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AFFAIRE PRUD’HOMALE
RAPPORTEUR
N° RG 20/00123 – N° Portalis DBVX-V-B7E-MZGL
Société METALOGIC
C/
[Adresse 6]
APPEL D’UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LYON
du 20 Décembre 2019
RG : 18/0f1760
COUR D’APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE A
ARRÊT DU 10 MAI 2023
APPELANTE :
Société METALINE IT anciennement dénommée société METALOGIC
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Laurent LIGIER de la SELARL LIGIER & DE MAUROY, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Nicolas SAUVAGE de la SELAS SEA AVOCATS, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉ :
[L] [H] [B]
né le 17 Février 1978 à [Localité 4] (CAMEROUN)
[Adresse 2]
[Localité 5]
représenté par Me Mélanie CHABANOL de la SELARL CABINET MELANIE CHABANOL, avocat au barreau de LYON
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 20 Février 2023
Présidée par Anne BRUNNER, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Morgane GARCES, Greffière.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
– Joëlle DOAT, présidente
– Nathalie ROCCI, conseiller
– Anne BRUNNER, conseiller
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 10 Mai 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Joëlle DOAT, Présidente et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
********************
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
M. [H] [B] est entré au service de la société METALOGIC, en qualité de technicien informatique, suivant contrat à durée déterminée à effet du 9 juin 2016 pour un motif d’accroissement temporaire d’activité.
La relation de travail s’est ensuite poursuivie, dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée, à compter du 11 décembre 2016.
La convention collective applicable est celle des bureaux d’études techniques et la rémunération de M. [H] [B] était au dernier état fixée à 1 920 euros bruts pour un temps plein.
M. [H] [B] exerçait son activité au sein de la société MERCK.
Par mail du 9 janvier 2018, la société METALOGIC a informé M. [H] [B] de la fin de sa mission chez MERCK au 12 janvier 2018 au soir et de son affectation en région parisienne pour le 12 février 2018 au plus tard, lui demandant d’indiquer le montant de ses frais liés au changement de résidence.
Par courrier du 22 janvier 2018, le salarié a sollicité la prise en charge de ses frais de déménagement, la mise à disposition d’un logement F5 pour accueillir sa famille, l’inscription de ses enfants en établissements privés et une augmentation de sa rémunération pour tenir compte du niveau de vie parisien.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 26 janvier 2018, la société METALOGIC a convoqué M. [H] [B] à un entretien préalable à un licenciement, fixé au 7 février 2018.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 12 février 2018, la société METALOGIC a licencié M. [H] [B], motif pris de remontées négatives du client et du refus du salarié d’une mutation en Ile de France.
Le 11 juin 2018, M. [H] [B] a saisi le conseil de prud’hommes de Lyon de demandes à titre de rappel de salaire, de rappel d’heure supplémentaires, dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, indemnité pour travail dissimulé, dommages-intérêts au titre de la clause de non-concurrence.
Par jugement du 20 décembre 2019, le conseil de prud’hommes a :
dit que le licenciement de M. [H] [B] intervenu le 12 février 2018 est sans cause réelle et sérieuse,
condamné la société METALOGIC à verser à M. [H] [B] les sommes suivantes :
5 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
825,25 euros après recalcul des heures supplémentaires, outre 82,02 euros de congés payés afférents pour la période de juillet à décembre 2017,
1 216 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 12 au 31 janvier 2018, outre 121,60 euros de congés payés afférents,
9 000 euros nets à titre forfaitaire pour travail dissimulé,
15 000 euros nets au titre de la nullité de la clause de non concurrence :
1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
condamné la société METALOGIC aux dépens.
Le 7 janvier 2020, la SAS METALOGIC a fait appel de ce jugement.
Aux termes de ses dernières écritures, notifiées le 21 juillet 2022, la SAS METALINE IT, venant aux droits de la société METALOGIC, demande à la cour, à titre principal, d’infirmer le jugement dans son intégralité, de rejeter toutes les demandes de M. [H] [B], à titre subsidiaire, de fixer à 1 920 euros les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse, de fixer à un euro symbolique les dommages et intérêts pour nullité de la clause de non-concurrence, et en tout état de cause de condamner M. [H] [B] à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, et de le condamner aux entiers dépens.
Aux termes de ses dernières écritures, notifiées le 4 mai 2020, M. [H] [B] demande à la cour de :
confirmer le jugement en ce qu’il a dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et en ce qu’il a condamné la société METALINE au paiement de diverses sommes au titre de rappel de salaire et congés payés afférents, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, au titre de la clause de non-concurrence et sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
statuant à nouveau
condamner la société METALINE IT, exerçant sous l’enseigne METALOGIC à lui payer :
1 152 euros à titre de rappel d’heures supplémentaires (68 heures), outre 115,20 euros au titre des congés payés afférents,
11 520 euros nets à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
Y ajoutant
condamner la société METALINE IT, exerçant sous l’enseigne METALOGIC à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d’appel distraits au profit de Maître CHABANOL, avocat sur son affirmation de droit.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 12 janvier 2023.
SUR CE,
Sur l’exécution du contrat de travail :
Sur les heures supplémentaires
L’employeur soutient :
que les heures supplémentaires réalisées au mois de juin 2017 ont été payées le mois suivant et qu’au mois de juillet 2017, le salarié a exécuté 10 heures supplémentaires au titre de la période du 3 au 7 juillet 2017, payées au mois de janvier 2018 ;
que le décompte versé aux débats par le salarié ne mentionne pas les horaires réels
que le relevé des incidents traités par semaine de juin à août 2017 montre un nombre d’incident constant à l’exception des semaines 24 et 27 pour lesquelles des heures supplémentaires ont été effectuées et payées ;
qu’il n’a jamais autorisé, même de manière tacite, la réalisation d’heures supplémentaires et ce, alors que le code de bonne conduite du salarié en délégation prévoit l’interdiction d’exécuter toute heure supplémentaire sans l’autorisation du supérieur hiérarchique ;
Le salarié réplique :
qu’entre le 1er juin et le 31 août 2017, il a effectué 68 heures supplémentaires à la demande de la société METALOGIC, dont il a réclamé le paiement par courrier du 22 janvier 2018 puis du 1er février 2018 ;
que l’employeur ne produit aucun élément de nature à justifier de ses horaires et qu’informé de la surcharge d’activité en raison du sous-effectif, il a donné son accord tacite.
***
Il résulte des dispositions de l’article L. 3171-4 du code du travail qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant
M. [H] [B] verse aux débats le décompte des heures de travail pour les mois de juin, juillet et août 2017 ; il a mentionné le nombre d’heures supplémentaires réalisées, chaque jour. Ces fiches de temps sont établies sur un document à en-tête de la société METALOGIC, sur lequel apparaît un emplacement pour le cachet et la signature du client et un autre pour la signature du collaborateur, aucun de ces emplacements n’étant complété.
La société METALINE admet que le salarié a réalisé des heures supplémentaires, au mois de juillet 2017, qu’elle soutient avoir payées au mois de janvier 2018. Elle a établi un tableau des heures supplémentaires réalisées selon elle par le salarié pendant la période litigieuse, retenant 10 heures supplémentaires pour le mois de juillet 2017, sans toutefois préciser ni les horaires du salarié ni justifier de la validation, par ses soins, des heures qu’elle reconnaît devoir. Elle ne justifie pas non plus des échanges qu’elle a eus avec le client alors qu’elle soutient consulter le client avant la validation des heures supplémentaires.
Au vu des éléments versés de part et d’autre, il y a lieu de retenir la réalisation d’heures supplémentaires par M. [H] [B], à hauteur de 68 heures, dont 20 heures seulement ont été payées. Il y a lieu d’en fixer le montant à 732 euros, outre 73,20 euros au titre des congés payés afférents. Le jugement sera infirmé quant au montant fixé au titre des heures supplémentaires.
Sur le travail dissimulé
L’employeur fait valoir que la volonté de dissimuler n’est pas établie.
Le salarié répond que l’indemnité pour travail dissimulé est forfaitaire et que son montant ne peut être réduit.
***
La dissimulation d’emploi salarié prévue par l’article L. 8221-5 2°du code du travail n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement effectué. Le caractère intentionnel ne peut pas se déduire de la seule absence de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie.
Le faible nombre d’heures supplémentaires non payées et la modicité du rappel de salaire dû ne permettent pas de caractériser une intention frauduleuse de la part de l’employeur.
Le jugement sera infirmé en ce qu’il a alloué une somme à M. [H] [B], au titre du travail dissimulé et la demande sera rejetée.
Sur la demande de rappel de salaire
L’employeur soutient qu’à compter du 15 janvier 2018, M. [H] [B] a cessé de se présenter à son poste et que ce n’est qu’à compte du 1er février 2018 qu’elle a reçu un arrêt maladie pour la période du 1er au 16 février 2018 ; que l’absence injustifiée a duré 16 jours et que c’est à juste titre qu’a été déduite la somme de 839 euros sur la paye de janvier.
Le salarié répond que l’employeur l’a informé de la cessation de sa mission chez MERCK et sans même attendre sa réponse sur la mutation annoncée, a cessé de régler ses salaires.
***
Par mail du 9 janvier 2018, la responsable RH de la société METALOGIC a annoncé à M. [H] [B] la fin de sa mission chez Merck au 12 janvier 2018 au soir et lui a demandé de restituer les éléments en sa possession (badge’) à cette date. Le salarié ne pouvait donc se présenter au travail à compter du 15 janvier. L’employeur, qui ne fournissait plus de travail au salarié ne pouvait pas suspendre le paiement du salaire.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné la société METALINE IT à un rappel de salaire et congés payés afférents mais infirmé sur le montant, la somme retenue étant de 839,98 euros. L’employeur sera donc condamné au paiement de cette somme outre celle de 83,99 euros au titre des congés payés afférents.
Sur la clause de non concurrence
La société METALINE soutient que les interdictions contenues à l’article 11 des conditions générales constituent une clause de non sollicitation inversée, une clause de non débauchage et un rappel de l’obligation de loyauté vis-à-vis de l’employeur, pour lesquelles aucune contrepartie financière n’est nécessaire.
A titre subsidiaire, elle fait valoir que la clause de non-concurrence nulle n’ouvre droit à dommages-intérêts que si le salarié rapporte la preuve du préjudice subi et souligne que le salarié a retrouvé un emploi dès le 28 avril 2018 e n’aurait pas été embauché chez le client qui se plaignait de sa prestation.
Le salarié réplique que la clause de non concurrence insérée au contrat de travail ne prévoit aucune contrepartie financière ; qu’il se voit limité dans ses recherches d’emploi du fait de cette clause.
***
La clause de clause de non-concurrence n’est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise, limitée dans le temps et dans l’espace, qu’elle tient compte des spécificités de l’emploi du salarié et comporte l’obligation pour l’employeur de verser au salarié une contrepartie financière.
Ces conditions, appréciées à la date de sa conclusion, sont cumulatives.
Le contrat de travail de M. [H] [B] inclut un paragraphe 11 « non concurrence » ainsi libellé :
« La loyauté professionnelle envers METALOGIC se traduit par les engagements suivants qui se rattachent à l’obligation générale d’exécuter les contrats de bonne foi (art. 1134 C. Civil).
Le collaborateur s’engage à ne pas solliciter et à n’accepter aucun emploi ou mission chez le client direct ou indirect de METALOGIC où il a effectué une mission, dans l’année qui suit la cessation du contrat de travail. Seule une autorisation écrite de la direction peut libérer le collaborateur de cet engagement.
En cas de départ, qu’elle qu’en soit la cause, le collaborateur s’interdit de conserver des documents ou photocopies de documents appartenant à METALOGIC ou à un de ses clients. De même, il s’interdit de détourner ou tenter de détourner des clients, de débaucher ou tenter de débaucher des collaborateurs de METALOGIC, à son profit ou à celui de quiconque, à l’issue de ce présent contrat et ce pendant un an.
METALOGIC définit comme client direct, celui avec lequel METALOGIC a contracté ; comme le client indirect celui pour lequel ou chez lequel le collaborateur exerce sa mission. »
Il s’agit d’une clause de non concurrence dont la société METALOGIC n’a pas délié le salarié.
Cette clause ne comporte pas d’obligation de payer au salarié une contrepartie financière.
Elle n’est donc pas licite.
M. [H] [B] s’est vu limiter dans ses recherches d’emploi du fait de cette clause. Il précise néanmoins avoir retrouvé un emploi au mois d’avril 2018, deux mois après la rupture
Le conseil de prud’hommes n’a pas fait une exacte appréciation du préjudice qu’il y a lieu de fixer à la somme de 1 000 euros.
Sur le licenciement :
La SAS METALINE IT rappelle les conditions de validité d’une clause de mobilité et soutient que les conditions générales annexées au contrat de travail de M. [H] [B] incluaient une telle clause stipulant que le lieu de travail est situé en Rhône-Alpes et en Ile de France. Elle souligne que M. [H] [B], en apposant sa signature sur le contrat de travail, en a accepté les conditions générales.
Elle fait valoir :
que ses techniciens travaillent chez les clients le temps de la mission et qu’à l’issue de celle-ci, ils sont affectés à une autre mission ; que le seul client en Rhône Alpes était la société MERCK, les autres clients se trouvant en Ile de France ;
qu’elle a mis en ‘uvre la clause de mobilité conformément à l’intérêt de l’entreprise
qu’elle a recruté, au mois de décembre 2017, en contrat à durée indéterminée, un troisième technicien qui a rejoint l’équipe qui devait en compter 4 et ce afin d’assurer la prestation auprès du client qui se plaignait du travail et du comportement de M. [H] [B], ce dont ce dernier avait été averti.
Elle estime n’avoir pas porté une atteinte injustifiée et disproportionnée au droit du salarié à une vie personnelle et familiale normale.
S’appuyant sur l’article 61 de la convention SYNTEC, elle soutient que le refus du salarié est une cause réelle et sérieuse de licenciement et souligne que le refus de se rendre à l’entretien préalable a privé le salarié de toute possibilité de négocier.
Le salarié réplique :
que lorsqu’il en a été avisé, il a contesté les remontées clients négatives car travaillant sur site, il n’avait jamais eu la moindre remarque ;
qu’il a notamment objecté que son nouveau Team Leader M. [D] [V] ne transmettait pas des informations déterminantes ;
que les salariés de la société MERCK attestent de son professionnalisme ;
que le contrat de travail et les conditions générales ne contiennent aucune clause intitulée clause de mobilité, la mention litigieuse figurant dans une clause intitulée « nature de fonctions » ;
que la clause dont se prévaut l’employeur figure dans les conditions générales qu’il n’a pas signées et ne lui est pas opposable ;
qu’elle permettrait de faire travailler le salarié en deux endroits différents, ce qui est proscrit par la cour de cassation.
Il estime que l’employeur a fait un usage abusif de la clause de mobilité en lui imposant de se rendre disponible pour le 12 février 2018 au plus tard sur la région parisienne, alors que des congés lui avait été accordés pour la période du 7 au 30 mars 2018. Il ajoute que les conditions financières et matérielles de cette mutation ne lui ont pas été précisées.
Il explique qu’il ne s’est pas rendu à l’entretien préalable car il a considéré que l’employeur avait déjà pris sa décision.
***
La cause réelle du licenciement est celle qui présente un caractère d’objectivité. Elle doit être existante et exacte. La cause sérieuse concerne une gravité suffisante pour rendre impossible la poursuite des relations contractuelles.
La lettre de licenciement doit énoncer des motifs précis et matériellement vérifiables. La datation dans cette lettre des faits invoqués n’est pas nécessaire.
Le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige doit être apprécié au vu des éléments fournis par les parties, étant précisé que, si un doute subsiste, il profite au salarié, conformément aux dispositions de l’article L. 1235-1 du code du travail dans sa version applicable à l’espèce.
La mise en ‘uvre d’une clause de mobilité s’analyse en un simple changement des conditions de travail qui relève du pouvoir de direction de l’employeur.
La bonne foi contractuelle étant présumée, il appartient au salarié de prouver l’abus de droit de l’employeur dans la mise en ‘uvre de la clause de mobilité prévue dans son contrat de travail, en démontrant que la décision de ce dernier de faire jouer cette clause a été prise, en réalité, pour des raisons étrangères à l’intérêt de l’entreprise ou qu’elle a été mise en ‘uvre dans des conditions exclusives de toute bonne foi.
La mise en ‘uvre par l’employeur de la clause de mobilité ne doit pas porter atteinte au droit du salarié au respect de sa vie privée et familiale, à moins que cela ne soit justifié par les tâches ou fonctions du salarié et proportionné au but recherché.
La lettre de licenciement est ainsi motivée :
« Vous avez été embauché le 9 juin 2016 pour occuper la fonction de technicien informatique au sein de la société Metalogic, moyennant un salaire mensuel brut de 1920 euros, prime incluse. Le lieu de travail indiqué sur votre contrat de travail était : Rhône-Alpes et île de France.
Vous avez été affecté dès votre embauche chez notre client Unisys à [Localité 5]. Le 22 mai 2017, votre responsable commercial vous a fait part par mail de remontées négatives du client relatives à votre travail et à votre attitude, en vous demandant de veiller à améliorer ces points.
Le 1er décembre 2017, la DRH vous a fait part des remarques de notre client sur l’absence d’amélioration de votre prestation. Dans le même mail, celle-ci vous a rappelé les conséquences qu’auraient pour vous une sortie du site en termes de lieu de travail. Début janvier notre client a constaté que malgré un long temps d’adaptation, vous n’étiez toujours pas à même de remplir la mission demandée avec l’efficacité qu’il était en droit d’attendre et il nous a demandé de procéder à votre remplacement.
La fin anticipée de votre mission en Rhône-Alpes n’a donc pas été une décision de Metalogic, et ne peut pas être qualifiée de “brutale et injuste”, compte tenu des nombreux rappels que vous avez reçus.
Monsieur [Y] [A] vous a annoncé le 8 janvier votre sortie du compte fixé au 12 janvier. Dans un mail du 9 janvier 2018, la DRH vous a proposé de continuer notre collaboration en région parisienne conformément à votre contrat de travail, sachant que nous ne disposions d’aucune mission en Rhône-Alpes à court ou moyen terme et vous a demandé de vous positionner sur cette proposition le 15 janvier au plus tard.
Vous n’avez pas répondu à cette proposition, et vous ne vous êtes plus manifesté après le 12 janvier. Devant votre silence, celle-ci vous a réitéré sa demande par courrier recommandé du 19 janvier 2018.
Vous n’avez répondu que le 25 janvier 2018, en subordonnant un éventuel accord de votre part à des conditions irréalistes et dépassant de beaucoup celles prévues par l’article 61 de la Convention Collective.
Nous avons donc analysé votre réponse comme un refus et engagé la procédure prévue à l’article précité. Votre absence à l’entretien préalable nous a confirmé que vous ne souhaitiez pas infirmer notre conclusion quant à vos intentions et que vous n’aviez donc pas l’intention de déménager en Région Parisienne.
En conséquence de votre refus d’honorer la clause de mobilité figurant dans votre contrat de travail, nous nous voyons dans l’obligation de procéder à votre licenciement conformément à l’article 61 de la Convention Collective Syntec.
Vous cesserez donc de faire partie du personnel de METALOGIC à l’issue d’un préavis d’un mois commençant le lendemain de la première présentation de cette lettre. Vous voudrez bien noter que vous avez l’obligation d’effectuer ce préavis sur le lieu de votre nouvelle affectation, soit en Région Parisienne. »
L’exemplaire des conditions générales du contrat de travail versé aux débats par l’employeur n’est pas signé du salarié. Toutefois, le salarié a signé les conditions particulières de son contrat de travail, sur lesquelles il est mentionné que « les conditions générales font l’objet du document annexé, lequel fait partie intégrante du contrat de travail. »
Le document annexé inclut une clause selon laquelle le lieu de travail est situé en Rhône Alpes et en Ile de France.
La société METALINE IT verse aux débats un mail, daté du 22 mai 2017, adressé par M. [A], business Manager à M. [H] [B], qui fait suite à une réunion du 17 mai 2017, qui a pour objet « axes et objectifs mai 2017 », dresse une liste de 4 points à améliorer et annonce qu’il sera fait un point d’avancement dans trois mois. Il n’est pas fait mention de remontées négatives de la part du client et il est proposé au salarié de recevoir une formation adaptée à ses besoins.
Ensuite, le 1er décembre 2017, Mme [J], responsable RH a adressé un mail à M. [H] [B], intitulé « remontées client », dans lequel elle fait état, de manière imprécise, de remontées. Elle termine par « sache que le client a évoqué ton possible remplacement si la situation ne s’améliore pas. Compte tenu de nos impératifs géographiques, cela signifierait pour toi une affectation en région parisienne, ce que, il me semble, tu ne souhaites pas ».
Enfin, le 9 janvier 2018, Mme [J] a adressé à M. [H] [B] un mail pour lui dire de ne plus se présenter sur le site de Merck après le 12 janvier 2018, lui demander de répondre avant le lundi suivant, s’il souhaitait rester chez Métalogic et dans l’affirmative, le délai nécessaire pour s’organiser et le montant de ses frais de déménagement, lui précisant souhaiter le voir disponible pour le 12 février 2018, en « Ile de France ».
L’employeur ne justifie pas des remontées négatives de la part du client ni d’une demande de sa part de procéder au remplacement de M. [H] [B], or, ce dernier verse aux débats les attestations de trois salariées de MERCK, qui témoignent de sa disponibilité et de son efficacité.
La société METALINE IT ne justifie pas n’avoir eu aucun poste en Rhône Alpes et elle a demandé au salarié de se positionner, en moins d’une semaine, sur une poursuite de la relation de travail en Ile de France, sans plus de précision.
Elle admet avoir embauché un salarié en contrat à durée indéterminée, pour l’affecter au site de Merck, au mois de décembre 2017.
Enfin, M. [H] [B] a répondu en précisant les conditions d’une mutation en région parisienne, de sorte que l’employeur ne pouvait analyser cette réponse en un refus de mobilité.
Dès lors, la clause de mobilité a été mise en ‘uvre pour des raisons étrangères à l’intérêt de l’entreprise et dans des conditions qui excluent la bonne foi.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Sur le préjudice
L’employeur souligne que le montant de l’indemnité pour licenciement abusif est d’un à deux mois de salaire et que le salarié a rapidement trouvé un emploi.
Le salarié répond que le plafond d’indemnisation est de 2,5 mois, soit 5 000 euros et qu’il a subi un préjudice moral incontestable.
***
Au jour de son licenciement, M. [H] [B] comptait une année complète d’ancienneté dans l’entreprise.
En application de l’article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 applicable à la présente espèce compte tenu de la date du licenciement, en l’absence de réintégration comme tel est le cas en l’espèce, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre un mois et deux mois de salaire brut.
En considération de sa situation particulière, notamment de son âge, des circonstances de la rupture, de sa capacité à retrouver un emploi compte tenu de sa formation, il y a lieu de condamner la société METALINE IT à verser à M. [H] [B] la somme de 4 029 euros bruts, sur la base de la moyenne des salaires incluant le rappel d’heure supplémentaires, à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur les autres demandes :
La société METALINE IT, venant aux droits de la société METALOGIC, qui succombe partiellement en son recours, sera condamnée aux dépens d’appel.
Il est équitable de condamner la société METALINE IT, venant aux droits de la société METALOGIC, à payer à M. [H] [B], la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant publiquement, par arrêt mis à disposition, contradictoirement :
Confirme le jugement en ce qu’il a dit que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse et en ses dispositions relatives aux dépens et à l’indemnité de procédure ;
Infirme le jugement en ce qu’il a condamné la société METALOGIC aux droits de laquelle vient la société METALINE IT à payer à M. [H] [B] une indemnité pour travail dissimulé et en ce qui concerne les sommes allouées au titre des heures supplémentaires, d’un rappel de salaire au mois de janvier 2018, de la nullité de la clause de non-concurrence ;
Statuant à nouveau sur ces chefs,
Condamne la société METALINE IT, venant aux droits de la société METALOGIC à payer à M. [H] [B] :
la somme de 732 euros à titre de rappel d’heures supplémentaires pour la période de juin à août 2017, outre celle de 73,20 euros pour congés payés afférents ;
la somme de 839,98 euros à titre de rappel de salaire pour le mois de janvier 2018, outre la somme de 83,99 euros pour congés payés afférents ;
la somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts pour nullité de la clause de non concurrence ;
la somme de 4 029 euros brut à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse ;
Déboute M. [H] [B] de sa demande d’indemnité pour travail dissimulé ;
Y ajoutant,
Condamne la société METALINE IT, venant aux droits de la société METALOGIC aux dépens d’appel qui pourront être recouvrés par Maître CHABANOL, avocate, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile
Condamne la société METALINE IT, venant aux droits de la société METALOGIC à payer à M. [H] [B] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, en cause d’appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE