Heures de travail validées par un logiciel

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Heures de travail validées par un logiciel
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L’employeur est en droit de mettre en place un portail numérique dédié à la gestion du temps de travail des salariés (Smart RH) organisant la validation des heures supplémentaires.

Dans ce cas, l’employeur doit notamment exposer la procédure à suivre, pour les demandes d’heures supplémentaires, et de régularisation, qui supposent nécessairement une validation par le responsable.

En la cause seul le manager du salarié était habilité à demander à celui-ci la réalisation d’heures supplémentaires. Sans demande du manager ou validation de la réalisation d’heures supplémentaires par ce dernier, le salarié n’était pas autorisé à déroger à sa durée contractuelle de travail.

En la cause, le contrat de travail de la salariée stipulait que le décompte de temps de travail effectif est prévu en jours, dans la limite de 218 jours par an, journée de solidarité incluse, englobant les variations éventuellement accomplies dans une limite dont la valeur est au maximum de 10 % pour un horaire hebdomadaire de 35 heures. Il est précisé que le décompte de temps est auto déclaratif, et s’effectue dans le respect des procédures en vigueur dans l’entreprise.

Madame [Y] [L] a été licenciée par la SA Altran technologies pour non-respect des règles en matière de réalisation des heures supplémentaires et qualité de travail insatisfaisante. Contestant son licenciement, elle a saisi le conseil des prud’hommes de Strasbourg pour obtenir sa réintégration et des dommages et intérêts. Le conseil des prud’hommes a jugé le licenciement comme étant pour cause réelle et sérieuse, mais a condamné l’employeur à payer des heures supplémentaires et congés payés. Madame [L] a interjeté appel et demande à la cour d’infirmer le jugement et de la condamner à payer diverses sommes. La SA Altran technologies demande à la cour de confirmer le jugement initial.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

9 août 2024
Cour d’appel de Colmar
RG n°
22/01431
CKD/KG

MINUTE N° 24/651

Copie exécutoire

aux avocats

Copie à Pôle emploi

Grand Est

le

Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE – SECTION A

ARRET DU 09 AOUT 2024

Numéro d’inscription au répertoire général : 4 A N° RG 22/01431

N° Portalis DBVW-V-B7G-HZ7A

Décision déférée à la Cour : 22 Mars 2022 par le CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE STRASBOURG

APPELANTE :

Madame [Y] [L]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Corinne ZIMMERMANN, avocat au barreau de STRASBOURG

INTIMEE :

S.A. ALTRAN TECHNOLOGIES

Prise en la personne de son représentant légal

N° SIRET : B 7 02 012 956

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentée par Me Vincent LOQUET, avocat au barreau de NANCY

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 22 Mars 2024, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Mme DORSCH, Président de Chambre, chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme DORSCH, Président de Chambre

M. PALLIERES, Conseiller

M. LE QUINQUIS, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme THOMAS

ARRET :

– contradictoire

– prononcé par mise à disposition au greffe par Mme DORSCH, Président de Chambre,

– signé par Mme DORSCH, Président de Chambre et Mme SCHIRMANN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Madame [Y] [L] née le 19 mars 1958 a été embauchée par la SA Altran technologies le 1er octobre 2014 en qualité de consultant ingénieur, statut cadre. En dernier lieu son salaire s’élevait à 3.537,28 € brut par mois.

La convention collective Syntec est applicable à la relation contractuelle.

Convoquée par lettre du 11 décembre 2018 à un entretien préalable fixé le 19 décembre 2018, Madame [L] a par courrier du 08 janvier 2019 été licenciée pour cause réelle et sérieuse pour non-respect des règles en matière de réalisation des heures supplémentaires, et d’autre part pour une qualité de travail insatisfaisante.

Contestant son licenciement, elle a le 30 avril 2019 saisi le conseil des prud’hommes de Strasbourg afin d’obtenir sa réintégration, et à titre subsidiaire obtenir paiement de 27.380,40 € à titre de dommages et intérêts, ainsi que notamment diverses créances salariales dont 71.847,34 € à titre de salaire pour égalité de rémunération, le paiement d’heures supplémentaires, d’indemnité pour travail dissimulé, de temps de trajet, de remboursement de frais, de régularisation de la CSG trop perçue, de régularisation des impôts allemands.

Par jugement du 22 mars 2022 le conseil des prud’hommes de Strasbourg, a dit et jugé que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse, et a débouté Madame [L] de ses demandes de dommages et intérêts, de réintégration, d’arriérés de salaires pour égalité de rémunération, de paiement du temps de trajet, d’indemnité pour travail dissimulé, et de régularisation des impôts allemands.

Il a en outre déclaré prescrites les demandes de remboursement de frais professionnels, ainsi que de remboursement de la CSG.

Il a en revanche condamné la SA Altran technologies à lui payer :

– la somme forfaitaire de 6.000 € bruts au titre des heures supplémentaires,

– la somme de 600 € bruts au titre des congés payés afférents.

La société a également été condamnée à remettre à la salariée l’attestation Pole emploi sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter du 30e jour suivant le prononcé du jugement.

Les deux parties ont été déboutées de leurs demandes de frais irrépétibles, et les frais et dépens mis à la charge de l’employeur.

Madame [Y] [L] a le 08 avril 2022 interjeté appel à l’encontre de cette décision.

Par dernières conclusions transmises par voie électronique le 30 juin 2022, Madame [Y] [L] demande à la cour d’infirmer le jugement et statuant à nouveau de :

– Dire et juger que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

– Condamner la SA ALTRAN TECHNOLOGIES à lui payer :

* 17.500 € à titre de dommages et intérêts, avec les intérêts légaux à compter de la décision,

* 9.061,88 € à titre d’heures supplémentaires avec les intérêts légaux à compter de la réception par l’employeur de la convocation par le greffe,

* 906,18 € au titre des congés payés afférents avec les mêmes intérêts légaux,

* 6.041,53 € au titre du temps de trajet avec les mêmes intérêts légaux,

* 21.000 € à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé avec les intérêts légaux à compter de la décision,

* 10.563,23 € au titre du remboursement des frais avec les intérêts légaux à compter de la décision,

* 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle demande en outre de la condamner aux éventuels frais et dépens y comprissent l’intégralité des frais, émoluments et honoraires liés à une éventuelle exécution de la décision par voie de huissier, et en particulier tous les droits de recouvrement, ou d’encaissement sans exclusion du droit de recouvrement, ou d’encaissement à la charge du créancier.

Par dernières conclusions transmises par voie électronique le 22 septembre 2022, la SA Altran technologies demande à la cour de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il l’a condamnée à payer 6.000 € au titre des heures supplémentaires, 600 € au titre des congés payés, à délivrer sous astreinte l’attestation pôle emploi, l’a condamnée aux entiers frais et dépens, et l’a déboutée de sa demande de frais irrépétibles.

Elle demande à la cour de prendre acte de l’abandon par Madame [L] en cause d’appel de ses demandes relatives :

– à sa réintégration dans l’entreprise,

– à l’arriéré de salaires pour égalité de rémunération et des congés payés afférents,

– au remboursement portant sur la CSG,

– à la régularisation des impôts allemands.

Elle demande également à la cour de débouter la salariée de l’intégralité de sa demande et de la condamner à lui payer 3.000 € au titre de l’article 700 pour la première instance, et la même somme pour la procédure d’appel, et enfin de condamner l’appelante aux entiers frais et dépens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 16 janvier 2024.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour l’exposé des moyens des parties, à leurs conclusions ci-dessus visées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1. Sur le licenciement

Par lettre du 08 janvier 2019 Madame [L] a été licenciée pour cause réelle et sérieuse et pour ne pas avoir respecté les dispositions en vigueur au sein de la société en matière d’accomplissement des heures de travail, et d’autre part pour avoir généré l’insatisfaction de plusieurs clients quant à la qualité de son travail.

– Sur le respect de la procédure d’exécution d’heures supplémentaires et du temps de travail

Dans la lettre de licenciement il est fait référence à un recadrage suite à une déclaration a posteriori de la réalisation d’heures supplémentaires n’ayant pas été préalablement demandées ou validées dès octobre 2014. Il est ensuite fait référence à un nouveau rappel à l’ordre lorsque en juillet 2016 dans le cadre du projet pour le client Alstom, la salariée n’ayant pas respecté les procédures mises en place, mettant son manager hiérarchique devant le fait accompli y compris en prenant de larges initiatives quant aux horaires de travail. Il est ensuite noté qu’en janvier 2018 sur un autre projet il a été observé : ” vos mêmes difficultés à respecter les consignes. Sans accord préalable vous prenez notamment l’initiative de travailler à domicile, et d’arriver tardivement sur votre lieu d’intervention projet “.

S’agissant de la durée du travail, le contrat de travail à effet au 1er octobre 2014 prévoit en son article 4 que le décompte de temps de travail effectif est prévu en jours, dans la limite de 218 jours par an, journée de solidarité incluse, englobant les variations éventuellement accomplies dans une limite dont la valeur est au maximum de 10 % pour un horaire hebdomadaire de 35 heures. Il est précisé que le décompte de temps est auto déclaratif, et s’effectue dans le respect des procédures en vigueur dans l’entreprise.

Un portail dédié à la gestion du temps de travail dénommé Smart RH, accompagné d’un guide d’utilisation a été mis en place à partir d’octobre 2015. Le guide expose la procédure à suivre, notamment pour les demandes d’heures supplémentaires, et de régularisation, qui supposent nécessairement une validation par le responsable.

Il convient de relever que l’outil relatif à la déclaration préalable des heures supplémentaires n’est entré en vigueur qu’en octobre 2015.

Cependant l’employeur verse au débat en pièces 14 et 15 les réponses apportées aux questions des délégués du personnel aux réunions des 30 septembre 2014 et 28 mai 2015. Lors de la première réunion la direction a déclaré : ” seul le manager du salarié est habilité à demander à celui-ci la réalisation d’heures supplémentaires. Sans demande du manager ou validation de la réalisation d’heures supplémentaires par ce dernier, le salarié n’est pas autorisé à déroger à sa durée contractuelle de travail. “. Lors de la seconde réunion à la question 7 concernant le temps de travail, la direction a répondu : ” nous rappelons que pour effectuer des heures supplémentaires, tout salarié doit en demander l’autorisation à son manager. À défaut ou en cas de refus le salarié concerné n’est pas autorisé à réaliser des heures supplémentaires. En cas d’accord du manager les heures supplémentaires sont payées. “. C’est donc à tort que Madame [L] affirme qu’il n’existait aucun process avant octobre 2015. La règle de l’autorisation préalable des heures supplémentaires était connue et rappelée.

Madame [L] invoque des dysfonctionnements de l’outil Smart RH et fait valoir que ses demandes d’heures prévisionnelles de 18 h à 21 h, les 1er ,11 et 15 juin 2018, puis 02 juillet 2018 et 04 janvier 2019 ont été refusées le 05 mars 2019 soit neuf mois plus tard, car l’outil dysfonctionnait. Elle produit des mails, ainsi que leur réponse tardive.

Pour autant aucun dysfonctionnement n’est établi entre octobre 2015 et le 1er juin 2018.

Par ailleurs la salariée connaissait l’obligation d’obtenir l’autorisation préalable d’effectuer des heures supplémentaires, et en l’absence de réponse aurait pu solliciter lesdites autorisations par simple mail, ce dont elle s’est abstenue.

En revanche aucun élément n’établit des arrivées tardives de la salariée ou du travail à domicile sans accord préalable alors qu’un projet était en cours.

Il apparaît que ce premier grief est partiellement établi.

– Sur l’insatisfaction de plusieurs clients

La lettre de licenciement fait état de l’insatisfaction du client PSA quant à la qualité de la prestation dès lors qu’il est reproché :

– une absence de mise en place de reporting hebdomadaire de suivi des tâches demandées,

– une communication insuffisante ne permettant pas les arbitrages nécessaires,

– une communication orale et écrite parfaitement inadaptée envers le client.

La lettre de licenciement rappelle que ces griefs ont fait l’objet de multiples points managériaux et rappels à l’ordre du supérieur hiérarchique Monsieur [F], et qu’un n’accompagnement renforcé a eu lieu par l’intervention de Monsieur [I] chef de projet du programme Office. Mais que malgré cela la sortie du projet n’a pu être évitée en raison de ” vos fortes difficultés de communication, de votre manque de synthèse et de vos difficultés à prendre du recul. ”

La lettre de licenciement vise également un second client GEHC. Il est exposé que le chef de projet au bout de seulement deux semaines a demandé la sortie de Madame [L] de l’équipe et du projet estimant le risque de la maintenir trop important au regard de la qualité insuffisante de son travail.

Il est enfin noté que lors de l’entretien annuel les mêmes difficultés persistantes ont été soulignées ainsi que les multiples demandes et rappels à l’ordre des managers successifs.

En conclusion la lettre de licenciement mentionne que les expériences et projets s’enchaînent avec des manquements systématiques et récurrents concernant :

– votre capacité à respecter les consignes données par votre manager hiérarchique,

– votre compréhension de la logique de fonctionnement des procédures Altran et leur respect,

– votre communication jugée inadaptée,

– la qualité de votre travail.

***

L’employeur établit ces manquements par la production d’attestations de divers managers.

Ainsi Monsieur [F] Team unit manager cité dans la lettre de licenciement rapporte avoir eu le 03 juillet 2018 une réunion avec Madame [Z] [Y] de la société PSA au sujet de l’insatisfaction de cette société cliente de la prestation de Madame [L]. Le témoin déclare que les points suivants ont été constatés :

– Aptitude de communication : insuffisant, en expliquant que 15 jours avant le départ sur le site aucune présentation du plan de formation destinée aux équipe n’a été présentée, malgré les nombreuses relances.

– Aptitude technique : insuffisant, en constatant que la montée en compétence sur la compréhension métier est inférieure à celle d’un autre consultant pourtant moins expérimenté.

– Aptitudes organisationnelles : insuffisant. Le témoin dénonce une gestion des priorités décidée de façon unilatérale, et en désaccord avec les objectifs fixés par le contexte projet.

Il explique qu’un plan d’action a été mis en place tendant à trouver une solution externe pour la traduction des documents, et à mettre en place un Project Manager Altran pour piloter l’organisation des tâches.

Précisément Monsieur [I] chef de projet informatique, lui aussi cité dans la lettre de licenciement, rapporte que suite à l’insatisfaction du client PSA sur les activités de Madame [L], il lui a été demandé d’apporter un accompagnement et un suivi sur le reste des tâches afin de clôturer sa mission. Il explique avoir établi l’ensemble des tâches restant à faire, et leur priorité avec le client, puis avoir associé Madame [L] afin qu’elle fournisse le temps nécessaire à la réalisation. Il déclare avoir mis en place avec elle un point journalier de synchronisation pour vérifier l’avancement des tâches, et remonter si nécessaire des difficultés. Il ajoute qu’il réalisait tous les deux jours un point de synchronisation avec le client afin de faire un état des lieux. Cependant il conclut : ” malgré ce soutien et le suivi des activités, les jalons définis par Madame [L] n’ont pas été tenus, et n’ont pas permis d’aller au bout de la mission. ”

S’agissant du second client GEHC la société intimée produit l’attestation de Madame [U] [X] qui explique que les objectifs ont été expliqués et validés avec Madame [L] dès les premiers entretiens. Elle expose avoir suivi la formation et l’accompagnement de Madame [L] sur les activités demandées, et notamment l’écriture d’un process, dont le plan détaillé était déjà formalisé. Dans le cadre de son accompagnement le témoin déclare avoir remonté les éléments suivants :

– très vite à l’aise dans l’équipe,

– pas d’avancement sur les points demandés revus avec elle, puis renvoyés en comptes-rendus,

– avancement sur d’autres sujets, hors priorités demandées, voire hors contexte

– communication difficile car décalage entre les objectifs validés ensemble et les retours lors des bilans,

– personnalités volcaniques vis-à-vis de la hiérarchie qui n’inspire pas confiance pour valider le poste d’un pilote d’équipe.

Et le témoin conclut que la décision a été prise d’arrêter l’intégration de Madame [L] sur ce projet.

L’entretien professionnel du 29 novembre 2018 reprend sous la plume de Monsieur [W] [D] Advanced Consultant, les reproches s’agissant des deux clients précités. Les commentaires finaux sont négatifs puisque la performance globale est notée ” 2 “, soit insuffisante, et la remarque finale du manager est : ” année très insuffisante au regard de la seniorité et de l’ancienneté sur le poste, dans les performances, mais aussi dans le respect des process Altran ” Il est remarquable que la salariée a signé cette évaluation, et ne l’a jamais contestée.

Si Madame [L] invoque désormais un harcèlement moral de la part de la cliente représentant la société PSA en la personne de Madame [Z], et qu’elle a en effet inscrit dans l’évaluation qu’elle a été victime de harcèlement moral dès le troisième mois du projet, et qu’elle en a informé son manager aux premiers signes afin qu’il puisse réagir. Il convient néanmoins de relever que dans cette évaluation, elle conclut sur ce point : ” Je tiens à féliciter, mais surtout à remercier Altran pour avoir mis en place une médiation. Pour l’exemplarité, j’ai également fait part de ma reconnaissance lors de la visite médicale (ACST) “. Ses propres écrits contredisent ainsi ses déclarations quant à l’absence de réaction de l’employeur. Force est de constater qu’aucun harcèlement moral n’est allégué s’agissant du second projet.

Il résulte de ce qui précède que les attestations très circonstanciées de trois managers différents, et concernant différents projets, sont convergents quant aux manquements fautifs de la salariée. Il résulte de l’absence de toute mention dans la case collaborateur de l’entretien d’évaluation du 29 novembre 2018 (menée par un quatrième manager) que la salariée ne contestait pas la remarque très négative sur son insuffisance, ainsi que sa notation. Les remarques qu’elle formulait en page 2 du compte-rendu de l’entretien ne peuvent justifier une telle évaluation, de surcroît au regard de la seniorité, et de l’ancienneté sur le poste, tel que relevé par Monsieur [W].

C’est par conséquent à juste titre que le conseil des prud’hommes a jugé que le licenciement repose bien sur une cause réelle et sérieuse, et a débouté la salariée de sa demande de réintégration, (non maintenue à hauteur d’appel) et de dommages et intérêts. Le jugement est par conséquent confirmé.

2. Sur les heures supplémentaires

Le conseil des prud’hommes a jugé que nonobstant les manquements avérés de la salariée quant au respect des règles d’autorisation des heures supplémentaires, cette dernière établit que la société Altran a facturé des heures supplémentaires au client Itron. Cependant, compte tenu du caractère proprement invérifiable et aléatoire des éléments produits par la salariée, d’une base de rémunération erronée, le conseil de prud’hommes a alloué une somme de 6.000 € bruts au titre des heures supplémentaires.

Madame [L] conteste le jugement et réclame paiement d’une somme de 9.061,88 € outre les congés payés correspondant aux périodes suivantes :

* 3.767,12 € d’avril à octobre 2017 lorsqu’elle travaillait auprès du GE de [Localité 4] – annexes 19 et 104

* 4.509,13 € d’avril et à juillet 2018 lorsqu’elle travaillait pour le compte de PSA Bochum, – annexes 20 et 105,

* 785,63 € en avril 2016 lorsqu’elle a travaillé pour la société Itron – annexes 29 et 106

Aux termes de l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l”existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

A l’appui de sa demande, Madame [L] verse aux débats des tableaux récapitulatifs en annexes 19, 20, 29,104, 105 et 106. Ces éléments apparaissent suffisamment précis pour permettre à l’employeur de répondre utilement.

L’employeur fait valoir que le contrôle des heures de travail repose sur une déclaration du salarié, et qu’en l’espèce Madame [L] n’a jamais utilisé l’outil de gestion, et n’a pas respecté les préconisations selon lesquelles l’autorisation du manager est nécessaire pour effectuer des heures supplémentaires. Il affirme que les décomptes qu’elle produit ne lui ont jamais été adressés durant la relation contractuelle, qu’elle comptabilise par erreur des temps de trajet, et enfin que les tableaux sont faux car elle décompte des heures supplémentaires sur chaque journée, et non pas sur une semaine. Il déclare pour sa part produire en pièce 18 les synthèses mensuelles d’activité de Madame [L] pour la période du 1er janvier 2017 au 30 avril 2019 démontrant qu’elle n’accomplissait pas d’heures supplémentaires.

Il apparaît en effet que les tableaux produits par la salariée sont erronés en ce qu’elle intègre les heures de trajet comme heures de travail pour le calcul des heures supplémentaires, alors que le temps de trajet peut faire l’objet d’une contrepartie sous la forme d’un repos, ou sous forme financière, mais qu’il n’entre nullement en compte dans le calcul des heures supplémentaires. Et comme le souligne fort justement le conseil des prud’hommes, la base de rémunération retenue est erronée.

En revanche c’est de manière contradictoire que l’employeur dénie l’exécution d’heures supplémentaires au-delà de ces erreurs, mais néanmoins les facture au client. Il ne peut par ailleurs se retrancher derrière l’absence d’autorisation d’effectuer des heures supplémentaires, alors qu’il lui appartient en tout état de cause de procéder à un contrôle du nombre d’heures effectuées par le salarié. Il relève d’ailleurs lui-même pour la période pour laquelle il produit des relevés que toutes les semaines ne sont pas renseignées.

Il résulte de l’ensemble de ce qui précède qu’en allouant à Madame [L] une somme de 6.000 € au titre des heures supplémentaires effectuées et non rémunérées, outre les congés payés afférents, le conseil des prud’hommes a justement évalué le montant revenant à la salariée. Le jugement est donc confirmé sur ce point.

3. Sur le travail dissimulé

En application de l’article L. 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221 10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d’un bulletin de paie ou d’un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.

Aux termes de l’article L. 8223-1, en cas de rupture du contrat de travail, le salarié auquel l’employeur a eu recours dans les conditions prévues à l’article L 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L 8221-5 a droit à une indemnité égale à six mois de salaire.

Cependant le non-respect par l’employeur de ses obligations en matière de contrôle de la charge de travail est insuffisant pour caractériser l’élément intentionnel exigé par les dispositions susvisées. Il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté Madame [L] de sa demande d’indemnité pour travail dissimulé.

4. Sur les heures de trajet

L’article L3121-4 du code du travail dispose que : Le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur l’exécution du contrat de travail n’est pas un temps de travail effectif. Toutefois s’il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l’objet d’une contrepartie soit sous forme de repos, soit sous forme financière. La part de ce temps de déplacement professionnel coïncidant avec l’horaire de travail n’entraîne aucune perte de salaire.

Madame [L] réclame paiement d’une somme de 6.041,53 € au titre des temps de trajet effectués pour la période de juillet 2016 à décembre 2017 où elle se rendait à [Localité 4], et de janvier à juillet 2018 où elle se rendait à [Localité 6].

C’est à tort qu’elle affirme que ses temps de trajet constituent du temps de travail eu égard au texte précité. Elle ne peut par conséquent réclamer paiement des heures comme des heures de travail effectif.

En revanche, il est incontestable qu’un trajet vers [Localité 4], ou vers [Localité 6] dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu de travail de sorte qu’en application de ce même texte la salariée peut prétendre à une indemnisation.

Le fait relevé par l’employeur que ces trajets ne nécessitent pas de passage par l’entreprise est en l’espèce sans incidence.

L’exécution durant la période alléguée de 110 trajets vers [Localité 4], et de 28 trajets vers [Localité 6] justifient une contrepartie financière qui peut être évaluée à la somme de 3.000 €.

Le jugement ayant rejeté ce chef de demande est par conséquent infirmé.

5. Sur le remboursement des frais

Le conseil des prud’hommes jugeant la demande prescrite a rejeté ce chef de demande.

Madame [L] conteste le jugement et réclame une somme de 10.563,23 € sur la base d’un récapitulatif de frais d’octobre 2014 à avril 2016. Elle ne conclut cependant pas sur la prescription (de 2 ans) retenue par les premiers juges, et alléguée (de 3 ans) par l’employeur.

Les frais professionnels sont de jurisprudence constante assimilés à des salaires.

La prescription en matière de salaire est en application de l’article L3245-1 du code du travail de trois ans.

Or Madame [L] a saisi la juridiction prud’homale le 30 avril 2019, de sorte que ses demandes de remboursement de frais d’octobre 2014 à avril 2016 sont en effet prescrites. Le jugement est par conséquent confirmé en son dispositif, quand bien même il n’a pas appliqué la bonne durée de prescription.

6. Sur les demandes accessoires

C’est à juste titre que la société a été condamnée à remettre à la salariée l’attestation Pole emploi. Le prononcé d’une astreinte n’est cependant pas justifié.

Le jugement déféré est confirmé s’agissant des frais irrépétibles, et des dépens.

L’appelante qui succombe pour l’essentiel est condamnée aux entiers dépens de la procédure d’appel, et que par voie de conséquence sa demande de frais irrépétibles doit être rejetée.

Il convient cependant de préciser que la charge des frais d’exécution forcée est régie par les dispositions d’ordre public de l’article L. 111-8 du code de procédure civile d’exécution et qu’il n’appartient pas au juge du fond de statuer par avance sur le sort de ces frais.

Enfin l’équité commande de ne faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, au bénéfice de la société intimée ;

PAR CES MOTIFS

La Cour, Chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

CONFIRME le jugement rendu le 22 mars 2022 par le Conseil de Prud’hommes de Strasbourg en toutes ses dispositions SAUF en ce qu’il déboute Madame [L] de sa demande de compensation des temps de trajet, et assortit d’une astreinte la condamnation de la société Altran technologies à remettre l’attestation Pole emploi ;

Statuant à nouveau, et Y ajoutant

CONDAMNE la SA Altran technologies à payer à Madame [Y] [L], la somme de 3.000 € net (trois mille euros) en compensation des temps de trajet ;

DEBOUTE Madame [Y] [L] de sa demande d’astreinte ;

CONDAMNE Madame [Y] [L] aux entiers frais et dépens de la procédure d’appel ;

RAPPELLE que le sort des frais d’exécution forcée est fixé par les dispositions de l’article L. 111-8 du code de procédure civile d’exécution ;

DEBOUTE les deux parties de leurs demandes au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

LEDIT ARRÊT a été prononcé par mise à disposition au greffe le 09 août 2024 et signé par Madame Christine DORSCH, Président de Chambre, et par Madame Sylvie SCHIRMANN, Greffier.

Le Greffier, Le Président,


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