Harcèlement moral au Travail : 22 février 2023 Cour d’appel de Reims RG n° 22/00378

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Harcèlement moral au Travail : 22 février 2023 Cour d’appel de Reims RG n° 22/00378
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Arrêt n°

du 22/02/2023

N° RG 22/00378

MLB/FJ

Formule exécutoire le :

à :

COUR D’APPEL DE REIMS

CHAMBRE SOCIALE

Arrêt du 22 février 2023

APPELANT :

d’un jugement rendu le 2 février 2022 par le Conseil de Prud’hommes de REIMS, section Industrie (n° F 20/00610)

Monsieur [R] [O]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par la SELARL LAQUILLE ASSOCIÉS, avocats au barreau de REIMS

INTIMÉE :

SA ENGIE ENERGIE SERVICES

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Pascal GUILLAUME, avocat au barreau de REIMS et par la SCP ZIELESKIEWICZ ET ASSOCIES, avocats au barreau de LYON

DÉBATS :

En audience publique, en application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 4 janvier 2023, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseiller, chargé du rapport, qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré ; elle a été mise en délibéré au 22 février 2023.

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseiller faisant fonction de président

Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseiller

Madame Isabelle FALEUR, conseiller

GREFFIER lors des débats :

Monsieur Francis JOLLY, greffier

ARRÊT :

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseiller faisant fonction de président, et Monsieur Francis JOLLY, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

Suivant contrat de travail à durée indéterminée en date du 30 août 2017, la SA Engie Energie Services a embauché Monsieur [R] [O] en qualité de responsable commercial d’agence à compter du 6 novembre 2017.

Monsieur [R] [O] bénéficiait d’une convention individuelle de forfait établi sur une base annuelle de 211 jours travaillés.

À compter du 12 mars 2020, Monsieur [R] [O] était placé en arrêt de travail.

Le 22 mai 2020, Monsieur [R] [O] a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts exclusifs de la SA Engie Energie Services.

Le même jour, il adressait un courrier au déontologue de la SA Engie Energie Services dans lequel il lui faisait part de difficultés survenues dans le cadre de l’exécution de son contrat de travail.

À compter du 1er juin 2020, Monsieur [R] [O] débutait un emploi en qualité de Deputy Sales Director au sein de la SAS Revenue Collection Systems France.

Le 24 novembre 2020, Monsieur [R] [O] a saisi le conseil de prud’hommes de Reims d’une demande tendant à voir dire et juger que la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail constitue un licenciement nul ou à défaut sans cause réelle et sérieuse, et de demandes en paiement à caractère indemnitaire et salarial.

Par jugement en date du 2 février 2022, le conseil de prud’hommes :

– a dit et jugé que la demande au titre de la reconnaissance du statut de lanceur d’alerte était infondée et donc l’a rejetée,

– dit et jugé que la rupture du contrat de travail intervenue en date du 22 mai 2020 par Monsieur [R] [O] au titre d’une prise d’acte devait s’analyser en une démission de sa part avec toutes conséquences de droit,

en conséquence,

– débouté Monsieur [R] [O] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions liées à la reconnaissance de la rupture de son contrat de travail ayant les effets soit d’un licenciement nul, soit d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– débouté la SA Engie Energie Services de ses demandes reconventionnelles au titre de l’indemnité de préavis,

– débouté chacune des parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

– dit que les dépens seront partagés.

Le 15 février 2022, Monsieur [R] [O] a formé une déclaration d’appel.

Dans ses écritures en date du 23 septembre 2022, il demande à la cour d’infirmer le jugement en ce qu’il a statué en ces termes :

– dit et jugé que la demande au titre de la reconnaissance du statut de lanceur d’alerte était infondée et l’a rejetée,

– dit et jugé que la rupture du contrat de travail devait s’analyser en une démission avec toutes conséquences de droit,

en conséquence,

– débouté Monsieur [R] [O] de ses demandes liées à la reconnaissance de la rupture de son contrat de travail ayant les effets soit d’un licenciement nul, soit d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– débouté la SA Engie Energie Services de ses demandes reconventionnelles au titre de l’indemnité de préavis,

– dit que les dépens seront partagés,

et lui demande, statuant à nouveau :

– de juger qu’il bénéficie du statut de lanceur d’alerte,

– de juger que la prise d’acte est justifiée par les manquements graves de la SA Engie Energie Services,

– de condamner la SA Engie Energie Services à lui payer les sommes de :

. 75000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul et à défaut sans cause réelle et sérieuse,

. 19580,04 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 1958,05 euros à titre de congés payés sur préavis,

. 4469,26 euros à titre d’indemnité de licenciement,

. 1000 euros à titre de dommages-intérêts pour violation des règles relatives à la suspension du contrat de travail en cas de maladie,

. 9362,71 euros à titre de rappel de salaire et 936,27 euros à titre de congés payés y afférents,

. 34146,36 euros au titre de l’indemnité pour travail dissimulé,

. 3500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– d’ordonner la remise des bulletins de salaire, du certificat de travail et de l’attestation pôle emploi,

– de débouter la SA Engie Energie Services de ses demandes,

– de condamner la SA Engie Energie Services aux dépens.

Dans ses écritures en date du 21 novembre 2022, la SA Engie Energie Services demande à la cour d’infirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de ses demandes reconventionnelles au titre de l’indemnité de préavis et de le confirmer pour le surplus.

En conséquence, elle demande à la cour de :

– déclarer que la prise d’acte de rupture de son contrat de travail par Monsieur [R] [O] doit produire les effets d’une démission,

– débouter Monsieur [R] [O] de ses demandes,

– condamner Monsieur [R] [O] à lui payer la somme de 16504,68 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

– condamner Monsieur [R] [O] à lui payer la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Motifs :

A titre liminaire, il convient de relever que la déclaration d’appel est ainsi rédigée :

‘L’appel tend à infirmer le jugement rendu en ce qu’il a statué en ces termes :

– dit et juge que la demande titre de la reconnaissance du statut de lanceur d’alerte est infondée et donc la rejette,

– dit et juge que la rupture du contrat de travail intervenue en date du 22 mai 2020 par Monsieur [R] [O] au titre d’une prise d’acte, doit s’analyser en une démission avec toutes les conséquences de droit,

en conséquence,

– déboute Monsieur [R] [O] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions liées à la reconnaissance de la rupture de son contrat de travail ayant les effets soit d’un licenciement nul, soit d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– déboute la SA Engie Energie Services de ses demandes reconventionnelles au titre de l’indemnité de préavis,

– dit que les dépens seront partagés’.

Monsieur [R] [O] n’a pas fait appel du jugement en ce que chacune des parties a été déboutée de ses demandes plus amples ou contraires, de sorte que son appel ne porte pas sur le rejet de ses demandes de dommages-intérêts pour violation des règles relatives à la suspension du contrat de travail en cas de maladie, de rappel de salaires et de congés payés y afférents et d’indemnité pour travail dissimulé. En l’absence d’effet dévolutif de l’appel à ce titre, il n’y a pas lieu de statuer sur les demandes en paiement y afférentes.

– Sur le bénéfice du statut de lanceur d’alerte :

Monsieur [R] [O] reproche aux premiers juges de l’avoir débouté de sa demande tendant à lui voir reconnaître le statut de lanceur d’alerte, alors même qu’il a dénoncé des faits graves commis au sein de la société, tandis que la SA Engie Energie Services conclut à la confirmation du jugement sur ce point.

Monsieur [R] [O] n’est pas un lanceur d’alerte au sens des articles 6 et 8 de la loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016, dès lors :

– qu’au vu des courriers qu’il a adressés à son employeur avant la prise d’acte, il ne justifie de la dénonciation d’aucun fait précis,

– qu’il n’est pas établi que le courrier, qu’il a adressé au déontologue de la SA Engie Energie Services le 22 mai 2020, dans lequel il dénonce les conditions d’attribution du marché à la SA Engie Energie Services dans le cadre du GHT CGE, lui soit parvenu avant la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail du même jour.

Dans ces conditions, le jugement doit être confirmé en ce qu’il a dit que la demande de Monsieur [R] [O] au titre de la reconnaissance du statut de lanceur d’alerte n’était pas fondée.

– Sur la prise d’acte de la rupture du contrat de travail :

Monsieur [R] [O] reproche aux premiers juges de l’avoir débouté de sa demande tendant à voir produire à sa prise d’acte de la rupture de son contrat de travail les effets d’un licenciement nul ou à défaut sans cause réelle et sérieuse, dès lors que la SA Engie Energie Services a commis les manquements graves reprochés dans son courrier du 22 mai 2020, auxquels s’ajoute en outre un manquement tiré de la violation de la prévention du harcèlement moral, ce que conteste la SA Engie Energie Services qui lui oppose qu’aucun manquement de sa part n’est établi alors même que la démarche de Monsieur [R] [O], qui a débuté un nouvel emploi dès le 1er juin 2020, est spéculative.

Si les griefs invoqués par le salarié sont réels et suffisamment graves pour avoir empêché la poursuite du contrat de travail, la prise d’acte produit les effets d’un licenciement, à défaut la prise d’acte produit les effets d’une démission.

Aux termes de son courrier du 22 mai 2020, Monsieur [R] [O] dénonce avoir été soumis à des conditions de travail totalement inadmissibles (pressions verbales, établissement d’un écrit), sans produire aucun élément à ce titre.

Il en est de même des manoeuvres totalement illégales qu’il dénonce.

Il écrit encore que ‘mes fonctions sont tellement floues, et ce malgré mes différentes demandes, et mon périmètre d’intervention est régulièrement modifié sans que j’en sois informé, ni sans que j’y donne mon consentement’.

Or, il résulte du contrat de travail de Monsieur [R] [O], que celui-ci a été embauché en qualité de responsable commercial d’agence sans qu’il ne produise aucun élément remettant en cause le contenu de ses fonctions ni n’établissant leur régulière modification.

Il écrit encore qu’il a été augmenté par son employeur de 8%, ce qu’il a indiqué avoir refusé car il s’agissait pour Monsieur [P] de se racheter de ses méfaits et qu’une telle augmentation constituait une violation des règles d’éthique et de protection de sa personne et de sa santé. Or, il ne résulte d’aucune pièce produite par Monsieur [R] [O], qu’une telle augmentation soit en lien avec de prétendus méfaits ni qu’il s’y soit opposé.

Il écrit aussi avoir appris que de fausses informations diffamatoires et mensongères circulaient au sein de la société et des clients et avoir dû intervenir pour tenter d’enrayer la circulation de celles-ci, sans produire aucune pièce.

Ensuite, il ne produit aucun élément permettant de caractériser une charge de travail très intense, ni l’absence de réaction pour l’alléger malgré ses demandes et remarques faites notamment lors des entretiens annuels. En effet, il produit tout au plus à ce titre une pièce n°19 concernant la partie de l’entretien professionnel renseignée par le salarié. Même à supposer qu’elle ait été remise à l’employeur, elle porte sur la période comprise entre le 1er janvier 2019 et le 31 mars 2020. Dans ces conditions, si le salarié a répondu par la négative à la question suivante : ‘L’articulation entre votre vie professionnelle (organisation et charge de travail, amplitude des journées d’activité) et votre vie personnelle vous semble-t-elle satisfaisante), en toute hypothèse à compter du 12 mars 2020, le salarié était en arrêt de travail, de sorte qu’il n’est pas fondé à reprocher à son employeur une absence de réaction.

Monsieur [R] [O] reproche encore à son employeur de l’avoir obligé à travailler au mois de mars 2020, alors qu’il était en arrêt de travail, sans justifier de la réalité du travail allégué.

En l’absence de tout grief établi, il n’y a donc pas davantage de manquement au titre de la violation de l’obligation de sécurité, d’un harcèlement moral ni même encore de la violation de la prévention du harcèlement moral.

Dans ces conditions, le jugement doit être confirmé en ce qu’il a retenu que la rupture du contrat de travail de Monsieur [R] [O] s’analysait en une démission et a par voie de conséquence débouté ce dernier de ses demandes de dommages-intérêts pour licenciement nul et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d’indemnité de préavis et de congés payés y afférents, d’indemnité de licenciement et de remise des bulletins de salaire et des documents de fin de contrat rectifiés.

– Sur la demande de la SA Engie Energie Services au titre de l’indemnité compensatrice de préavis :

La SA Engie Energie Services demande à la cour d’infirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de sa demande au titre de l’indemnité compensatrice de préavis.

C’est à tort que les premiers juges ont débouté la SA Engie Energie Services de sa demande à ce titre au motif qu’il ‘n’a été question de la part du salarié, d’aucune intention de nuire, ni légèreté blâmable’.

En effet, dès lors que la prise d’acte produit les effets d’une démission, le salarié doit à l’employeur le montant de l’indemnité compensatrice de préavis résultant de l’article L.1237-1 du code du travail -3 mois-, sauf pendant la période pendant laquelle il était malade.

Ainsi, Monsieur [R] [O] a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 22 mai 2020 et il s’est trouvé en arrêt de travail jusqu’au 31 mai 2020.

L’indemnité de préavis doit être calculée de la façon suivante :

5908,06 euros x 2 mois et 22 jours = 16008,93 euros.

Monsieur [R] [O] sera donc condamné à payer à la SA Engie Energie Services ladite somme.

Le jugement doit être infirmé en ce sens.

********

Le jugement doit être confirmé du chef du partage des dépens et en ce qu’il a débouté les parties de leur demande d’indemnité de procédure.

Monsieur [R] [O] doit être condamné aux dépens d’appel, débouté de sa demande d’indemnité de procédure à hauteur d’appel et condamné en équité à payer à la SA Engie Energie Services la somme de 1000 euros au titre de ses frais irrépétibles d’appel.

 

 


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