Harcèlement moral au Travail : Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 16 novembre 2022, 21-12.809, Inédit

·

·

Harcèlement moral au Travail : Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 16 novembre 2022, 21-12.809, Inédit
Ce point juridique est utile ?

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

SOC.

CH9

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 16 novembre 2022

Cassation partielle

Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1203 F-D

Pourvoi n° H 21-12.809

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 16 NOVEMBRE 2022

La société FMC technologies, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° H 21-12.809 contre l’arrêt rendu le 17 février 2021 par la cour d’appel de Paris (pôle 6, chambre 10), dans le litige l’opposant :

1°/ à M. [J] [F], domicilié [Adresse 1],

2°/ au Pôle emploi de [Localité 3], dont le siège est [Adresse 4],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Lacquemant, conseiller, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société FMC technologies, de la SARL Le Prado – Gilbert, avocat de M. [F], après débats en l’audience publique du 27 septembre 2022 où étaient présentes Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lacquemant, conseiller rapporteur, Mme Van Ruymbeke, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 17 février 2021), M. [F] a été engagé le 6 octobre 1980 par la société FMC technologies en qualité d’ouvrier-machine. Il exerçait en dernier lieu les fonctions de monteur et technicien snaps.

2. Le 19 décembre 2016, il a été déclaré inapte à son poste par le médecin du travail.

3. Licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 22 février 2017, il a saisi la juridiction prud’homale de diverses demandes relatives à l’exécution et à la rupture de son contrat de travail.

Examen des moyens

Sur les premier et deuxième moyens, ci-après annexés

4. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le troisième moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

5. L’employeur fait grief à l’arrêt de dire que le licenciement du salarié est dépourvu de cause réelle et sérieuse et de le condamner en conséquence à lui verser diverses sommes à titre d’indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et au titre de l’article 700 du code de procédure civile, alors « que l’article L. 1226-2 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, n’impose de recherches de reclassement que dans le cadre du groupe auquel l’employeur appartient le cas échéant, parmi les entreprises dont les activités, l’organisation ou le lieu d’exploitation lui permettent d’effectuer la permutation de tout ou partie du personnel ; qu’en retenant que le fait de ne pas avoir soumis à M. [F] les postes qui auraient été disponibles au sein d’une société extérieure au groupe constituait un manquement de la société FMC technologies à son obligation de loyauté dans la recherche d’un poste de reclassement rendant le licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d’appel a violé l’article L. 1226-2 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l’article L. 1226-2 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, applicable au litige :

6. Selon ce texte, lorsque, à l’issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu’il formule sur l’aptitude du salarié à exercer l’une des tâches existantes dans l’entreprise. L’emploi proposé est aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail.

7. La recherche de reclassement doit s’effectuer au sein de l’entreprise et, le cas échéant, à l’intérieur du groupe auquel appartient l’employeur concerné, parmi les entreprises dont les activités, l’organisation ou le lieu d’exploitation permettent d’effectuer la permutation de tout ou partie du personnel.

8. Pour dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, l’arrêt, après avoir constaté que l’employeur avait pris l’initiative de rechercher des postes auprès de sociétés extérieures au groupe sans qu’il ne propose au salarié les postes disponibles au sein de celles-ci, retient que cette omission caractérisait un défaut de loyauté dans la recherche d’un poste de reclassement.

9. En statuant ainsi, alors que l’obligation de reclassement qui pèse sur l’employeur préalablement à un licenciement pour inaptitude ne s’étend pas à d’autres entreprises qui ne relèvent pas d’un même groupe, la cour d’appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

10. La cassation des chefs de dispositif disant le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamnant la société FMC technologies à payer à M. [F] diverses sommes n’emporte pas cassation des chefs de dispositif de l’arrêt condamnant la société FMC technologies aux dépens ainsi qu’au paiement d’une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile, justifiés par d’autres condamnations prononcées à l’encontre de celle-ci et non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamne la société FMC technologies à payer à M. [F] des sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d’indemnité de préavis et congés payés afférents, l’arrêt rendu le 17 février 2021, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Paris autrement composée ;

Condamne M. [F] aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé et signé par le président, en son audience publique du seize novembre deux mille vingt-deux, et par Mme Dumont, greffier de chambre, en remplacement du greffier empêché.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour la société FMC technologies

PREMIER MOYEN DE CASSATION

La société FMC Technologies reproche à l’arrêt infirmatif attaqué de l’avoir condamnée à verser à M. [F] les sommes de 8 000 € à titre de dommages et intérêts pour organisation tardive de la visite de reprise et de 5 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

1/ ALORS QUE si le classement en invalidité de deuxième catégorie ne dispense pas l’employeur de son obligation d’organiser une visite de reprise, il n’est tenu d’y procéder que si le salarié remplit les conditions pour en bénéficier, en fait la demande et se tient à sa disposition pour qu’il y soit procédé ; que la société FMC Technologies avait démontré que M. [F] n’avait ni repris le travail, ni manifesté l’intention de le reprendre à compter de son classement et qu’il n’avait ensuite jamais sollicité, entre le 29 septembre 2012 et le 28 novembre 2016, l’organisation de la visite de reprise ; qu’en se bornant, pour condamner la société à lui verser la somme de 8 000 € à ce titre, à affirmer que la société devait prendre l’initiative de faire procéder à une visite de reprise sans rechercher si l’attitude du salarié ne démontrait pas son absence de volonté de reprendre le travail, la cour a privé sa décision de base légale au regard de l’article R. 4624-22 du code du travail ;

2/ ALORS (subsidiairement) QUE la circonstance qu’une visite médicale ait été organisée tardivement ne cause pas nécessairement un préjudice qu’il conviendrait de réparer ; que M. [F] s’était borné à réclamer l’indemnisation du préjudice qu’il aurait nécessairement subi du fait de l’organisation tardive de la visite médicale de reprise sans justifier de sa réalité ; qu’en faisant néanmoins droit à sa demande de dommages intérêts à ce titre, la cour d’appel a d’ores et déjà méconnu l’article 1231-1 du code civil ;

3/ ALORS (subsidiairement) QUE pour condamner la société FMC Technologies à verser à M. [F] la somme de 8 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par le retard dans l’organisation de la visite de reprise, la cour d’appel a considéré que le salarié avait perdu une chance, pendant la période ayant couru entre le classement en invalidité et l’organisation de cette visite, d’être licencié plus tôt, d’être reclassé dans une autre société du groupe ou de retrouver un emploi dans une autre société et de percevoir une rémunération supérieure aux indemnités perçues pendant son arrêt de travail ; qu’en statuant de la sorte, au vu d’un préjudice hypothétique et non réel, la cour d’appel a violé de plus fort l’article 1231-1 du code civil.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

La société FMC Technologies reproche à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir dit que M. [F] avait été victime d’un harcèlement moral et de l’avoir condamnée à lui verser les sommes de 10 000 € de dommages et intérêts à ce titre et de 5 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

1/ ALORS QUE ces motifs seront censurés par voie de conséquence de la cassation à intervenir sur le premier moyen, par application de l’article 625 du code de procédure civile ;

2/ ALORS QUE la prescription quinquennale prévue par l’article 2224 du code civil interdit la prise en compte de faits de harcèlement moral couverts par elle ; que bien que constatant que les faits dénoncés par M. [F] étaient anciens puisqu’ils dataient essentiellement des années 1980, la cour d’appel a estimé qu’en organisant la visite de reprise uniquement le 28 novembre 2016, la société FMC Technologies aurait commis un nouveau manquement qui permettait de considérer que les faits plus anciens n’étaient pas prescrits ; qu’en statuant de la sorte sans établir que le retard d’organisation de la visite de reprise aurait caractérisé de la part de l’employeur un agissement relevant de la qualification de harcèlement moral permettant de prendre en compte des manquements antérieurs, même prescrits, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article susvisé.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

La société FMC Technologies reproche à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir dit que le licenciement de M. [F] était dépourvu de cause réelle et sérieuse et de l’avoir condamnée en conséquence à lui verser les sommes de 6 658,88 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis, de 665,88 € au titre des congés payés afférents, de 53 271,84 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de 5 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

1/ ALORS QU’en énonçant, pour condamner la société FMC Technologies au titre de l’absence de cause réelle et sérieuse de licenciement, qu’elle n’aurait pas exécuté loyalement sa recherche de reclassement en ne proposant pas à M. [F] des postes disponibles dans une société extérieure au groupe auquel elle appartenait, quand elle avait relevé que la société n’était pas tenue de procéder à une recherche de reclassement auprès de ces dernières, la cour d’appel a statué par des motifs contradictoires et méconnu en conséquence les exigences de l’article 455 du code de procédure civile ;

2/ ALORS QUE l’article L. 1226-2 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, n’impose de recherches de reclassement que dans le cadre du groupe auquel l’employeur appartient le cas échéant, parmi les entreprises dont les activités, l’organisation ou le lieu d’exploitation lui permettent d’effectuer la permutation de tout ou partie du personnel ; qu’en retenant que le fait de ne pas avoir soumis à M. [F] les postes qui auraient été disponibles au sein d’une société extérieure au groupe constituait un manquement de la société FMC Technologies à son obligation de loyauté dans la recherche d’un poste de reclassement rendant le licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d’appel a violé l’article L. 1226-2 du code du travail ;

3/ ALORS QUE le 19 décembre 2016, le médecin du travail avait conclu, au terme de la seconde visite de reprise, que M. [F] était inapte au poste et à tous les postes dans l’entreprise et qu’il ne resterait apte qu’à un poste de même nature dans un autre contexte professionnel ; qu’interrogé par la société, il avait ajouté par courrier du 27 décembre 2016 qu’aucun poste du site de [Localité 3] ne pouvait être proposé ; que l’employeur avait justifié que ni en son sein, ni au sein des autres entités du groupe il n’existait de poste disponible susceptible de lui être proposé ; qu’en concluant néanmoins que, faute de lui avoir proposé des postes dans des sociétés extérieures au groupe, le licenciement serait dépourvu de cause réelle et sérieuse, quand elle n’avait contesté ni la réalité des efforts de reclassement en interne, au sein de l’entreprise, ni la réalité des efforts de reclassement dans les sociétés du groupe auquel elle appartenait, la cour d’appel a violé l’article L. 1226-2 du code du travail.ECLI:FR:CCASS:2022:SO01203


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x