Harcèlement moral du journaliste établi
Harcèlement moral du journaliste établi

Un journaliste a fait l’objet durant plusieurs mois de critiques véhémentes et réitérées de la part de son supérieur hiérarchique dont la pertinence et la justification n’étaient pas établies.

II ne pouvait être considéré que ces faits étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral qui, compte tenu du contexte des difficultés économiques rencontrées par l’entreprise, ne pouvait que susciter une grave et légitime inquiétude du salarié sur son sort.

Cependant, en l’absence de tout élément médical concernant le salarié et au vu des pièces et explications produites, il a été alloué au journaliste une somme évaluée à 1.500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi.

Pour rappel, selon les dispositions de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L’article L. 1154-1 prévoit, qu’en cas de litige, si le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement et, au vu de ces éléments, il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

___________________________________________________________________________

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 11

ARRET DU 01 JUIN 2021

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/00481 –��N° Portalis 35L7-V-B7E-CBISX

Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Juin 2016 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° 15/04645

APPELANT

Monsieur D X

Représenté par Me Nathalie LESENECHAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D2090

INTIMÉES

SARL LA VOIX DE LA PAIX représenté par son liquidateur judiciaire la S.E.L.A.R.L. Y YANG-TING

Représentée par Me Eric LENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : G0823

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA IDF OUEST

Représentée par Me Anne-France DE HARTINGH, avocat au barreau de PARIS, toque : R186

SELARL MICHEL MIROITE I

non représenté, non comparant

SELAS MCM ET ASSOCIES

Non représenté, non comparant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 15 Avril 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Sylvie HYLAIRE, Présidente, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Sylvie HYLAIRE, président

Anne HARTMANN, conseiller

Laurence DELARBRE, conseiller

Greffier, lors des débats : Mme Samia BOUGUEROUCHE

ARRET :

— Contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Sylvie HYLAIRE, Présidente de chambre et par Mathilde SARRON, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

M. D X, né en 1966, a été engagé en qualité de journaliste par la SARL La Voix de la Paix par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er septembre 1994.

A la date de la saisine du conseil de prud’hommes, soit le 17 avril 2015, M. X avait une ancienneté de 20 ans et 7 mois et la société La Voix de la Paix occupait à titre habituel moins de onze salariés.

Par jugement du 18 décembre 2014, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de la société La Voix de la Paix.

Demandant des dommages-intérêts pour harcèlement moral et des rappels de salaires pour heures supplémentaires, M. X a saisi le 17 avril 2015 le conseil de prud’hommes de Paris qui, par jugement du 17 juin 2016, auquel la cour se réfère pour l’exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a :

— débouté M. X de l’ensemble de ses demandes ;

— débouté la SELARL Michel Miroite I, prise en la personne de Maître H I en qualité d’administrateur judiciaire, la SELAS MCM & Associés prise en la personne de Maître Q-R, en qualité de mandataire judiciaire de leur demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— laissé les dépens à la charge de M. X.

Par déclaration du 25 novembre 2016, M. X a relevé appel de cette décision qui lui avait été notifiée le 27 octobre 2016.

Par jugement du 6 octobre 2016 le tribunal de commerce de Paris a rejeté le plan de continuation proposé par la société et arrêté un plan de cession des actifs de la société La Voix de la Paix au profit de la société Radio Shalom.

Cette décision a été confirmée par arrêt rendu par la présente cour le 15 décembre 2006, le pourvoi formé contre cette décision ayant été rejeté par arrêt rendu le 4 juillet 2018 par la Cour de cassation.

Suite à la décision de la juridiction consulaire, le contrat de travail de M. X a été transféré à la société Radio Shalom.

L’instance prud’homale d’appel a fait l’objet d’une radiation prononcée le 14 décembre 2017.

Par jugement du 14 novembre 2018, la juridiction consulaire a prononcé la liquidation judiciaire de la société La Voix de la Paix et a désigné la SELARL Y Yang-Ting en qualité de liquidateur.

L’affaire a été réinscrite au rôle de la cour sur la demande de l’appelant du 12 novembre 2019.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 1er février 2020, M. X demande à la cour d’infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu et de :

— fixer sa créance au passif de la société La Voix de la Paix, représentée par Maître Y ès qualité, aux sommes suivantes :

* 20.000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral,

* 3.220,40 euros au titre des rappels de salaire pour heures supplémentaires à compter du mois d’avril 2012 jusqu’à septembre 2016,

* 322 euros au titre des congés payés afférents,

* 9.000 euros au titre des frais engagés pour son activité professionnelle,

— condamner la société La Voix de la Paix, représentée par Maître Y ès qualités, à lui verser les sommes suivantes :

* 20.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait du harcèlement moral,

* 3.220,40 euros au titre des rappels de salaire à compter du mois d’avril 2012 jusqu’à septembre 2016,

* 322 euros au titre des congés payés afférents,

* 9.000 euros à titre de remboursement des frais professionnels ;

— condamner la société La Voix de la Paix représentée par Maître Y ès qualités à lui verser la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— débouter la société La Voix de la Paix représentée par Maître Y ès qualités de ses demandes ;

— condamner la société La Voix de la Paix représentée par Maître Y ès qualités aux entiers dépens de première instance et d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 26 mai 2020, la société La Voix de la Paix représentée par la SELARL Y Yang-Ting ès qualités demande à la cour de’:

— rejeter l’ensemble des demandes de M. X ;

— confirmer le jugement entrepris ;

— rejeter l’ensemble des demandes de condamnation dirigée contre la SELARL Y Yang-Ting en qualité de liquidateur judiciaire de la société La Voix de la Paix.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 3 février 2020, l’association UNEDIC Délégation AGS CGEA IDF Est demande à la cour de :

— mettre hors de cause l’AGS ;

— confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

A titre principal,

— juger les demandes de condamnation irrecevables ;

— juger les demandes de rappel de salaire irrecevables ;

Subsidiairement,

— donner acte à l’AGS du fait qu’elle s’associe aux explications de la société et de ses mandataires judiciaires concernant les demandes relatives au harcèlement moral et aux rappels de salaire ;

— débouter M. X de l’intégralité de ses demandes ;

En tout état de cause, sur la garantie,

— dire qu’en application de l’article L. 3253-8 5° du code du travail, la garantie de l’AGS ne couvre les créances de nature salariales éventuellement dues pendant la période d’observation que dans la limite d’un montant maximal correspondant à un mois et demi de travail ;

Par conséquent,

— dire que l’AGS n’est pas tenue de garantir au-delà de cette limite les sommes éventuellement fixées au passif de la société au titre du harcèlement moral intervenu après l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire, ainsi que les rappels de salaires sollicités sur cette période ;

— dire que s’il y a lieu à fixation, celle-ci ne pourra intervenir que dans les limites de la garantie légale ;

— dire qu’en tout état de cause, la garantie prévue aux dispositions de l’article L. 3253-6 du code du travail ne peut concerner que les seules sommes dues en exécution du contrat de travail au sens de l’article L. 3253-8 du code du travail, les astreintes, dommages et intérêts mettant en ‘uvre la responsabilité de droit commun de l’employeur ou article 700 étant ainsi exclus de la garantie ;

— dire qu’en tout état de cause la garantie de l’AGS ne pourra excéder, toutes créances avancées pour le compte du salarié, le plafond des cotisations maximum au régime d’assurance chômage, en vertu des dispositions des articles L. 3253-17 et D. 3253-5 du code du travail ;

— statuer ce que de droit quant aux frais d’instance sans qu’ils puissent être mis à la charge de l’UNEDIC AGS.

L’ordonnance de clôture était initialement prévue au 6 mai 2020 ; l’affaire étant fixée à l’audience du 2 juin 2020 a fait l’objet d’un renvoi en raison de la crise sanitaire et du refus opposé par le conseil de l’appelant au recours à la procédure sans audience proposé par la cour.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 10 février 2021 et l’affaire a été fixée à l’audience du 15 avril 2021 où les parties ont procédé par dépôt de leurs dossiers respectifs.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Compte tenu de la mise en liquidation de la société, la SELARL Michel Miroite I et la SELAS MCM & Associés en leurs qualités respectives d’administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire de la société La Voix de la Paix doivent être déclarées hors de cause et il n’y a pas lieu de faire droit aux demandes de condamnation en paiement formulées par le salarié, ses créances éventuelles ne pouvant qu’être fixées au passif de la société.

La garantie de l’UNEDIC étant de droit sous réserve que les créances revendiquées par le salarié remplissent les conditions prévues par les articles L. 3253-1 et suivants du code du travail, il n’y a pas lieu d’accueillir à la demande de mise hors de cause de l’UNEDIC.

Sur le harcèlement moral

M. X soutient avoir été victime d’un harcèlement de la part du gérant de la société, M. Z, et qu’il en a été de même pour ses deux autres collègues, Messieurs A et B qui sont également appelants des jugements les concernant.

Selon les dispositions de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L’article L. 1154-1 prévoit, qu’en cas de litige, si le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement et, au vu de ces éléments, il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Au soutien de ses prétentions, M. X fait valoir qu’à compter du redressement judiciaire de la société, soit depuis fin novembre 2014, les relations professionnelles au sein de la société, qui étaient déjà tendues, se sont très fortement détériorées du fait du comportement du gérant « pressurisant, menaçant, violent et dénigrant » à son égard ainsi qu’envers ses deux collègues, se traduisant par des reproches presque quotidiens portant sur des fautes imaginaires, des critiques non fondées et par un abus d’autorité.

Sont produits des bulletins de salaires, des extraits de relevés de compte des trois salariés concernés, des pièces médicales concernant M. B, le plan de redressement et les décisions du tribunal de commerce du 6 octobre 2016 et de la cour d’appel du 19 décembre 2016, le contrat de travail de M. X, une convention de collaboration de « M. J K », un courrier de « M. L M » non daté prenant acte de la rupture de son contrat de travail, la lettre de licenciement pour inaptitude de ce salarié du 4 février 2015 et, pour l’essentiel des autres pièces, de nombreux échanges de mails ou courriers entre M. Z, le gérant avec M. A mais aussi avec M. X et M. B.

Dans ses écritures, M. X vise trois de ces échanges de mails (pièces 16, 25 et 28) et reproduit par ailleurs des extraits de mails sans préciser le numéro de pièce correspondant.

Le liquidateur, auquel s’associe l’UNEDIC, fait valoir pour M. X, comme pour les deux autres salariés, que l’appelant ne rapporte pas la preuve d’avoir subi personnellement les griefs qu’il invoque.

***

En reprenant chronologiquement les divers courriers et courriels produits, la cour relève les éléments suivants :

— un mail adressé le 30 décembre 2014 par M. Z à M. A où lui est fait reproche des modalités insastifaisantes et obsolètes de programmation (pièce 22) ;

— une lettre du 30 décembre 2014 de M. Z à M. A (pièce 28 pages 1 à 3 + page 1 en pièce 8) : « Nous tenons à vous faire part de notre mécontentement sur votre comportement et sur le non respect de vos obligations contractuelles.

(…) vendredi, je me suis rendu compte à mon arrivée à la radio qu’aucun journaliste n’était présent à l’antenne ce jour-là. Seul un ancien stagiaire, à savoir K Gasbi, était présent tant pour les informations que pour les interviews. Il a donc couvert toutes les plages horaires du vendredi, en votre absence. Vous avez ainsi manqué à vos obligations journalistiques. (…)

De même, le dimanche 28 décembre 2014, j’ai du resté moi-même avec K pour l’aider à programmer (…) ».

Suivent d’autres reproches sur le refus de M. A de participer à une réunion, de diffuser deux émissions, son absence à la radio le mardi 30 décembre, la lettre se terminant par « Cette situation n’est pas tolérable et ne peut donc pas perdurer. Nous réfléchissons aux suites à donner à ces attitudes et à ces faits » ;

— un mail de 6 pages adressé le 31 décembre 2014 par M. A à M. Z contestant les reproches qui lui sont faits, dans lequel M. A relève que M. Z s’est immiscé dans ses fonctions de directeur de la rédaction en demandant à « K » de programmer le journal Kol Israël, critique plusieurs décisions du gérant quant à la programmation, évoque les menaces régulières dont les salariés font l’objet ; il mentionne aussi la proposition faite par les salariés de reprendre eux-même la radio et la réponse « délirante » de M. Z proposant un prix d’un million d’euros (pièce 19) ;

— un mail adressé par M. Z le 1er janvier 2015 à M. A où il demande à celui-ci de cesser de le tutoyer, se plaint de son comportement, invoquant le fait qu’il refuse de participer aux réunions, l’humilie devant témoins, lui rappelle qu’il est le gérant de l’entreprise et que les salariés doivent exécuter les instructions du gérant qui est responsable de tout … (pièce 18 pages 2 à 4) ;

— une lettre de M. X à M. Z du 5 janvier 2015 dans lequel M. X conteste les accusations portées à son encontre quant à sa manière de servir, se plaint de l’attitude agressive du gérant qui multiplie des reproches infondés, estimant qu’il cherche à les licencier pour mener son projet de céder la radio (pièce 24) ;

— un échange de mails du 5 janvier 2015 (5 pages sur 9 produites) où M. Z reproche à M. A de ne pas lui avoir adressé le document le désignant comme délégué du personnel [en réalité représentant des salariés dans le cadre de la procédure collective], où il déplore que les salariés viennent travailler à n’importe quelle heure et « pour finir » le prie d’arrêter tout contact pour vendre ou acheter l’entreprise (pièce 18 pages 5 à 9) ;

— un mail adressé le 6 janvier 2015 par M. Z dans lequel il fait état de plusieurs manquements de M. A, son refus de répondre au téléphone, aux mails et sms et de participer aux réunions ajoutant « Je ne cherche pas le conflit. Je veux juste que l’anarchie et la débandade cesse. Que les salariés qui sont payés en temps et en heure fassent leur travail (…) » (pièce 16) ;

— un mail d’une autre journaliste (partageant les locaux, semble-t’il) du 6 janvier 2015 adressé à M. A qui se plaint des « cris dans la salle commune » tout en l’assurant de son amitié (pièce 15) ;

— un échange de mails les 12 et 13 janvier 2015 entre M. A et M. Z d’où il résulte qu’un débat avec des auditeurs de la radio n’a pu avoir lieu car la ligne téléphonique était coupée ; M. Z se plaint qu’on ne l’ait pas prévenu mais que son neveu ait été informé, M. A répondant que ce neveu leur a été présenté par lui comme son successeur (pièces 12 et 13). ;

— un mail du 16 janvier 2015 adressé à M. C où M. Z indique avoir pris plusieurs mesures pour l’aider, lui demande ce qu’il peut faire de plus, le félicite pour son attitude et ses efforts, ajoute : « Tu es un élément central dans la Radio. Soigne toi bien. Bonne santé et reviens nous en forme. Sincère amitié » (pièce 25) ;

— plusieurs échanges de mails entre M. Z et M. B sont produits (en pièce 43) suite à l’arrêt de travail pour maladie de celui-ci (arrêté à compter du 15 janvier 2015 et jusqu’au 30 juin 2015, après avoir eu d’autres arrêts de travail en 2013 et en 2014 – pièces 36) dans lesquels M. Z lui souhaite de se rétablir, une difficulté survenant le 17 mars car M. Z n’ a visiblement pas compris que M. B a prévenu l’équipe de son absence (pièce 43) ;

— un mail adressé par K J à M. X le 16 janvier 2015 qui rapporte des propos qui auraient été tenus par M. Z, très critiques à l’égard d’une part, de M. X – « il ne travaille que deux heures par jour » -, et, d’autre part, de M. A – « il ne travaille que 3 jours par semaine » – mais qualifié néanmoins par M. Z de « bon journaliste » car « il est un connard puant et pugnace », enfin, plus amène à l’égard de « David » [M. B] mais évoquant le problème d’alcool de celui-ci (pièce 4) ;

— un mail adressé le 3 février 2015 par M. A à M. Z où il évoque l’attitude de M. Z à la radio le dimanche précédent, lui reproche d’avoir pris l’antenne alors qu’il n’est pas journaliste et se plaint de son immixtion dans ses attributions (pièce 1 pages 3 à 5) ;

— un mail du 4 février 2015 où M. Z émet à l’égard de M. A des critiques sévères sur son comportement professionnel (pièce 1) ;

— un mail adressé le 9 février 2015 par M. A à M. Z où il conteste la remise en cause du paiement des 17 heures supplémentaires mensuelles existant depuis 2001, réglées sous forme d’un complément de salaire de 480 puis 500 euros (pièce 21) ;

— une page d’un mail du 12 mars 2015 de M. Z à « D » [M. X] dans lequel M. Z demande à M. X de s’expliquer sur ses attributions et activités pendant les 7 heures de présence du lundi au vendredi qu’il est supposé faire (pièce 44 page 5) ;

— un mail adressé par « D » le 18 décembre 2015 à 12h33 à M. Z où le salarié s’insurge sur des critiques que semble avoir émises M. Z sur son activité (le mail de M. Z n’est pas produit) (pièce 44 page 2) ;

— un mail du même jour de M. Z à 14h16 où il fait reproche à M. X de ne pas répondre au téléphone, de s’isoler depuis plus de 11 mois et de faire ce que bon lui semble et ajoute : « J’attend que vous reveniez à de meilleurs dispositions pour ma part je le suis. Réponse attendue par retour de mail, svp » (pièce 44 page 3) ;

— des mails des 31 mars et 1er avril 2015 adressés à « M. N E » puis à Messieurs A, X et B et où M. Z indique qu’il s’oppose à ce que M. E fasse d’autres émissions (pièce 26 page 2 et pièce 44 page 1) ;

— un mail adressé par M. Z à M. A le 19 décembre 2015 dans lequel sont émis plusieurs reproches sur la programmation du vendredi contenant trop de « music », ce qu’il veut éviter pour « payer le moins possible à la Sasem », lui demande de s’approcher de D X qui n’avait préparé ni émissions ni interviews et de lui faire des propositions d’évolution pour 2016, précisant « La balle est dans votre camps. En 2016 nous ferons avec ou sans vous (…) Pas Mr X, je n’ai plus confiance en lui. Je lui ai demandé de préparer à partir de lundi la revue de presse Israélienne (…). La non application risque de représenter une faute grave (…). Je serai à la Radio demain pour palier aux manquements. Si c’est avéré (…) (pièce 28 pages 12 et 13) ;

— un mail adressé par M. Z à M. A et M. X le 21 décembre 2015 où sont émises de vives critiques sur la programmation et où il est reproché aux deux salariés de ne pas répondre à ses instructions ; M. Z indique : « Ne doit-on plus compter sur vous ‘ Dois je vous faire remplacer pour assumer vos manquements ‘ » et annonce à M. X qu’il va probablement engager un huissier pour s’assurer de la réalisation des demandes qu’il lui a faites (pièce 28 pages 14 et 15) ;

— un mail adressé par M. A à M. Z le 21 décembre 2015 à 16h46 en réponse à deux mails non produits où il s’explique sur la programmation du samedi où K J était absent (pièce 28 page 7) ;

— un mail adressé par M. A à M. Z le 21 décembre 2015 à 17h24 où il conteste qu’il y ait eu une carence d’antenne le dimanche (pièce 28 page 4) ;

— un mail adressé le 23 décembre 2015 par M. A à M. Z où il lui indique qu’il ne peut pas remplacer D X, parti en vacances, sur une tranche info supplémentaire, ni réaliser une revue de presse israélienne ni s’occuper de l’équipe technique et termine : « Pour l’amour du Ciel, arrêtez cet acharnement » (pièce 28 pages 4 et 5) ;

— un mail du 3 février 2016 de M. Z à M. A où sont faits des reproches sur la programmation de l’interview d’un chanteur, sans son accord (pièce 28 page 6) ;

— un mail du 15 février 2016 où M. A indique à M. Z qu’il ne pourra pas être à la réunion avec Mr P. P [‘] car elle est prévue sur l’heure d’enregistrement habituelle d’une émission (pièce 28 page 10) ;

— un mail adressé le 12 février 2016 par M. Z à M. X, relatif à la demande du commissariat en vue de la modification de l’ancienne adresse figurant sur le site internet (pièce 26 page 1) auquel M. X répond (pièce 27) qu’il a contacté le commissariat, qu’il n’y a pas de fonctionnaire de police sur l’ancien site de l’entreprise et qu’il a changé l’adresse sur le site internet, la cour relevant que le contenu de cet échange ne permet pas de retenir « un mensonge » de M. Z, ainsi que le soutient le salarié ;

— un mail adressé par le conseil des salariés le 30 septembre 2016 à l’administrateur judiciaire dans lequel il est fait état de l’intervention d’un huissier pour saisie de données sur l’un des ordinateurs et de la réception par M. X d’une lettre de convocation à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement pour faute – lettre qui n’est pas versée aux débats pas plus d’ailleurs que l’intervention d’un huissier n’est justifiée – (pièce 47).

Contrairement à ce que soutiennent les intimés, nombre des écrits ci-dessus évoqués démontrent que M. X a fait l’objet durant plusieurs mois de critiques véhémentes et réitérées de la part de M. Z dont la pertinence et la justification ne sont pas établies.

En l’état des explications données par le liquidateur qui ne produit aucune pièce, il ne peut être considéré que ces faits sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral qui, compte tenu du contexte des difficultés économiques rencontrées par l’entreprise, ne pouvait que susciter une grave et légitime inquiétude du salarié sur son sort.

Cependant, en l’absence de tout élément médical concernant le salarié appelant – les documents produits à ce sujet sont ceux de M. B – et au vu des pièces et explications produites, il sera alloué à M. X une somme évaluée à 1.500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi.

Sur la modification substantielle et unilatérale de la rémunération mensuelle des salariés

M. X fait valoir que sa rémunération comprenait un salaire de base (pour 151h67 par mois), le paiement d’heures supplémentaires (17h33 par mois) et le remboursement de frais au forfait (d’un montant de 285 euros « pour M. B » par mois, ainsi que mentionné dans ses écritures page 19) et que l’employeur a unilatéralement décidé de supprimer le paiement des heures supplémentaires et des notes de frais.

Il sollicite ainsi le paiement des sommes suivantes :

—  3.220,40 euros à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires réalisées d’avril 2012 à septembre 2016 outre 222 euros au titre des congés payés afférents,

—  9.000 euros au titre des frais professionnels (450 x 20).

Il précise, s’agissant des heures supplémentaires, que c’est à la suite du passage aux 35 heures, qu’il avait été convenu de ce forfait, les salariés étant dans l’impossibilité de prendre des RTT compte tenu de l’effectif de l’entreprise, et que d’avril 2012 à décembre 2014, sa demande porte sur le différentiel entre les sommes réglées (majoration à 110%) et les sommes dues (majoration à 125%).

Il ne donne pas le détail des horaires de travail qu’il effectuait, indiquant que Radio Shalom émettait de 16h30 à 21 heures chaque jour sauf le samedi, qu’à 18h, il y avait un journal complet des analyses et reportages, suivi à 19 heures d’un autre journal complet d’une demi-heure et qu’il présentait le 2e journal.

Le mandataire liquidateur fait valoir que M. X n’établit pas avoir réalisé des heures supplémentaires ni avoir exposé des frais pour le compte de la société La Voix de la Paix.

L’association UNEDIC fait valoir que le contrat de travail de M. X a été transféré à la société Radio Shalom, en sorte que les demandes de rappels de salaire ne peuvent pas être formées jusqu’à ce jour. Elle ajoute qu’elle s’associe aux explications de la société La Voix de la Paix et de son mandataire liquidateur.

Sur la demande au titre des heures supplémentaires

Sont versés aux débats les bulletins de salaire des années 2002 à 2014 et ceux de janvier et février 2015.

En l’état des pièces et explications produites, étant observé qu’il appartient aux parties de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de leurs prétentions, la demande en ce qu’elle porte sur les périodes où les bulletins de paie ne sont pas produits sera rejetée.

Au vu des bulletins produits qui effectivement portent mention du paiement de 17h33 par mois mais qui n’ont pas été majorées de 25%, il sera alloué à M. X la somme de 1.953,60 euros bruts outre 195,36 euros bruts au titre des congés payés afférents, somme calculée comme suit :

— année 2012 (d’avril à décembre) : (17,33 x 18,05 x 125% x 9) – (342,94 x 9) = 432,61 euros,

— année 2013 : (17,33 x 18,322 x 125% x 12) – (344,11 + 344,10 x 11) = 633,59 euros,

— année 2014 : (17,33 x 18,964 x 125% x 12) – (361,51 x 7 + 361,50 x 5) = 591,62 euros,

— janvier et février 2015 : (17,33 x 18,964 x 125%) – 361,51 = 295,78 euros.

Sur la demande au titre des frais

L’examen des bulletins de paie produits n’étaye nullement l’affirmation faite par l’appelant quant à l’existence d’un paiement forfaitaire de frais puisque figurent des sommes correspondant au remboursement de la part patronale de la carte orange (23,03 euros, 24,30 euros, 25,20 euros, 25,75 euros, 26,25 euros, 26,75 euros, 27,55 euros, 28,30 euros jusqu’en décembre 2012), puis de septembre 2013 à décembre 2013 et ensuite à compter de mars 2014, à nouveau le remboursement de la part patronale de la carte orange (33,55 euros et 33,50 euros) jusqu’en février 2015.

M. X sera en conséquence débouté de sa demande en paiement à ce titre.

Sur les autres demandes

La société La Voix de la Paix représentée par son liquidateur, la SELARL Y Yang-Ting, partie perdante à l’instance, sera condamnée aux dépens mais eu égard à la situation de la société, il ne sera pas fait application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

La présente décision sera déclarée opposable à l’UNEDIC, dans les limites légales et réglementaires de sa garantie, à l’exclusion des dépens.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

INFIRME le jugement déféré,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DÉCLARE hors de cause la SELARL Michel Miroite I et la SELAS MCM & Associés en leur qualité respective d’administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire de la société La Voix de la Paix,

FIXE les créances de M. D X au passif de la liquidation judiciaire de la société La Voix de la Paix, représentée par son liquidateur, la SELARL Y Yang-Ting aux sommes suivantes :

—  1.500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du harcèlement moral subi,

—  1.953,60 euros bruts à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires outre 195,36 euros bruts au titre des congés payés afférents,

DÉCLARE la présente décision opposable à l’association UNEDIC délégation AGS CGEA IDF Ouest, dans les limites légales et réglementaires de sa garantie, à l’exclusion des dépens,

DÉBOUTE les parties du surplus de leurs prétentions,

CONDAMNE la société La Voix de la Paix représentée par son liquidateur, la SELARL Y Yang-Ting, aux dépens et accorde au conseil de M. D X le bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Chat Icon