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ORDONNANCE N°15
du 23/02/2023
DOSSIER N° RG 23/00017 – N° Portalis DBVQ-V-B7H-FJPA
Monsieur [I] [K]
C/
Monsieur PREFET [Localité 5]
EPSM [Localité 5]
ORDONNANCE DU PREMIER PRÉSIDENT
DE LA COUR D’APPEL DE REIMS
RENDUE EN MATIÈRE DE SOINS PSYCHIATRIQUES
En application du décret n° 2021-537 du 30 avril 2021
Le vingt trois février deux mille vingt trois
A l’audience publique de la cour d’appel de Reims où était présent et siégeait Madame Catherine CHASSE, conseiller délégué du premier président, régulièrement désignée par ordonnance, assistée de Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffière,
a été rendue l’ordonnance suivante :
ENTRE :
Monsieur [I] [K] – actuellement hospitalisé –
CH [3]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Appelant d’une ordonnance en date du 09 février 2023 rendue par le juge des libertés et de la détention de Charleville-Mézières
Comparant en personne et assisté de Me Cécile REGNIER, avocat au barreau de REIMS
ET :
Monsieur PREFET [Localité 5]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Non comparant, ni représenté
EPSM [Localité 5]
Centre Hospitalier [3]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Non comparant, ni représenté
MINISTÈRE PUBLIC :
L’affaire a été communiquée au ministère public, qui a formulé des observations écrites,
Régulièrement convoqués pour l’audience du 21 février 2023 à 15:00,
À ladite audience, tenue publiquement, Madame Catherine CHASSE, conseiller délégué du premier président, assistée de Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffière, et en présence de Madame Romane VOISIN et Madame Ylana DA SILVA, greffières stagiaires, a entendu Monsieur [I] [K] en ses explications et Monsieur [I] [K] ayant eu la parole en dernier puis l’affaire a été mise en délibéré au 23 février 2023.
Et ce jour, a été rendue l’ordonnance suivante, par mise à disposition au greffe de la cour, les parties présentes à l’audience ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et a été signée par Madame Catherine CHASSE, conseiller délégué du premier président, et Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Vu l’ordonnance en date du 09 février 2023 rendue par le juge des libertés et de la détention de Charleville-Mézières, qui a dit n’y avoir lieu à ordonner une expertise médicale et rejeté la demainde de mainlevée de la mesure de soins psychiatriques sans consentement formée par Monsieur [I] [K],
Vu l’appel interjeté le 14 février 2023 par Monsieur [I] [K],
Sur ce :
Par jugement rendu le 27 janvier 2023, le Tribunal correctionnel de CHARLEVILLE-MEZIERES a déclaré qu'[I] [K] avait commis divers faits de harcèlement moral aggravé, harcèlement moral au moyen d’un service de communication, appels téléphoniques malveillants réitéres, dénonciation calomnieuse et outrage à une personne dépositaire de l’autorité publique, à FUMAY entre le 21 mai 2021 et le 19 juin 2022 avant de le déclarer pénalement irresponsable pour cause de trouble mental ayant aboli son discernement et de statuer ensuite sur les demandes civiles des victimes.
Par ordonnance du 27 janvier 2023, aujourd’hui définitive, la Présidente du Tribunal correctionnel de CHARLEVILLE-MEZIERES a ordonné le placement d'[I] [K] en hospitalisation complète au centre hospitalier de [3] à [Localité 4] en application des dispositions de l’article 706-135 du code de procédure pénale.
Par arrêté n° 2023-08-12 du 30 janvier 2023, le préfet [Localité 5] a ordonné la poursuite des soins psychiatriques d'[I] [K] sous la forme de l’hospitalisation complète.
Par requête du 3 février 2023, Monsieur [I] [K] a saisi le Juge des libertés et de la détention de CHARLEVILLE-MEZIERES d’une demande de mainlevée de la mesure d’hospitalisation complète dont il fait l’objet.
Par ordonnance du 9 février 2023, le juge des libertés et de la détention du Tribunal Judiciaire de CHARLEVILLE-MEZIERES a rejeté la demande de mainlevée de la mesure d’hospitalisation complète sous contrainte.
Par courrier parvenu le 14 février 2023 à la Cour d’Appel de REIMS, Monsieur [I] [K] a interjeté appel de cette décision.
Il motive sa déclaration d’appel en expliquant qu’il estime la mesure d’hospitalisation complète dont il fait l’objet illicite car prise en considération de faits passés et non de son état de santé actuel.
L’audience du 21 février 2023 s’est tenue au siège de la cour d’appel, publiquement.
A l’audience, Monsieur [I] [K] explique qu’il ne comprend pas la décision judiciaire de placement car entre les faits pour lesquels il a été condamné et cette décision, il avait fait l’objet d’une hospitalisation complète et d’une sortie en programme de soins, programme de soins qu’il respectait parfaitement. Il a ajouté qu’il n’avait pas été présent lors de son jugement pour s’expliquer sur le suivi dans le cadre du programme de soins parce qu’il était alors physiquement souffrant mais qu’il était représenté par un avocat qui avait dû exposer sa situation. Il a ajouté qu’il était en train de reconstruire sa vie, qu’il ne voulait plus s’occuper de ses affaires passées et qu’il vivait très mal de ce fait sa nouvelle hospitalisation. Il a enfin indiqué qu’il espérait que l’équipe soignante allait, à la fin du mois, à nouveau proposer qu’il repasse en programme de soins.
L’avocat de Monsieur [I] [K] a été entendu en ses observations.
Le Procureur général reprenant la teneur de ses réquisitions écrites, demande la confirmation de l’ordonnance du juge des libertés et de la détention.
Le Préfet [Localité 5] n’a pas comparu et ne s’est pas fait représenter.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité de l’appel
L’appel interjeté par Monsieur [I] [K] à l’encontre de la décision du Juge des libertés et de la détention de Charleville-mézières du 9 février 2023 est recevable comme ayant été formé dans les forme et délai prévus par la loi.
Sur le fond
L’article 706-135 du code de procédure pénale permet à une juridiction de jugement lorsqu’elle prononce un jugement de déclaration d’irresponsabilité pénale d’ordonner par décision motivée l’admission en soins psychiatrique de la personne concernée sous la forme d’une hospitalisation complète, ce s’il est établi par une expertise psychiatrique figurant au dossier de la procédure que les troubles mentaux de l’intéressé nécessite des soins et compromettent la sûrete des personnes ou porte atteinte de façon grave à l’ordre public
L’article L. 3211-12 du même code dispose que la personne faisant l’objet de soins, ou toute autre personne ayant qualité au sens de ce texte, peut saisir le juge des libertés et de la détention aux fins d’ordonner la mainlevée immédiate de cette mesure.
En l’espèce, il résulte des pièces jointes à la précédente procédure, notamment du jugement correctionnel du 27 janvier 2023, que Monsieur [I] [K] a commis durant plus d’un an et jusqu’en juin 2022, des actes troublant gravement l’ordre public et compromettant la sureté des personnes puisqu’à l’origine de d’une altération de leur santé.
Il est également établi que le juge judiciaire a pris la décision de placement sur la base d’une expertise du Docteur [G] qui avait rencontré Monsieur [I] [K] relativement récemment, le 30 novembre 2022, et adressé un complément de rapport le 27 janvier 2023 pour indiquer que les troubles mentaux présentés par l’interessé lui paraissait nécessiter une hospitalisation en soins contraints gérée par le Préfet.
Il apparait dès lors que la décision du juge judiciaire était motivée et justifiée par l’expertise figurant au dossier.
Il ressort cependant de cette expertise que le Docteur [G] n’avait pas pu avoir une communication du dossier médical de l’intéressé de l’hôpital [3], qu’il avait certes connaissance du traitement médicamenteux pris par [I] [K] qui lui a produit ses ordonnances mais pas forcément du cadre juridique dans lequel ce traitement était pris, à savoir un programme de soins dans le cadre d’une mesure de soins contraints et qu’il n’avait pas davantage d’information sur le respect de ce programme de soins.
La question qui se pose ou se posera à brève échéance n’est donc pas la nécessité d’un suivi psychiatrique d’ [I] [K] ni même la nécessité d’une mesure de soins contraints gérée par le représentant de l’Etat, mais le choix de la forme de ce suivi.
A ce stade, s’il est rappelé dans le dernier certificat de situation du 15 février 2023 que Monsieur [I] [K] n’a été réhospitalisé qu’en raison de la décision de justice intervenue puisqu’il respectait parfaitement le programme de soins, il est néanmoins fait état d’un état psychique restant fragile et justifiant pour l’instant, suivant le médecin, le maintien de la mesure d’hospitalisation complète.
La reluctance d'[I] [K] à s’appesantir sur les faits dont il a été jugé qu’il les avait commis ou les raisons de ces faits, même si elle est compréhensible, voire peut-être même souhaitable, semble rendre difficile le diagnostic sur son état psychique actuel et le risque éventuel de récidive.
Il ressort d’ailleurs de l’avis du collège prévu à l’article L3211-9 du code de la santé publique du 15 février 2023 que si [I] [K] présente un comportement stable avec une adhésion correcte aux soins, il est atteint d’une affection psychiatrique chronique à type de troubles délirants persistants avec un vécu interprétatif et intuitif paranoïaque, qu’il reste dans le déni du motif de sa réadmission (sans qu’on sache cependant, si le collège fait référence aux circonstances juridiques de sa réadmission ou aux faits commis par lui mais dont il a été jugé irresponsable pénalement) et que son état psychique nécessite la poursuite des soins en hospitalisation complète.
Au vu de ces éléments, il apparaît nécessaire de permettre aux médecins actuellement en charge du suivi d'[I] [K], de bénéficier d’une phase d’observation assez longue pour s’assurer de la stabilité de son état et de l’absence de risque de recrudescence de son syndrome délirant.
Il convient en effet de rappeler qu’eu égard au régime particulier de soins contraints dont Monsieur [I] [K] fait désormais l’objet, dès lors qu’il a fait l’objet d’une décision d’irresponsabilité prise par une autorité judiciaire, une mainlevée de la mesure d’hospitalisation complète, si elle n’est pas proposée par le le collège d’expert au Préfet, ne peut être prononcée qu’en cas d’avis conforme en ce sens de deux expertises, qui devraient donc par hypothèse aller contre l’avis du collège prévu à l’article L3211-9 et contre l’avis de l’expert judiciaire précédemment désigné dans l’instance pénale.
En l’état, une telle double expertise apparaît prématurée et ne pas être au surplus de l’intérêt de Monsieur [I] [K] dès lors que sa situation va être réévaluée par l’équipe le prenant en charge, à la fin du mois.
Ainsi au vu de ces éléments, Monsieur [I] [K], souffrant de troubles mentaux qui nécessitent des soins et sont susceptibles, dès lors qu’ils ne seraient pas bien stabilisés, de porter atteinte de façon grave à l’ordre public, il y a lieu de confirmer la décision du Juge des libertés et de la détention ayant autorisé son maintien en hospitalisation complète.
Conformément aux dispositions des articles R. 93 et R. 93-2 du Code de procédure pénale, les dépens de la présente instance resteront à la charge de l’Etat.