Harcèlement moral et obligation de reclassement

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Harcèlement moral et obligation de reclassement
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Nos Conseils:

– Il est important pour un salarié de signaler tout comportement de harcèlement moral au travail conformément à l’article L.1152-1 du code du travail. Il est également essentiel de conserver des preuves tangibles de ces agissements pour étayer sa plainte.
– En cas de litige lié à un harcèlement moral, il revient à l’employeur de prouver que les agissements dénoncés ne constituent pas du harcèlement. Il est donc recommandé de recueillir des témoignages et des documents pour étayer sa défense.
– Lorsqu’un salarié est déclaré inapte par le médecin du travail, il est essentiel pour l’employeur de respecter l’obligation de reclassement prévue à l’article L.1226-2 du code du travail. Il est recommandé de documenter toutes les démarches entreprises pour proposer un autre emploi adapté aux capacités du salarié.

Résumé de l’affaire

Mme [E] [Z] a été employée par la SARL Carriquiry à partir de juillet 2001, d’abord en contrat à durée déterminée puis en contrat à durée indéterminée. Après plusieurs arrêts maladie et un temps partiel thérapeutique, elle a été déclarée inapte à son poste et licenciée en avril 2021. Le conseil de prud’hommes de Pau a jugé que la société avait respecté ses obligations envers Mme [Z], mais cette dernière a interjeté appel, contestant le licenciement et accusant la société de harcèlement moral. Les parties demandent des dommages et intérêts ainsi que des indemnités diverses. La société Carriquiry, devenue SAS Carriquiry Sécurité, conteste les accusations de harcèlement moral et affirme avoir respecté ses obligations envers Mme [Z]. L’affaire est en attente de jugement en appel.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

13 juin 2024
Cour d’appel de Pau
RG n°
22/02067
TP/DD

Numéro 24/1984

COUR D’APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 13/06/2024

Dossier : N° RG 22/02067 – N°Portalis DBVV-V-B7G-IIXV

Nature affaire :

Contestation du motif non économique de la rupture du contrat de travail

Affaire :

[E] [Z]

C/

S.A.R.L. CARRIQUIRY

Grosse délivrée le

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 13 Juin 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l’audience publique tenue le 21 Février 2024, devant :

Madame CAUTRES, Présidente

Madame SORONDO, Conseiller

Madame PACTEAU, Conseiller

assistées de Madame LAUBIE, Greffière.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l’affaire opposant :

APPELANTE :

Madame [E] [Z]

[Adresse 1],

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Maître DUBOURDIEU, avocat au barreau de PAU

INTIMÉE :

S.A.R.L. CARRIQUIRY

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Maître RAZAVI NAZER, loco Maître CZERNICHOW de la SELAS ærige, avocat au barreau de PARIS

sur appel de la décision

en date du 28 JUIN 2022

rendue par le CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE PAU

RG numéro : F21/00246

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [E] [Z] a été embauchée par la SARL Carriquiry, du 23 juillet 2001 au 23 janvier 2002, selon contrat à durée déterminée à temps plein, en qualité d’employée de bureau.

Elle a par la suite occupé un contrat à durée indéterminée en qualité de secrétaire comptable.

Le 2 avril 2019, elle a été placée en arrêt maladie, arrêt renouvelé jusqu’au 13 février 2020.

Le 14 février 2020, elle a réintégré son travail sous la forme d’un temps partiel thérapeutique.

Le 23 mars 2020, elle a de nouveau été placée en arrêt de travail prolongé jusqu’au 9 août 2020.

Une réunion de reprise a eu lieu le 10 août 2020.

Le 14 octobre 2020, un entretien a eu lieu entre la salariée et son employeur suivi d’une lettre de contestation des faits reprochés par Mme [Z].

Le 19 octobre 2020, Mme [Z] a été placée en arrêt de travail, prolongé à plusieurs reprises.

Le 4 mars 2021, dans le cadre d’une visite de reprise, le médecin du travail a émis un avis d’inaptitude avec les préconisations suivantes :

« Sans contact régulier avec le public et sans plusieurs tâches à faire dans le même temps. Capacités restantes : elle pourrait occuper un poste allégé, à temps partiel. A envisager une formation qui respecte les restrictions émises »

Le 26 mars 2021, Mme [Z] a été convoquée à un entretien préalable fixé le 6 avril suivant.

Le 9 avril 2021, elle a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Mme [Z] a été rendue destinataire des documents de fin de contrat.

Le 3 août 2021, elle a saisi la juridiction prud’homale au fond à titre principal d’une contestation de son licenciement qu’elle estime consécutif à un harcèlement moral subi depuis sa reprise en février 2020.

Par jugement du 28 juin 2022, le conseil de prud’hommes de Pau a :

– Dit que la SARL Carriquiry n’a pas soumis Mme [E] [Z] à une situation de harcèlement moral au sens de l’article L.1152-1 du code du travail,

– Dit que la SARL Carriquiry a respecté son obligation de sécurité de résultat envers Mme [E] [Z],

– Dit que la SARL Carriquiry a satisfait à son obligation de reclassement,

– Dit que l’inaptitude de Mme [E] [Z] à son poste a une origine non professionnelle,

– Dit injustifiée la demande de paiement d’heures supplémentaires,

– Dit injustifiée la demande d’indemnité au titre de la prévoyance,

– Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

– Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.

– Condamne Mme [E] [Z] aux entiers dépens.

Le 19 juillet 2022, Mme [E] [Z] a interjeté appel du jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas contestées.

Dans ses conclusions adressées au greffe par voie électronique le 30 octobre 2023 auxquelles il y a lieu de se référer pour l’exposé des faits et des moyens, Mme[E] [Z] demande à la cour de :

– Par voie d’Infirmation du jugement déféré :

> À titre principal

– Dire et juger que la SARL Carriquiry a soumis Mme [E] [Z] à une situation de harcèlement moral au sens de l’article L 1152-1 du code du travail.

En conséquence :

– Dire et juger nul et de nul effet par application de l’article L 1152-3 du code du travail le licenciement pour inaptitude notifié par la SARL Carriquiry à Mme [E] [Z] le 10 avril 2021.

– Condamner la SARL Carriquiry à payer à Mme [E] [Z] les sommes suivantes :

‘ 24 612 euros nets (10 mois) à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du licenciement nul sur le fondement de l’article L.1235-3-1 nouveau du code du travail.

‘ 4 922,76 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis outre la somme de 492,27 euros bruts à titre d’indemnité de congés-payés afférente.

‘ 1 332,35 euros nets à titre de rappel sur indemnité légale de licenciement

‘ 7 000 euros nets à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du harcèlement moral.

> À titre subsidiaire

– Dire et juger que le licenciement pour inaptitude de Mme [E] [Z] est dépourvu de cause réelle et sérieuse en ce qu’il résulte des manquements de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat s’agissant de la protection de la santé des travailleurs dans l’entreprise,

En conséquence :

– Condamner la SARL réalité payer à Mme [E] [Z] les sommes suivantes :

o 14 768 euros bruts sur le fondement de l’article L.1235-3 nouveau du code du travail,

o 1 332,35 euros nets à titre de rappel sur indemnité légale de licenciement,

o 4 922,76 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis outre la somme de 492,27 euros bruts à titre d’indemnité de congés-payés afférente,

o 4 000 euros nets à titre de dommages et intérêts sur le fondement des articles L.4121-1 et suivants du code du travail,

> À titre infiniment subsidiaire

– Dire et juger que le licenciement pour inaptitude de Mme [E] [Z] est dépourvu de cause réelle et sérieuse faute de respect de l’obligation de recherche préalable de reclassement,

En conséquence :

– Condamnera SARL réalité payer à Mme [E] [Z] les sommes suivantes :

o 14 768 euros bruts sur le fondement de l’article L.1235-3 nouveau du code du travail,

o 1 332,35 euros nets à titre de rappel sur indemnité légale de licenciement,

o 4 922,76 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis outre la somme de 492,27 euros bruts à titre d’indemnité de congés-payés afférente,

> En tout état de cause

– Dire et juger que l’inaptitude de Mme [E] [Z] a une origine professionnelle pour résulter des conditions et de l’exercice de l’emploi au sein de la SARL Carriquiry,

En conséquence :

– Condamner SARL réalité lui payer les sommes suivantes sur le fondement de l’article L.1226-14 du code du travail :

‘ 4 922,76 euros bruts au titre de l’indemnité équivalente à l’indemnité compensatrice de préavis,

‘ 15 553,66 euros nets à titre de rappel sur indemnité spéciale de licenciement,

– Condamner SARL Carriquiry à payer à Mme [E] [Z] la somme de 4 696,38 euros B. au titre des prestations prévoyante UNMI non rétrocédées pour la période du 1 er novembre 2020 au 25 février 2021,

– Dire que les sommes allouées porteront intérêt au taux légal à compter de la citation en justice (date de réception par la société défenderesse de sa convocation devant le bureau de conciliation) pour les créances de nature salariale et à compter de la réception de la notification de la décision à intervenir pour les créances en dommages et intérêts.

– Condamner la SARL réalité payer à Mme [E] [Z] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance y compris les éventuels frais d’exécution forcée.

Dans ses conclusions responsives adressées au greffe par voie électronique le 31 juillet 2023 auxquelles il y a lieu de se référer pour l’exposé des faits et des moyens, la société Carriquiry, devenue SAS Carriquiry Sécurité, formant appel incident, demande à la cour de :

> A titre principal,

– Confirmer le jugement déféré,

– Dire et juger que la Société Carriquiry :

o N’a pas soumis Mme [Z] à une situation de harcèlement moral,

o A respecté son obligation de sécurité de résultat envers Mme [Z],

o A satisfait à son obligation de reclassement,

– Dire et juger que le licenciement pour inaptitude repose sur une cause réelle et sérieuse,

– Dire et juger que l’inaptitude de Mme [Z] a une origine non professionnelle,

– Dire et juger que Mme [Z] ne peut prétendre au paiement d’heures supplémentaires,

– Dire et juger que Mme [Z] ne peut prétendre à un rappel d’indemnités de prévoyance,

– En conséquence, Débouter Mme [Z] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions.

> A titre subsidiaire, dans l’hypothèse où la Cour infirmerait le jugement déféré,

– Réduire les dommages et intérêts sollicités par Mme [Z] à de plus justes proportions,

– Fixer le montant de l’indemnité compensatrice de préavis à 4.273,80 euros,

– Fixer le montant de l’indemnité spéciale de licenciement à 11.899,08 euros dans l’hypothèse où il serait jugé que l’inaptitude de la demanderesse serait consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle,

> A titre reconventionnel, et en tout état de cause,

– Condamner Mme [Z] à verser à la société Carriquiry la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamner Mme [Z] aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 22 janvier 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le harcèlement moral

En application de l’article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon l’article L.1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

En vertu de l’article L.1152-3 du même code, toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions ci-dessus, toute disposition ou tout acte contraire est nul.

L’article L.1154-1 du même code prévoit qu’en cas de litige le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement. Il incombe alors à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

[E] [Z] indique avoir subi divers agissements de la part de M. [J], représentant légal de la société Carriquiry, et produit les éléments suivants :

En premier lieu, Mme [Z] indique avoir subi un retrait de l’essentiel de ses tâches à sa reprise en temps partiel thérapeutique. Elle produit les pièces suivantes :

Sa fiche de poste en tant que secrétaire comptable qui liste 13 missions principales et 9 tâches détaillées ;

Le compte-rendu de l’entretien du 10 août 2020 entre la salariée et la direction représentée par M. [K] [J] et Mme [U] [V], en présence de M. [Y] [W], délégué du personnel, qui avait pour objet son retour après un arrêt maladie. Il y est indiqué que Mme [Z] a été en arrêt de travail à compter du 4 avril 2019, qu’elle a repris le 4 février 2020 et a fait l’objet d’un nouvel arrêt du 23 mars 2020 au 7 août 2020. Il est précisé à la salariée que sa visite de reprise aura lieu le 17 août 2020 et qu’elle aura pour mission d’assurer toutes les relances clients.

Le mail de Mme [V], directrice administrative et financière, en date du 21 août 2020 qui écrit à Mme [Z] qu’elle a, « en lien avec [ses] fonctions et conformément à [son] contrat de travail, (‘) pour mission de gérer tout le process clients, selon les différentes tâches suivantes :

Identification par société des factures impayées selon le délai d’impayé

Gestion de toutes les relances des factures impayées (relance téléphonique / relances mail et/ou courrier)

Traitement du fichier Excel pour assurer un reporting des relances traitées

Mise à jour des coordonnées clients si besoin

Assurer une bonne communication hebdomadaire à la direction sur le suivi des relances

Assurer une communication avec toute l’équipe comptabilité sur tout sujet ».

Le mail que Mme [Z] a envoyé à M. [J] le 21 août 2020 au sujet de l’intitulé de son poste, dans lequel elle précise qu’elle n’a « pas été seulement, depuis le 23/07/2001, une “employée de bureau”, mais [qu’elle a] effectué un travail de secrétaire comptable ». Elle y liste les tâches courantes qu’elle indique avoir accomplies en secrétariat et en comptabilité pour les quatre sociétés, Carriquiry, Aquitaine Coffres-forts Services, Groupe [N] et Demry Pesage.

Le mail de son employeur en date du 11 septembre 2020 lui demandant de lui « transmettre les documents (médecin du travail) qui précisent [son] mi-temps thérapeutique depuis le début ». Il explique qu’il n’a rien reçu et qu’il doit établir un avenant à son contrat de travail.

Tous ces éléments montrent que Mme [Z], initialement embauchée en tant qu’employée de bureau, a dans les faits exercer les tâches de secrétaire-comptable ainsi que le révèle sa fiche de poste qui liste les missions lui incombant.

A son retour en août 2020 lui ont été attribuées les seules tâches de relances des clients dans le cadre de sa reprise en mi-temps thérapeutique.

En deuxième lieu, elle invoque des conditions de reprise d’emploi inadmissibles, humiliantes ou à tout le moins dévalorisantes et anxiogènes par l’octroi d’un bureau isolé, vidé de ses effets personnels et des outils de travail habituels. Elle déplore une « mise au placard ». Elle fait également valoir que le dirigeant s’exprimait de manière agressive, menaçante et inadaptée à son égard et que l’ambiance était devenue délétère.

Elle produit les documents suivants :

Une lettre d’information de M. [J] à l’ensemble du personnel, en date du 9 juin 2020, par laquelle il annonce l’arrivée de deux nouvelles collaboratrices au sein du groupe [J], Mme [V] en tant que directrice administrative et financière à compter du 1er septembre 2020 et Mme [X] en tant que secrétaire comptable avec une embauche au 15 juin 2020.

Des photographies imprimées le 25 octobre 2020 qu’elle date du 11 août 2020, représentant un bureau avec un téléphone, des crayons et des documents intitulés « relances ». Le bureau photographié ne comprend pas de matériel informatique.

L’attestation de M. [B] [H], technico-commercial, qui témoigne, le 19 mai 2021, de ce que, lors du premier confinement, Mme [Z] lui a téléphoné pour lui indiquer que le gérant, M. [J], l’avait contactée pour lui signifier son licenciement dans les plus brefs délais. Il ajoute qu’à son retour d’arrêt maladie, Mme [Z] a été « reléguée dans un bureau isolé sans ordinateur, afin qu’elle fasse des relances clients par téléphone. Elle a dû relancer des clients pour des factures impayées sans beaucoup d’informations. (‘) elle a dû subir parfois les foudres de clients mécontents qui avaient bien payé leur facture. Après qu’elle a dû insister auprès de la direction afin d’optimiser son travail, cette dernière a daigné lui allouer un ordinateur poussif, qui n’arrêtait pas de planter et donc nuisait à l’efficacité de son travail ».

Dans une autre attestation du 2 janvier 2023, M. [B] [H], qui a « passé 22 ans comme attaché commercial auprès des établissements Carriquiry », témoigne que, « [sa] collègue [E] [Z] a fait un gros travail de relances pour récupérer le maximum d’argent ». Il ajoute qu’il a quitté l’entreprise en février 2021, précisant qu’il s’y est « épanoui et où régnait une bonne ambiance. Ce n’était plus le cas, l’ambiance était vraiment délétère ». Il conclut que son « ancienne collègue [E] [Z] a toujours été très sérieuse dans son travail et dévouée auprès de ses dirigeants et collègues ».

L’attestation de M. [R] [F], technicien, qui indique, le 14 mai 2021, avoir travaillé avec Mme [Z] d’avril 2006 à octobre 2020. Il indique : « suite à sa maladie (cancer), en mars 2019, Mme [Z] [E] est revenue travailler à mi-temps thérapeutique en février 2020 et faisait beaucoup moins de tâches administratives qu’avant, jusqu’en mars 2020. Mme [Z] [E] a repris le travail en août 2020 isolée à l’étage dans un bureau et ne faisait plus que des relances clients jusqu’au 14 octobre 2020 date à laquelle on lui a demandé de quitter l’entreprise ».

Dans une autre attestation du 17 décembre 2022, M. [R] [F] témoigne que, « suite à la dégradation de l’ambiance dans l’entreprise, [il a] décidé de quitter l’entreprise Hepha Pesage, filiale de la SARL Carriquiry » en mars 2021. Il précise avoir vu partir plusieurs personnes sur plusieurs mois et avoir donné sa démission dès qu’il en a eu l’opportunité.

L’attestation de sa fille [I] [L] qui expose : « en avril 2020, M. [J] a téléphoné à ma mère pour lui signifier qu’il n’était pas satisfait de son travail au retour dans l’entreprise et comptait la licencier au plus vite (‘) M. [J] était très agressif et parlait avec un vocabulaire inhabituel (‘) Il a été très menaçant, lui a répété qu’il était insatisfait de son travail et lui a fait des reproches infondés. J’ai travaillé aux côtés de ma mère dans cette entreprise et peux témoigner de son travail acharné, bien fait, et de ses égards vis-à-vis de ses collègues. Son état de santé s’est détérioré depuis cet appel. (‘) J’ai assisté en direct (elle avait mis le haut-parleur) à du harcèlement, des propos malveillants et du chantage. Il lui a dit que si elle n’acceptait pas d’être licenciée pour faute grave, il n’en resterait pas là. Son agressivité et ses menaces étaient disproportionnées. Il lui a clairement dit qu’il ne voulait plus d’elle dans l’entreprise, entreprise pour laquelle elle a tout donné pendant 19 ans. La conversation inattendue avec M. [J] a plongé ma mère dans un grand désarroi. Les conséquences de cet appel déplacé furent des prescriptions d’anxiolytiques, des insomnies et des inquiétudes sur son avenir professionnel car elle se voyait finir sa carrière dans cette entreprise ».

L’attestation de [D] [O] qui a été chef d’atelier et suppléant du délégué du personnel. Il a travaillé dans l’entreprise pendant deux ans. Il atteste avoir été convoqué par M. [J] en octobre 2020, lequel lui a « signifié vouloir [le] licencier sans [lui] faire aucun reproche ». Il précise : « j’ai pratiquement été forcé de partir car on ne voulait vraiment plus de moi dans la société. L’ambiance se dégradait dans l’entreprise et j’ai préféré m’en aller alors que je m’y plaisais, surtout quand il y avait encore l’ancien gérant M. [A] [N]. J’ai travaillé une semaine de plus et j’ai signé la rupture conventionnelle ».

Un courrier en date du 14 octobre 2020 que Mme [Z] a écrit à l’attention de M. [J] pour exposer qu’elle s’était présentée à son poste le jour même à 8 heures et que ce dernier lui a demandé de venir le voir dans son bureau. Mme [Z] indique alors : « lors de cet entretien entre vous et moi, vous m’avez reproché de ne pas faire correctement mon travail sur les relances clients. Suite à cela, vous me demandez de réfléchir jusqu’à vendredi sur l’éventualité d’une rupture conventionnelle ou une procédure aux prud’hommes. Ensuite, vous me demandez de quitter l’entreprise pour rentrer à mon domicile tout en étant rémunérée de cette journée. Je suis très surprise de ce qui vient de se passer lors de cet entretien. Depuis mon retour de congé maladie le 10 août 2020, vous ne m’avez jamais reproché quoi que ce soit sur la qualité de mon travail actuel. Je reste à la disposition de l’entreprise et je serai présente à mon poste vendredi à 8 heures ».

En réponse, le même jour, M. [J] écrit être « très surpris de la teneur du courrier » de Mme [Z]. Il confirme l’existence de l’entretien du matin « pour faire le point sur [la] reprise (de Mme [Z]) et [son] adaptation au poste ». Il conclut son mail en indiquant que « eu égard à la situation et soucieux d’un climat apaisant au sein de [son] entreprise, auquel [Mme [Z]] ne participe pas volontairement, [il lui] confirme vouloir amorcer une discussion pour aborder une éventuelle rupture conventionnelle ».

Ces éléments montrent que, en avril 2020, pendant l’arrêt maladie antérieur à sa reprise d’août 2020, Mme [Z] a été contactée par M. [J]. Il est néanmoins difficile de retenir comme établis les propos que Mme [Z] affirme avoir entendus de M. [J] lors de cette communication et de les relier aux autres faits dénoncés postérieurs à sa reprise en août 2020.

Ils établissent également que M. [J] a annoncé en juin 2020 l’embauche d’une secrétaire comptable pour le groupe, qu’à la date du 11 août 2020, Mme [Z] ne disposait pas de matériel informatique propre et qu’il lui a été proposé, quelques semaines après, une rupture conventionnelle.

En troisième lieu, Mme [Z] affirme avoir fait l’objet de reproches à l’égard de la réalisation de son travail et de menaces explicites sur la pérennité de son emploi.

Elle produit, outre les pièces énumérées ci-dessus, le courriel précité de M. [J] en date du 14 octobre 2020 qui, après avoir confirmé l’existence de l’entretien du matin même et avant de conclure à une proposition de rupture conventionnelle du contrat de travail de Mme [Z], lui a indiqué : « malgré différentes observations sur le manque de suivi des relances clients sur les autres sociétés que Carriquiry, je suis au regret de constater que le travail demandé n’est pas traité. De plus, j’ai été alerté par certains collaborateurs des propos tenus durant les pauses déjeuner sur la direction, manquant fondamentalement à ton obligation de loyauté. Tu te permets de dire publiquement que je suis un mauvais gérant et que je fais tout pour te nuire, alors que depuis ta reprise j’ai tout mis en ‘uvre pour te permettre un retour de qualité. Combien de fois je t’ai appelée pour être informé de ton retour ou tes absences, sans aucun retour de ta part, préférant avertir certains salariés avant ton propre responsable ‘ »

Enfin, elle expose que, concomitamment à ce contexte de dégradation des conditions de travail, son état de santé s’est dégradé.

Elle produit :

Un certificat d’arrêt de travail en date du 19 octobre 2020 et les prolongations jusqu’au 28 février 2021. Il est noté comme motif médical le 9 novembre 2020 : « syndrome anxiodépressif avec retentissement fonctionnel », repris le 15 décembre 2020 avec la mention « suite néo (néoplasie) sein gauche ». Le dernier avis d’arrêt de travail fait également référence à cette dernière pathologie.

Un certificat de son médecin traitant du 2 juin 2023 qui atteste qu’elle a bénéficié d’un traitement anxiolytique continu à compter du 20 avril 2020 et des ordonnances de prescription d’anxiolytiques dont la dernière date du 15 janvier 2021.

Un certificat du Docteur [S], psychiatre, qui atteste avoir reçu Mme [Z] le 2 mars 2021 qu’il ressort de l’entretien avec cette dernière qu’elle « présente un état dépressif et anxieux largement réactionnel à ses difficultés professionnelles et son exclusion de son poste de travail. Cet état a de grandes répercussions sur sa vie au quotidien, d’autant qu’elle est déjà fragilisée par une pathologue lourde traitée en 2019 et 2020 ».

Un certificat de son médecin traitant, le Docteur [C], en date du 21 mai 2021 qui indique que Mme [Z] « présente une longue maladie en cours de traitement » et « une anxiété généralisée qui s’est considérablement aggravée pour aller sur le versant dépressif à chaque reprise de son activité professionnelle depuis le 14/02/2020 avec un “pic” de dépression liée à son activité professionnelle en août 2020 ».

L’avis d’inaptitude du 4 mars 2021 avec la mention que « tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé » et l’attestation de suivi du médecin du travail en date du 18 février 2020 qui concluait à une « reprise à temps partiel thérapeutique en accord avec l’employeur, à 50% de son temps de travail, avec la possibilité d’augmenter son temps de travail après le premier mois ».

Les faits invoqués par Mme [Z] au soutien des agissements dont elle affirme avoir été victime ainsi que la dégradation de son état de santé sont ainsi, pour la plupart, matériellement illustrés par les pièces qu’elle verse aux débats.

Pris dans leur ensemble, ils laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral à l’égard de la salariée.

Il convient donc de rechercher si l’employeur démontre que les faits dénoncés par Mme [Z] ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Concernant le retrait des tâches allégué par Mme [Z], il appert de relever que, après plusieurs mois d’arrêt de travail pour une lourde pathologie, Mme [Z] a repris une activité professionnelle en mi-temps thérapeutique en février 2020 avant d’être à nouveau placée en arrêt de travail.

Il résulte des pièces et des développements de la salariée qu’elle déplore particulièrement son retour les conditions de son retour en août 2020.

Il ressort de l’échange de mails en date du 11 septembre 2020 qu’elle-même produit qu’elle a bénéficié d’un mi-temps thérapeutique à cette reprise. Elle a ainsi écrit à M. [J] pour l’informer que cette mesure allait jusqu’au 30 novembre 2020.

Cette reprise à temps partiel ne lui permettait pas de reprendre l’intégralité des tâches qui lui étaient auparavant dévolues.

L’employeur a décidé de lui confier la mission de relancer les clients débiteurs de la société, ce qui lui a été présenté lors de la réunion du 10 août 2020 dont le compte-rendu, qui ne mentionne aucune réserve de la part de la salariée, a été signé par elle.

Dans son mail du 11 septembre 2020, Mme [Z] écrit à M. [J] au sujet de son mi-temps : « tu me dis si cela pose un problème par rapport au travail, pour les relances », ce qui démontre qu’elle avait intégré le cadre dans lequel elle reprenait son activité.

La réduction des tâches alléguée par la salariée était donc justifiée par la durée de travail mise en ‘uvre dans le cadre du temps partiel thérapeutique.

L’intérêt de la mission était primordial pour la société puisqu’elle avait pour but de permettre le recouvrement de nombreux impayés afin de retrouver de la trésorerie. Mme [Z] avait de surcroît été désignée responsable de cette mission, ainsi que cela ressort du mail de Mme [V] en date du 17 août 2020 et démontre le rôle essentiel qui lui était dévolu pour ce faire.

La circonstance qu’aucune fiche de poste n’ait été établie pour lister les nouvelles attributions de Mme [Z] à son retour dans le cadre d’un mi-temps thérapeutique est ici inopérante puisque cette fiche n’est nullement exigée par la loi. Mme [V] avait d’ailleurs indiqué à Mme [Z] dans son mail du 21 août 2020 qu’aucune fiche de poste n’avait été établie pour les agents du service comptabilité, pas même la sienne sur laquelle elle devait travailler à partir de sa prise de fonction officielle le 1er septembre 2020.

En outre, le temps partiel thérapeutique est par nature révisable et donc en principe temporaire, de sorte qu’à l’exception d’un avenant relatif à la durée du travail, aucune mention relative à la nature des missions confiées au salarié n’est nécessaire. Dans le cas présent, il a été pris le soin de présenter son nouveau poste à Mme [Z] à son retour, en présence d’un salarié élu représentant du personnel.

D’autre part, la réponse de M. [J] au sujet de l’avenant qui, selon Mme [Z], démontre que l’altération du périmètre de son contrat de travail constituait une modification de son contrat, prouve au contraire que la modification du contrat devant être actée par avenant concernait la durée du travail pour qu’elle soit conforme au temps partiel thérapeutique mis en place pour la salariée.

Concernant le matériel mis à la disposition de Mme [Z], à supposer que le bureau dont les photographies sont versées aux débats était le bureau qui lui était affecté à sa reprise, il importe de relever que l’entretien entre la salariée et la direction le 10 août 2020, dont le compte-rendu est produit par la salariée, conclut que « un ordinateur lui sera mis à disposition dès que possible, ayant été informé de sa reprise définitive le vendredi 7 août 2020 ».

Le mail de Mme [V] en date du 17 août 2020 précité mentionne que les droits d’accès de Mme [Z] sur « la gestion co » ont été réactivés. Un échange de mail de ce même jour entre Mme [T], assistante technique, et l’entreprise s’occupant de l’assistance informatique confirme que Mme [Z] a retrouvé ce jour-là l’accès à différentes applications. Tout cela démontre qu’elle bénéficiait alors du matériel informatique requis pour exercer sa mission, étant précisé que la visite de reprise concluant à la mise en place d’un temps partiel thérapeutique est intervenue également le 17 août 2020.

De même, le fait que Mme [Z] ait eu un bureau individuel, dont aucune pièce du dossier ne permet d’affirmer qu’il était isolé des autres bureaux, ne saurait être retenu comme illustrant une « mise au placard » dans le contexte sanitaire qui existait à l’époque et qui nécessitait une protection particulière des salariés fragilisés par une lourde pathologie comme l’était Mme [Z].

[Y] [W], délégué du personnel qui assistait Mme [Z] lors de l’entretien du 11 août 2020, atteste que « lorsque [cette dernière] avait repris le travail, un nouveau bureau lui avait été aménagé avec le contenu de son ancien bureau ». Il précise qu’elle « passait beaucoup de temps à discuter avec certains collègues », ce qui contredit là encore tout isolement.

Concernant les recrutements que Mme [Z] estime être l’expression de la volonté de la direction de l’évincer de son poste, il appert de relever que ceux-ci ont été effectués au niveau du groupe [J] et non de la société Carriquiry, dans le cadre d’une nouvelle organisation du service administratif, comptable et financier, au niveau du groupe, avec le maintien d’une secrétaire-comptable au niveau de la société, Mme [Z].

L’organigramme versé aux débats montre qu’à la date du 15 juin 2020, la nouvelle secrétaire-comptable recrutée était dévolue au groupe [J], de même que Mme [V] qui devait arriver et Mme [G], comptable. Quant à Mme [Z], elle était mentionnée comme secrétaire-comptable de la société Carriquiry coffre-fort, aux côtés de Mme [P] [M], secrétaire facturation, toutes deux sous la subordination de M. [J], à l’instar du responsable SAV, du dessinateur, du chef d’atelier et du chargé d’affaires.

Au sujet des reproches sur la qualité du travail de la salariée, il ressort des termes mêmes de son courrier du 14 octobre 2020 qu’elle n’avait fait l’objet d’aucun reproche au sujet de la qualité de son travail depuis son retour de congé maladie le 10 août 2020.

Dans sa réponse dont les termes sont rapportés ci-avant, M. [J] dit « constater que le travail demandé n’est pas traité » et fait référence aux propos de Mme [Z] à son sujet.

Dans son attestation, M. [W] confirme « avoir été présent lors de repas du midi avec Mme [Z] [E] tenir des propos offensants envers l’entreprise Carriquiry. En présence d’autres salariés, Mme [Z] avait beaucoup de choses contre son nouveau patron et n’acceptait pas ce changement, cela créé une mauvaise ambiance » (sic).

Les remarques faites à Mme [Z] le 14 octobre 2020 sont donc objectivement justifiées par l’employeur.

De la même manière, il est confirmé par la société Carriquiry qu’une rupture conventionnelle du contrat de Mme [Z] a été envisagée, ainsi que cela ressort du mail précité de M. [J] en date du 14 octobre 2020, ce qui contredit toute volonté de mettre fin au contrat de la salariée à ses torts, « sans indemnité ». Cette proposition est justifiée comme intervenant en conclusion du courrier relevant des reproches à Mme [Z] sur la qualité de son travail et son comportement déloyal dans l’entreprise. M. [W] atteste avoir « assisté à plusieurs reprises aux échanges sur la rupture du contrat de Mme [Z] sans intervenir, tous les échanges étaient bienveillants. Les deux parties étaient d’accord sur les conditions de la rupture ».

Enfin, au sujet de l’état de santé de la salariée, il appert de relever que, si un traitement anxiolytique lui a été prescrit à compter d’avril 2020, elle en bénéficiait également l’année précédente, lorsqu’elle était en arrêt de travail pour sa lourde pathologie.

Par ailleurs, les avis d’arrêt de travail qui comportent un motif médical, ceux des 9 novembre et 15 décembre 2020, ainsi que du 15 janvier 2021, font référence, non pas à un état réactionnel à des difficultés au travail, mais à un état dépressif en relation avec le cancer du sein pour lequel elle a été soignée à partir de mars 2019.

Les certificats du psychiatre et du médecin traitant faisant référence, en mars et en mai 2021, à un état dépressif et anxieux réactionnel à des difficultés au travail ne sauraient être retenus comme établissant un lien absolu entre l’état de santé de Mme [Z] et son travail, alors même que les médecins n’ont pu que reprendre les dires de leur patiente et que, lors des arrêts de travail, il était exclusivement fait référence à la lourde pathologie dont elle avait souffert et aux légitimes séquelles psychologiques qu’elle avait induites. Il appert de plus de relever qu’aucune pièce émanant d’un médecin du travail n’est produite, à l’exception de l’avis d’aptitude avec mise en place du mi-temps thérapeutique et de l’avis d’inaptitude, lesquels ne contiennent aucun élément relatif au ressenti de Mme [Z] dans son travail. Il doit d’ailleurs être noté que l’avis d’inaptitude ne conclut pas au fait que le maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé puisqu’il est préconisé des indications pour le reclassement : « sans contact régulier avec le public et sans plusieurs tâches à faire dans le même temps. Capacités restantes : elle pourrait occuper un poste allégé, à temps partiel. A envisager une formation qui respecte les restrictions émises ».

En conséquence de tous ces éléments, la cour ne peut que conclure, tout comme les premiers juges dont la décision doit être confirmée de ce chef, que le harcèlement moral dont se prévaut Mme [Z] n’est pas constitué, de sorte que celle-ci doit être déboutée de sa demande de nullité du jugement sur ce fondement et des demandes financières et indemnitaires subséquentes.

Sur le manquement à l’obligation de sécurité

Il est de principe qu’est dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement pour inaptitude lorsqu’il est démontré que l’inaptitude est consécutive à un manquement préalable de l’employeur qui l’a provoquée.

Aux termes de l’article L.4121-1 du code du travail, l’employeur, tenu d’une obligation de sécurité envers les salariés, doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Pour ne pas méconnaître cette obligation légale, qui est désormais une obligation de moyen renforcée, il doit justifier avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail.

Mme [Z] argue à ce sujet que son employeur a failli à son obligation puisque sa reprise du travail a été organisée dans les conditions manifestement et volontairement dégradées et que son employeur a montré une attitude particulièrement vexatoire à son égard.

Elle reprend les éléments invoqués au soutien de sa demande de reconnaissance d’un harcèlement moral dont il vient d’être conclu qu’il n’était pas établi.

En ce qui concerne l’obligation de sécurité de l’employeur, Mme [Z] n’expose pas en quoi celle-ci n’a pas été respectée alors que, avisé de la mise en place d’un mi-temps thérapeutique de sa salariée après un long arrêt de travail pour soigner une pathologie lourde, la société Carriquiry a organisé un entretien avec elle, en présence du gérant et de la directrice administrative et financière, mais également d’un délégué du personnel, pour lui exposer la mission qui allait lui être confiée dans le cadre de ce temps partiel justifié médicalement.

De plus, il n’est aucunement établi que la société Carriquiry n’a pas organisé les visites médicales de reprise de la salariée après ses arrêts de travail alors que des attestations de suivi sont produites et concluent à des reprises à temps partiel le 18 février 2020 puis le 17 août 2020.

Aucun manquement à l’obligation de sécurité de la société Carriquiry n’est ici caractérisé, de sorte que Mme [Z] sera déboutée de sa demande indemnitaire à ce titre, ainsi que sur sa demande que son licenciement soit déclaré sans cause réelle et sérieuse sur ce fondement et sur les prétentions financières subséquentes.

Le jugement déféré sera confirmé sur ces points.

Sur l’obligation de reclassement

L’article L.1226-2 du code du travail dispose que lorsque le salarié victime d’une maladie ou d’un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l’article L.4624-4, à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l’entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

Pour l’application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu’elle contrôle dans les conditions définies à l’article L.233-1, aux I et II de l’article L.233-3 et à l’article L.233-16 du code de commerce.

Cette proposition prend en compte, après avis du comité social et économique lorsqu’il existe, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu’il formule sur les capacités du salarié à exercer l’une des tâches existantes dans l’entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur la capacité du salarié à bénéficier d’une formation le préparant à occuper un poste adapté.

L’emploi proposé est aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.

L’article L.1226-2-1 poursuit que lorsqu’il est impossible à l’employeur de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s’opposent à son reclassement.

L’employeur ne peut rompre le contrat de travail que s’il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l’article L.1226-2, soit du refus par le salarié de l’emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l’avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

L’obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l’employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l’article L. 1226-2, en prenant en compte l’avis et les indications du médecin du travail.

S’il prononce le licenciement, l’employeur respecte la procédure applicable au licenciement pour motif personnel prévue au chapitre II du titre III du présent livre.

Mme [Z] fait valoir qu’aucune recherche préalable, effective et sérieuse de reclassement au sein du groupe n’a été effectuée et invoque la rapidité de la mise en ‘uvre de la procédure de licenciement et l’absence de contact sollicité par l’employeur avec le médecin du travail postérieurement à l’avis d’inaptitude concernant les capacités résiduelles de la salariée ou sa possible affectation sur un poste de reclassement éventuel ou sur un aménagement du poste de travail.

Il résulte en l’espèce des éléments du dossier que l’employeur justifie de ce que, à la suite de l’avis d’inaptitude de Mme [Z] du 4 mars 2021, il a pris attache avec le médecin du travail le 8 mars 2021 pour lui demander des précisions quant aux mesures de reclassement préconisées. Le même jour, il a également contacté Mme [Z] par mail pour l’informer que, à la suite de l’entretien téléphonique du vendredi précédent, il recherchait une solution de reclassement à son bénéfice en collaboration avec le médecin du travail.

Ce dernier a écrit le 10 mars 2021 pour préciser que la mention « sans plusieurs tâches à faire dans le même temps » signifiait « tâche avec un délai d’exécution bien précisé dans le temps, par exemple une mono tâche par jour ou par demi-journée » et que la dénomination « poste allégé » signifiait « poste à temps partiel ».

Le 15 mars 2021 ont été remises, par Mme [V], directrice administrative et financière du groupe [J], à M. [K] [J], représentant légal du groupe et de chacune des sociétés le composant, des lettres de recherches de reclassement au profit de Mme [Z].

Le procès-verbal de la réunion extraordinaire du comité social et économique de la société Carriquiry en date du 24 mars 2021 conclut, après l’explication qu’au 18 mars 2021, les responsables des entités du groupe [J] ont répondu qu’aucun poste en lien avec les préconisations du médecin du travail n’était disponible, à un avis favorable au « licenciement pour impossibilité de reclassement des suites de l’inaptitude de Mme [E] [Z] ».

La société Carriquiry produit les registres du personnel des différentes sociétés du groupe pour la période de janvier ou février 2021 à novembre 2021. Il en ressort qu’aucun poste administratif, sans contact avec la clientèle, n’a été pourvu durant cette période et que les effectifs des entreprises ne permettaient pas un aménagement de poste tel que préconisé par le médecin du travail.

Dans ces conditions, il appert de considérer que la société Carriquiry a régulièrement procédé à une recherche de reclassement de Mme [Z] qui s’est conclue par une impossibilité d’y parvenir, de sorte que le licenciement de la salariée pour inaptitude et impossibilité de reclassement était fondé.

Le jugement querellé qui l’a déboutée de sa demande de dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse sur ce fondement ainsi que des demandes financières subséquentes sera donc confirmé.

Sur l’origine de l’inaptitude

Mme [Z] revendique l’application à son profit des règles protectrices applicables aux salariés victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, soutenant que ces dispositions ne sont pas subordonnées à la reconnaissance par la caisse primaire d’assurance maladie d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle et que son inaptitude trouve, au moins en partie, son origine dans son emploi et les conditions de celui-ci imputables à son employeur.

Il résulte des articles L. 1226-10 et L. 1226-14 du code du travail que les règles protectrices applicables aux victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle s’appliquent dès lors que l’inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l’employeur avait connaissance de cette origine au moment du licenciement.

Pour que le bénéfice de ces dispositions soit appliqué à un salarié, il appartient au juge du fond de rechercher si son inaptitude a pour origine un accident du travail ou une maladie professionnelle, et si l’employeur avait connaissance de cette origine à la date du licenciement.

Le manquement à l’obligation de sécurité est indépendant de la qualification de maladie professionnelle ou d’accident du travail.

En l’espèce, outre le fait qu’aucun manquement de l’employeur à son obligation de sécurité n’a été reconnu comme étant à l’origine de l’inaptitude de Mme [Z], il appert surtout de relever qu’aucun élément du dossier ne permet d’établir que son inaptitude est au moins partiellement consécutive à un accident du travail ou à une maladie professionnelle : les arrêts de travail à l’issue desquels son inaptitude a été prononcée ont été délivrés pour maladie et aucune démarche n’a été entamée pour que la salariée soit prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels. Mme [Z] ne caractérise pas l’existence d’un fait accidentel survenu au temps et au lieu du travail, ni d’une maladie inscrite au tableau des maladies professionnelles, ni d’une maladie essentiellement causée par le travail habituel et ayant entraîné une incapacité permanente d’un taux au moins égal à 25%.

Dans ces conditions, sa demande de bénéficier des règles protectrices applicables aux victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle est infondée et elle en sera déboutée.

Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

Sur les prestations prévoyance

Mme [Z] demande le versement des indemnités prévoyance pour la période du 22 octobre 2020 au 25 février 2021 alors que son contrat de travail était suspendu pour maladie.

Il résulte des déclarations concordantes des parties et des bulletins de salaire versés aux débats qu’après avoir été engagée par la société Carriquiry, Mme [Z] est devenue salariée du groupe [N] avant d’être à nouveau salariée de la société Carriquiry à compter du 1er janvier 2020.

Il appert que le contrat de prévoyance dont elle se prévaut a été souscrit par le groupe [N]. Les courriers adressés par l’UNMI, organisme de prévoyance, en attestent.

Dans ce cadre, des prestations lui ont été versées et apparaissent comme suit sur ses bulletins de paie :

1831,20 euros en décembre 2019, montant mentionné sur le bulletin de paie indiquant la SARL groupe [N] comme employeur, pour la période du 3 mai 2019 au 1er juillet 2019,

5127,36 euros en janvier 2020, montant mentionné sur le bulletin de paie indiquant la SARL Carriquiry comme employeur, pour la période du 2 juillet 2019 au 16 décembre 2019,

1800,68 euros en juin 2020, montant mentionné sur le bulletin de paie indiquant la SARL Carriquiry comme employeur, pour la période du 17 décembre 2019 au 13 février 2020.

En mai 2021, elle a également perçu directement, de la part de cet organisme, la somme de 109,82 euros pour les prestations concernant la période du 26 au 28 février 2021.

L’organisme UNMI indique avoir payé, outre les premières sommes visées ci-dessus, sur le compte bancaire de la société Groupe [N] la somme totale de 4696,38 euros, par des virements intervenus entre le 8 janvier 2021 et le 12 mars 2021, pour la période du 22 octobre 2020 au 25 février 2021.

La société Carriquiry soutient que le fait que Mme [Z] soit revenue dans ses effectifs le 1er janvier 2020, sans transfert de son contrat de travail dans les conditions de l’article L.1224-1 du code du travail mais simplement parce que le groupe [J] est devenu associé majoritaire de la société Carriquiry, n’entraînait pas pour celle-ci l’obligation d’appliquer le régime de prévoyance en vigueur au sein de la société associée à laquelle les parts ont été achetées.

Il est constant que la seule prise ou cession de participations d’une société dans le capital d’une autre ou prise de contrôle d’une société n’opère aucun transfert d’entité économique non plus que la cession des parts qu’un dirigeant détient dans la société, qui conserve donc la qualité d’employeur. En effet, il a été anciennement jugé que l’acquisition, par la société mise en cause, d’un certain nombre de parts de la société employeur lui a donné seulement la qualité d’associée, chacune des deux sociétés ayant conservé sa personnalité et son autonomie juridique, ce qui exclut toute fusion, même de fait, par absorption d’une société par l’autre ou par création d’une nouvelle société.

Il est également constant que l’article L.1224-1 du code du travail ne s’applique pas non plus en cas de changement de majorité dans la détention du capital social d’une personne morale. La prise de contrôle d’une société, par acquisition de la majorité de son capital social, n’emporte pas modification dans la situation juridique de l’employeur ni transfert des contrats de travail vers la société contrôlante. Le changement de gérant provoqué par la prise de contrôle de la majorité des parts d’une SARL n’a pas plus d’effet dès lors que l’employeur reste le même. Il n’en irait autrement qu’en présence d’un transfert entre les sociétés d’une entité économique autonome à la faveur de cette prise de contrôle

En l’espèce, aucune pièce n’est produite au dossier concernant les raisons pour lesquelles il y a eu une substitution d’employeur pour Mme [Z].

La société Carriquiry n’apporte aucun élément relatif à la reprise du contrat de travail de Mme [Z] et de l’information qui lui a été apportée à ce sujet, en particulier sur le fait qu’elle ne reprenait pas le régime de prévoyance souscrit par le groupe [N], dont bénéficiait Mme [Z] alors en arrêt maladie.

Force est de constater que la société Carriquiry a repris à son compte l’obligation qu’avait la société groupe [N] de reverser à la salariée les indemnités prévoyance auxquelles elle avait droit. Elle y a procédé au centime d’euro près en janvier 2020 et en juin 2020, y compris pour une période postérieure au 1er janvier 2020, date à laquelle Mme [Z] est redevenue sa salariée, ce qui signifie qu’elle a été informée des montants exacts des prestations prévoyance dues à cette dernière.

Elle ne peut donc se considérer « totalement étrangère à cet imbroglio » comme elle l’affirme dans ses écritures.

Il importe par ailleurs de relever que l’accord de Mme [Z] concernant la renonciation au bénéfice du contrat de prévoyance par la substitution d’employeur n’a pas été recherché.

En conséquence de tous ces éléments, la cour considère que, par les versements qu’elle a opérés en 2020, la société Carriquiry a entendu reprendre la subrogation dans le versement des indemnités prévoyance donc bénéficiait Mme [Z] dans le cadre du contrat souscrit par son précédent employeur, la société Groupe [N], avec l’organisme UNMI.

Elle doit donc être, dans le cadre de la relation contractuelle qui l’unit à Mme [Z], condamnée au paiement de la somme de 4696,38 euros au titre des indemnités de prévoyance dues pour la période du 1er novembre 2020 au 25 février 2021.

En application de l’article 1236-1 du code civil, cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 5 avril 2022, date de l’audience à laquelle cette demande a été soutenue, en l’absence d’une précédente mise en demeure.

Le jugement déféré sera infirmé de ce chef.

Sur les demandes accessoires

La nature de cette décision commande de laisser à chaque partie la charge des dépens et des frais irrépétibles par elle exposés au cours de l’instance.

Les demandes réciproques fondées sur l’article 700 du code de procédure civile seront donc rejetées.


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