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SOC.
AF1
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 18 janvier 2023
Cassation partielle sans renvoi
M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 37 F-D
Pourvoi n° D 21-21.270
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 18 JANVIER 2023
La société H.L.M. Pierres et lumières, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° D 21-21.270 contre l’arrêt rendu le 16 juin 2021 par la cour d’appel de Versailles (15e chambre), dans le litige l’opposant :
1°/ à Mme [Y] [K], épouse [X], domiciliée [Adresse 4],
2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 1], direction régionale Pays de la Loire, [Localité 3],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Ollivier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société H.L.M. Pierres et lumières, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de Mme [K], après débats en l’audience publique du 23 novembre 2022 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ollivier, conseiller référendaire rapporteur, Mme Sommé, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Versailles, 16 juin 2021), Mme [K] a été engagée par la société H.L.M. Pierres et lumières à compter du 28 novembre 1988, en qualité d’agent administratif. Elle occupait, en dernier lieu, les fonctions de coordinatrice de gestion locative.
2. Le 28 novembre 2011, la salariée a saisi la juridiction prud’homale d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de l’employeur.
3. Par lettre du 29 novembre 2011, elle a été convoquée à un entretien préalable en vue d’une éventuelle mesure de licenciement. Son licenciement pour faute grave lui a été notifié le 14 décembre 2011.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, ci-après annexé
4. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le second moyen
Enoncé du moyen
5. L’employeur fait grief à l’arrêt de le condamner à payer à la salariée la somme de 313,15 euros à titre de congés payés sur la gratification annuelle conventionnelle, alors « que sont exclues de l’assiette de calcul de l’indemnité de congés payés les primes dont le montant n’est pas affecté par le départ en congé du salarié ; qu’il résulte de l’article 28-1 de la convention collective des personnels des sociétés anonymes et fondations d’HLM du 27 avril 2000 que la gratification annuelle qu’il prévoit n’est pas affectée par le départ en congé du salarié ; qu’en condamnant l’employeur au paiement de congés payés afférents à la gratification annuelle conventionnelle, la cour d’appel a violé l’article L. 3141-22 du code du travail, ensemble l’article 28-1 de la convention collective des personnels des sociétés anonymes et fondations d’HLM du 27 avril 2000. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
6. La salariée conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient que le moyen est nouveau puisque l’employeur n’a à aucun moment fait valoir que la gratification annuelle n’était pas affectée par le départ en congé du salarié et n’entrait pas dans l’assiette de calcul de l’indemnité de congé payés.
7. Cependant, le moyen est de pur droit.
8. Il est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu l’article L. 3141-22, I, du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, et l’article 28.1 de la convention collective des personnels des sociétés anonymes et fondations d’HLM du 27 avril 2000 :
9. Aux termes du premier texte susvisé, le congé annuel prévu par l’article L. 3141-3 ouvre droit à une indemnité égale au dixième de la rémunération brute totale perçue par le salarié au cours de la période de référence.
Pour la détermination de la rémunération brute totale, il est tenu compte :
1° De l’indemnité de congé de l’année précédente ;
2° Des indemnités afférentes à la contrepartie obligatoire en repos prévues à l’article L. 3121-11 ;
3° Des périodes assimilées à un temps de travail par les articles L. 3141-4 et L. 3141-5 qui sont considérées comme ayant donné lieu à rémunération en fonction de l’horaire de travail de l’établissement.
Lorsque la durée du congé est différente de celle prévue à l’article L. 3141-3, l’indemnité est calculée selon les règles fixées ci-dessus et proportionnellement à la durée du congé effectivement dû.
10. Il en résulte que sont exclues de l’assiette de calcul les primes annuelles attribuées au salarié sans distinction entre les périodes de travail et celles des congés payés.
11. Aux termes de l’article 28.1 de la convention collective susvisée, une gratification, qui ne saurait être inférieure au salaire du mois de décembre, est attribuée au personnel. Elle est payable au mois de décembre de l’année en cours, sauf usage ou accord d’entreprise dérogatoire qui fixerait d’autres modalités de versement, notamment mensuel par douzième. Le salaire pris en considération est le salaire brut de base du mois, y compris la prime d’ancienneté, lorsqu’elle existe, mais à l’exclusion de toute autre prime, des heures supplémentaires et des avantages en nature. En cas d’embauche, de licenciement, de démission, de départ en retraite, d’absence pour maladie non indemnisée dans les conditions prévues à l’article 29 ci-dessous (ou de toute autre absence qui n’est pas assimilée à du travail effectif par la loi) en cours d’année, ladite gratification est attribuée au prorata du temps de travail effectif.
12. Il en résulte que la gratification annuelle est calculée pour l’année entière, périodes de travail et de congé confondues, et que son montant n’est pas affecté par le départ du salarié en congé.
13. Pour condamner l’employeur à payer à la salariée une certaine somme à titre de rappel de congés payés, l’arrêt retient que celle-ci n’a pas reçu, au titre de l’année 2011, la gratification annuelle complète prévue par l’article 28.1 de la convention collective applicable, ni les congés payés afférents.
14. En statuant ainsi, la cour d’appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
15. Après avis donné aux parties, conformément à l’article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l’organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
16. L’intérêt d’une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
17. La cassation du chef de dispositif condamnant l’employeur à payer à la salariée une certaine somme au titre des congés payés afférents à la gratification annuelle conventionnelle n’emporte pas cassation des chefs de dispositif de l’arrêt condamnant l’employeur aux dépens ainsi qu’au paiement d’une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile, justifiés par d’autres condamnations prononcées à l’encontre de celui-ci et non remises en cause.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il condamne la société HLM Pierres et lumières à payer à Mme [K] la somme de 313,15 euros au titre des congés payés afférents à la gratification annuelle conventionnelle, l’arrêt rendu le 16 juin 2021, entre les parties, par la cour d’appel de Versailles ;
DIT n’y avoir lieu à renvoi ;
DEBOUTE Mme [K] de sa demande de paiement d’une indemnité de congés payés afférente à la gratification annuelle conventionnelle ;
Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit janvier deux mille vingt-trois.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société H.L.M. Pierres et lumières,
PREMIER MOYEN DE CASSATION
La société HLM Pierres et lumières FAIT GRIEF à l’arrêt infirmatif attaqué d’AVOIR prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [K] aux torts de la société HLM Pierres & Lumières, d’AVOIR dit que la résiliation judiciaire de Mme [K] (sic) emportait les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, de l’AVOIR condamnée à payer à Mme [K] les sommes de 57 047,16 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 704,71 euros de congés payés sur préavis, 494,76 euros au titre de reliquat dû sur gratification annuelle conventionnelle outre 313,15 euros de congés payés afférents, 24 532,92 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement, 42 300 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et 8 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral, d’AVOIR ordonné le remboursement par la société HLM Pierres et lumières aux organismes concernés des indemnités de chômage qu’ils ont versées le cas échéant à Mme [K] à compter du jour de son licenciement et ce à concurrence de six mois et d’AVOIR ordonné la délivrance par la Société HLM Pierres et lumières d’un certificat de travail du 28 novembre 1988 au 15 février 2012 et d’une attestation Pôle Emploi rectifiée,
1. ALORS QUE toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a reproduit, à l’exception de quelques adaptations de style, les conclusions d’appel de la salariée (p. 7 à 9) s’agissant des faits invoqués comme faisant présumer le harcèlement moral (arrêt, p. 4, § 3 et s.) ; qu’elle a dès lors statué par une apparence de motivation faisant peser un doute sur l’impartialité de la juridiction et a violé l’article 6, § 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales et les articles 455 et 458 du code de procédure civile ;
2. ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; qu’en l’espèce, l’employeur exposait, preuves à l’appui que lorsque la responsabilité du service de gestion locative avait été confiée à M. [J] début septembre 2010, Mme [K]-[X], épouse du directeur général qui venait d’être remplacé, et ses collègues et amis M. [Z], M. [W] et Mme [N], avaient réagi négativement et tenté de mettre obstacle à cette mesure et qu’ayant échoué, ils avaient mis en place un plan concerté afin de quitter l’entreprise en percevant de substantiels dommages et intérêts, qu’ils avaient ainsi été placés en arrêts de travail le même jour par le même médecin généraliste, que ce même médecin avait établi des certificats médicaux pour trois des quatre salariés à quelques jours d’intervalle, qu’ils avaient tous saisi le conseil de prud’hommes le même jour aux fins de résiliation judiciaire de leurs contrats de travail, que chacun avait établi en mars 2012 une déclaration de maladie professionnelle, aucune d’elle n’ayant été prise en charge par la CPAM, et que dès que M. [Z] avait été déclaré inapte à son poste, au terme de visites des 3 et 17 septembre 2012, M. [W] et Mme [N] avaient demandé à bénéficier d’une visite de reprise pour être eux aussi déclarés inaptes ; qu’il ajoutait qu’après s’être établi réciproquement des attestations croisées, ils avaient exercé une pression illégitime sur leur collègue Mme [G] pour obtenir de sa part un faux témoignage (conclusions d’appel, p. 7 à 9 ; prod. 5, 16 à 35) ; que la cour d’appel, qui n’a pas répondu à ce moyen, a violé l’article 455 du code de procédure civile ;
3. ALORS QU’il incombe au salarié d’établir, autrement que par ses seules affirmations, la matérialité d’éléments de fait précis, répétés et concordants pouvant laisser présumer l’existence d’un harcèlement moral à son égard ; qu’en se fondant, pour considérer comme établis les faits allégués par Mme [K]-[X] au titre du retrait de ses prérogatives, sur les attestations des trois salariés agissant de concert avec elle contre l’employeur devant le conseil de prud’hommes, la cour d’appel a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail, ce dernier dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 ;
4. ALORS QUE les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner et analyser tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; que l’employeur soutenait que toutes les déclarations de maladie professionnelle déposées par les quatre salariés avaient fait l’objet de décisions de rejet de prise en charge par la CPAM (conclusions d’appel, p. 8 ; prod. 24 à 27) ; qu’en énonçant que le médecin de l’assurance maladie qui avait examiné Mme [K] et ses collègues avait conclu à un syndrome anxio-dépressif aggravé lié à un contexte professionnel, sans examiner des décisions de la CPAM, la cour d’appel a méconnu les exigences de l’article 455 du code de procédure civile ;
5. ALORS QUE la rémunération d’un salarié ne peut être modifiée qu’avec l’accord des deux parties ; que dès lors, sauf disposition conventionnelle contraire, le salarié ne dispose d’aucun droit à une augmentation de salaire ou au versement d’une prime y compris lorsque son évaluation au titre d’une année est excellente ; qu’en énonçant que l’employeur admettait que Mme [K] n’avait bénéficié d’aucune prime ou augmentation en 2011 contrairement aux années précédentes malgré son excellente évaluation de l’année 2010, que l’employeur indiquait seulement qu’elle bénéficiait déjà d’un salaire supérieur à la médiane des rémunérations des salariés de même coefficient et qu’il souhaitait procéder à un réajustement par rapport à ses collègues, et que l’absence volontaire de versement de prime et d’augmentation par l’employeur en 2011 dans le seul dessein de procéder à un réajustement de rémunération de rémunération par rapport à ses collègues sans tenir compte de l’évaluation de la salariée, de son investissement dans l’entreprise ni de la spécificité et de l’unicité de ses fonctions de coordinatrice traduisait une dégradation de ses conditions de travail, la cour d’appel a violé l’article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016, ensemble les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail, ce dernier dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 ;
6. ALORS QUE le juge a l’obligation de ne pas dénaturer les écrits soumis à son examen ; qu’en l’espèce, il résulte du compte-rendu de réunion du CHSCT du 8 mars 2011 que la psychologue du travail avait indiqué : « le fait d’avoir intensifié le développement des nouvelles constructions a agi sur le stress au travail et le mal-être. Les problèmes d’organisation de services n’ont pas toujours été bien vécu par le personnel. En conclusions, il est nécessaire d’agir dès l’apparition d’un dysfonctionnement par intervention directe soit de la hiérarchie, soit des personnes en charge de ces problèmes » et évoquait donc une situation générale que rien ne permettait de rattacher à Mme [K]-[X] ; qu’en affirmant que la psychologue du travail était intervenue pour alerter les membres du CHSCT et l’ensemble de la direction générale de la société HLM Pierres et lumière sur la souffrance vécue par Mme [K]-[X] au sein de l’entreprise, la cour d’appel a dénaturé le compte-rendu de réunion du CHSCT du 8 mars 2011 en violation du principe susvisé ;
7. ALORS QUE le défaut de réponse à conclusion constitue un défaut de motifs ; qu’en l’espèce, l’employeur faisait valoir que l’intervention de la psychologue du travail avait débuté bien avant la nouvelle direction et du fait essentiellement de l’attitude de Mme [K]-[X] qui avait généré une dégradation de l’ambiance de travail comme en témoignaient les comptes-rendus d’entretien réalisés dans le cadre de l’enquête déclenchée par les délégués du personnel (conclusions d’appel, p. 14 ; prod. 10 à 20) ; qu’en s’abstenant de répondre à ce moyen, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;
8. ALORS QUE constitue une atteinte au principe de l’égalité des armes résultant du droit au procès équitable garanti par l’article 6, § 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales le fait de ne considérer que les conclusions et le dossier d’une partie ; qu’en l’espèce, la cour d’appel, après avoir reproduit, à l’exception de quelques adaptations de style, les conclusions d’appel de la salariée s’agissant des faits invoqués comme faisant présumer le harcèlement moral, n’a pas répondu à plusieurs moyens de l’employeur et n’a pas examiné l’essentiel de ses pièces ; qu’elle a donc violé le texte susvisé.
SECOND MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE)
La société HLM Pierres et lumières FAIT GRIEF à l’arrêt infirmatif attaqué de l’AVOIR condamnée à payer à Mme [K] la somme de 313,15 euros à titre de congés payés sur la gratification annuelle conventionnelle,
ALORS QUE sont exclues de l’assiette de calcul de l’indemnité de congés payés les primes dont le montant n’est pas affecté par le départ en congé du salarié ; qu’il résulte de l’article 28-1 de la convention collective des personnels des sociétés anonymes et fondations d’HLM du 27 avril 2000 que la gratification annuelle qu’il prévoit n’est pas affectée par le départ en congé du salarié ; qu’en condamnant l’employeur au paiement de congés payés afférents à la gratification annuelle conventionnelle, la cour d’appel a violé l’article L. 3141-22 du code du travail, ensemble l’article 28-1 de la convention collective des personnels des sociétés anonymes et fondations d’HLM du 27 avril 2000.