Harcèlement moral : des preuves insuffisantes

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Harcèlement moral : des preuves insuffisantes
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Nos Conseils:

– Il est important pour un salarié de signaler tout harcèlement moral dont il est victime à son employeur, en présentant des éléments de fait laissant supposer l’existence de telles pratiques, conformément à l’article L.1154-1 du code du travail.
– L’employeur doit prouver que les agissements reprochés ne constituent pas un harcèlement moral et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, comme le prévoit l’article L.1154-1 du code du travail.
– En cas de litige, le juge peut ordonner toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles pour former sa conviction, comme le mentionne l’article L.1154-1 du code du travail.

Résumé de l’affaire

Mme [A] [P] a été embauchée par la Fondation [7] en 2005 en tant que technicienne administrative, puis mutée en 2015 au poste de comptable. En 2019, elle a dénoncé des faits de harcèlement et a été placée en arrêt maladie en 2020. En septembre 2020, elle a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement. En juin 2022, le conseil de prud’hommes de Bayonne a jugé qu’elle avait été victime de harcèlement et a condamné la Fondation [7] à lui verser des dommages et intérêts. La Fondation [7] a interjeté appel, tandis que Mme [A] [P] a formé un appel incident pour demander une augmentation des dommages et intérêts.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

13 juin 2024
Cour d’appel de Pau
RG n°
22/02144
TP/SB

Numéro 24/1986

COUR D’APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 13/06/2024

Dossier : N° RG 22/02144 – N° Portalis DBVV-V-B7G-II5Z

Nature affaire :

Contestation du motif non économique de la rupture du contrat de travail

Affaire :

Fondation [7]

C/

[A] [P]

Grosse délivrée le

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 13 Juin 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l’audience publique tenue le 06 Mars 2024, devant :

Madame CAUTRES-LACHAUD, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d’opposition a tenu l’audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Madame SORONDO ;

assistées de Madame LAUBIE, greffière présente à l’appel des causes

et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame CAUTRES-LACHAUD, Président

Madame SORONDO, Conseiller

Madame PACTEAU, Conseiller

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l’affaire opposant :

APPELANTE :

Fondation [7]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Maître GAUDIN et Maître MORET de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, avocats au barreau de BORDEAUX

INTIMEE :

Madame [A] [P]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Maître MENDIBOURE de la SCP MENDIBOURE-CAZALET-GUILLOT, avocat au barreau de BAYONNE

sur appel de la décision

en date du 30 JUIN 2022

rendue par le CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE BAYONNE

RG numéro : 20/00219

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [A] [P] a été embauchée, à compter du 29 septembre 2005, par la Fondation [7], en qualité de technicienne administrative, suivant plusieurs contrats à durée déterminée.

La relation de travail, soumise à la Convention Collective Nationale du 31 octobre 1951 applicable aux établissements privés d’hospitalisation de soins, de cure et de garde, à but non lucratif, s’est poursuivie, en tant que technicien administratif au service financier, dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée en date du 2 août 2010, d’abord à temps partiel puis à temps complet à partir du 18 octobre 2010.

La salariée qui exerçait ses fonctions à [Localité 8] (24) a été mutée, à son ouverture, au foyer d’accueil médicalisé d'[Localité 5] à compter du 15 juin 2015, à un poste de comptable, modification qui a fait l’objet d’un avenant du même jour.

En janvier 2018, elle a fait part de difficultés à son employeur.

En février 2018, l’employeur lui a proposé l’embauche d’une aide comptable à mi-temps à durée déterminée.

Par un avenant du 1er février 2018, sa rémunération, constituée d’un salaire de base calculé en fonction d’un coefficient et d’une prime d’ancienneté, a été complétée par une indemnité fonctionnelle.

Mme [P] a fait l’objet de plusieurs arrêts de travail au cours de l’année 2019.  

Le 5 septembre 2019, Mme [P] a adressé un courrier au délégué syndical de l’établissement afin de dénoncer des faits de harcèlement (visant particulièrement M. [V], directeur du FAM d'[Localité 5])

Une enquête a été menée dont le rapport a été rendu en décembre 2019.

A compter du 6 janvier 2020, Mme [P] a été placée en arrêt maladie.

Le 3 avril 2020, [A] [P] a saisi la juridiction prud’homale au fond d’une demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral.

Le 17 juin 2020, le médecin du travail a déclaré la salariée inapte à son poste de travail dans les termes suivants :

« Inapte au poste de comptable, pourrait exercer la même activité dans un autre établissement. »

Le 28 juillet 2020, l’employeur a proposé des postes de reclassement que la salariée a refusés.

Le 4 septembre 2020, elle a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Par courrier du 8 décembre 2020, la caisse primaire d’assurance maladie de Bayonne a informé Mme [P] qu’elle reconnaissait la maladie déclarée le 22 juillet 2019 comme étant d’origine professionnelle, après consultation du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles.

La Fondation [7] a formé un recours contre cette décision devant le tribunal judiciaire de Bayonne dont l’issue est inconnue.

Par jugement du 30 juin 2022, le conseil de prud’hommes de Bayonne a :

‘ Dit et jugé que Mme [A] [P] a été victime de harcèlement par la Fondation [7],

‘ Condamné la Fondation [7] à verser à Mme [A] [P] les sommes suivantes :

* 28 000 euros (vingt-huit mille euros) au titre de dommages et intérêts pour harcèlement,

* 1500 euros (mille cinq cent euros) au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

– Condamné la Fondation [7] aux dépens de l’instance.

Le 25 juillet 2022, la Fondation [7] a interjeté appel du jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas contestées.

Dans ses conclusions adressées au greffe par voie électronique le 21 octobre 2022, auxquelles il y a lieu de se référer pour l’exposé des faits et des moyens, la Fondation [7] demande à la cour de :

– Infirmer le jugement du Conseil de prud’hommes de Bayonne du 30 juin 2022 en ce qu’il a :

– jugé que Mme [P] a été victime de harcèlement par la Fondation [7],

– condamné la Fondation [7] à verser à Mme [P] les sommes suivantes :

. 28 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement

. 1500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.

– Juger que Mme [P] n’a pas été victime de harcèlement au sein de la Fondation [7],

– Juger que la Fondation [7] n’a pas manqué à ses obligations,

En conséquence:

– Débouter Mme [P] de l’ensemble de ses demandes,

– Condamner Mme [P] au paiement d’une indemnité de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

– Condamner Mme [P] aux entiers dépens.

Dans ses conclusions adressées au greffe par voie électronique le 24 janvier 2024 auxquelles il y a lieu de se référer pour l’exposé des faits et des moyens, Mme [A] [P], formant appel incident demande à la cour de :

– Débouter la Fondation [7] de son appel et de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

– Confirmer le jugement déféré en ce qu’il a jugé que Mme [A] [P] avait été victime de harcèlement moral au sein de la Fondation [7],

– Confirmer ce jugement en ce qu’il a condamné la Fondation [7] à réparer le préjudice subi par Mme [A] [P],

– Réformer ce jugement sur le montant des dommages et intérêts alloués, les portant de la somme de 28.000 euros à celle de 100.000 euros, en réparation de l’ensemble des préjudices subis, résultant des agissements de harcèlement moral, du non-respect de l’obligation de prévention de harcèlement moral, ou encore du non-respect de l’obligation légale de sécurité de l’article L 4121-1 du code du travail,

– Confirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes de Bayonne en ce qu’il a condamné la Fondation [7] à verser en première instance à Mme [A] [P] une somme de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

Y ajoutant,

– Condamner la Fondation [7] à payer à Mme [A] [P] une somme de 4000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile pour la procédure d’appel,

– Condamner la Fondation [7] aux entiers dépens de première instance et d’appel.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 6 février 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

En application de l’article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon l’article L.1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

L’article L.1154-1 du même code prévoit qu’en cas de litige le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement. Il incombe alors à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Mme [A] [P] fait valoir qu’elle a été victime d’un harcèlement moral mettant en cause le directeur du foyer dans lequel elle travaillait. Elle invoque une charge de travail harassante, dépassant largement sa fiche de poste, sans reconnaissance salariale et statutaire réelle, qui ont entraîné un épuisement professionnel qu’elle dit avoir dénoncé auprès de son employeur. Elle ajoute avoir fait l’objet de mesures inéquitables en particulier en matière de pose de congés et de prise de RTT. Elle déplore également la tenue de propos infantilisants ou discriminatoires à son égard de la part de M. [V], le directeur du foyer, son supérieur hiérarchique. Elle expose que cette situation a eu des répercussions sur son état de santé puisqu’elle a dû être placée en arrêt de travail jusqu’à ce que le médecin du travail la déclare inapte à son poste, ajoutant que le syndrome anxio dépressif sévère dont elle a fait l’objet a été reconnu comme maladie professionnelle par la caisse primaire d’assurance maladie.

Au soutien de ses affirmations, Mme [P] produit les pièces suivantes, listées de manière chronologique :

Un extrait de l’annexe n°3 de la convention collective nationale du 31 octobre 1951 relatif aux primes fonctionnelles stipulant : « les salariés non visés à l’article A2.1.2, les chefs de bureau visés à l’article A2.1.2, responsables dans les directions chargées des ressources humaines de la gestion administrative des personnels, bénéficient d’une prime fonctionnelle de 12 points.»

Un mail du 14 novembre 2017 que Mme [P] adresse à M. [V] avec la fiche de poste qui lui avait été remise et ce qu’elle fait réellement. Elle précise : « la différence est énorme. Aujourd’hui j’ai pris un retard phénoménal. Est-il possible de m’alléger au niveau de ma corbeille de travail (création des contrats, attestations de salaires sur net entreprise, suivi des arrêts maladie, saisie des absences dans HRM, saisie des IJSS dans HRM) ».

Le procès-verbal du comité central d’entreprise du 14 décembre 2017 auquel participait Mme [P]. Il y est fait mention de ce que les élues du [6] ([6]) évoquent le fait qu’un professionnel a le statut de cadre administratif alors qu’il n’a pas le diplôme nécessaire. Il est répondu par le président que « le statut de cadre pour certaines fonctions n’exige pas un diplôme spécifique » et que « c’est donc possible si la personne a les compétences et l’expérience correspondantes ».

Des échanges de courrier avec M. [V] entre le 15 janvier 2018 et le 9 avril 2018. Dans un premier courrier, la salariée indique qu’elle envisage de quitter ses fonctions car elle a une charge de travail trop importante qui la conduit à faire des heures supplémentaires et ne lui permet pas de prendre tous ses congés et RTT. Elle argue en outre de l’absence de compensation financière malgré l’évolution de ses fonctions. Elle demande donc à son supérieur hiérarchique de reconsidérer sa situation et, à défaut, d’envisager une rupture conventionnelle du contrat de travail.

En réponse, M. [V] lui propose, par courrier du 16 février 2018, l’ouverture d’un ¿ temps d’aide comptable du 1er mars au 31 mai, l’octroi d’une prime de 12 points pour les référents RH à compter du 1er février 2018 et la prise en charge, dans le cadre du plan de formation, d’une VAE en licence professionnelle qui lui permettra, sous réserve de l’accord du conseil départemental, d’accéder à un statut de cadre.

Mme [P] lui réplique que ces propositions ne lui conviennent pas, que l’aide comptable temporaire ne sera qu’une solution provisoire, qu’elle ne comprend pas pourquoi la prime fonctionnelle ne lui est pas attribuée depuis juin 2015 et qu’elle estime devoir bénéficier du coefficient 467. Elle réitère ses remarques dans une lettre du 16 mars 2018, en l’absence de retour de M. [V].

Ce dernier lui fait, par courrier du 9 avril 2018, des propositions tenant à l’octroi d’un ¿ temps d’aide comptable du 27 mars au 25 mai 2018 qui pourra être prolongé d’un mois si nécessaire, l’octroi de la prime RH à compter du mois de juin 2015 et le maintien de la prise en charge d’une formation en VAE en licence professionnelle pour permettre à Mme [P] d’accéder au statut cadre.

Un mail du 26 juillet 2018 adressé à M. [V] dans lequel elle lui écrit : « suite à votre courrier du 09/04/18, quand comptez-vous me verser la rétroactivité de la prime RH ».

Le procès-verbal de la réunion du CE du 21 août 2018 dans lequel il est mentionné que M. [V] indique que « la demande de création d’un mi-temps CDI comptabilité pour 2019 est en cours », en précisant : « aujourd’hui, le service comptabilité de la fondation [7] donne une aide en comptabilité ».

Le procès-verbal de la réunion du CE du 16 octobre 2018 qui reprend la demande de Mme [P] à M. [V] au sujet de la demande du demi poste d’aide comptable. Ce dernier a répondu qu’il n’y avait pas de réponse de la part du département et que le budget serait pris sur le budget global des remplaçants.

Un échange de mail des 6 et 7 mars 2019 entre la salariée et un agent du département au sujet du budget alloué par ce dernier, inférieur à la somme réclamée, tel qu’il est mentionné dans le rapport budgétaire du 4 février 2019. Mme [P] demande une modification du montant accordé, demande à laquelle le département lui oppose un refus en précisant que les observations auraient dû être soulevées dans les huit jours suivant le rapport.

L’édition de mars 2019 de l’accord de branche qui prévoit que, concernant la prise de jours RTT, l’employeur ne peut opposer plus de deux refus consécutifs au salarié sur une période de douze mois à compter de la première demande.

Un mail de Mme [P] à M. [V] en date du 22 août 2019 dans lequel elle lui écrit qu’elle ne comprend pas sa réponse à la question posée au CSE du 18/06/2019 relative au recrutement d’un comptable à mi-temps au sujet duquel il a eu l’accord du département 64. Le mail mentionne la réponse du directeur du foyer ETXEA : « le département nous a informés que le ratio accompagnant / administratif ne serait plus respecté si nous engagions un ¿ ETP d’aide-comptable, de plus le budget 2018 est déficitaire. Il a été proposé, en cas de surcharge de travail en comptabilité, de nous faire aider par la comptable de [9] comme nous l’avons fait en 2018, à ce jour il n’y aurait pas, selon la comptable, de surcharge de travail qui le nécessiterait ».

Mme [P] lui demande des explications sur ce changement de décision, indiquant que cela fait plus d’un an qu’elle demande de l’aide, qu’elle est épuisée et que le ¿ poste comptable ne serait pas de trop. Elle conclut son mail ainsi : « pourquoi m’avoir fait espérer ce ¿ poste comptable ‘ Qu’attendez-vous de moi exactement ‘ Que je parte ‘ »

Un mail du 2 septembre 2019 dans lequel M. [V] écrit à Mme [P], toujours au sujet du demi-poste de comptabilité. Il débute son mail en indiquant : « si je reprends la problématique de la surcharge de travail, il apparaît (ceci est un constat et non une critique) que vous avez, pour des raisons de santé, été absente une semaine en 2017, 7 semaines en 2018 et 3 semaines depuis le début de l’année ».

Il poursuit : « les difficultés sont apparues en 2018 ».

Il ajoute : « en votre absence certains éléments de votre activité ne sont pas transposables à d’autres personnes. Nous avons pris en compte vos difficultés de plusieurs manières :

Les adjoints de directions se chargent des contrats cdd

Vous n’avez plus à tenir la caisse pour les professionnels

Nous avons délocalisé la distribution d’argent pour les résidents afin que vous ne soyez plus dérangée

La comptable de [9] est intervenue pour vous aider

[H] [J] (responsable paie et administration du personnel au siège de la fondation à [Localité 8]) va intervenir à Etxea pour mettre en place une procédure dégradée pour les payes lorsque vous êtes absente.

A propos du budget hébergement (vous êtes bien placée pour le savoir), nous ne sommes pas en capacité d’embaucher un mi-temps.

Par contre, nous en avons parlé avec [L] [S] (direction du service financier au siège de la Fondation à [Localité 8]), je vous demande de réfléchir sur quelles actions la comptable de [9] pourrait intervenir de façon pérenne ».

Un mail du 3 septembre 2019 adressé par Mme [P] à M. [V] et plusieurs interlocuteurs en copie dont Mme [D], directrice des ressources humaines, et M. [M], secrétaire général. La salariée y écrit : « la surcharge de travail a toujours existé ». Elle y exprime son incompréhension face à l’absence de recrutement du demi-aide comptable.

La lettre du 5 septembre 2019 qu’elle a adressée à M. [Z] [Y], délégué syndical : Mme [P] s’y dit « victime, à plusieurs reprises, de pressions de la part de M. [V], directeur de notre établissement ». Elle y émet le souhait que M. [Y] et les membres du CCSE fassent part de ses « remarques au secrétaire général de la fondation [7] afin qu’il lance une enquête ainsi qu’une campagne de prévention ».

Le courrier en date du 4 octobre 2019 que lui a envoyé M. [R] [M], secrétaire général de la Fondation [7], en retour du signalement adressé à M. [Y], qui l’informe avoir demandé à ce dernier, le 11 septembre précédent, de transmettre les éléments en sa possession corroborant la situation dont la salariée s’estime victime. Il indique que « M. [V] a convoqué un conseil social et économique extraordinaire qui s’est tenu le 1er octobre [2019] afin de porter à la connaissance de ses membres la situation de souffrance au travail et de harcèlement signalé et de les informer de la mise en place d’une commission d’enquête paritaire ».

Une centaine de mails au cours de l’année 2019 par lesquels Mme [P] demande des explications aux personnes chargées d’établir les contrats et de transmettre les informations destinées à l’établissement des paies et des soldes de tout compte, relevant à chaque fois une ou plusieurs erreurs l’obligeant à réclamer des rectificatifs.

De nombreux mails au cours de l’année 2019 dans lesquels Mme [P] sollicite des explications sur la comptabilité elle-même, des justificatifs de dépenses, des rectifications d’erreurs’

Des échanges de mails avec M. [V] au sujet de demandes d’autorisations d’absence pour RTT (le 31/05/2019 et le 26/08/2019) auxquelles le directeur a répondu par la négative et des interrogations de Mme [P] relatives à ce qu’elle qualifie de différence de traitement vis-à-vis de ses collègues pour la pose de ces jours de congés ou de RTT.

Le rapport d’enquête conclu le 10 décembre 2019 par M. [Y] et Mme [BP] [D], directrice des ressources humaines et de la qualité de vie au travail composant la commission d’enquête à la suite de la réunion du CSE en date du 15 octobre 2019. Il y est indiqué, dans le paragraphe relatif à la méthodologie, que, « après avoir analysé les documents transmis par Mme [P] et relayés par M. [Y] », il a été « fait le constat de deux sujets saillants qui devaient être investigués lors des entretiens :

Problème organisationnel entrainant une surcharge de travail à l’origine d’un épuisement professionnel,

Perception d’iniquité de traitement par rapport aux autorisations d’absence (congés / RTT / récupérations) ».

Au terme de la réalisation de l’enquête, soit la réalisation de l’entretien de Mme [P], de M. [V], ainsi que de quatre salariés, le rapport conclut qu’il a été constaté « que la situation de travail génère pour Mme [P] un stress susceptible d’engendrer de la souffrance au travail ». Elle « se trouve dans une surcharge de travail dont les origines sont multiples. (‘) A cette situation organisationnelle s’ajoute une situation relationnelle tendue avec M. [V], son responsable hiérarchique et directeur, sur le sujet des poses de congés ».

Le rapport d’enquête relève ainsi que « certains sujets pèsent dans la dégradation des conditions de travail de Mme [P] :

Des dysfonctionnements organisationnels persistants (malgré des améliorations constatées), concernant la gestion des cdd, concernant la gestion de la caisse, auxquels Mme [P] pallie du mieux possible mais au prix d’un stress pouvant engendrer une souffrance psychologique ;

Des maladresses managériales accumulées (malgré la reconnaissance de la qualité du travail fourni et les initiatives prises) perceptibles dans la gestion des autorisations d’absences et dans la communication en général ;

Une relation entre deux personnes qui ne semble pas laisser grande place à la coopération, à l’écoute, au droit à l’erreur, à l’empathie, au dialogue, et qui ne permet pas ainsi que les problèmes quotidiens puissent trouver une régulation saine ».

Le rapport d’enquête conclut à la proposition de mesures concernant la situation de Mme [P] mais également des mesures de prévention applicables à tous les professionnels de l’établissement.

Il y est mentionné que le délégué syndical estime que la situation de Mme [P] relève d’un harcèlement, contrairement à ce que pense la directrice des ressources humaines.

La photographie d’affiches placardées sur une porte de bureau, celle de M. [V] selon la salariée.

Sur l’une d’elle figure un dessin montrant trois files d’individus : l’une, la « file pour critiquer » très fournie, une deuxième un peu moins importante composant la « file pour dire ce qu’il faudrait faire » et une dernière où personne ne figure, la « file pour faire ».

Sur la seconde affiche, on peut lire : « pourquoi je ne riposte pas avec les gens qui se comportent mal avec moi ‘ Quand un âne me bouscule, je ne le bouscule pas. Quand un chien aboie, je n’aboie pas. Seul le silence secoue les consciences ».

Outre le fait que cette photographie n’est pas datée, aucun élément ne permet de mettre ces affiches en relation avec Mme [P] elle-même, ni même d’établir qu’elles étaient placardées sur la porte du bureau de M. [V].

Le questionnaire rempli par Mme [P] postérieurement à la rupture du contrat de travail dans le cadre de l’enquête diligentée par la caisse primaire d’assurance maladie relative à la demande de reconnaissance de maladie professionnelle déposée par la salariée.

Le questionnaire rempli par l’employeur dans le cadre de l’instruction de la demande de prise en charge de sa pathologie en tant que maladie professionnelle dans lequel il est indiqué que Mme [P] est comptable et détient une mission de correspondant RH en binôme avec l’assistante de direction.

Il y est également indiqué que, d’avril à septembre 2018, il y a eu l’embauche d’un mi-temps d’aide comptable et la récupération des heures supplémentaires bonifiées par la salariée et que, au quatrième trimestre 2018, un transfert de charge de travail s’est effectué sur une comptable d’un autre établissement.

Il est mentionné que « Mme [P] dépend, d’un point de vue hiérarchique, du directeur d’établissement et, d’un point de vue fonctionnel de la directrice du service financier de la Fondation [7]. Elle gère les flux financiers de façon autonome ». L’employeur précise, dans ce questionnaire, que « Mme [P] gère, de façon autonome, les priorités en tenant compte des échéances liées aux autorités de tutelle. N’ayant pas un statut de cadre, elle n’est pas indépendante et elle doit pouvoir rendre compte sur son organisation de travail si cela s’avère nécessaire ».

Le compte-rendu de l’enquête au sein du foyer d’accueil médicalisé ETXEA réalisée par la société SECAFI, désignée par le comité social et économique pour y procéder. Il relève un turnover en augmentation depuis 2017, avec notamment un fort taux de démission en 2020. Il précise : « pour ceux qui restent, le turnover signifie un surcroît de travail ». Il note aussi un niveau d’absentéisme préoccupant.

La présentation du 22 juillet 2022 faite par le foyer ETXEA de laquelle il ressort qu’une responsable ressources humaines a été recrutée depuis le 1er juillet 2022.

Mme [P] produit également des éléments médicaux :

Un certificat du médecin généraliste, le Docteur [I], en date du 30 juillet 2018, qui adresse Mme [P] à un confrère pour un bilan complémentaire en mentionnant qu’elle présente une hyperthyroïdie (reste du certificat illisible).

Une attestation de Mme [W], ostéopathe, qui indique avoir reçu Mme [P] en consultation à plusieurs reprises depuis 2018 pour des problèmes d’acouphènes.

Un certificat de soins établi le 15 janvier 2020 par M. [U], kinésithérapeute, qui atteste que Mme [P] a bénéficié de 9 séances du 20 avril 2018 au 8 juin 2018 pour rééducation vestibulaire et acouphènes.

Le certificat du Docteur [X] [E], psychiatre, en date du 29 mai 2020 qui atteste suivre Mme [P] depuis le 17 février 2020 et que son état de santé nécessite la poursuite de la prise en charge actuelle.

L’avis d’inaptitude du 17 juin 2020 qui conclut que Mme [P] est inapte au poste de comptable et pourrait exercer la même activité dans un autre établissement.

Le compte-rendu de la consultation du 30 septembre 2020 avec le Docteur [C] [K], endocrinologue.

La lettre de la caisse primaire d’assurance maladie en date du 8 décembre 2020 lui indiquant que, à la suite de l’avis favorable du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, sa pathologie est reconnue d’origine professionnelle. Aucun élément ne permet d’ailleurs de déterminer la pathologie concernée.

Tous ces éléments illustrent les agissements dont se plaint Mme [P]. Pris dans leur ensemble, ils laissent supposer l’existence d’un harcèlement.

Il incombe alors à la Fondation [7] de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Concernant la charge de travail et la désorganisation invoquée par Mme [P], la Fondation [7] souligne que :

L’établissement ETXEA était l’un des seuls à avoir mis en place deux correspondants RH pour un effectif, au 1er janvier 2020, CDD inclus, de 62,80 ETP, à savoir Mme [P] et Mme [G], assistante de direction, dont la fiche de poste mentionne qu’elle est « référent RH au 1er janvier 2016 ».

La fondation [7] justifie à ce sujet qu’elles ont toutes les deux participé aux conventions des correspondants RH à [Localité 8] (24) en 2017 et 2018, qui ont donné lieu à des échanges et des ateliers sur deux jours, notamment pour une actualisation des connaissances.

Mme [P] a bénéficié d’une prime fonctionnelle de 12 points pour la gestion administrative des personnels conformément à l’article A.3.4.4 à partir du mois de février 2018 avec un effet rétroactif depuis son arrivée au foyer ETXEA en 2015, sur son bulletin de paie d’août 2018, qui n’est pas versé aux débats mais il doit être remarqué que la salariée ne conteste pas que cette régularisation a bien eu lieu.

La Fondation [7] est une fondation d’utilité publique à vocation sanitaire et médico-sociale qui dispose, de ce fait, de budgets très stricts et encadrés, validés par les autorités de tutelle que sont le département et l’ARS, de sorte qu’elle n’est pas libre dans l’attribution des coefficients et salaires correspondants ainsi que pour les embauches.

Elle fait valoir qu’initialement, Mme [P] ne se plaignait pas de sa charge de travail mais sollicitait uniquement à court terme une évolution salariale.

Lors de son premier entretien professionnel du 12 décembre 2016, elle a émis le souhait d’une évolution salariale à court terme, à savoir des points complémentaires et le statut de cadre administratif niveau 1, puis à moyen et long terme devenir reférente comptable sur le site Aquitaine. Mme [P] a verbalisé un « questionnement sur la spécialisation et la montée en compétence qui risque de créer une réduction des tâches et une routine », ce qui contredit alors toute surcharge de travail.

Lors de l’entretien individuel du 13 août 2018, il est mentionné que Mme [P] a atteint ses missions, avec la précision que, concernant les paies, il y avait eu un « glissement des tâches du SRH » (service des ressources humaines). La salariée indique qu’il y a « un réel écart entre la fiche de poste remise en juin 2015 et le travail effectué à ce jour, beaucoup de responsabilité, mais le poste est très intéressant », qu’elle est « exigeante professionnellement, correcte et polie avec ses collègues » et que « la charge de travail est trop importante, réflexion à mener sur la nécessité d’un demi poste supplémentaire ». Il lui est donné comme axe de progrès : « sa relation à l’autre (collègues) ». Mme [P] demande d’être reconnue pour le travail effectué en raison des efforts importants depuis la création de l’établissement et les responsabilités du poste occupé. Elle sollicite également d’avoir plus de soutien de la part de la direction pour éviter les tensions et palier le travail des collègues. Son responsable hiérarchique, M. [V], fait les commentaires suivants, en réponse : « reconnaissance du professionnalisme et de la rigueur dans le travail effectué, prise en compte de la charge de travail importante, nécessité d’un réajustement dans son savoir-être (relation avec ses collègues) ».

Ces éléments confirment que Mme [P] avait une charge de travail très importante, avec un élargissement de ses missions au fil des années vers des missions liées aux ressources humaines, mais également qu’elle était une bonne professionnelle, rigoureuse, avec cependant quelques difficultés relationnelles avec des collègues. Ces éléments montrent également que, très rapidement, Mme [P] a demandé une revalorisation de son statut et de sa rémunération.

Il a été procédé à l’embauche, en contrat à durée déterminée à mi-temps, d’une aide-comptable. Le contrat versé aux débats mentionne un motif lié à l’augmentation temporaire de l’activité pour rattrapage de saisie suite au bilan 2017 et vise la période du 27 mars 2018 au 25 mai 2018. Aucune reconduction du contrat n’est produite, de sorte qu’il n’est pas démontré que la présence d’un demi poste d’aide comptable a été mise en place jusqu’au 7 septembre 2018 comme le soutient l’employeur.

Mme [P] a toujours bénéficié d’aide à sa demande ou sur proposition de ses collègues. Pour justifier de cela, la fondation [7] verse plusieurs éléments :

* l’attestation de M. [J], responsable paie et administration du personnel, qui témoigne que le groupe paie et administration du personnel au sein du service transversal des ressources humaines de la Fondation « a régulièrement apporté son soutien à Mme [A] [P] et à l’établissement Etxea pour tout ce qui concerne les tâches RH », ce qui « a pu se traduire par des aides ponctuelles sur des questions particulières posées par téléphone ou par mail, par un accompagnement régulier dans le cadre de contrôle des paies ou de déclaration de cotisations, ou par la prise de relais en RH en l’absence de Mme [P] ou pour lui permettre de se concentrer sur d’autres tâches ».

* différents mails entre Mme [P] et M. [J] qui montrent une aide directe en août 2018 par la mise à disposition d’une salariée en CDD basée à [Localité 8] et en septembre 2018 par la proposition de Mme [F] de s’occuper des CDD. Des mails montrent également que, lors de l’arrêt maladie de Mme [P] sur la période d’avril et mai 2018, le relais a été pris par le siège de la Fondation pour la gestion de la paie d’avril des CDD. Ce fut également le cas en juin 2019.

* l’attestation de Mme [L] [S], directrice du service financier, qui témoigne que son service, « au-delà de son soutien régulier auprès de Mme [P] sur le plan technique, a toujours répondu à ses demandes d’aide en cherchant des solutions pour l’aider, la soulager, ceci plus particulièrement pendant les périodes les plus chargées de l’année (dépôt des comptes administratifs, préparation et dépôt des budgets, situations comptables) ». Elle cite les dates suivantes : avril 2018 à septembre 2018, novembre 2018, janvier 2019, avril à juin 2019, octobre et fin novembre 2019.

* l’attestation de M. [B] [O], adjoint de direction, qui témoigne que « Mme [P] s’est plainte auprès de [lui] à plusieurs reprises de ne pas être reconnue financièrement par la Fondation pour le travail qu’elle effectuait, de surcharge de travail (‘ et) d’être constamment dérangée par les résidents venant voir la CEFS (conseillère en éducation familiale et sociale) dans le même bureau. Tout ceci générait beaucoup de tension notamment avec l’assistante de direction ». Il expose avoir été missionné par le directeur pour faire le médiateur entre les deux salariées. Il précise que la gestion des CDD et la distribution d’argent aux professionnels ont été confiées au directeur et aux adjoints de direction, qu’une comptable a été embauchée pour permettre à Mme [P] de rattraper le retard accumulé et l’alléger dans sa tâche et que la CEFS a changé de bureau pour assurer la distribution d’argent aux résidents.

* l’attestation de Mme [T] [N], adjointe de direction, qui témoigne qu’à la suite des plaintes de Mme [P], « sa collègue a été mise dans un autre bureau, la gestion des CDD, STC (solde de tout compte) et distribution d’argent ont été confiées aux adjoints de direction sous le contrôle du directeur » et « une aide comptable a été embauchée pour pallier les retards accumulés ».

Il ressort de tous ces éléments que la charge de travail dont se plaignait Mme [P] a donné lieu à une réorganisation qui, au regard des contraintes de gestion de la Fondation [7], soumise à la tutelle financière d’organismes publics, a été au départ nécessairement ponctuelle grâce à l’aide des services centraux de la Fondation situés en Dordogne mais également un transfert de certaines tâches aux adjoints de direction.

Concernant l’enquête menée en 2019 dont Mme [P] estime qu’elle a conclu à l’existence d’un harcèlement moral, il appert de relever que le rapport mentionne les avis opposés des deux membres de la commission.

Il convient également de préciser que, chronologiquement, Mme [P] a dénoncé sa situation au délégué syndical M. [Y] le 5 septembre 2019, alors qu’au cours de l’été précédent elle avait dû changer la date d’un jour de RTT et qu’elle s’était vu refuser la prise des jours entre Noël et le [D] An.

En tout état de cause, force est de constater que la dénonciation de Mme [P] a entraîné une réaction de la Fondation [7] qui a évoqué la situation de la salariée lors de réunions exceptionnelles du comité social et économique, lequel a mis en place l’enquête conclue le 10 décembre 2019.

Celle-ci ne conclut pas expressément à l’existence d’un harcèlement moral. Elle indique qu’il a pu être constaté que « la situation de travail génère pour Mme [P] un stress susceptible d’engendrer de la souffrance au travail ».

Pour M. [Y], cette situation constitue un harcèlement moral, appréciation différente de celle de la directrice des ressources humaines qui, avant la communication du rapport final, a exprimé à M. [Y] ses réserves, ainsi que cela ressort du mail du 9 décembre 2019 versé aux débats.

Le procès-verbal de la réunion extraordinaire du comité social et économique en date du 11 décembre 2019 au cours de laquelle a eu lieu la restitution de l’enquête, ce qui contredit d’ailleurs la mention du procès-verbal de la réunion du comité social et économique du 21 juillet 2020 selon laquelle la direction générale n’a pas transmis l’enquête concernant l’alerte sur la situation de harcèlement dénoncée par la salariée, fait ressortir que la souffrance au travail de Mme [P] est reconnue mais que celle-ci n’est pas assimilée à un harcèlement moral pour la direction générale car « il n’y a pas d’intention de nuire à la personne concernée ». Cette intention n’est toutefois pas exigée pour que soit constitué un harcèlement moral.

Ce procès-verbal mentionne ensuite les recommandations faites par le rapport d’enquête ainsi que le CSE et le plan d’action proposé par la direction générale.

Le service de santé au travail a également été saisi de cette situation pour organiser la venue d’un intervenant en prévention des risques professionnels afin d’effectuer une médiation entre M. [V] et Mme [P]. Une médiatrice a ainsi été contactée début 2020.

La Fondation [7] souligne enfin que la consultation confiée au cabinet SECAFI courant 2021, soit après la rupture du contrat de travail de Mme [P], confirme l’absence de situation de harcèlement moral et ne vise pas la situation de travail du personnel administratif.

Concernant les mesures inéquitables, l’employeur fait valoir que :

Tous les jours de congés ou RTT ont été accordés, à l’exception du 26 août 2019 et de la période de Noël car l’assistante de direction était absente à ces dates. IL ressort des éléments du dossier que Mme [P] était en congés au moment de Noël l’année précédente, en 2018, mais également en 2017.

Le coefficient 467 correspondant à la fonction cadre administratif lui a été refusé car il est exigé, par la Fondation [7], que les cadres aient au moins tous un niveau licence, ce que lui a proposé la direction en proposant de financer la formation VAE. Certes la convention collective indique que peuvent accéder à ce métier de chef de bureau les personnes titulaires au minimum d’un baccalauréat ou d’un diplôme équivalent et justifiant de quatre années de responsabilités administratives ou les salariés ayant occupé dans l’établissement un emploi administratif pendant au moins 6 ans dont 3 au moins en tant que comptable, de secrétaire en chef de direction, de rédacteur ou d’assistant des services économiques. Toutefois, elle précise également que le chef de bureau est chargé de la responsabilité et de la coordination des techniciens administratifs, ce qui n’est pas le cas de Mme [P] dont aucun élément du dossier ne permet d’établir qu’elle a des fonctions impliquant la responsabilité et la coordination d’autres salariés.

A la lecture de tous ces éléments, il appert que Mme [P] a exprimé à plusieurs reprises à son supérieur hiérarchique les difficultés qu’elle rencontrait au sujet de sa charge de travail à partir de novembre 2017. Les difficultés organisationnelles, relevées par l’enquête missionnée par le comité social et économique, se confrontent à la lourdeur imposée par le fonctionnement et le financement de la Fondation qui, pour autant, a cherché, au sein de ses services, des solutions pour aider Mme [P]. Ainsi, début 2018, il a été proposé l’ouverture d’un demi-poste d’aide comptable pour la soulager. De fait, une salariée a été recrutée pour ce faire durant au moins deux mois. Par ailleurs, des mesures ont été mises en place pour faciliter le travail de Mme [P] par l’externalisation de son bureau de la distribution d’argent aux résidents et le transfert de certaines tâches aux adjoints de direction. De la même manière, les pièces versées aux débats démontrent que Mme [P] faisait régulièrement remonter les malfaçons dans l’enregistrement de données lui compliquant la tâche, mais également qu’elle pouvait demander de l’aide aux services centraux situés en Dordogne qui lui répondaient très rapidement et ont pu lui prendre certaines tâches. La comptable d’un autre établissement est également intervenue pour apporter de l’aide à Mme [P].

Parallèlement, alors qu’elle rencontrait des difficultés de communication avec l’assistante de direction, un des adjoints de direction a effectué une médiation entre les deux salariées. Les entretiens annuels révèlent à ce sujet que Mme [P] devait travailler son savoir-être avec ses collègues. Ces entretiens révèlent également que ses qualités professionnelles étaient reconnues par son directeur, sans que cela puisse néanmoins justifier qu’elle obtienne le statut de cadre qui implique le management de salariés, ce qu’elle ne faisait pas.

Par ailleurs, la Fondation [7] a justifié de ce que le refus opposé à la salariée à propos d’une journée de RTT fin août 2019 et certains jours en décembre 2019 ne constituait pas une inégalité de traitement à son égard mais une décision motivée par les nécessités de service et le roulement en alternance entre l’assistante de direction et Mme [P].

Concernant la prime fonctionnelle, la demande formulée par Mme [P] en janvier 2018 a été accordée en avril 2018 selon ce qu’elle souhaitait, après examen au niveau du siège de la Fondation, et versée à son bénéfice en août 2018, soit 4 mois après son octroi, ce qui ne saurait en soi caractériser le refus de l’employeur de lui payer son dû.

Enfin, si les soucis de santé de Mme [P] sont incontestables, aucun élément ne permet de les mettre en lien avec les décisions de son employeur qu’elle estime être des agissements constitutifs de harcèlement moral.

En conséquence, la cour, tout en admettant que Mme [P] a vécu une situation stressante au travail, n’est pas en mesure d’établir que celle-ci et ses problèmes de santé sont la conséquence d’agissements répétés constitutifs d’un harcèlement moral.

Le jugement déféré sera donc infirmé en toutes ses dispositions.

Il appert de relever que Mme [P] qui sollicite des dommages et intérêts en réparation de l’ensemble des préjudices subis, résultant des agissements de harcèlement moral, du non-respect de l’obligation de prévention de harcèlement moral, ou encore du non-respect de l’obligation légale de sécurité de l’article L 4121-1 du code du travail, ne détaille pas les montants sollicités alors que les fondements de ces manquements qu’elle reproche à l’employeur sont différents et ne développe aucun argument concernant les deux derniers. Il doit donc être considéré que ces demandes, de surcroît non chiffrées, ne sont pas soutenues.

Mme [P], qui succombe à l’instance, devra en supporter les entiers dépens, y compris ceux exposés devant le conseil de prud’hommes.

L’équité et les situations respectives des parties commandent néanmoins de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit de la Fondation [7] qui sera en conséquence déboutée de sa demande sur ce fondement.


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