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COUR D’APPEL DE NOUMÉA
Arrêt du 5 décembre 2022
Chambre sociale
Numéro R.G. : No RG 21/00079 – No Portalis DBWF-V-B7F-SNG
Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 27 Août 2021 par le Tribunal du travail de NOUMEA (RG no :21/35)
Saisine de la cour : 21 Septembre 2021
APPELANT
M. [T] [U]
né le [Date naissance 2] 1980 à [Localité 4]
demeurant [Adresse 1]
Non comparant, ni représenté
INTIMÉ
S.A. SOCIETE GENERALE CALEDONIENNE DE BANQUE (SGCB)
Siège social : [Adresse 3]
Représenté par Me Noémie KOZLOWSKI, avocat au barreau de NOUMEA
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 02 Juin 2022, en audience publique, devant la cour composée de :
Monsieur Philippe DORCET, Président de chambre, président,
M. François BILLON, Conseiller,
M. Thibaud SOUBEYRAN,Conseiller,
qui en ont délibéré, sur le rapport de M. Thibaud SOUBEYRAN.
Greffier lors des débats et lors de la mise à disposition : Mme Isabelle VALLEE
ARRÊT :
– contradictoire,
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 5 décembre 2022 après prorogations, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,
– signé par M. Thibaud SOUBEYRAN, Conseiller en lieu et place de M. Philippe DORCET, président empêché, et par Mme Isabelle VALLEE, Greffier auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.
PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE
M. [T] [U] a été engagé par la S.A. SOCIETE GENERALE CALEONIENNE DE BANQUE (SGBC) en contrat à durée indéterminée à compter du 4 janvier 2021 en qualité de cadre, classe V moyennant une rémunération annuelle de 6 688 386 francs CFP sur 13,5 mois pour assurer les fonctions de maître d’ouvrage d’un projet de migration informatique.
Par courrier en date du 27 mai 2021, M. [U] a démissionné de son poste à l’expiration d’un préavis de 15 jours, se référant sur ce point aux dispositions de l’article 87 de l’Accord Interprofessionnel Territorial mentionnées dans sa promesse d’embauche.
Par acte d’huissier en date du 16 juillet 2021, complété oralement à l’audience, la SGCB a fait assigner M. [U] devant le tribunal du travail de Nouméa statuant en référés aux fins de le voir :
– constater que l’inexécution par son salarié de son préavis lui a causé un trouble manifestement illicite et en conséquence,
– enjoindre à M. [U] d’exécuter sa période de préavis en ordonnant sa réintégration ;
– condamner M. [U] à lui payer à titre provisionnel les sommes dont il lui est redevable pour la partie inexécutée ainsi que la somme de 1 000 000 de francs CFP à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral. A titre subsidiaire, à défaut de réintégration de M. [U], elle sollicitait sa condamnation à lui payer la somme correspondant au préavis non effectué du 11 juin au 26 août 2021 outre à la somme de 1 500.000 francs CFP à titre de dommages-intérêts.
Par ordonnance contradictoire du 27 août 2021, le président du tribunal du travail, après avoir constaté l’existence d’un trouble manifestement illicite, a débouté l’employeur de sa demande de réintégration mais a condamné M. [U] à payer provisionnellement la somme correspondant aux salaires perçus durant le préavis non-exécuté outre la somme de 100 000 francs à titre de dommages et intérêts et la même somme au titre de ses frais irrépétibles.
PROCÉDURE D’APPEL
M. [U] a interjeté appel de cette décision par requête déposée au greffe de la cour le 21 septembre 2021.
Aux termes de deux courriers adressés à la cour les 1er mars 2022 et 9 mai 2022 et communiqués à l’intimés par le greffe, M. [T] [U] sollicite l’infirmation de l’ordonnance frappée d’appel et la condamnation de la SGCB à lui rembourser les sommes versées en provision à hauteur de 253 239 francs CFP, outre les sommes de :
– 890 000 francs CFP à titre de dommages-intérêts ” du fait de ne pas avoir respecté (ses) injonctions par lettre recommandée” ;
– 990 876 francs CFP en dédommagement “du temps passé sur cette affaire” ;
– 1 486 308 francs CFP en réparation de son préjudice moral suite notamment au harcèlement moral subi.
Il estime en premier lieu que c’est à tort que l’ordonnance frappée d’appel a été rendue contradictoirement à son égard dès lors qu’il n’a jamais été convoqué.
Au fond, se prévalant des dispositions de l’article 87 de l’Accord Interprofessionnel Territorial visé dans sa lettre d’engagement, il soutient que sa période de préavis était limitée à deux semaines. Il estime que cette référence à l’article 87 ne pouvait procéder d’une erreur, le document ayant été relu préalablement par un responsable des ressources humaines de la société. Il ajoute que même à supposer que son employeur a commis une erreur en visant une disposition erronée, ce document a valeur contractuelle de sorte qu’il lui est opposable.Il estime que cette disposition, plus favorable que celle prévue à la Convention collective, a vocation à s’appliquer de manière préférentielle.
Il explique que sa démission était motivée par les conditions de travail délétères dans lesquelles il était contraint d’évoluer et considère que “l’ensemble des lettres de menaces envoyées par la SGBC pour (le) forcer à rester dans ces conditions de travail nocives” constituait un harcèlement moral, faute de prendre en compte sa “détresse psychologique”.
En réplique, au terme de ses écritures régulièrement communiquées à l’appelant, la SGCB sollicite de voir la cour confirmer l’ordonnance frappée d’appel et demande dans le même temps à la cour de condamner M. [T] [U] à lui payer la somme de 1 304 648 francs CFP au titre du salaire correspondant au préavis non effectué entre 11 juin et le 26 août 2021. Elle soutient en substance que si mention a été faite par erreur à l’article 87 de l’AIT aux termes de la promesse d’embauche, la durée du préavis préalable à la rupture du contrat de travail à l’initiative du salarié était en réalité fixée à 3 mois conformément aux dispositions de l’article 20 de la Convention Collective de travail des personnels de banques de Nouvelle Calédonie visée au contrat de travail. Elle soutient par ailleurs que M. [T] [U] n’établit nullement, ainsi qu’il lui incombe, le harcèlement moral dont il se prévaut. Elle indique que l’absence d’accomplissement du préavis a désorganisé ses services et lui a causé un préjudice dont elle est fondée à obtenir réparation.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Vu les articles 885-1 et 2 du code de procédure civile de Nouvelle Calédonie ;
Vu l’article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable en Nouvelle Calédonie ;
Il est constant aux termes des explications des parties et pièces produites aux débats que M. [T] [U] a pris l’initiative de rompre le contrat de travail suivant courrier du 27 mai 2021.
La durée du préavis précédant la rupture effective du contrat de travail, durant laquelle le salarié est tenu d’exécuter ses tâches et de remplir les missions qui lui sont confiées par l’employeur, est régie par les dispositions contractuelles.
En l’espèce, le contrat de travail du 30 décembre 2020 ne mentionne pas la durée de ce préavis mais précise qu’il est régi par les dispositions de la convention collective de travail du personnel des banques de Nouvelle Calédonie, laquelle stipule en son article 20 que la durée du délai de congé réciproque est fixée, pour un cadre, à 3 mois.
La référence, aux termes de la lettre d’engagement signée par les parties le
21 décembre 2020, à la durée de préavis prévue à l’article 87 de l’AIT n’est pas reprises aux termes du contrat de travail qui fait seul la loi des parties. En effet, en ratifiant le contrat de travail, les parties ont implicitement mais nécessairement entendu renoncer aux stipulations contraires de la lettre d’intention.
Il s’en suit que c’est à tort que M. [T] [U] a refusé, comme l’a sollicité expressément son employeur à plusieurs reprises, de poursuivre l’exécution du contrat de travail durant une période de trois mois consécutive à la réception par l’employeur de son congé de démission. Il ne pourra dans ces conditions qu’être débouté de ses demandes indemnitaires formées à ce titre.
La SGCB sollicite à ce titre une somme de 1 304 648 francs CFP en réglement d’une indemnité compensatrice de préavis correspondant au montant des salaires non travaillés durant cette période, soit 19 jours en juin 2021, 30 jours en juillet 2021 et 30 jours en août 2021.
Toutefois, la SGCB ne justifie pas que M. [T] [U] est légalement ou contractuellement tenu au règlement d’une “indemnité compensatrice de préavis”.
Si elle est en revanche fondée à solliciter le remboursement des sommes versées à son salarié au titre des jours non-travaillés, il résulte des bulletins de salaires finalement communiqués en cause d’appel qu’aucun salaire n’a été versé à M. [T] [U] à ce titre, de sorte qu’elle sera déboutée de sa demande provisionnelle formée à ce titre.
Par ailleurs, le tribunal a condamné M. [T] [U] à verser à la SGCB la somme provisionnelle de 100 000 francs CFP à titre de dommages et intérêts tout en relevant que l’employeur n’apportait pas d’éléments chiffrés sur son préjudice financier.
La SGCB ne produit aucune pièce nouvelle en cause d’appel et sollicite la confirmation de l’ordonnance entreprise sur ce point.
Toutefois, la SGCB ne produit aux débats aucune pièce justificative de la réalité et de l’étendue de son préjudice. Ne peuvent à cet égard être considérés comme probants les courriers électroniques internes à la direction de l’entreprise échangés postérieurement à l’acte introductif d’instance et ne contenant aucun élément précis sur les conséquences du départ prématuré de M. [T] [U].
Dans ces conditions, la SGCB, qui ne justifie pas devant le juge des référés d’un préjudice évident résultant de la faute imputable à son salarié, sera débouté de sa demande provisionnelle à ce titre.
M. [T] [U] ne justifie pas d’avantage avoir subi un harcèlement moral à l’occasion de l’exercice de son activité professionnelle au sein de la SGCB. Ses affirmations, par ailleurs floues et insuffisantes pour établir un tel harcèlement, ne sont corroborées par aucune pièce justificative. Il sera dès lors lui aussi débouté de ses demandes indemnitaires provisionnelles.
Au regard de ce qui précède, chaque partie conservera la charge des dépens exposés à l’occasion de la présente instance et sera débouté de ses demandes formées au titre de ses frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La cour,
INFIRME l’ordonnance en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau et y ajoutant :
DEBOUTE les parties de l’ensemble de leurs prétentions respectives ;
DEBOUTE les parties de leurs demandes respectives formées en première instance et en cause d’appel au titre de leurs frais irrépétibles ;
DIT que les dépens de première instance et d’appel seront supportées par chacune des parties qui les aura exposés ;
Le greffier, Le conseiller