Harcèlement moral au Travail : 23 février 2023 Cour d’appel de Rouen RG n° 20/03751

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Harcèlement moral au Travail : 23 février 2023 Cour d’appel de Rouen RG n° 20/03751
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N° RG 20/03751 – N° Portalis DBV2-V-B7E-ITML

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 23 FEVRIER 2023

DÉCISION DÉFÉRÉE :

Jugement du CONSEIL DE PRUD’HOMMES DE ROUEN du 13 Novembre 2020

APPELANTE :

S.A.S. STERNA

[Adresse 2]

[Localité 6]

représentée par Me Linda MECHANTEL de la SCP BONIFACE DAKIN & ASSOCIES, avocat au barreau de ROUEN

INTIMES :

Monsieur [K] [H]

[Adresse 1]

[Localité 5]

présent

représenté par Me Thierry LEVESQUES, avocat au barreau de ROUEN

Syndicat CFDT DES METIERS DU TRANSPORT DE HAUTE NORMANDIE

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par Me Thierry LEVESQUES, avocat au barreau de ROUEN

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l’article 805 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 11 Janvier 2023 sans opposition des parties devant Madame BERGERE, Conseillère, magistrat chargé du rapport.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente

Madame BACHELET, Conseillère

Madame BERGERE, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

M. GUYOT, Greffier

DEBATS :

A l’audience publique du 11 Janvier 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 23 Février 2023

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 23 Février 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [K] [H] a été engagé par contrat à durée indéterminée le 23 août 1999 par la SA Transports Loheac de l’Ouest Parisien au poste de conducteur poids lourds.

Son contrat a été transféré au mois d’avril 2009 à la SAS ALCA, société démembrée de la société LOHEAC. Suite à la décision du tribunal de commerce du 15 avril 2014, la SAS ALCA a fait l’objet d’une liquidation judiciaire et le contrat de M. [H] a été transféré à la SAS Sterna.

M. [H] est devenu délégué du personnel titulaire et délégué syndical en 2008. Il a été réélu en 2010 et 2014.

M. [H] a été victime le 8 novembre 2011 d’un infarctus sur son lieu de travail.

Par jugement du 6 octobre 2017, le tribunal des affaires de sécurité sociale de l’Eure a rejeté la demande de qualification en accident du travail. Cette décision a été confirmée par la cour d’appel de Rouen dans son arrêt du 28 novembre 2018.

À la suite de cet infarctus , le salarié a fait l’objet de plusieurs arrêts de travail de novembre 2011 au 21 mai 2013.Dans un premier temps il a été déclaré apte à reprendre son poste dans le cadre d’un mi-temps thérapeutique, avec certaines restrictions.

Le 18 février 2014, le médecin du travail l’a déclaré « inapte à la conduite de poids lourds et de tout véhicule à titre professionnel. Pas de manutention. Pas de marche prolongée. Pas de travaux en hauteur. Peut effectuer un poste sédentaire et aménagé ».

L’employeur a sollicité l’inspecteur du travail pour obtenir l’autorisation de licencier M. [H] pour inaptitude. Par décisions des 19 juin 2014, 9 mars 2015 et 31 décembre 2015, l’inspecteur du travail a refusé de donner l’autorisation de licenciement. La demande d’autorisation de licenciement a également été rejetée par décision du Ministre du travail du 6 juillet 2016. Le tribunal administratif de Rouen, par jugement du 29 novembre 2018, a confirmé le rejet de la demande d’autorisation de licenciement.

Parallèlement, par jugement du 3 juillet 2014, le conseil de prud’hommes de Rouen, statuant en départage, a condamné la SAS ALCA, son ancien employeur, pour discrimination syndicale au motif qu’aucun travail ne lui avait été fourni du 1er janvier au 8 avril 2009 et qu’il s’était trouvé en « sous-affectation majeure » à compter de mai 2013, au moment de sa reprise en mi-temps thérapeutique. Le conseil a fixé au passif de la SAS ALCA en liquidation la somme de 15 000 euros de dommages et intérêts ainsi que celle de 700 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Il a également fixé au passif de la société les sommes de 1 euro de dommages et intérêts et 100 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la créance du syndicat CFDT.

Suivant requête du 2 août 2017, M. [H] a saisi le conseil de prud’hommes de Rouen d’une demande principale de dommages et intérêts pour exécution défaillante, défectueuse et discriminatoire et harcelante de son contrat de travail.

Le syndicat CFDT des métiers du transport de Normandie est intervenue volontairement à l’instance pour solliciter le paiement de dommages et intérêts.

Par jugement du 13 novembre 2020, le conseil de prud’hommes, en sa formation de départage, a déclaré recevable l’intervention du syndicat CFDT des Métiers du Transport de Normandie, condamné la société Sterna à verser M. [H] la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral et financier pour des faits de discrimination, outre celle de 1 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, condamné la société Sterna à verser au syndicat CFDT des métiers du transport de Normandie les sommes de 150 euros à titre de dommages et intérêts et 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, débouté la société Sterna de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, dit n’y avoir lieu à l’exécution provisoire du présent jugement et condamné la société Sterna aux entiers dépens de l’instance.

La SAS Sterna a interjeté appel de cette décision le 19 novembre 2020.

Par conclusions remises le 27 janvier 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, la SAS Sterna demande à la cour d’infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

statuant à nouveau, à titre principal, débouter M. [H] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions, débouter le syndicat CFDT de l’ensemble de ses demandes, condamner M. [H] à lui verser les sommes de 5 000 euros pour procédure abusive et 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l’instance.

Par conclusions remises le 12 décembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, M. [H] et le syndicat CFDT des métiers du transport de Normandie demandent à la cour de confirmer le jugement entrepris, y ajoutant, condamner la SAS Sterna à verser une somme de 30 000 euros de dommages et intérêts pour exécution défaillante, défectueuse, discriminatoire et harcelante du contrat de travail, condamner la SAS Sterna à verser à M. [H] une somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, donner acte au syndicat CFDT de son intervention volontaire, condamner la SAS Sterna à lui verser les sommes de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts et 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, condamner la SAS Sterna aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 15 décembre 2022.

Par conclusions remises le 5 janvier 2023, la société Sterna demande sur le fondement des articles 15 et 16 du code de procédure civile, de rabattre l’ordonnance de clôture et de renvoyer le dossier à une audience ultérieure ou rejeter des débats les conclusions et pièces signifiées tardivement par M. [H] le 12 décembre 2022, en tout état de cause, statuer, pour le surplus, et au fond, ainsi que précédemment requis par la société Sterna.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I – Sur la demande de révocation de l’ordonnance de clôture et la communication tardive des pièces

A titre liminaire, il convient de rappeler qu’aux termes de l’article 802 du code de procédure civile, après l’ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d’irrecevabilité prononcée d’office. Sont cependant recevables les demandes en intervention volontaire, les conclusions relatives aux loyers, arrérages, intérêts et autres accessoires échus et aux débours faits jusqu’à l’ouverture des débats, si leur décompte ne peut faire l’objet d’aucune contestation sérieuse, ainsi que les demandes de révocation de l’ordonnance de clôture.

En application de cette disposition, les conclusions postérieures à l’ordonnance de clôture, par lesquelles une partie demande la révocation de cette ordonnance ou le rejet des débats des conclusions ou productions de dernière heure de l’adversaire, sont recevables.

Aux termes de l’article 15 du code de procédure civile, les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu’elles produisent et les moyens de droit qu’elles invoquent, afin que chacun soit à même d’organiser sa défense.

L’article 16 du même code précise que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d’en débattre contradictoirement.

En l’espèce, M. [H] a signifié de nouvelles conclusions le 12 décembre 2022 ainsi que les trois nouvelles pièces suivantes :

– pièce n°38 : tableau récapitulatif des salaires et primes défaillantes

– pièce n°39 : bulletins de salaire août 2020 à septembre 2022

– pièce n°40 : relevés caisse de congés payés 2018-2022

ce qui représente une communication volumineuse de 53 pages.

Toutefois, ce seul volume de pièces ne permet pas de considérer que ces éléments n’ont pas été communiqués en temps utile par M. [H], de sorte qu’il aurait contrevenu aux principes édictés par les articles 15 et 16 sus-visés.

En effet, il convient de relever que les nouvelles écritures de l’intimé ne contiennent aucune demande reconventionnelle nouvelle ni aucun moyen nouveau, M. [H] se contentant d’actualiser sa situation en précisant que le comportement qu’il dénonce et pour lequel son employeur a été condamné en première instance perdure, malgré la décision du conseil de prud’homme. Certes, il en tire comme conséquence que son préjudice s’accroît, mais pour autant, il n’a pas augmenté le montant de sa demande indemnitaire.

Quant aux six nouvelles pièces litigieuses, s’agissant de documents nécessairement connus de la société Sterna, puisqu’émis par cette dernière, ou de rappels d’une situation avérée et constante actualisée s’agissant de l’absence de paiement des primes, le court délai de trois jours avant l’ordonnance de clôture dans lequel elles ont été communiquées doit être regardé comme étant un temps utile, de sorte qu’aucune violation de l’article 15 ou de l’article 16 du code de procédure civile n’est caractérisée.

En conséquence, il convient de rejeter les demandes de la société Sterna tendant à révoquer l’ordonnance de clôture pour lui permettre de répondre à ces écritures et pièces litigieuses ou à les écarter des débat.

II – Sur l’exécution défectueuse, discriminatoire et harcelante du contrat de travail

Aux termes de l’article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale de compromettre son avenir professionnel.

L’article L. 1154-1 du même code, dans sa version postérieure à la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 applicable au cas d’espèce prévoit qu’en cas de litige, le salarié concerné présente des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement et il incombe à l’employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En application des articles L. 1132-1 et L. 2141-5 du code du travail, il est interdit à l’employeur de prendre en considération l’état de santé ou l’appartenance à un syndicat ou l’exercice d’une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d’avancement, de rémunération et d’octroi d’avantages sociaux, de mesures de discipline, et de rupture du contrat de travail.

L’article L. 1134-1 du code du travail prévoit qu’en cas de litige survenant en raison d’une méconnaissance des règles de non discrimination, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte au sens du droit communautaire.

C’est au vu de ces éléments, qu’il incombe à l’employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments étrangers à toute discrimination, précision faite que des faits peuvent être en soi discriminatoires, notamment des faits de harcèlement discriminatoire sans que l’employeur ne puisse les justifier par des éléments objectifs.

En l’espèce, il est constant que M. [H] bénéficie depuis 2008 d’un mandat de délégué du personnel et d’un mandat de délégué syndical CFDT. Il est également acquis qu’à la suite de son infarctus survenu le 8 novembre 2011, le salarié a fait l’objet de plusieurs arrêts de travail entre novembre 2011 et le 21 mai 2013, date à laquelle il a été déclaré apte à reprendre son poste dans le cadre d’un mi-temps thérapeutique. Toutefois, depuis le 18 février 2014, le médecin du travail l’a déclaré « inapte à la conduite de poids lourds et de tout véhicule à titre professionnel. Pas de manutention. Pas de marche prolongée. Pas de travaux en hauteur. Peut effectuer un poste sédentaire et aménagé ». Enfin, l’employeur ne conteste pas que depuis cette date, M. [H] n’a accompli aucune prestation de travail, qu’il n’a pas perçu la prime BENAC mais soutient que ces faits sont indifférents à toute discrimination et à tout harcèlement, ce qu’il lui revient d’établir, puisque ces éléments constants laissant incontestablement présumer une situation de discrimination syndicale et en raison de l’état de santé.

II- a) Sur l’absence de fourniture de travail

A titre liminaire, il convient de préciser que le conseil de prud’hommes, ayant par jugement définitif du 3 juillet 2014, condamné la SAS ALCA, ancien employeur de M. [H], pour des faits de discrimination syndicale au motif qu’aucun travail ne lui avait été fourni du 1er janvier au 8 avril 2009 et qu’il s’était trouvé en « sous-affectation majeure » à compter de mai 2013, au moment de sa reprise en mi-temps thérapeutique, l’autorité de chose jugée attachée à cette décision conduit à examiner uniquement les faits postérieurs à cette décision, M. [H] fondant sa présente action sur le même fondement indemnitaire.

En outre, c’est en vain que M. [H] critique le périmètre de recherche de reclassement, soutenant que son employeur aurait dû étendre ses recherches aux société du groupe GAEL, à savoir les SAS Transpevac, SARL Gael, SARL Stb, SAS Gael Paris Sud, SAS Gael Paris Centre, SAS Gael Rhone, SAS Siftra, SAS BQ Trans, SAS S2M, SAS Ardea, et SAS Loveti.

En effet, par jugement définitif du 30 janvier 2014, le tribunal d’instance de Rouen a rejeté la demande d’extension de l’UES [S] aux sociétés suivantes : SAS Transpevac, SARL Gael, SARL Stb, SAS Gael Paris Sud, SAS Gael Paris Centre, SAS Gael Rhone, SAS Siftra, SAS BQ Trans, SAS S2M, SAS Ardea, et SAS Loveti, composant le groupe GAEL

Cette décision du 30 janvier 2014 a précisément rejeté la demande d’extension en retenant qu’il n’était pas justifié d’une permutabilité de personnel entre l’UES et les sociétés auxquelles il était sollicité l’extension, puisqu’il était relevé qu’il n’était ‘justifié d’aucun transfert de contrat, d’aucune mise à disposition généralisée de personnel’, à l’exception d’une intervention de manière très ponctuelle d’un responsable assurance qualité et d’un informaticien dans le cadre de prestations de services facturées. Cette décision retient également l’éloignement géographique entre l’UES, et les sociétés du groupe GAEL ne favorise pas la communauté d’intérêts entre travailleurs, définissant l’unité sociale.

L’analyse de ce jugement est confortée par la décision du 28 mai 2014 de la DIRRECTE de Haute Normandie qui a homologué le plan de sauvegarde de l’emploi établi dans un document unilatéral pour la SAS ALCA, plan ayant circonscrit le périmètre de recherche de reclassement interne des salariés, aux sociétés composant l’UES [S].

Aussi, c’est uniquement au sein de l’UES composée des sociétés SA [S], l’ancienne SAS ALCA dont l’activité a été transmise à la société Sterna, la SARL CCM, et la SAS TLOP qu’il convient d’apprécier si l’employeur a loyalement et sérieusement respecté son obligation de reclassement, ce qui exclurait alors tout comportement discriminant et harcelant à l’égard de M. [H].

À titre liminaire, il convient de relever que depuis la décision rendue par le tribunal administratif de Rouen le 29 novembre 2018 qui a confirmé le rejet de la demande d’autorisation de licenciement pour défaut de mise en oeuvre loyale de l’obligation de reclassement, en mettant en exergue le fait que malgré les reproches déjà faits en ce sens par le ministre du travail, l’employeur ne démontrait aucunement avoir satisfait sérieusement à cette obligation, force est de constater que la société Sterna ne justifie d’aucune démarche sérieuse pour remédier à la situation. Au demeurant, depuis cette date, elle n’a fait aucune nouvelle demande d’autorisation de licenciement fondée sur la justification de nouvelles tentatives sérieuses de reclassement demeurées vaines

En outre, s’il est exact que la société Sterna emploie uniquement des postes de chauffeurs poids lourds et que les sociétés CCM et TLOP, au demeurant liquidée depuis le 20 décembre 2019, ne pouvaient utilement pourvoir des postes administratifs compatibles avec l’état de santé de M. [H], le siège de l’entreprise TLOP étant trop éloigné du domicile de M. [H] et donc non conforme aux restrictions médicales et la société CCM n’employant que des mécaniciens et/ou des chaudronniers, de sorte qu’aucun reclassement de M. [H] ne pouvait avoir lieu au sein de celles-ci, cette démonstration n’est, en revanche, pas valablement faite, pour la société [S].

Ainsi, et alors que par ailleurs, il existait un contentieux judiciaire sur l’existence d’heures supplémentaires résultant d’une surcharge de travail administratif, la société Loheac en septembre 2015 a embauché M. [M] à [Localité 6] en contrat d’apprentissage sur un poste administratif dans le cadre d’un BTS transport et logistique, sans avoir fait la moindre proposition ou le moindre bilan de compétence pour s’enquérir sur les capacités de M. [H] a occupé ce poste.

Par courrier du 10 mai 2016, M. [H] a adressé à M. [S] un courrier aux termes duquel il se portait candidat pour un poste administratif « sachant que des postes se sont libérés récemment. Celui de Monsieur [I] [W] et Madame [L] [Z], employés administratifs », ce qui est confirmé par le registre d’entrée et de sortie du personnel. Il n’a pas été apporté de réponse à cette proposition.

De même, alors que le poste de M. [P] s’est libéré en février 2017 et que lors de la réunion du comité d’entreprise du 27 octobre 2016, M.[S] a été interrogé sur un possible recrutement en interne, il a émis un véto. En 2018, c’est Mme [J] qui a été engagée en CDD puis en CDI sur une création de poste: il s’agissait de s’occuper de « bitume online », logiciel qui permet de contrôler la position du camion et le déroulement de la mission et d’aider les chauffeurs pour qu’ils utilisent correctement le logiciel.

Alors que par un mail du 29 janvier 2020, le médecin du travail confirmait, après avoir revu M. [H] le 2 septembre 2019, que ce dernier nécessitait d’être accompagné pour se rendre au travail mais que cela ne faisait pas obstacle à un reclassement s’il pouvait se faire accompagner, ne concluait pas à une inaptitude à tout poste, mais préconisait la création d’un poste administratif sédentaire aménagé, « avec éviction complète du port de charges, ainsi que des allée et venues du bureau au parc (ce qui exclut tout travail en cour) », aucune nouvelle recherche d’un poste administratif n’a été effectuée par la société Sterna à la suite de cette recommandation, pas plus que la moindre proposition de transformation ou d’adaptation d’un poste existant.

Il apparaît ainsi que depuis le mois de juillet 2014, les recherches de reclassement de la société Sterna n’ont pas été sérieuses et loyales, en ce qu’aucune proposition, adaptation ou aménagement, transformations ou mutation n’a été envisagée pour pouvoir fournir à M. [H] un poste administratif adapté à son état de santé et à ses compétences, étant précisé qu’il n’est pas démontré non plus que M. [H] ait refusé du travail. Ainsi l’employeur ne prouve pas que l’absence totale de fourniture de travail à au salarié entre juillet 2014 et janvier 2023 serait justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

II- b) Sur la suppression des primes BENAC et semestrielles

Si M. [H] a continué à percevoir son salaire sur la base de 200 heures, alors même qu’il ne travaillait pas, il est constant qu’il n’a pas perçu la prime BENAC, ni la prime semestrielle.

La société Sterna fait valoir que ces primes ne sont pas dues au salarié en l’absence de travail effectif. Toutefois, ainsi que l’ont justement retenu les premiers juges, dans la mesure où il est établi que cette absence totale d’activité est imputable à l’employeur, il ne saurait se prévaloir de sa propre turpitude pour justifier de façon objective et indépendamment de toute volonté discriminatoire le non paiement des primes.

Ainsi, au vu de l’ensemble de ces éléments, il est établi de manière incontestable que M. [H] a été victime de discrimination en raison de son appartenance syndicale et/ou de son état de santé, cette situation s’apparentant également à un comportement harcelant eu égard à son inscription dans le temps et à son caractère répétitif.

Au préjudice financier résultant de la non perception des primes (de l’ordre de 50 euros maximum par mois pour la prime BENAC et de l’ordre de 300 euros maximum par an pour les deux autres primes, la prime de vacances ayant succédé à l’ancienne prime semestrielle), s’ajoute le préjudice moral subi par M. [H] qui se voit imposer, depuis maintenant sept ans une inactivité entraînant nécessairement une perte de pratique professionnelle et une absence de formation qui obère, de surcroît, ses perspectives de reprise de travail.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, les premiers juges ont justement apprécié le préjudice subi par M. [H] en lui allouant la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour l’ensemble des faits d’exécution défectueuse discriminatoire du contrat de travail. Le jugement entrepris est donc confirmé.

IV – Sur la demande indemnitaire du syndicat CFDT des métiers du transport de Normandie

L’atteinte à l’exercice du droit syndical a justement été évaluée et indemnisée par les premiers juges. En, conséquence, il convient de confirmer la décision entreprise sur ce point.

V – Sur les dépens et frais irrépétibles

En qualité de partie succombante , il y a lieu de condamner la société Sterna aux entiers dépens, de la débouter de sa demande formulée en application de l’article 700 du code de procédure civile et de la condamner à payer à M. [H] la somme de 1 200 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel. En revanche, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande présentée à ce titre par le syndicat CFDT des métiers du transport de Normandie.

 

 


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