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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 8
ARRET DU 23 FEVRIER 2023
(n° , 13 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/04676 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCDYV
Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Juin 2020 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° 16/12700
APPELANT
Monsieur [Z] [W]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me Lucienne BOTBOL, avocat au barreau de PARIS, toque : E1574
INTIMÉE
ASSOCIATION AMBROISE CROIZAT SANTÉ anciennement dénommée ASSOCIATION AMBROISE CROIZAT
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Emmanuel GAYAT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0028
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 15 Décembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Nathalie FRENOY, présidente
Madame Corinne JACQUEMIN, conseillère
Madame Emmanuelle DEMAZIERE, vice-présidente placée
qui en ont délibéré, un rapport ayant été présenté à l’audience par Madame Nathalie FRENOY, présidente, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Mme Nolwenn CADIOU
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– signé par Madame Nathalie FRENOY, présidente et par Madame Nolwenn CADIOU, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Monsieur [Z] [W] a été engagé par l’Hôpital [7], dénommé ‘[5]’, établissement appartenant à l’association Ambroise Croizat, par contrat à durée déterminée du 1er décembre 2002 au 28 février 2003, en qualité de comptable, groupe B8, indice 473 de la convention collective nationale FEHAP.
La relation de travail s’est poursuivie par contrat à durée indéterminée prenant effet au 1er février 2003.
A compter du 1er janvier 2011, M. [W] a bénéficié du statut de cadre, accédant au poste de chef de bureau.
Le 20 avril 2016, M. [W] et l’association Ambroise Croizat sont convenus de la rupture conventionnelle du contrat de travail, qui a été effective le 31 mai suivant.
Se sentant lésé dans ses droits, M. [W] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris, le 23 décembre 2016, pour obtenir l’annulation de la rupture conventionnelle.
Par jugement du 12 juin 2020, le conseil de prud’hommes de Paris a :
– dit les demandes de M. [W] recevables et non prescrites,
– débouté M. [W] de l’ensemble de ses demandes,
– condamné le demandeur au paiement des entiers dépens,
– débouté l’association Ambroise Croizat de ses demandes reconventionnelles ainsi que de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration en date du 18 juillet 2020, M. [W] a interjeté appel de ce jugement.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 24 novembre 2022, l’appelant demande à la Cour :
– de le déclarer recevable en sa demande en paiement d’une indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents, sur le fondement de l’article 566 du code de procédure civile,
– de le déclarer recevable en sa demande en paiement d’une indemnité légale de licenciement sur le fondement des articles 564 et 566 du code de procédure civile,
– de débouter l’association Ambroise Croizat en son appel incident visant à demander la réformation du jugement entrepris, en ce qu’il a déclaré recevables les demandes :
*en rappel de salaire, fondées sur une inégalité de traitement,
*de dommages et intérêts en réparation d’un manquement à l’obligation de sécurité et préjudice moral,
– de confirmer le jugement entrepris, rendu le 12 juin 2020 par le conseil de prud’hommes de Paris, en ce qu’il a débouté l’association Ambroise Croizat de l’intégralité de ses demandes d’irrecevabilité,
– de réformer le jugement en ce qu’il a débouté M. [W] de sa demande :
*d’annulation de la rupture conventionnelle signée le 20 avril 2016,
*de requalification de la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse,
*de condamnation de l’association Ambroise Croizat à lui payer la somme de 145 908 euros à titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,
*de fixation de la moyenne brute de sa rémunération à la somme de 4 053 euros,
*de condamnation de l’association Ambroise Croizat à lui payer la somme de 40 939 euros à titre de rappel de salaire et de congés payés inclus du fait de la violation du principe de l’égalité de traitement,
*de condamnation de l’association à lui payer la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation d’un manquement à l’obligation de sécurité et au titre de l’exécution déloyale du contrat,
*de condamnation de l’association Ambroise Croizat à lui payer la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,
*de condamnation de l’association à lui payer la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
statuant à nouveau,
– de dire que l’acte de rupture conventionnelle a été signé le 20 avril 2016, alors que M. [W] se trouvait dans une situation de violence morale,
– de dire que l’acte de rupture conventionnelle du 20 avril 2016 est entaché d’un vice du consentement,
– de prononcer la nullité de la rupture conventionnelle signée le 20 avril 2016, entachée d’un vice du consentement,
– de juger que la rupture produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– de juger que l’accord d’entreprise et son avenant du 1er septembre 1980 sont applicables,
– de fixer le montant de la rémunération mensuelle brute à la somme de 4 053 euros,
– de condamner l’association Ambroise Croizat à verser à M. [W] les sommes suivantes:
– 145 908 euros à titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 13 710,48 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
– 1 371,04 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,
– 14 909,98 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,
– 40 939 euros à titre de rappel de salaire et congés payés inclus,
– 4 093,90 euros à titre de rappel de salaire et de congés payés,
– 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité et exécution déloyale du contrat de travail,
– 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral résultant du harcèlement moral subi par le salarié,
-de condamner l’association aux intérêts légaux à compter du 23 décembre 2016, date de saisine du conseil de prud’hommes de Paris,
-de condamner l’association Ambroise Croizat à verser à M. [W] la somme de 5 500 euros à titre d’indemnité procédurale de première instance et d’appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– de condamner l’association Ambroise Croizat aux dépens qui comprendront les frais éventuels de signification et d’exécution de l’arrêt à intervenir.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 23 novembre 2022, l’association Ambroise Croizat, désormais dénommée Ambroise Croizat Santé, demande à la Cour :
à titre principal, de réformer le jugement entrepris et :
– de dire et juger que sont irrecevables :
– les demandes de rappel de salaires et de rappel d’indemnité compensatrice de congés payés,
– les demandes de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité de résultat et pour préjudice moral,
en tout état de cause:
– de confirmer le jugement entrepris,
– de constater que les demandes formulées à hauteur d’appel dans les conclusions récapitulatives signifiées le 19 octobre 2022 tendant à la condamnation de l’association concluante à une indemnité compensatrice de préavis, une indemnité compensatrice de congés payés sur préavis et à une indemnité de licenciement, sont irrecevables en application tant des dispositions de l’article 564 du code de procédure civile que de l’article L1471-1 du code du travail,
– de débouter M. [W] de l’ensemble de ses demandes,
– de condamner M. [W] à payer à l’association la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– de condamner M. [W] aux dépens,
à titre infiniment subsidiaire, si la demande d’annulation de l’acte de rupture conventionnelle devait être accueillie:
– de condamner M. [W] à rembourser à l’association Ambroise Croizat Santé la somme de 11 409 euros versée à titre d’indemnité spécifique de rupture conventionnelle.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 29 novembre 2022 et l’audience de plaidoiries est fixée au 15 décembre 2022.
Il convient de se reporter aux énonciations de la décision déférée pour plus ample exposé des faits et de la procédure antérieure, ainsi qu’aux conclusions susvisées pour l’exposé des moyens des parties devant la cour.
MOTIFS DE L’ARRET
Sur le harcèlement moral :
Décrivant un contexte social délétère en raison du management violent de la direction de l’Hôpital [5], M. [W] invoque la dégradation de ses conditions de travail à l’occasion notamment de sa candidature à un poste de chef comptable, la malice de la direction qui lui a fait miroiter puis lui a donné l’assurance d’une promotion sur un poste de contrôleur de gestion, alors que ce poste n’a pas été créé. Il affirme que son honnêteté et sa loyauté dans l’exercice de ses fonctions a été mise en cause en septembre 2015, que ce reproche a été porté à la connaissance de son collègue de travail, que ce changement brutal et injustifié de comportement l’a déstabilisé, qu’il a été dénigré et mis à l’écart, que sa demande de stage a été refusée et qu’il a donc subi un harcèlement moral managérial qui l’a laissé dans une impasse en termes d’évolution de carrière et dans une grande dépression, puisqu’en pleine détresse émotionnelle, il s’est infligé des blessures sur son lieu de travail en se cognant volontairement la main droite contre une porte et contre son bureau et en tentant de se défenestrer.
Aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique objectifs étrangers à tout harcèlement moral ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Selon l’article L1154-1 du code du travail dans sa version applicable au litige, ‘lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.’
En l’espèce, pour préciser le contexte qu’il a évoqué, M. [W] verse aux débats un communiqué de presse du 12 septembre 2016 du syndicat Sud Santé Sociaux intitulé «licenciements et départs en cascade », la copie d’un article de Mediapart.fr évoquant ‘le tableau sombre d’un établissement sans tête, sujet à un gros problème de gouvernance’dressé dans son rapport par la Haute Autorité de Santé et reprenant l’opinion de l’appelant citée dans cet article et indiquant « que le personnel soit vent debout contre la direction actuelle, c’est une certitude, la compétence et les absences de professionnalisme de la direction d’Ambroise Croizat sont une catastrophe et abîment les gens », un article du Monde en date du 20 octobre 2016 intitulé ‘ La maternité [5] menacée de suspension. Les autorités sanitaires engagent un rapport de force avec la CGT, fondatrice de l’établissement de l’Est Parisien’, des articles numériques du quotidien Le Monde, l’un en date du 3 juin 2016 intitulé ‘Crise de gouvernance à la maternité [5] » , l’autre en date du 16 octobre 2016 évoquant un « Climat délétère, voire violent », une « Gouvernance autoritariste » ainsi que plusieurs articles du quotidien Libération du 26 septembre 2016 et du 2 janvier 2017.
Il produit également une lettre du personnel soignant dénonçant les propos et l’attitude de dénigrement de la directrice, un extrait du procès-verbal de réunion extraordinaire du CHSCT en date du 30 mai 2016 évoquant la tentative de défenestration d’une personne ainsi que le rapport définitif de l’Inspection Générale des Affaires Sociales ( IGAS) sur des situations de souffrance au travail.
En ce qui concerne sa candidature au poste de chef comptable, le salarié verse aux débats le courriel de la directrice des ressources humaines l’informant du transfert de sa candidature, des mails de Mme [T][B] complimentant le sérieux de son travail, un échange de courriels au sujet de la confirmation par la direction de la création d’un poste de contrôleur de gestion et concluant par « j’avance sur la proposition », un courriel de Mme [B][L] en date du 6 septembre 2015 faisant part de sa volonté d’avancer plus vite sur le projet, le courriel de Mme [T][B] en date du 22 septembre 2015 – adressé en copie au collègue de travail de M. [W] , M.[N], – et indiquant « Parmi les qualités essentielles pour exercer dans les fonctions financières, outre la souplesse et la rigueur associées, et l’honnêteté : la loyauté’ si, [Z], tu es prêt à en prendre l’engagement, je tournerai la page. Nous avons tous intérêt à avancer et à construire dans la durée. Bien cordialement », courriel venant en réponse à la demande d’entretien présentée par M. [W] le même jour et ayant donné à lieu le lendemain au questionnement de l’intéressé « Je tombe des nues! À quoi fais-tu référence ‘ En quoi suis-je déloyal, malhonnête’ tourner la page suite à quels événements ‘ », mais aussi à une demande d’excuses de sa part dans son courriel du 23 septembre 2015.
L’appelant verse également aux débats sa candidature à un stage pour découvrir le métier de formateur dans le domaine de la comptabilité et la réponse négative qui lui a été faite par la directrice du centre de rééducation professionnelle et sociale auquel il s’était adressé, ses récriminations écrites à ce sujet ainsi que son constat d’une absence de propositions d’évolution au sein de l’association pour d’autres postes.
M. [W] verse aussi des attestations, dont celle d’une coordinatrice RH indiquant ‘[Z] s’est rendu compte qu’il avait été mené en bateau. Je l’ai vu dans des états douloureux au point que je ne reconnaissais pas le collègue que je côtoyais depuis plus de 10 ans. Ce qu’il m’a confié laissait entrevoir qu’il avait été manipulé’, l’attestation de Mme [Y]-[L], la copie d’une partie de son dossier médical dans lequel se trouvent notamment :
– le courriel de réponse du DRH au médecin du travail ‘M. [W] est dorénavant placé sous la responsabilité directe de M. [S] qui lui a signifié à plusieurs reprises que nous avions besoin de lui à HCR. Il aura immanquablement des contacts avec [T][B] mais cela ne devrait plus être un problème car elle fera particulièrement attention à rester dans les sujets de travail’,
– un commentaire du médecin du travail ‘ vu off au café ce matin. « a ssigné rpture conventionnelle au rabais, part dans une semaine, puis déménage directement dans la suite (26/5), va chez ses parents [Localité 4]
‘ toujours très amer de la situation, à nouveau tr sommeil (on cause Atarax), du mal à venir bosser, participe encore aux AG par solidarité, très démotivé […]’
ainsi que son courriel du 12 mai 2016 traduisant sa surprise et son éc’urement en ayant appris une rumeur selon laquelle il partirait ‘en ayant signé une rupture conventionnelle avec plus de 70’000€’, reprochant à la direction son absence de confidentialité et le non-respect des procédures et concluant « je vous laisse ma dépression, mes insomnies nocturnes, mes médicaments. Je vous les dédicace même ».
Sont versés en outre les courriers du médecin du travail évoquant la tentative de défenestration de M. [W] ainsi que la reconnaissance du caractère professionnel de l’accident du 17 décembre 2015, le certificat du 25 mai 2016 du médecin du travail évoquant que « son aptitude à travailler dans ce contexte est discutable ».
Il convient de constater, au vu des pièces produites, qu’aucun élément n’est produit permettant de vérifier que des pressions ont été faites sur le salarié pour qu’il renonce au poste de contrôleur de gestion et qu’il en va de même de la tentative de défenestration de M. [W], qui a été déclarée par l’intéressé lui-même, le médecin du travail l’ayant évoquée sans toutefois affirmer sa propre constatation des faits, ni expliciter les circonstances l’ayant conduit à confirmer leur réalité.
Au surplus, il résulte de l’attestation de Mme [O][L], coordinatrice RH, que l’appelant – avec lequel elle a travaillé depuis 2003 et qui lui ‘faisait part de son ressenti ‘ lui avait ‘confié un jour qu’il avait pensé attenter à ses jours « en passant par la fenêtre de son bureau »’, dans une attestation datant de juin 2016, et donc postérieurement aux faits allégués.
Ce document tend à contredire l’effectivité de la tentative alléguée.
En revanche, le mal-être du salarié est objectivé et les pièces produites permettent d’établir que dans un contexte social constaté plus tardivement comme dégradé, M. [W] n’a pu obtenir satisfaction à l’occasion de plusieurs candidatures dans le cadre de son évolution de carrière et s’est vu reprocher un manque de loyauté de façon abrupte, sans explication, faits laissant supposer l’existence d’un harcèlement moral à l’encontre du salarié.
L’association Ambroise Croizat Santé rappelle avoir traversé une crise importante en 2016 lors de la découverte de carences importantes dans la direction de l’hôpital [5] et une fois satisfaction donnée aux recommandations de sa tutelle après plusieurs inspections, avoir repris son activité de façon sereine et normale. Elle considère que la crise à laquelle les pièces de M. [W] font référence sont sans rapport avec sa situation, puisque son contrat a été rompu en avril 2016, au tout début de la crise décrite et pour des motifs nécessairement étrangers, puisque antérieurs à celle-ci. L’association intimée soutient que dans le cadre de sa candidature à un poste de gestionnaire au sein du Centre [6], un incident a eu lieu avec la directrice financière Mme [T] [B] à l’occasion d’un échange de courriels mais qu’après entretien, le salarié a été mis à l’écart de sa supérieure hiérarchique et la situation a été réglée. Elle relève qu’au début de l’année 2016, M. [W] avait sollicité avec une très grande insistance la rupture conventionnelle de son contrat de travail, qui a été acceptée à l’issue d’une procédure comprenant deux entretiens au cours desquels l’intéressé était assisté.
Elle conteste tout harcèlement moral à l’encontre de M. [W] qui, selon elle, multiplie les formules générales et imprécises sans aucun commencement de preuve, souligne que le prétendu caractère volontaire de la blessure du 17 décembre 2015 n’a jamais été porté à sa connaissance et relève que dans l’affirmative, elle aurait émis des réserves sur le caractère professionnel de l’accident, contestant la réalité de la tentative de défenestration alléguée par l’intéressé.
L’association intimée verse aux débats la décision de l’administration relative à la rupture conventionnelle du contrat de travail du directeur de l’hôpital [5], en date du 20 juillet 2016, élément objectif permettant de contextualiser les coupures de presse produites par le salarié, lesquelles concernent des faits et prises de position postérieurs à son départ des effectifs de l’entreprise, et qui s’avèrent donc sans lien avec sa propre invocation d’une dégradation de ses conditions de travail, nonobstant le fait que son opinion ait été reprise dans un des articles.
Il est établi également qu’à la suite de l’échange de courriels avec Mme [T][B] relatifs à la loyauté du salarié, la direction de l’association Ambroise Croizat est intervenue pour éviter tout contact entre les deux salariés, Mme [T][B] ayant été sollicitée par l’employeur pour présenter des excuses. Cette réorganisation pour limiter les contacts avec le siège a été actée comme salutaire par le médecin du travail (pièce 19 du salarié) qui a précisé dans un courrier du 25 mai 2016 que ‘cet aménagement de poste lui permet de reprendre son travail et améliore son état, bien que les contacts avec le siège soient de temps en temps inévitables, et sources de décompensation selon lui.’
Si le médecin du travail, dans ce même document, a considéré que depuis début 2016 l’aptitude de M. [W] à travailler ‘dans ce contexte, sans interface avec le siège, était discutable’, il y a lieu de relever, à la lecture des échanges de courriels produits par l’association Ambroise Croizat Santé, datant de fin mars à mi-avril 2016, que l’intéressé avait déjà pris l’initiative de solliciter une rupture conventionnelle et qu’il se montrait lui-même moins critique quant à ses conditions de travail ‘les événements que j’ai vécus en septembre dernier que vous connaissez ont abîmé de manière irrémédiable, en autre, ma motivation et mes projets au sein de la structure ainsi que ma confiance dans certains de mes responsables. Si j’ai pu revenir, c’est grâce à M. [C], médecin du travail et grâce à Mme [A], DRH, et ses réelles compétences en RH et les qualités humaines associées. Avec l’arrivée de M. [S] [ le directeur ], son leadership, sa capacité de travail exceptionnelle, ses qualités professionnelles et son humilité, j’ai retrouvé du sens à mon travail. Je l’en remercie’.
En outre, l’association met également en avant les propres écrits du salarié dans son mail du 22 septembre 2015 relativement à ses relations avec Mme [B][T], avant qu’il soit question de reproche quant à sa loyauté, évoquant ‘des échanges très fluides depuis ta prise de fonction’.
La production par l’association intimée du jugement du conseil de prud’hommes de Paris en date du 15 janvier 2018 au sujet d’un litige avec Mme [Y]-[L] permet de relativiser la portée et la valeur du témoignage de cette dernière qui a accusé son employeur de harcèlement moral et a été déboutée de sa demande à ce titre.
Si l’en-tête du mail de M. [W] en date du 22 septembre 2015 n’a pas été communiquée, les formules utilisées par son auteur ‘nous avions des échanges’, ‘nous sentons des malentendus’, ‘pourrait-on se voir et discuter tous les trois ” permettent de comprendre que loin de vouloir impliquer un tiers dans l’échange, Mme [T][B] a répondu à tous en mettant M.[N], collègue de M. [W], comme destinataire du mail litigieux du 22 septembre 2015 à 15:01.
Par ailleurs, il est établi que l’association Ambroise Croizat, à qui il avait été demandé de ‘limiter le nombre de ruptures conventionnelles pour des raisons éthiques et réglementaires’ a cependant émis un avis favorable au projet du salarié, ‘au regard de son investissement professionnel’.
Si, dans son courriel du 30 mars 2016 sollicitant une rupture conventionnelle, M. [W] indique ‘mes conditions de travail se dégradent de semaine en semaine avec un intact (sic) sur ma vie personnelle’, force est de constater qu’aucun élément n’est produit permettant de les vérifier, ni avant l’incident du 22 septembre 2015 avec Mme [T][B]( puisque lui-même écrit le 23 septembre 2015 ‘je souhaite continuer à travailler de manière sereine, comme je l’ai toujours fait au service de l’hôpital et de l’association’ (pièce 56 de l’appelant), ni une fois son positionnement hiérarchique remanié pour ne plus dépendre de cette dernière.
A la lecture du courriel du 30 mars 2016 de M. [W], la véritable raison de la rupture conventionnelle est exprimée ; elle réside dans son souhait d’évoluer au sein de l’association, souhait contrarié par le refus qu’il a essuyé à ce sujet, l’intéressé mentionnant cependant ‘en 13 ans, mon évolution au sein de l’hôpital a marqué ma vie, très positivement’.
Enfin, les différents courriels relatifs à la demande de stage de M. [W] permettent, au vu des motifs invoqués et du ton utilisé, de retenir un refus objectivé, avec proposition d’une solution alternative, sans que la suspicion de l’appelant d’une posture péjorative à son encontre ne soit corroborée.
Il en résulte par conséquent que les faits établis par M. [W] sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral.
Sur la rupture conventionnelle :
M. [W] considère qu’il se trouvait, au moment de la signature de la convention de rupture conventionnelle le 20 avril 2016, dans une situation de violence morale en raison du harcèlement moral qu’il a subi et des troubles psychologiques qui en sont résultés pour lui.
L’association Ambroise Croizat Santé conteste toute violence morale, rappelle que le salarié a été à l’origine de la rupture conventionnelle, qu’il a été libre de signer la convention, laquelle lui permettait de reprendre un poste de responsable comptabilité en Savoie à compter du 1er juin 2006.
Selon l’article 1109 du Code civil dans sa version applicable au litige, il n’y a point de consentement valable si le consentement n’a été donné que par erreur ou s’il a été extorqué par violence ou surpris par dol.
Selon l’article 1111 du même code, la violence exercée contre celui qui a contracté l’obligation est une cause de nullité, encore qu’elle ait été exercée par un tiers autre que celui au profit duquel la convention a été faite.
Il est constant que la violence, qui s’apprécie in concreto, vicie le consentement lorsqu’elle est de telle nature que, sans elle, l’une des parties n’aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes.
Il a été vu, en l’espèce, que la demande de constat d’un harcèlement moral a été rejetée.
Si un mal-être et des troubles ont été effectivement constatés par un médecin traitant du salarié (dans son certificat du 23 janvier 2017 ) et par le médecin du travail qui a été évoqué une aptitude au travail ‘discutable’, la démonstration de l’existence, au jour de la signature de l’acte, d’un vice de son consentement doit cependant être faite.
M. [W] invoque une violence morale, alors qu’il s’avère qu’ il a été à l’initiative de la rupture conventionnelle, qu’il a multiplié les courriels pour que la procédure y aboutissant soit accélérée, dans la perspective d’un nouvel emploi qu’il avait été incité à rechercher, l’intéressé évoquant même dans son mail du 14 avril 2016 les conséquences pour son projet d’une éventuelle tardiveté de la ‘finalisation de la rupture conventionnelle’.
Si, dans son dossier médical, il est mentionné qu’il aurait dit au médecin du travail avoir signé une ‘rupture conventionnelle au rabais’, il convient de relever que dans un courriel du 12 mai 2016, soit après la signature de la rupture conventionnelle, par conséquent dans un temps et une situation lui ayant permis de se distancier de la prétendue violence subie, le salarié a reproché à la direction de l’association Ambroise Croizat un manque de confidentialité quant au montant obtenu à son départ ou une rumeur à ce sujet (pièce 65 de l’intéressé), mais n’a émis aucun reproche quant à la somme effectivement arbitrée, ni même quant à la situation de contrainte morale dans laquelle il se serait trouvé.
Il résulte enfin des propres pièces du salarié et notamment de mentions apposées par le médecin du travail consécutivement à une rencontre impromptue par M. [W], que la signature de l’acte a été amère pour lui, puisqu’il souhaitait une évolution professionnelle au sein de l’association Ambroise Croizat ; cependant, ces éléments ne sauraient suffire à constituer la violence morale alléguée, d’autant que l’intéressé, souhaitant quitter la structure par manque de perspective d’évolution, avait un projet de vie et professionnel à très court terme.
Par conséquent, en l’absence de preuve d’un vice du consentement, la demande tendant à la nullité de la rupture conventionnelle et à l’indemnisation de la rupture du lien contractuel doit donc être rejetée, par confirmation du jugement entrepris.
Sur la violation du principe d’égalité de traitement :
Invoquant le principe « à travail égal salaire égal », M. [W] se compare avec les salariés de l’établissement [E] [X] qui bénéficient d’un accord spécifique, plus favorable, et sollicite un rappel de salaire, de l’exercice 2011 à l’exercice 2016, au titre de la valorisation de ses jours de congés payés, soit la somme de 8 605 €, au titre de l’évolution de salaire qui aurait dû être la sienne, soit la somme de 29’394 € en application de la progression automatique des salaires prévue par l’article 14 de l’accord [E] [X], ainsi que les congés payés y afférents.
Il sollicite également, sur le même fondement, que sa rémunération mensuelle brute moyenne soit fixée à 4 053 €. Monsieur [W] soutient que ses demandes sont recevables, que la délivrance par lui d’un reçu pour solde de tout compte n’a pas d’effet libératoire pour l’employeur et que la prescription triennale ne lui est pas opposable puisque ses demandes dépendent de l’application ou non de l’accord d’entreprise du 8 mars 1977 et de ses avenants.
L’association Ambroise Croizat Santé considère que la demande de rappel de salaire, de congés payés y afférents, d’indemnité compensatrice de congés payés et de fixation du salaire sont irrecevables en l’état de l’effet libératoire du reçu pour solde de tout compte signé le 1er juin 2016 ainsi qu’en raison de l’autorité de la chose jugée attachée à la transaction conclue le 31 mai 2011 par laquelle le salarié a accepté sa classification et le salaire correspondant. Elle souligne en outre que les demandes de rappel de salaire et d’indemnité compensatrice de congés payés exprimées pour la période comprise entre janvier 2011 et le 31 mai 2016 sont prescrites partiellement, la prescription touchant les demandes antérieures au 23 décembre 2013.
Sur le fond, elle soutient que les demandes de rappel de salaire et de jours de congés sont sans fondement et non justifiées dans leur principe, ni leur quantum.
Selon l’article L1234-20 du code du travail, le salarié dispose d’un délai de contestation du reçu pour solde de tout compte de six mois à compter de sa signature. Passé ce délai, le reçu pour solde de tout compte produit un effet libératoire envers l’employeur.
Le reçu pour solde de tout compte n’a d’effet libératoire que pour les seules sommes qui y sont mentionnées, peu important le fait qu’il soit, par ailleurs, rédigé en des termes généraux.
En l’espèce, le reçu pour solde de tout compte signé par M. [W] fait état d’une somme nette de 21’266,26 € se composant de huit éléments (salaire de base, complément technicité, majoration pour ancienneté, indemnité de carrière, régularisation heures, heures jours fériés, indemnité compensatrice de congés payés, prime décentralisée premier semestre).
Si l’appelant n’est donc plus en mesure de contester les sommes mentionnées et détaillées sur le reçu pour solde de tout compte, il peut réclamer d’autres sommes que celles qui y sont indiquées, d’autant qu’il invoque un fondement conventionnel différent.
En ce qui concerne la transaction que M. [W] a acceptée le 31 mai 2011, elle précise qu’il a sollicité le statut de cadre et contesté son coefficient devant le conseil de prud’hommes de Paris dont le jugement a été frappé d’appel, que l’association a formé un pourvoi en cassation et que les parties, se rapprochant, sont convenues d’un coefficient 467, avec majoration pour ancienneté et majoration spécifique cadre outre une indemnité de carrière, se mettant d’accord sur un rappel de salaire, l’indemnisation d’un préjudice financier de carrière, M. [W] se déclarant ‘entièrement rempli de ses droits actuels et futurs vis-à-vis de l’hôpital [7] et de l’association Ambroise Croizat du fait de l’exécution des termes de l’arrêt rendu par la 10e Chambre du Pôle 6 de la Cour d’appel de Paris en date du 11 mai 2010’.
Cependant, même s’il a reconnu en particulier ‘ ne plus avoir aucune somme à réclamer à l’hôpital [7] et à l’association Ambroise Croizat au titre notamment de ses salaires et rémunérations, compléments de salaire et accessoires, frais et toutes autres indemnités légales, conventionnelles ou contractuelles et de tous dommages et intérêts en exécution des termes au cet arrêt ‘, ce protocole transactionnel ne saurait constituer une renonciation du salarié à ses droits futurs liés à une inégalité de traitement, non envisagée dans le cadre de ladite transaction.
En ce qui concerne la prescription, l’action n’étant pas relative à la convention collective applicable mais à une prétendue atteinte au principe d’égalité de traitement, la demande de rappel de salaires est couverte par la prescription triennale prévue par l’article L. 3245-1 du code du travail qui dispose que ‘ l’action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.’
Il est constant que le délai de prescription des salaires court à compter de la date à laquelle la créance salariale est devenue exigible, que pour les salariés payés au mois, la date d’exigibilité du salaire correspond à la date habituelle du paiement des salaires en vigueur dans l’entreprise concernée et que, s’agissant du point de départ de l’indemnité des congés payés, le point de départ du délai de prescription doit être fixé à l’expiration de la période légale ou conventionnelle au cours de laquelle les congés payés auraient dû être pris.
En l’espèce, la rupture conventionnelle ayant été effective le 31 mai 2016, la demande de rappel de salaire est recevable, car non prescrite relativement à la période postérieure au 31 mai 2013, les virements des salaires étant effectués le dernier jour du mois, à la lecture des mentions apposées à ce sujet sur les bulletins de salaire produits aux débats.
En ce qui concerne les congés payés, il en va de même à cette date également, aucun élément ne permettant de retenir une autre date de fin de la période pendant laquelle doivent avoir été pris les congés payés.
Si l’employeur peut accorder des avantages particuliers à certains salariés, c’est à la condition que tous les salariés de l’entreprise placés dans une situation identique puissent bénéficier de l’avantage ainsi accordé.
Les différences de traitement entre catégories professionnelles opérées par voie de conventions ou d’accords collectifs, négociés et signés par des organisations syndicales représentatives, investies de la défense des droits et intérêts des salariés et à l’habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote, sont présumées justifiées de sorte qu’il appartient à celui qui les conteste de démontrer qu’elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle
La présomption de justification a été étendue aux différences de traitement entre des salariés appartenant à la même entreprise mais à des établissements distincts, opérées par voie d’accords d’établissement négociés et signés par les organisations syndicales représentatives au sein de ces établissements.
A la lecture des pièces produites, M. [W], qui se contente d’invoquer le rapport de l’Inspection Générale des Affaires Sociales (cf sa pièce 66) constatant l’existence de plusieurs modèles de gestion des ressources humaines et un article de Mediapart ( pièce 68), sans apporter d’éléments de comparaison avec les fonctions, le salaire, l’ancienneté, la qualification d’autres salariés ayant bénéficié d’un traitement prétendument plus favorable, ne fait pas non plus la démonstration que les différences de traitement qu’il invoque sont étrangères à toute considération de nature professionnelle.
Au surplus, alors que les prétentions chiffrées du salarié ne sont nullement explicitées quant à leur montant, l’article 14 de l’ accord dont il revendique l’application – qu’il cite comme fondement de sa demande- relatif à une progression automatique du salaire en début de carrière, n’aurait pas pu lui faire bénéficier d’un quelconque rappel de salaire, en l’état de la prescription applicable à cette période.
Relativement aux congés payés, si l’article 26 du même accord [E] [X] prévoyant le calendrier annuel des congés est invoqué, aucun élément n’est produit permettant de vérifier l’actualité de ses stipulations et leur bénéfice aux salariés de l’établissement en question.
Les demandes présentées ne sauraient donc prospérer, par confirmation du jugement entrepris.
Sur le manquement à l’obligation de sécurité :
Soulignant la recevabilité de sa demande, le motif tiré de l’absence de reconnaissance de faute inexcusable étant inopérant, M. [W] invoque les manquements de son employeur à son obligation de sécurité et demande des dommages-intérêts en réparation de son préjudice, à hauteur de 50’000 €. Il affirme qu’informée de la situation de violence morale dans laquelle se trouvait du fait du management brutal de Mme [T][B], directrice administrative et financière, l’association – qui a communiqué à ce sujet le 22 octobre 2015 avec le médecin du travail -, s’est abstenue de mettre en place des mesures pour le protéger et n’a même pas diligenté une enquête, ni même saisi le CHSCT.
L’association Ambroise Croizat Santé fait valoir que le salarié ne démontre l’existence d’aucun préjudice lié à l’exécution du contrat de travail, n’établit pas que ses pathologies étaient en lien avec son emploi, et considère qu’aucun lien ne peut être fait avec les éléments médicaux produits, lesquels démontrent en tout état de cause que l’intéressé a cessé tout traitement en novembre 2015, pour conclure au rejet de la demande.
À titre subsidiaire, elle sollicite que toute éventuelle condamnation soit en rapport avec les éléments de préjudice produits aux débats.
Aux termes de l’article L4121-1 du code du travail, ‘ l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent :
1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ;
2° Des actions d’information et de formation ;
3° La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.
L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes’.
L’obligation de sécurité pesant sur l’employeur vis-à-vis de son salarié est générale et emporte donc obligation de prévenir toute réaction à la pression ressentie. Elle suppose que l’employeur s’assure que son salarié n’est pas exposé à un risque, ou si tel est le cas, de mettre en ‘uvre les moyens nécessaires pour le prévenir. Il peut s’exonérer de sa responsabilité en démontrant avoir pris toutes les mesures nécessaires pour éviter le dommage subi par le salarié.
Pour caractériser les manquements de l’employeur à son obligation de sécurité, le juge doit se fonder uniquement sur les éléments de preuve objectifs établissant la matérialité des faits reprochés.
En l’espèce, il n’est pas contesté qu’informée par le salarié mais également par le médecin du travail de la souffrance subie à l’occasion d’un échange de courriels avec sa supérieure hiérarchique, Mme [T][B], l’association Ambroise Croizat a organisé une entrevue avec M. [W] et a pris la décision de l’extraire de tout lien direct avec la directrice administrative et financière.
Cependant, il ressort également du dossier médical du salarié que le 22 octobre 2015, la DRH a fait la réponse suivante au médecin du travail ‘ M. [W] est dorénavant placé sous la responsabilité directe de M.[S] qui lui a signifié à plusieurs reprises que nous avions besoin de lui à HPR. Il aura immanquablement des contacts avec [T][B] mais cela ne devrait plus être un problème car elle fera particulièrement attention à rester dans les sujets de travail’.
Manifestement, cette organisation n’était pas conforme à la prévention du risque dans son intégralité, comme le savait l’employeur. En outre, il convient de relever qu’hormis l’entretien ayant donné lieu à la réorganisation, aucune enquête n’a été menée.
En outre, il s’avère qu’au départ du directeur de la maternité, M.[S], qui était désormais son interface avec Mme [T][B], M. [W] s’est à nouveau trouvé dans la même situation que précédemment, ce que le médecin du travail a relevé dans un certificat du 25 mai 2016, relevant que dans ces conditions, ‘son aptitude à travailler dans ce contexte est discutable’.
Alors que différents éléments médicaux (avis du médecin du travail et certificat du Dr [K], médecin généraliste, constatant des problèmes anxiodépressifs chez M. [W] ) font état des conséquences de la pression ressentie par l’intéressé, l’employeur ne justifie pas avoir mis tous les moyens en ‘uvre pour prévenir ce risque auquel il avait pourtant été sensibilisé.
En l’état des éléments de préjudice versés aux débats, il y a lieu d’infirmer le jugement de première instance de ce chef et de condamner l’association Ambroise Croizat Santé à verser à M. [W] la somme de 5 000 €.
Sur le préjudice moral :
Invoquant avoir subi un harcèlement moral pendant plus d’un an, avoir fait une tentative de passage à l’acte sur son lieu de travail du fait de la souffrance morale endurée, ainsi que les fausses informations propagées au sujet de son départ avec un « pactole » par la direction pour entacher sa réputation, l’appelant sollicite la somme de 30’000 € en réparation de son préjudice moral.
L’association Ambroise Croizat Santé considère que la demande de l’appelant est en réalité une demande de réparation des conséquences d’une pathologie qu’il présente comme d’origine professionnelle et considère sa demande irrecevable faute de demande de reconnaissance d’une faute inexcusable de l’employeur, laquelle relève au surplus de la compétence des juridictions de sécurité sociale. Par ailleurs, elle relève que les préjudices médicaux et la souffrance endurée alléguée par M. [W] sont évalués par des standards précis que l’intéressé ignore totalement.
Toute demande d’indemnisation suppose, pour être accueillie, la démonstration d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité entre eux.
Un même préjudice ne saurait donner lieu à double indemnisation.
Si M. [W] accuse son employeur d’avoir propagé une rumeur sur l’importance de son indemnité de rupture conventionnelle, il ne produit aucun élément permettant de corroborer ses allégations.
En l’absence de harcèlement moral retenu, et à défaut d’autres éléments quant à une tentative de passage à l’acte, aucun préjudice distinct de celui déjà réparé, résultant d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, n’est démontré.
La demande doit donc être rejetée, par confirmation du jugement entrepris de ce chef.
Sur les intérêts :
Conformément aux dispositions des articles 1153, 1153-1 (anciens), 1231-6 et 1231-7 (nouveaux) du Code civil et R1452-5 du code du travail, les intérêts au taux légal courent sur les sommes indemnitaires à compter du présent arrêt qui les a fixées.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
L’employeur, qui succombe, doit être tenu aux dépens de première instance, par infirmation du jugement entrepris, et d’appel.
L’équité commande d’infirmer le jugement de première instance relativement aux frais irrépétibles, de faire application de l’article 700 du code de procédure civile également en cause d’appel et d’allouer à ce titre la somme de 3 000 € à M. [W].