Harcèlement sexuel d’une collaboratrice parlementaire
Harcèlement sexuel d’une collaboratrice parlementaire
Ce point juridique est utile ?

Est constitutif de harcèlement sexuel, la tenue de propos déplacés / grivois à l’égard d’une collaboratrice parlementaire.

L’employeur, auteur principal des faits n’ayant par là-même pris aucune mesure pour que ce harcèlement cesse, a également méconnu son obligation de sécurité ; le préjudice subi du fait du harcèlement sexuel et de la méconnaissance de l’obligation de sécurité de l’employeur a été évalué à la somme de 2 700 par le conseil de prud’hommes – la cour prenant en compte la faible durée de la relation contractuelle et les circonstances particulières dans lesquelles elle a débuté.


AFFAIRE PRUD’HOMALE : COLLÉGIALE







N° RG 20/03120 – N° Portalis DBVX-V-B7E-M74S





[C]



C/

[X]







APPEL D’UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOURG EN BRESSE

du 20 Mai 2020

RG : 18/00092











COUR D’APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 15 SEPTEMBRE 2023













APPELANT :



[F] [C]

né le 01 Décembre 1982 à [Localité 4]

[Adresse 1]

[Localité 4]



représenté par Me Eric DEZ, avocat au barreau d’AIN







INTIMÉE :



[K] [X]

née le 05 Août 1988 à [Localité 6]

[Adresse 2]

[Localité 3]



représentée par Me Murielle MAHUSSIER de la SCP REVEL MAHUSSIER & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON substituée par Me Alexis PERRIN, avocat au barreau de LYON, Me Philippe NOUVELLET de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON





DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 01 Juin 2023



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Béatrice REGNIER, Présidente

Catherine CHANEZ, Conseillère

Régis DEVAUX, Conseiller



Assistés pendant les débats de Rima AL TAJAR, Greffière.



ARRÊT : CONTRADICTOIRE



Prononcé publiquement le 15 Septembre 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;



Signé par Béatrice REGNIER, Présidente, et par Mihaela BOGHIU, Greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.



*************



Le 30 juin 2017, Mme [K] [X] a été embauchée par M. [F] [C], député, dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée, avec un forfait-jours fixé à 208 jours par an, en qualité de collaboratrice parlementaire.



La relation contractuelle est régie par l’accord des collaborateurs parlementaires de député.

Par courrier du 25 janvier 2018, M. [C] a convoqué Mme [X] à un entretien préalable, fixé au 5 février 2018.



Par courrier du 8 février 2018, M. [C] a notifié à Mme [X] son licenciement en ces termes :

« (‘) Suite à notre entretien qui s’est tenu le 5 février 2018, nous vous informons de notre décision de vous licencier pour les motifs suivants : votre insuffisance professionnelle.

En outre, cette insuffisance vous a conduit à créer artificiellement un litige sur vos conditions de travail génératrice d’une mésentente de nature à rendre impossible la poursuite de votre contrat.

Nous vous dispensions d’effectuer votre préavis (‘) ».

Par requête réceptionnée au greffe le 2 mai 2018, Mme [X] a saisi le conseil de prud’hommes de Bourg-en-Bresse aux fins de contestation de son licenciement et de diverses demandes à caractères salarial et indemnitaire.

Par jugement du 20 mai 2020, le conseil de prud’hommes de Bourg-en-Bresse a :


Condamné M. [C] à verser à Mme [X] les sommes suivantes :

2 700 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement sexuel, violation de l’obligation de sécurité et à tout le moins pour exécution déloyale du contrat de travail,

1 500 euros à titre de dommages-intérêts pour défaut de visite médicale d’embauche,

16 200 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul,

500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Débouté M. [C] de sa demande reconventionnelle,

Laissé à chaque partie la charge de ses dépens.




Par déclaration du 18 juin 2020, M. [C] a interjeté appel de ce jugement.



Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique du 30 mai 2023, M. [C] demande à la cour de :


Ordonner la jonction entre les instances n°20/03-120 et n°20/03-118 en application de l’article 367 du code de procédure civile,

Annuler le jugement déféré pour défaut de signature de la greffière présente lors du prononcé de la décision et par application des 454, 456 et 358 du code de procédure civile, et à titre subsidiaire, réformer le jugement en toutes ses dispositions,

Evoquer le dossier et statuant à nouveau :

Surseoir à statuer sur les demandes de Mme [X] dans l’attente de l’issue de la procédure pénale mise en ‘uvre par M. [C], et à titre subsidiaire, débouter Mme [X] de l’ensemble de ses demandes,

Condamner Mme [X] à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamner la même aux dépens.




Il fait valoir que :


Les instances n°20/03-118 et 20/03-120 doivent faire l’objet d’une jonction en ce que, en raison du lien qu’elles présentent, il est de l’intérêt d’une bonne administration de la justice de les faire instruire et juger ensemble,

Le jugement entrepris est nul en ce que la signature présente sur le jugement n’est pas celle de la greffière présente lors du prononcé du jugement,

Il doit être sursis à statuer en attendant l’issue de l’enquête pénale ouverte à l’encontre d’un collègue de la salariée pour faux témoignage, en ce qu’il importe de savoir si ce témoignage est vrai avant de statuer sur la cause du licenciement de la salariée,

La salariée ne rapporte pas la preuve des faits de harcèlement sexuel qu’elle allègue,

La salariée ne rapporte pas la preuve des manquements aux obligations de loyauté et de sécurité qu’elle allègue,

Le licenciement de la salariée n’est pas nul en ce que les faits de harcèlement sexuel ne sont pas démontrés, et repose sur une cause réelle et sérieuse consistant en son insuffisance professionnelle, corroborée par des motifs matériellement vérifiables,

L’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse de la salariée devrait être plafonnée par les barèmes de l’article L. 1235-3 c. trav.




Dans ses uniques conclusions du 16 décembre 2020, Mme [X], intimée, demande pour sa part à la cour de :


Débouter M. [C] de sa demande d’annulation du jugement déféré et à défaut, statuant au fond sur l’entier litige en application de l’article 562 du code de procédure civile,

Condamner M. [C] à lui verser les sommes suivantes :


– 20 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement sexuel, violation de l’obligation de sécurité et à tout le moins pour exécution déloyale du contrat de travail,

– 1 500 euros à titre de dommages-intérêts pour défaut de visite médicale d’embauche,

– 20 000 euros pour licenciement nul ou, à tout le moins, sans cause réelle et sérieuse,

– 2 000 euros, et à titre subsidiaire, 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,


A défaut, confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré,

Condamner M. [C] aux dépens.




Elle fait valoir que :


Il existe une présomption selon laquelle le greffier qui a signé la décision est celui qui a assisté à son prononcé (Civ. 2e, 10 juin 2004, n°03-13.172) de sorte que, en l’absence de preuve contraire, le jugement entrepris ne doit pas être annulé,

Exposé du litige


Il ne doit pas être sursis à statuer en attendant l’issue de l’enquête pénale pour faux témoignage à l’encontre de son collègue en ce que la communication tardive de ce témoignage s’explique par un choix de son conseil,

L’employeur a commis à son encontre des faits constitutifs de harcèlement sexuel, en tenant à son égard des propos inappropriés et répétés ayant conduit à une dégradation de son état de santé,

L’employeur a manqué à ses obligations de sécurité et de loyauté, en ce qu’il a manqué à son obligation de lui faire passer une visite médicale, et en ce que les faits de harcèlement ont conduit à la dégradation de son état de santé,

Son licenciement est nul en ce qu’il avait uniquement pour but de sanctionner la révélation des faits de harcèlement sexuel commis par l’employeur à son égard,

Elle a subi un préjudice moral et financier du fait de son licenciement.

Motivation







SUR CE :



Attendu qu’il n’y a pas lieu de prononcer la jonction entre les instances enregistrées sous les numéros 20/03120 et 20/3118 dès lors qu’il n’y a pas d’intérêt à les faire juger ensemble, les deux salariés concernés n’ayant pas été licenciés pour les mêmes motifs ;



– Sur la nullité du jugement :



Attendu qu’il résulte des dispositions de l’article 456 du code de procédure civile que le jugement est signé par le président et le greffier ; qu’il y a présomption que le greffier qui a signé est celui qui a assisté à son prononcé ;



Attendu qu’en l’espèce le jugement attaqué est signé du greffier ; que la seule circonstance que cette signature ne soit pas identique à celle portée sur le jugement du même conseil de prud’hommes concernant l’instance opposant le collègue de travail de Mme [X] à M. [C] alors même que le nom du greffier ayant assisté le conseil lors du prononcé est le même n’est pas de nature à combattre cette présomption ; qu’en effet, à supposer qu’une irrégularité ait été commise dans l’un de deux jugements, aucun élément de permet de retenir que cette irrégularité affecte le jugement objet du présent appel ;



Attendu que la demande de nullité du jugement est dès lors rejetée ;





– Sur le sursis à statuer :



Attendu que, si une plainte a été déposée par M. [C] le 25 septembre 2019 auprès du juge d’instruction ayant pour objet de contester l’exactitude du témoignage de M. [O] [Z] [H] concernant des faits de harcèlement sexuel dont aurait été victime sa collègue Mme [X] – témoignage produit tant dans le présent dossier que dans celui concernant la contestation du licenciement de Mme [X], une telle circonstance ne justifie pas qu’il soit sursis à statuer dans l’attente de son résultat définitif – un appel a été formé contre l’ordonnance de non-lieu rendue le 16 mai 2023 – dans la mesure où la cour n’a dans la présente affaire à porter aucune appréciation sur la réalité de la constatation des faits ainsi rapportés et où en tout état de cause la cour peut apprécier elle-même la valeur de cette attestation ;





– Sur le défaut de visite médicale d’embauche :



Attendu qu’il est constant que Mme [X] n’a pas bénéficié de la visite d’information et de prévention réalisée par un professionnel de santé dans les trois mois suivant sa prise de poste telle que prévue à l’article R. 4624-10 du code du travail ; qu’elle a donc été privée de la possibilité d’échanger avec le médecin du travail et de se faire suivre médicalement, alors même qu’elle faisait état de conditions de travail dégradées ; que le préjudice subi de ce chef a été justement évalué à 1 500 euros par le conseil de prud’hommes ;





– Sur le harcèlement sexuel :



Attendu que l’article L. 1153-1 du code du travail dispose qu’aucun salarié ne doit subir des faits : /1° Soit de harcèlement sexuel, constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ; / 2° Soit assimilés au harcèlement sexuel, consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers ;

Que l’article L 1154-1 du code du travail prévoit qu’en cas de litige le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement à son détriment et qu’il incombe alors à l’employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs à tout harcèlement ; que le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles ;



Qu’aux termes de l’article L. 1153-2 du même code aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage, aucun candidat à un recrutement, à un stage ou à une formation en entreprise ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des faits de harcèlement sexuel tels que définis à à l’article L. 1153-1, y compris, dans le cas mentionné au 1° du même article, si les propos ou comportements n’ont pas été répétés ;



Attendu qu’en l’espèce Mme [X] soutient avoir été victime de remarques et propos répétés à connotation sexuelle de la part de son employeur M. [C] et de M. [W] [N], collaborateur parlementaire et chef de cabinet également salarié de M. [C] ; qu’elle produit :



– un procès-verbal de constat d’huissier retranscrivant le message vocal suivant adressé sur le téléphone portable de Mme [X] le 12 septembre 2017 par le contact enregistré sous le nom de ‘[F]2″ : ‘Oué [K], c’est [F]. Tu bosses ou tu la touches là” ;



– un échange de messages électroniques lors duquel Mme [X] précisait à M. [C] qu’elle n’avait pas vu son précédent message, ce à quoi l’intéressé répondait : ‘Ouais tu étais en train de casser les chiottes oui’ ;



– le témoignage détaillé et circonstancié de M. [H], également collaborateur parlementaire, qui atteste des difficultés rencontrées par Mme [X] en ces termes :



‘ Je soussigné [O] [H], certifie qu’en tant que collègue de Mademoiselle [X] [K] pour la période du 01/07/2017 au 26/12/2017, à la pernranenee de Monsieur [C] [F], avoir assisté ou entendu des conversations entre ce dernier et Mademoiselle [X] durant lesquelles il utilisait des propos inappropriés sur notre lieu de travail.

Je me souviens de quelques uns d’entre eux :

– Lors d’une journée de travail, [F] vient à la porte de notre bureau pour échanger (discuter de tout et de rien). [K] dit en touchant ses ongles qu’ils se cassent souvent en ee moment et que son veris ne tenait plus. [F] dit alors ‘c’est à force de branler des mecs et de te faire gicler sur les mains’. J’ai vu [K] gênée par ce qui venait d’être dit. J’avoue avoir rigolé de nerf car j’étais stupéfait de ce que je venais d’entendre.

– Un jour pendant la pause cigarette, nous discutions du site Internet qui était en cours d’élaboration. [K], qui était alors en charge de sa réalisation, dit que le chargé de projet (prestataire de service) était très sympa et à l’écoute et qu’elle était satisfaite du résultat. [W] [N] (troisième collaborateur) réagit et dit ‘Tu veux te le taper ou quoi” [K] répond : ‘pardon, mais ça ne va pas ou quoi” [F] renchérit en faisant des gestes obscénes ‘Imagine c’est an roux qui a une grosse bite et vu comment tu es petite il pourrait bien te démonter’.

– Une autre fois [F] dit fier de lui : ‘j’ai bien niqué ma femme en rentrant chez moi hier soit, il y avait de bonnes meuffes sur Paname’. Il demande à [W] et moi si nous avions bien niqué aussi. ll reprend ‘Ah bah tout le monde a bien niqué ! Ah non pas toi [K]! t’as niqué” Elle répond ‘Vous êtes frustrés sexuellement ou quoi” Il lui répond ensuite si elle avait un mec en ce moment. Elle lui répondra que cela ne le regarde pas.

– Début septembre [K] souhaitait poser des jours de congés pour rendre visite à une amie en Espagne suite au décès de la soeur de celle-ci. Elle alla dans le bureau de [F] pour lui demander si c’était possible d’avoir le 28 et 29 septembre en lui expliquant la situation. J’entends [F] prendre la parole avant même que [K] ait terminé ses explications et lui dire ‘Pendant tes vacances quoi ‘ tu t’es fait tringleé ” Elle lui répondit séchement : ‘Pardon, un peu de respect le député’. Elle lui expliqua la situation. Elle souhaitait y aller car la personne décédée était morte dans un accident de voiture. En rigolant, il lui a validé ses congés.

– Suite à un déplacernent à [Localité 5] mi-septembre, avec [W] et [F], nous rentrons à la permanence. [K] était restée à la permanence. Juste avant de rentrer dans le bureau, [F] nous demande ce qu ‘elle a bien pu faire toute seule dans le bureau, elle pouvait selon lui regarder un film porno en se touchant. A peine rentré, il lui posa la question.

– Un autre jour, [K] était absente car elle était en congés. [F] rentra dans notre bureau, s ‘assoit sur le siège de [K] et il remarque que sa souris d’ordinateur n ‘a pas été emportée. Il commença à imaginer (avec des commentaires) [K] en train de se toucher avec la souris.

Je travaillais quotidiennement avec [K]. Nous occupions le même bureau et nous faisions du Co-voiturage car nous habitons le même quartier. ll nous arrivait très souvent d’aller déjeuner ensemble le midi. J’ai senti que les choses n’allaient pas pour [K] dès mon départ en vacances en octobre 2017.

Plusieurs fois quand [F] était ignoble avec elle, elle m’en parlait. J’ai vu souvent [K] vomir.

En décembre, [W] m’avait prévenu par téléphone qu’ils allaient exercer des pressions sur elle afin qu’elle craque.

[F] prévoyait à partir de son entretien annuel de lui donner plein de tâches supplémentaires à faire mais c’était une parade pour constater une incapacité et ainsi justifier un licenciement.

Après le licenciement il m ‘a dit, toujours au téléphone, de dire à [K] si je la croisais ‘qu’elle faisait de la merde’ car j’avais dit à [F] que je souhaitais m’entretenir avec elle pour qu’elle puisse m’expliquer un peu la situation car je m’inquiétais pour elle.

Dès l’arrêt maladie de [K] début janvier, il est venu au bureau en disant ‘on est pas bien sans gonzesses sérieusement’. ll espérait sincèrement qu’elle ne revienne plus au bureau et que si elle pouvait rester en arrêt maladie 2 ans cela l’arrangerait.’ ;



– un certificat médical attestant qu’elle est venue en consultation le 4 décembre 2017 et qu’elle présentait un état anxio dépressif ;



– des ordonnances lui prescrivant un traitement médicamenteux ;



– son arrêt de travail pour la période du 5 janvier au 4 février 2018 ;



– le compte rendu de visite du médecin du travail du 1er février 2018, dans lequel ce dernier note que Mme [X] se plaint d’une ambiance de travail difficile, d’un comportement et de propos inapproriés et grossiers de la part de son supérieur hiérarchique ;



Attendu que Mme [X] présente ainsi les éléments précis et concordants qui pris dans leur ensemble laissent présumer l’existence d’un harcèlement sexuel ;



Attendu que M. [C] conteste tout fait de harcèlement sexuel ; qu’il estime que les messages fournis n’ont pas de connotation sexuelle et n’ont donné lieu à aucune réaction de Mme [X] tandis que le témoignage de M. [H] est mensonger ;



Qu’il verse aux débats :



– le témoignage de M. [N], qui estime que les propos de M. [C] tels que rapportés par Mme [X] sont déformés ou mensongers et n’ont pas de caractère sexuel et qui ajoute que Mme [X], M. [C] , M. [H] et lui-même avaient une relation amicale ancienne et ont toujours parlé assez crûment entre eux – ce qui ne posait aucun problème et les amusait tous ;



– un courriel du 21 décembre 2017 faisant suite à son entretien annuel, dans lequel Mme [X] formule des observations quant au compte rendu d’entretien, M. [C] remarquant qu’aucune observation n’est faite sur des faits de harcèlement sexuel dont elle aurait été victime ;



– plusieurs courriels professionnels adressés en novembre 2017 par Mme [X] à M. [C] terminés par le terme ‘bises’ ou un ‘smiley’ ;



Attendu que les éléments fournis par M. [C] ne sont pas de nature à contredire ceux présentés par Mme [X] ; qu’il résulte du témoignage même de M. [N] que le langage tenu par M. [C] était ‘familier’, ‘très fleuri’, ‘grossier’, voir ‘un peu limite’ ; que d’ailleurs plusieurs évènements relatés par M. [H] ressortent également de l’attestation de M. [N], ce dernier minimisant simplement les termes et la portée des propos tenus ; que certes un lien d’amitié liait Mme [X] et M. [C] avant la conclusion du contrat de travail ; que toutefois ce seul lien antérieur n’autorisait pas M. [C], pas davantage que M. [N], à avoir les propos tels que tenus à l’égard de Mme [X], alors même que celle-ci en souffrait ;



Attendu que, par suite, la cour a la conviction au sens de l’article L. 1154-1 du code du travail que Mme [X] a subi des faits de harcèlement sexuel de la part de M. [C] et dans une moindre mesure de M. [N] ; que l’employeur, auteur principal des faits n’ayant par là-même pris aucune mesure pour que ce harcèlement cesse, a également méconnu son obligation de sécurité ;



Attendu que le préjudice subi du fait du harcèlement sexuel et de la méconnaissance de l’obligation de sécurité de l’employeur a été justement évalué à la somme de 2 700 par le conseil de prud’hommes – la cour prenant en compte la faible durée de la relation contractuelle et les circonstances particulières dans lesquelles elle a débuté ;





– Sur le licenciement :



Attendu que l’article L. 1153-3 dispose qu’aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire pour avoir témoigné de faits de harcèlement sexuel ou pour les avoir relatés ;



Que l’article L. 1153-4 sanctionne par la nullité toute disposition ou acte contraire aux dispositions des articles L. 1153-1 et 1153-3 ;



Attendu qu’en l’espèce l’engagement de la procédure de licenciement, en date du 25 janvier 2018, ayant conduit le 8 février suivant au licenciement pour insuffisance professionnelle de Mme [X], fait suite au courrier adressé par la salariée à son employeur, en date du 19 janvier 2018, par lequel elle sollicitait un rendez-vous avec le médecin du travail et précisait que la dégradation de son état de santé était la conséquence ses conditions de travail ; qu’il y était en effet mentionné : ‘Tu n’ignores pas que mon arrêt de travail est directement lié à mes conditions de travail (comportements inappropriés, propos déplacés de ta part et d’un collègue, manque de communication, pressions, mise au placard, isolement et différence de traitement avec mes collègues masculins’ ; que la lettre de rupture, au demeurant très laconique, fait elle-même référence à la plainte de Mme [X] puisqu’il y est indiqué que: ‘Suite à notre entretien qui s’est tenu le lundi 5 février 2018, nous vous informons de notre décision de vous licencier pour les motifs suivants : insuffisance professionnelle / En outre, cette insuffisance vous a conduit à créer artificiellement un litige sur vos conditions de travail génératrices de mésentente de nature à rendre impossible la poursuite de notre contrat’ ;



Attendu que ces éléments démontrent que la rupture du contrat de travail est intervenue en raison de la dénonciation des faits de harcèlement sexuel par la salariée, même si cette dernière n’a pas expressément évoqué ce terme dans son courrier du 19 janvier 2018 ; qu’il apparaît ainsi que, en méconnaissance de l’article L. 1153-3 du code du travail, Mme [X] a été licenciée pour avoir relaté des faits de harcèlement sexuel ; que le licenciement est donc nul ;



Attendu que la salariée, victime d’un licenciement entaché de la nullité afférente à des faits de harcèelement sexuel a droit, en application de l’article L. 1235-3-1 du code du travail, à une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois ; qu’en considération de son ancienneté (7 mois), de sa rémunération mensuelle brute (2 700 euros), de son âge (29 ans au moment du licenciement) et du fait qu’elle a retrouvé un travail le 23 janvier 2019, son préjudice a été justement évalué à la somme de 16 200 euros par le conseil de prud’hommes ;





– Sur les frais irrépétibles :



Attendu qu’il convient pour des raisons tenant à l’équité d’allouer à Mme [X] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d’appel, les dispositions du jugement relatives aux frais exposés en première instance étant quant à elles confirmées ;








Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,



Dit n’y avoir lieu de prononcer la jonction entre les instances enregistrées sous les numéros 20/03120 et 20/3118,

Déboute M. [F] [C] de sa demande tendant à la nullité du jugement,

Confirme le jugement déféré, sauf en ce qu’il a laissé à la charge de chacune des parties ses dépens,

Statuant à nouveau sur le chef réformé et ajoutant,

Condamne M. [F] [C] à payer à Mme [K] [X] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d’appel,

Condamne M. [F] [C] aux dépens de première instance et d’appel.



LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


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