fera immédiatement valoir son droit de retrait qui vous sera signalé par courrier recommandé dès le lendemain avec information à l’inspection du travail, il y a actuellement 2 personnes dans ce cas [‘]. Nous vous avions aussi parlé du comportement de certains responsables de chantier, il est maintenant temps de prendre des décisions fermes et définitives, nous ne supporterons plus les actes de racisme, les insultes et encore moins les provocations verbales et même physique pour pousser les salariés à l’irréparable, nous vous rappelons que vous avez l’obligation de nous protéger, vos responsables de chantiers ont agi pendant des années en toute impunité, sans réaliser à quel point leurs attitudes étaient insupportables voire irresponsables. Menacer un grutier, lui disant que son accident du travail avait coûté 30 000 € à l’entreprise alors il devrait fermer sa gueule et travailler sur la grue sécurité shuntée pour rattraper le temps [‘]. Nous ne supporterons plus, de nous entendre dire « cette année c’est moi qui t’ai niqué ta prime parce que tu la ramènes trop ». [‘] Parmi les problèmes exposés il y a celui des feuilles de paye, qui sont, d’après Monsieur l’inspecteur du travail uniquement lisible et compréhensible par celui qui les fait. Celui aussi des heures supplémentaires impayées certains ont atteint les seuils des 302 h et d’autres 295 h ce n est pas la première fois que nous vous alertons sur le ressenti des salariés qui n’en peuvent plus. Cela ne peut plus durer quand va-t-on sortir de cette situation. [‘] ».
Le salarié reproche à l’employeur de ne pas avoir respecté les préconisations de la médecine du travail. Il explique que l’avis d’aptitude le 7 octobre 2016 était ainsi rédigé : « Apte, limiter les ascensions répétées d’échelles. Prévoir à moyen terme une réorientation vers un poste de moindre contrainte physique type grutier » et qu’il n’a pourtant bénéficié alors d’aucun aménagement de son poste de travail. Il produit des certificats de son psychiatre traitant faisant étant d’un état dépressivo-anxieux évolutif s’inscrivant dans le cadre de la maladie professionnelle n° 180122343 et notant :
« Cet état dépressivo-anxieux survient sur une personnalité extrêmement consciencieuse, soucieuse du travail bien fait et du respect de l’autorité, et qui s’est trouvée confrontée à un contexte professionnel paradoxal vécu de manière très insécurisante. L’ensemble de ces éléments justifie que sa symptomatologie rentre dans le cadre d’une maladie professionnelle ».
L’employeur répond que les photographies produites ne permettent pas d’établir des manquements à la sécurité. Il explique que MM [C] et [A] sont en litige prud’homal contre lui, litiges dans lesquels le salarié a attesté. Il précise que M. [T] est lui-même en litige prud’homal. Il produit pour sa défense les attestations de MM [H], [W], [O], [Y], [N] et [I], M. [H], conducteur de travaux sur le chantier Collinéa, témoignant ainsi :
« il a toujours été remis à M. [S] [E] l’ensemble des EPI (équipements de protection individuelle) nécessaires comme nous le faisons pour tous les compagnons. En outre, il n’a jamais été demandé à M. [E] de man’uvrer la grue dans des conditions contraires à la réglementation, et notamment par vent fort supérieur à 70 km/h. M. [E] n’a été soumis à aucune pression particulière. D’une manière générale, l’ensemble des mesures de sécurité notamment contre les chutes de hauteur a été assuré sur le chantier. Nous n’avons fait l’objet d’aucune remarque particulière ni du CSPS ni de l’inspection du travail ».
L’employeur soutient que le système anti-collusion des grues n’est pas obligatoire. Il produit une attestation établie par M. [J] [R] en ces termes :
« J’ai travaillé sur le chantier de PRADO CONCORDE du 26 juillet 2017 au 18 juin 2018 sur lequel j’étais affecté au poste de coffreur. Étant membre du CHSCT, je suis attaché à porter une très grande vigilance quant au respect des règles élémentaires d’hygiène et de sécurité sur nos différents chantiers. Sur cette opération, il y avait effectivement 4 grues à tour installées depuis le mois de septembre 2017. Je confirme qu’un système d’interférence a été installé et vérifié dès que l’ensemble des grues à tour furent montées et que celui-à a fonctionné normalement. Lorsque ce système a présenté des pannes, la société qui gérait ce dispositif de sécurité intervenait rapidement pour les réparer. Je confirme égaiement que nous avons échangé plusieurs fois avec M. [Z] [L] qui était le directeur de ce chantier notamment à ce sujet délicat et j’ai pu me rendre compte qu’il faisait le nécessaire afin que le système d’interférence soit efficace. »
L’employeur ajoute que les comptes-rendus de coordination sécurité protection de la santé établis par la société SOCOTEC ne font état d’aucun problème particulier et que l’inspection du travail n’a constaté aucun manquement lors de ses contrôles. Il produit ses relevés d’accidentologie établis par la CPAM pour les années 2017, 2019 et 2020 qui sont inférieurs à ceux de la profession et il explique bénéficier depuis 2012 de la triple certification ISO 9001 (management de la qualité) ISO 14001 (management environnemental) et ISO 45001 (management de la santé et de sécurité au travail).
L’employeur conteste avoir affecté le salarié au piquage de pieux après l’avis d’aptitude avec réserve du 7 octobre 2016 et il explique au contraire lui avoir offert une formation de grutier du 18 avril 2017 au 28 juin 2017 d’une durée de 280 heures pour un coût de 14 469,50 € TTC dont 9 408 € TTC à la charge de l’employeur. Il soutient enfin avoir pris les mesures nécessaires pour prévenir les risques psychosociaux et produit en ce sens une attestation de M. [D] [I], responsable qualité, sécurité et environnement.
La cour retient les attestations de MM [C], [A] et [T] ne peuvent être écartées par le simple fait que ces témoins ont ainsi livrés des attestations croisées au salarié et ce d’autant que l’attestation de M. [T] est conforme à sa lettre du 29 janvier 2018 rédigée alors qu’il n’était pas en litige prud’homal avec l’employeur.
Ces attestations précises et concordantes permettent de retenir, malgré les dénégations de l’employeur et de certains employés, que le salarié a été victime de demandes abusives et répétées de l’employeur concernant la sécurité des grues ainsi que la réalisation de travaux incompatibles avec la réserve posée le médecin du travail concernant la fragilité de ses genoux. L’attestation du médecin traitant établit la réalité de la dégradation de l’état de santé du salarié. Ainsi, en ignorant la fragilité du salarié et au contraire en la traitant par des réprimandes orales, l’employeur a commis des actes répétés qui ont eu pour effet de porter atteinte à sa santé mentale et constituent dès lors un harcèlement moral caractérisant tant un manquement à l’obligation de sécurité qu’une exécution de mauvaise foi du contrat de travail.
Au vu de la durée du harcèlement et de la souffrance endurée, l’entier préjudice du salarié sera réparé par l’allocation d’une somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts.
6/ Sur la demande de résiliation du contrat de travail
Les faits de harcèlement moral qui viennent d’être caractérisés s’opposaient par leur gravité à la poursuite de la relation contractuelle. Dès lors, il convient de prononcer la résiliation du contrat de travail aux torts exclusifs de l’employeur au 24 septembre 2019.
La résiliation judiciaire du contrat de travail étant prononcée en raison de faits de harcèlement moral, elle produira les effets d’un licenciement nul par application des dispositions de l’article L. 1152-3 du code du travail.
7/ Sur l’indemnité compensatrice de préavis et les congés payés y afférents
Le salarié sollicite tant dans le dispositif de ses écritures que dans leur corps la somme de 3 998,02 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis de deux mois outre celle de 39,98 € [sic] au titre des congés payés y afférents.
Dans le corps de ses écritures, l’employeur sollicite la confirmation du jugement sur ce point.
Le conseil de prud’hommes avait retenu la somme de 3 843,32 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre celle de 384,33 € au titre des congés payés y afférents.
Compte tenu de l’erreur commise par le salarié dans le calcul de sa demande formée au titre des congés payés afférents à l’indemnité compensatrice de préavis et de l’interdiction faite à la cour de statuer en deçà des sommes offertes, le jugement sera confirmé de ce chef.
8/ Sur l’indemnité de licenciement
Le salarié sollicite la somme de 11 369,36 € à titre d’indemnité de licenciement doublée.
L’employeur expose qu’il a réglé au salarié à ce titre la somme de 12 196 €.
En conséquence, il sera fait droit à la demande du salarié pour le montant sollicité en quittance ou deniers.
9/ Sur les dommages et intérêts pour licenciement nul
Au temps de la rupture du contrat de travail, le salarié bénéficiait d’une ancienneté de 10 ans et il était âgé de 33 ans. Son taux d’invalidité a été fixé à 30 %. Il ne justifie pas de sa situation au regard de l’emploi depuis la rupture du contrat de travail. Au vu de l’ensemble de ces éléments, il lui sera alloué une somme équivalente à 10 mois de salaire, soit la somme de 10 × 2 165,59 € = 21 655,90 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul.
10/ Sur les autres demandes
Il convient d’allouer au salarié la somme de 1 500 € au titre des frais irrépétibles en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
L’employeur supportera la charge des dépens d’appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a :
prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail au jour du prononcé du jugement ;
condamné la SAS BEC CONSTRUCTION LANGUEDOC-ROUSSILLON à payer à M. [S] [E] les sommes suivantes :
‘3 843,32 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;
‘ 384,33 € au titre des congés payés y afférents ;
‘ 750,00 € au titre des frais irrépétibles ;
condamné M. [S] [E] à restituer à la SAS BEC CONSTRUCTION LANGUEDOC-ROUSSILLON la somme de 3 372,99 € bruts en remboursement des indemnités journalières qui lui ont été indûment versées ;
débouté la SAS BEC CONSTRUCTION LANGUEDOC-ROUSSILLON de sa demande relative aux frais irrépétibles ;
condamné la SAS BEC CONSTRUCTION LANGUEDOC-ROUSSILLON aux entiers dépens.
L’infirme pour le surplus.
Statuant à nouveau,
Condamne la SAS BEC CONSTRUCTION LANGUEDOC-ROUSSILLON à payer à M. [S] [E] les sommes suivantes :
32,91 € bruts à titre de rappel d’heures supplémentaires ;
3,29 € bruts au titre des congés payés y afférents ;
182,75 € au titre des indemnités journalières ;
726,19 € bruts au titre de la participation ;
5 000,00 € nets de CSG-CRDS à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral, manquement à l’obligation de sécurité et exécution de mauvaise foi du contrat de travail ;
11 369,36 € bruts en quittance ou deniers à titre d’indemnité de licenciement ;
21 655,90 € nets de CSG-CRDS à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ;
1 500,00 € au titre des frais irrépétibles d’appel.
Déboute M. [S] [E] de sa demande d’indemnité pour travail dissimulé.
Condamne la SAS BEC CONSTRUCTION LANGUEDOC-ROUSSILLON aux dépens d’appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT