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AFFAIRE PRUD’HOMALE : COLLÉGIALE
N° RG 20/00466 – N° Portalis DBVX-V-B7E-MZ63
Société FCA MOTOR VILLAGE FRANCE
C/
[H]
APPEL D’UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de LYON
du 17 Décembre 2019
RG : 15/04159
COUR D’APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE A
ARRÊT DU 10 MAI 2023
APPELANTE :
Société FCA MOTOR VILLAGE FRANCE
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Emmanuelle JALLIFFIER-VERNE de la SELARLU EJV AVOCATS, avocat au barreau de LYON
INTIMÉ :
[U] [H]
né le 16 Août 1983 à [Localité 6] (PORTUGAL)
[Adresse 4]
[Localité 2]
représenté par Me Laurent CRETIN, avocat au barreau de LYON
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 21 Février 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Joëlle DOAT, Présidente
Nathalie ROCCI, Conseiller
Anne BRUNNER, Conseiller
Assistés pendant les débats de Morgane GARCES, Greffière.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 10 Mai 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Joëlle DOAT, Présidente, et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*************
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
M. [U] [H] a été embauché le 5 mai 2009 en qualité d’assistant commercial après-vente par la société INTERMAP SA, devenue Motor Village France.
La relation contractuelle était soumise aux dispositions de la convention collective nationale du commerce et de la réparation de l’automobile, du cycle et du motocycle, des activités connexes ainsi que du contrôle technique automobile du 15 janvier 1981, étendue par arrêté du 30 octobre 1981 (IDCC 1090).
Selon avenant en date du 26 décembre 2012, le salarié a été affecté au poste de conseiller de vente, statut cadre, classé niveau I, degré A.
Par lettre recommandée du 8 juillet 2015, le salarié a été convoqué à un entretien préalable à son éventuel licenciement et l’employeur lui a notifié une mise à pied à titre conservatoire.
Le 29 juillet 2015, la société a licencié M. [H] pour faute grave.
Par requête du 6 novembre 2015, M. [H] a saisi le conseil de prud’hommes de LYON en lui demandant de condamner la société à lui verser diverses sommes à titre de rappel de salaires RTT, jours fériés, dimanches portes ouvertes, permanences midi, événements familiaux, formations, dommages et intérêts pour résistance abusive, indemnité compensatrice de préavis, remboursement du salaire retenu pendant la mise à pied conservatoire et dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Au dernier état de la procédure, le salarié a ajouté à ses demandes :
– une demande aux fins de nullité de sa convention de forfait jours et de condamnation de la société à lui verser diverses sommes à titre de rappel d’heures supplémentaires, d’indemnité pour travail dissimulé, de dommages et intérêts pour non-respect du repos compensateur
– une demande aux fins de condamnation de la société à lui payer des dommages et intérêts pour harcèlement moral
– une demande principale aux fins de voir déclarer nul son licenciement, la demande tendant à voir déclarer le licenciement sans cause réelle et sérieuse étant maintenue, à titre subsidiaire.
Un procès-verbal de partage de voix a été dressé le 7 février 2019.
Par jugement du 17 décembre 2019, le conseil de prud’hommes en sa formation de départage, a :
– dit que la clause de forfait annuel en jours est privée d’effet et inopposable à Monsieur [U] [H],
– condamné la SAS FCA MOTOR VILLAGE FRANCE à verser à Monsieur [U] [H] la somme de 18 197 euros à titre de rappels d’heures supplémentaires, outre celle de 1 819,70 euros au titre des congés payés afférents avec intérêts au taux légal à compter du 31 mai 2018
– dit que la SAS FCA MOTOR VILLAGE FRANCE devra transmettre à Monsieur [U] [H] dans le délai d’un mois suivant la notification de la décision des bulletins de salaire conformes à la décision sans que l’astreinte soit nécessaire,
– débouté les parties du surplus de leurs demandes,
– condamné la SAS FCA MOTOR VILLAGE FRANCE à verser à Monsieur [U] [H] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté la SAS FCA MOTOR VILLAGE FRANCE de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– ordonné l’exécution provisoire sur le fondement de l’article 515 du code de procédure civile,
– condamné la SAS FCA MOTOR VILLAGE FRANCE aux dépens de l’instance.
La société FCA MOTOR VILLAGE France a interjeté appel de ce jugement, le 16 janvier 2020.
Elle demande à la cour :
– d’infirmer le jugement en ses dispositions relatives à la convention de forfait et aux heures supplémentaires
en conséquence,
– de constater que la convention de forfait annuel en jours de Monsieur [H] est valable et lui est opposable
– de rejeter en tout état de cause la demande en paiement d’heures supplémentaires
– de confirmer le jugement qui débouté Monsieur [H] du surplus de ses demandes
– de condamner Monsieur [H] à lui payer la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile
– de condamner Monsieur [H] aux dépens.
M. [H] demande à la cour :
– de confirmer le jugement en ce qu’il a :
– dit que la clause de forfait annuel en jours est privée d’effet et lui est inopposable
– condamné la SAS FCA MOTOR VILLAGE France à lui verser la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile
– débouté la SAS FCA MOTOR VILLAGE France de sa demande au titre de l’article
700 du code de procédure civile,
– condamné la SAS FCA MOTOR VILLAGE France aux dépens
– d’infirmer le jugement pour le surplus
en conséquence,
– de prononcer la nullité de la convention de forfait-jours
– de prononcer la nullité du licenciement
– à titre subsidiaire, de dire que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse
– en toute hypothèse, de condamner la société FCA MOTOR VILLAGE à lui verser les sommes suivantes :
* 21 132 euros au titre des heures supplémentaires outre la somme de 2113 euros de congés payés afférents
* 15 000 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé
* 10 000 euros de dommages et intérêts pour non-respect du repos compensateur
* rappel de salaires RTT :
2013 : 10 x 88 : 880 euros
2014 : 10 x 97 : 970 euros
2015 : 4 x 110 : 440 euros
* rappel de salaires jours fériés :
2013 : 11 x 88 : 968 euros
2014 : 11 x 97 : 1067 euros
2015 : 6 x 110 : 660 euros
* rappel de salaires dimanches portes ouvertes
2013 : (4×2) soit 8 x 88 : 704 euros
2014 : (5×2) soit 10 x 97 : 970 euros
2015 : 2 x 110 : 220 euros
* rappel de salaires permanences midi
2013 : 8 x 88 euros : 704 euros
2014 : 10 x 97 : 970 euros
2015 : 10 x 110 : 1100 euros
* rappel de salaires absences pour événements familiaux
2013 : 3 x 110 : 330 euros
* rappel de salaires formations
2013 : 3 x 88 euros : 264 euros
2014 : 5 x 97 : 485 euros
* dommages et intérêts pour résistance abusive : 5 000 euros
* dommages et intérêts pour harcèlement moral : 30 000 euros
* dommages et intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse : 30 000 euros
* indemnité de licenciement : 5 480 euros
* mise à pied à titre conservatoire : 2 800 euros outre 280 euros de congés payés afférents
* préavis : 7 290 euros outre 729 euros de congés payés afférents
* article 700 du code de procédure civile : 2 000 euros
– de condamner la société FCA MOTOR VILLAGE, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, à lui remettre les bulletins de paie correspondants et régulariser les cotisations y afférentes (retraite, chômage etc.)
– de condamner la société FCA MOTOR VILLAGE aux dépens.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 26 janvier 2023.
SUR CE :
Sur la demande de rappel d’heures supplémentaires
Au soutien de son appel, la société fait valoir :
– que le conseil de prud’hommes ne pouvait décider d’office que la convention de forfait était privée d’effet alors que le salarié en demandait la nullité
– que le salarié ne fournit aucun argument au soutien de sa demande de nullité de sa convention de forfait en jours
– que le salarié était un cadre commercial disposant d’une liberté dans l’organisation de son emploi du temps au sens de la convention collective
– que chaque vendeur est libre d’organiser sa journée de travail durant les heures d’ouverture des sites à la clientèle
– que les vendeurs pouvaient librement organiser entre eux à tour de rôle les permanences entre 12 heures et 14 heures
– que le salarié n’a jamais été soumis à un planning horaire qu’il lui aurait été demandé de respecter à la lettre
– qu’elle s’est conformée aux obligations de l’article 4.06 de la convention collective en matière de suivi de la convention de forfait jours puisqu’elle a mis en place un document de contrôle interne rempli et tenu informatiquement sur la base des déclarations faites mensuellement par les salariés
– que la question de l’organisation du temps de travail et de la charge de travail était abordée chaque année lors des entretiens annuels d’évaluation, sans que le salarié ait fait état de la moindre difficulté
– que, subsidiairement, le salarié n’a jamais accompli la moindre heure supplémentaire.
Le salarié soulève à la fois la nullité de la convention de forfait en jours stipulée à son contrat de travail, au motif qu’il ne pouvait lui être appliqué un forfait en jours sur l’année tel que défini par l’article 1.09 f) de la convention collective puisque la société lui imposait un planning et des horaires de présence, donc des horaires de travail prédéterminés, et l’inopposabilité de celle-ci, au motif que la société n’effectuait aucun contrôle des heures travaillées ni de la charge de travail de ses salariés.
****
Aux termes de l’avenant au contrat de travail du 26 décembre 2012, il est convenu que la rémunération du salarié est indépendante du nombre d’heures de travail effectif et de jours accomplis pendant la période de paie et rémunère de façon forfaitaire 218 jours de travail et les jours de réduction du temps de travail.
Selon l’article 1.09 f) forfait en jours de la convention collective, peuvent conclure une convention de forfait en jours, dont les modalités doivent être indiquées dans le contrat de travail ou un avenant à celui-ci, les cadres qui disposent d’une autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l’horaire collectif applicable au sein de l’atelier, du service ou de l’équipe auquel ils sont intégrés.
Une fois déduits du nombre total des jours de l’année les jours de repos hebdomadaires, les jours de congé légaux et conventionnels auxquels le salarié peut prétendre et les jours de réduction d’horaire, le nombre de jours travaillés sur la base duquel le forfait est défini ne peut excéder 218 jours.
En vertu de la convention collective, le forfait en jours s’accompagne d’un contrôle du nombre de jours travaillés au moyen d’un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées travaillées ainsi que la qualification des jours non travaillés en repos hebdomadaires, congés payés, congés conventionnels ou jours de repos au titre de la réduction du temps de travail, établi en deux exemplaires un pour chacune des parties et complété au fur et à mesure de l’année, signé chaque semaine par le salarié puis par l’employeur ou son représentant ; en outre, le salarié bénéficie chaque année d’un entretien avec son supérieur hiérarchique au cours duquel sont évoquées l’organisation et la charge de travail de l’intéressé et l’amplitude de ses journées d’activité, l’amplitude et la charge devant rester raisonnables et assurer une bonne répartition dans le temps du travail de l’intéressé.
En l’espèce, le conseil de prud’hommes a justement relevé, au vu des éléments produits aux débats, que le salarié était soumis à un horaire contraignant imposant sa présence au sein de l’entreprise à des horaires prédéterminés, qu’il était soumis à des instructions définissant en détail l’organisation du service commercial et ses horaires de travail et que toute absence devait être déclarée à la direction et soumise à autorisation.
Par ailleurs, les fiches d’évaluation annuelle et d’entretien professionnel produites pour les années 2012 et 2013 ne comportent pas de rubrique spécialement dédiée à la charge de travail et ne permettent pas de démontrer que l’employeur a respecté son obligation de vérifier chaque année que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l’intéressé, à l’effet d’assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié.
En effet, les seules rubriques devant être renseignées par le supérieur hiérarchique sont l’attitude générale, les compétences et la performance, tandis que l’entretien professionnel porte sur les points forts, les points à améliorer, l’évolution et la formation.
Il n’est pas mentionné dans le compte-rendu la manière dont est traité le questionnaire rempli par le salarié aux fins de préparer l’entretien individuel d’évaluation en ce qui concerne les conditions de travail, l’organisation des tâches professionnelles et la gestion du temps de travail.
Enfin, le récapitulatif informatique des jours de présence, non daté et établi sur la base des bulletins de salaire qui reprennent chaque mois le nombre de jours ou de demi-journées non travaillés, ne constitue pas le document de contrôle que doit tenir l’employeur dans le cadre du suivi de la convention de forfait en jours tel que prévu par la convention collective.
La convention de forfait en jours signée par le salarié n’est en conséquence ni valable, ni correctement exécutée par l’employeur et le salarié est en droit de solliciter le paiement des heures supplémentaires éventuellement accomplies au-delà de 35 heures de travail par semaine.
Selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte des dispositions de l’article précité et de celles des articles L. 3171-2, alinéa 1er, et L. 3171-3 du code du travail, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
Le salarié présente les horaires de travail suivants correspondant aux heures d’ouverture du site auquel il est affecté : 8 h à 12 h et 14h à 19h (9 heures de travail par jour) quatre jours par semaine , 9h à 12h30 et 14h à 19h (8 heures 30 de travail par jour) le samedi, soit 44 heures 30 par semaine, ce qui représente 9 heures 30 supplémentaires par semaine et 38 heures supplémentaires par mois.
Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l’employeur de répondre en apportant ses propres éléments.
L’employeur explique que les vendeurs disposaient d’une totale liberté pour organiser leur journée de travail durant l’ouverture des sites à la clientèle et pouvaient commencer et finir leur travail à leur convenance, qu’ils pouvaient librement organiser entre eux les tours de permanence entre 12 heures et 14 heures pour les besoins de la clientèle et que les vendeurs ont des jours de présence, mais il n’apporte aucun élément sur les heures de travail réalisées par le salarié.
Il est ainsi établi que le salarié a accompli des heures supplémentaires dont il appartient au juge de fixer le nombre et le montant.
Le calcul présenté par le salarié n’inclut pas l’horaire 12 heures-14 heures.
Toutefois, il ne tient pas compte des périodes de congés payés, d’absence, de formation et de RTT du salarié.
Il convient en conséquence de fixer à 4 heures supplémentaires par semaine, le nombre d’heures supplémentaires effectuées par le salarié, soit 188 heures par an du 26 décembre 2012 au 26 décembre 2014 et 110 heures sur la période du 26 décembre 2014 au 29 juillet 2015.
Le montant de la créance d’heures supplémentaires sur la période du 26 décembre 2012 au 29 juillet 2015 doit être ramené à 5 435 euros et celui de l’indemnité de congés payés afférente à 543,50 euros.
Il y a lieu de confirmer le jugement qui, par des motifs pertinents que la cour adopte, a rejeté la demande d’indemnité pour travail dissimulé et la demande en paiement de dommages et intérêts fondée sur le fait que le salarié aurait été empêché de prendre son repos du fait d’une mauvaise information de l’employeur.
Sur les autres demandes de rappels de salaire : RTT, jours fériés, permanences du midi, dimanches portes ouvertes, formations
Le salarié fait valoir :
– que les absences liées aux jours de RTT, jours fériés, formations, événements familiaux, dimanches « portes ouvertes » et « permanences midi » ont été rémunérées uniquement sur la base du salaire fixe, contrairement aux dispositions conventionnelles
– que la direction de la société n’a jamais respecté le forfait cadre de 218 jours mais a fait travailler ses cadres au forfait 10 jours de plus durant de nombreuses années sans rémunération supplémentaire, puisque dans le calcul du forfait cadre de 218 jours, elle n’a pas déduit les dix jours représentant cinq dimanches travaillés par an en moyenne qui comptent double en vertu de la convention collective, les dimanches étant comptés à 100 % comme jours de repos.
La société fait valoir :
– qu’elle a rappelé lors de la réunion des délégués du personnel du 27 mai 2015 les dispositions du chapitre IV de la convention collective et que les membres du comité d’entreprise et les représentants du personnel ont approuvé le paiement des jours d’absence pour l’ensemble des salariés concernés par des journées de formation, des journées de délégation et des événements familiaux depuis le 1er janvier 2015 sur la base du salaire de référence, lequel est égal à la moyenne des rémunérations correspondant au mois de salaire complet compris dans la période des 12 mois écoulés, à l’exclusion des éventuelles libéralités ou autres gratifications bénévoles, ainsi que de toutes primes non mensuelles lorsque leur montant n’est pas affecté par l’absence du salarié
– que, concernant les heures travaillées le dimanche et lors de la permanence du midi il n’existe aucun régime d’astreinte et que les heures supplémentaires travaillées et compensées par l’attribution de jours de repos supplémentaires n’ont pas vocation à être indemnisées sur la base des dispositions relatives aux journées d’absence
– que les « JRTT » n’ouvrent droit à aucune compensation salariale mais à l’attribution de jours de repos calculés en fonction de la durée de travail sur l’année.
****
Le salarié ne prétend pas ne pas avoir pris ses jours de RTT, de telle sorte qu’ils devraient lui être rémunérés. La demande de ce chef doit être rejetée.
Le salarié soutient par ailleurs, d’une part qu’il n’a pas été rémunéré de ses heures de permanence effectuées entre 12 heures et 14 heures (à concurrence de 8 jours en 2013 et 10 jours par an en 2014 et 2015), d’autre part que le travail effectué pendant les jours fériés, les jours de formation et les dimanches n’a été rémunéré que sur la base du salaire fixe, sans inclure la rémunération variable, ce qui n’est pas conforme aux dispositions de la convention collective.
– heures de permanence :
Il ressort du courriel du 5 septembre 2014 que M. [H] était tenu d’assurer une permanence de 12 heures à 14 heures le mercredi et le vendredi.
On ne sait pas pendant combien de temps M. [H] a assuré cette permanence.
Au vu de ces éléments, la demande sera accueillie à hauteur de la somme de 900 euros pour les permanences de midi assurées en 2014-2015 et la société condamnée à payer au salarié ladite somme.
– jours fériés, jours de formation, jours d’absence pour événements familiaux, dimanches travaillés
En application de l’article 1.10 b) de la convention collective :
Les vendeurs de véhicules ne pourront pas être à la disposition de l’employeur plus de cinq dimanches par année civile.
Chaque heure travaillée le dimanche sur autorisation accordée par arrêté préfectoral pour une période limitée ouvrira droit, outre le repos prévu par l’arrêté en contrepartie, à une majoration de 100 % du salaire horaire brut de base ou bien, lorsqu’il s’agit d’un vendeur de véhicules itinérant, d’une indemnité calculée comme indiqué à l’article 1.16, s’ajoutant à la rémunération du mois considéré.
Chaque heure travaillée le dimanche sur autorisation exceptionnelle accordée par arrêté municipal ouvrira droit, outre un repos d’une durée équivalente pris dans la quinzaine qui précède ou qui suit le dimanche considéré, à une majoration ou à une indemnité calculée comme indiqué à l’alinéa précédent.
Dès lors qu’en application de la convention collective, chaque heure de dimanche travaillée donne lieu à une contrepartie en repos, dont le salarié ne prétend pas ne pas avoir bénéficié, outre une majoration de 100 % du salaire horaire brut de base, c’est à tort que le salarié soutient que l’assiette de calcul de cette majoration doit inclure la part de sa rémunération variable telle qu’il la mentionne dans son tableau.
Le salarié indiquant lui-même dans ses conclusions que ses dimanches travaillés ont été rémunérés sur la base du salaire fixe, sa contestation n’est pas fondée.
En ce qui concerne la rémunération des jours fériés, des jours de formation et des jours d’absence pour événements familiaux, les tableaux produits ne permettent pas de démontrer que la société n’a pas respecté les dispositions de l’article 1.16 b) de la convention collective aux termes desquelles le salaire mensuel de référence est la rémunération, correspondant au travail, que le salarié aurait perçue au cours du mois considéré s’il avait travaillé sans s’absenter et est égal à la moyenne des rémunérations correspondant aux mois de salaire complet compris dans la période des 12 mois écoulés, à l’exclusion des éventuelles libéralités ou autres gratifications bénévoles, ainsi que de toutes primes non mensuelles telles que primes de vacances, 13e mois… lorsque leur montant n’est pas affecté par l’absence du salarié.
Sa demande en paiement d’un rappel de salaire pour les jours fériés, les jours de formation et les jours d’absence pour événements familiaux doit être rejetée.
Le jugement doit être confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive de la société, dont les moyens de défense sont partiellement accueillis, tandis que certaines demandes du salarié sont rejetées.
Sur le harcèlement moral
Le salarié soutient qu’il a subi durant de nombreux mois des agissements répétés de harcèlement moral ayant eu pour effet de dégrader sévèrement ses conditions de travail et d’altérer sa santé et qu’il ne rencontrait aucune difficulté avec son employeur jusqu’à l’arrivée d’un nouveau directeur en la personne de M. [B].
Il critique le caractère objectif de l’enquête mené par le CHSCT en faisant valoir qu’elle a été organisée par le directeur des ressources humaines lui-même.
La société fait valoir :
– qu’il n’existe pas de pièce permettant de démontrer l’existence d’une situation de harcèlement moral
– qu’après une enquête menée par le CHSCT et une rencontre des salariés des sites de [Localité 8] et [Localité 9] au cours du second trimestre de l’année 2016, les représentants du personnel ont conclu à l’absence de toute situation de harcèlement moral au sein de l’entreprise.
****
Aux termes de l’article L1152-1du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
L’article L1154-1, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 applicable à la date de la saisine du conseil de prud’hommes, dispose que, lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L1152-1 à L1152-3 et L1153-1 à L1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
En vertu de ce dernier texte, il pèse sur le salarié l’obligation de rapporter la preuve d’éléments précis et concordants ; ce n’est qu’à cette condition que le prétendu auteur du harcèlement doit s’expliquer sur les faits qui lui sont reprochés.
A l’appui de sa demande, le salarié invoque les faits suivants :
1) à plusieurs reprises et sans raison objective, M. [B] l’a volontairement privé de certaines commissions sur des ventes qu’il avait effectuées
2) en mai 2015, M. [B] a exigé qu’il décale ses congés de quinze jours alors qu’il avait déjà réservé ses vacances et qu’en février, il avait informé son supérieur de ses dates
3) sans raison, M. [B] a décidé le samedi soir qu’il ne participerait pas aux portes ouvertes du dimanche (journées portes ouvertes des 17 et 18 janvier 2015)
4) M. [B] ne l’a informé que la veille pour le lendemain qu’il participerait à une sortie JEEP ACADEMY à [Localité 7], alors qu’il demandait depuis longtemps s’il devait être présent
5) M. [B] lui manqué de respect en lui tenant des propos irrespectueux et humiliants de nombreuses fois
6) depuis l’arrivée de M. [B], il roulait dans une voiture de fonction d’une autre marque que la marque JEEP qu’il représentait, contrairement à ses collègues de travail.
Le conseil de prud’hommes a relevé que les faits 1), 2), 3) et 6) n’étaient pas matériellement établis. En cause d’appel, le salarié n’apporte pas d’autres pièces à l’appui de ces faits.
En ce qui concerne la sortie à [Localité 7] (4), aucune pièce n’est produite non plus.
MM. [I] et [K] attestent que M. [B], directeur sur [Localité 5] depuis septembre 2014, a, dès son arrivée, pris en grippe M. [H], tenu à son égard des propos menaçants et à la limite de la vulgarité (…) il le traitait comme une serpillière, lui cherchait des prétextes divers pour mal lui parler et lui donner des avertissements, il souhaitait clairement le faire craquer, tout était prétexte pour le pousser à bout afin qu’il craque et qu’il parte.
Ces attestations, générales et non circonstanciées, ne permettent pas de rapporter la preuve de la réalité de propos irrespectueux humiliants répétés dont M. [H] aurait fait l’objet de la part du directeur.
Les attestations d’autres salariés versées aux débats par M. [H] ne relatent aucun comportement, ni propos du directeur, M. [B], dont le salarié aurait été personnellement victime.
C’est à juste titre que le conseil de prud’hommes a rejeté la demande en paiement de dommages et intérêts fondée sur le harcèlement moral et la demande aux fins de nullité du licenciement.
Sur le bien fondé du licenciement
M. [H] fait valoir que les reproches relatifs à l’utilisation du véhicule de démonstration et de la carte essence ne sont pas fondés, que son compte facebook est privé et que les échanges qui y sont publiés sont protégés par le secret des correspondances, qu’en tout état de cause, il s’agissait d’une discussion limitée à ses contacts et non d’une discussion publique, de sorte qu’elle ne pouvait porter préjudice à l’entreprise et qu’il conteste avoir demandé à son collègue de falsifier un bon de commande.
La société fait valoir qu’elle a été amenée à constater de graves manquements mettant en cause la loyauté du salarié et le non-respect des procédures internes de vente en vigueur, que le salarié n’a restitué le véhicule de démonstration qu’après deux mois, alors que le prêt lui avait été accordé pour un week-end seulement et que M. [H] est l’auteur de déclarations très explicites excédant son droit à la liberté d’expression, publiées sur un fil de discussion ouvert au public sur Facebook, dont le contenu démontre l’absence totale de loyauté à son égard et à l’égard de ses dirigeants.
En l’absence d’éléments nouveaux, les moyens et arguments de défense du salarié devant la cour étant identiques à ceux présentés en première instance, c’est à juste titre que, par des motifs pertinents que la cour adopte, le conseil de prud’hommes a considéré que les propos insultants tenus par le salarié vis à vis de son employeur aisément identifiable, sur un compte facebook accessible à des personnes extérieures (tels que constatés par un huissier de justice, suivant procès-verbal en date du 18 juillet 2015), n’étaient pas de nature privée et excédaient la liberté d’expression du salarié, si bien que la faute grave était constituée.
Il y a lieu de confirmer le jugement qui a rejeté par voie de conséquence les demandes pécuniaires du salarié fondées sur le caractère injustifié du licenciement pour faute grave.
Il convient d’ordonner à l’employeur de remettre au salarié un bulletin de salaire récapitulatif des rappels de salaire alloués par le présent arrêt, sans qu’il soit nécessaire d’assortir cette obligation du prononcé d’une astreinte.
Compte-tenu de la solution apportée au présent litige, le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l’indemnité de procédure et chacune des parties conservera la charge de ses dépens d’appel et de ses frais irrépétibles d’appel.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement :
CONFIRME le jugement, sauf en ce qui concerne le montant du rappel d’heures supplémentaires et de l’indemnité de congés payés afférente et sauf en ce qu’il a rejeté la demande de rappel de salaire au titre des heures de permanence
STATUANT à nouveau sur ces points,
CONDAMNE la société FCA MotorVillage France à payer à M. [U] [H] les sommes suivantes :
– 5 435 euros euros à titre de rappel d’heures supplémentaires et 543,50 euros à titre d’indemnité de congés payés afférents
– 900 euros au titre des heures de permanence en 2014 et 2015
ORDONNE à l’employeur de remettre au salarié un bulletin de salaire récapitulatif des rappels de salaire alloués par le présent arrêt
REJETTE la demande en fixation d’une astreinte
DIT que chacune des parties conservera la charge de ses dépens d’appel
REJETTE les demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE