Your cart is currently empty!
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 11
ARRET DU 21 FEVRIER 2023
(n° , 7 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/02719 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBZGH
Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Février 2020 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° F18/05134
APPELANT
Monsieur [B] [G]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me Houda MARFOQ, avocat au barreau de PARIS, toque : E1589
INTIMEE
S.A. BALMAIN
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Bertrand MERVILLE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0487
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 05 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre,
Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre,
Madame Catherine VALANTIN, Conseillère,
Greffier, lors des débats : Madame Manon FONDRIESCHI
ARRET :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre, et par Madame Manon FONDRIESCHI, Greffière présente lors du prononcé.
RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
M. [B] [G], né le 5 décembre 1982, a été engagé par la SA Balmain selon un contrat écrit à durée indéterminée le 1er septembre 2014 en qualité d’administrateur système et réseau groupe.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de la Couture Parisienne.
Entre le 23 février 2015 et le 16 novembre 2017, 4 sanctions disciplinaires pour des motifs divers ont été notifiées à M. [G].
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 2 février 2018, M. [B] [G] a été convoqué à un entretien préalable à un licenciement, fixé au 14 février 2018.
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 19 février 2018, M. [G] a été licencié pour cause réelle et sérieuse avec dispense de préavis, motifs pris de ses absences renouvelées et imprévisibles entraînant une désorganisation de l’entreprise et contraignant à son remplacement définitif.
A la date du licenciement, M. [G] avait une ancienneté de 3 ans et 5 mois et la société Balmain occupait à titre habituel plus de 10 salariés.
Contestant la légitimité de son licenciement et réclamant diverses indemnités, M. [B] [G] a saisi, le, 9 juillet 2018, le conseil de prud’hommes de Paris, qui par jugement rendu le 6 février 2020, auquel la cour se réfère pour l’exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a statué comme suit :
Déboute M. [B] [G] de l’ensemble de ses demandes.
Déboute la SA Balmain de sa demande relative à l’article 700 du code de procédure civile.
Condamne M. [B] [G] aux entiers dépens.
Par déclaration du 20 mars 2020, M. [J] a interjeté appel du jugement rendu par le conseil de prud’hommes, notifié aux parties par lettre du greffe adressée aux parties le 20 février 2020.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 15 juin 2020, M. [G] demande à la cour de :
Constater que le licenciement prononcé à l’encontre de M. [B] [G] est abusif.
En conséquence,
Dire et juger que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.
En conséquence,
Condamner la société Balmain à lui verser un montant de 31 468.96 euros.
Faire droit à la demande de préjudice distinct au regard d’une procédure particulièrement vexatoire et condamner la société Balmain à verser à M. [B] [G] la somme de 47 203.44 euros.
Condamner la société Balmain au règlement des intérêts au taux légal à compter du jour de la demande.
Condamner la société Balmain aux dommages et intérêts en réparation du préjudice lié au harcèlement moral subi par M. [G]
Condamner la société Balmain à verser au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile un montant de 3 000 euros.
Ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 31 août 2020, la société Balmain demande à la cour de :
Déclarer irrecevables :
La demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;
La demande de dommages et intérêts pour préjudice distinct au regard d’une procédure particulièrement vexatoire
Confirmer le jugement rendu par le Conseil de prud’hommes :
Dire et juger que le licenciement de M. [G] est bien-fondé ;
Constater l’absence de harcèlement moral ;
Dire et juger que la rupture n’est pas intervenue dans des conditions vexatoires ;
En conséquence :
Débouter M. [B] [G] de ses demandes ;
Condamner M. [B] [G] à verser à la société Balmain la somme de 1.000 € au titre de l’article 700 du CPC ;
Condamner M. [B] [G] aux entiers dépens de l’instance.
A titre subsidiaire :
Limiter le montant d’une éventuelle condamnation à 10.500 €.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 7 décembre 2022 et l’affaire a été fixée à l’audience du 5 janvier 2023.
Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR :
Sur le bien-fondé du licenciement
La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige était ainsi libellée :
« (‘) Vous occupez depuis le 1er septembre 2014, le poste d’Administrateur Système et Réseaux Groupe avec pour missions notamment, d’entretenir les réseaux et les systèmes, de commander, installer, configurer et de manière générale gérer les parcs d’équipements micro-informatiques installés (ordinateurs, fax, scanners, imprimantes etc…),répondre aux diverses demandes des utilisateurs relatives à des sujets informatiques, superviser le travail des prestataires informatiques visant à améliorer la performance des outils existants (migration logiciel, changement des outils réseau,changement de fournisseurs, etc…).
Le service informatique est composé de 3 collaborateurs et du Directeur informatique et votre présence est d’autant plus importante que vos deux collègues ont été embauchés très récemment en juin et juillet 2017.
Or, depuis 2016, vous êtes absent de manière répétée, au titre d’arrêts de maladie ou d’absences qui ne sont pas justifiées. Au total, nous comptabilisons 15 jours d’absence en 2016, 38 jours en 2017 et 7 jours pour le début de l’année 2018.
Ces absences sont d’autant plus préjudiciables que la société a connu ces derniers mois une réorganisation et un renforcement de son matériel informatique qui nécessitaient le complet investissement de chacun.
Or, vos absences renouvelées et imprévisibles nous ont interdit de pouvoir compter sur votre présence et nous ont donc contraints à affecter un certain nombre de tâches avec échéance incontournable pour l’entreprise sur les autres personnes de l’équipe, ces actions devant être réalisées sans possibilité de décalage et ne pouvant dépendre d’aléas importants sur la présence des contributeurs.
C’est ainsi par exemple que la préparation et l’accompagnement des showrooms (nos campagnes de vente B to B), qui nécessitent des interventions le weekend ont dû être réparties sur les deux autres personnes du service, ce qui a entraîné une limitation de la capacité de rotation des équipes sur ces journées travaillées exceptionnellement (et récupérées).
De même, les projets nécessitant une expertise réseau et système avancée n’ont pu être répartis que sur une seule personne du service (exemple : la préparation de SAP devant être déployé sur plusieurs sites (mise en place de VPN site à site, machines virtuelles à préparer, infrastructure d’impression, préparation de scanners portables radiofréquence’).
Cette réaffectation des tâches entraîne depuis plusieurs mois une surcharge pour le reste de votre service qui n’a pu suffire et a entraîné des retards sur des projets prévus pour un effectif de 3 personnes dans le service :
I. Remplacement de la liaison [Adresse 6] [Localité 5] par la liaison [Adresse 7] [Localité 5] (projet livré finalement fin janvier 2018)
II. La refonte des actives directory (projet signé avec une prestataire externe mais nécessitant une contribution interne non disponible)
III. La fusion des serveurs de fichier (projet signé avec une prestataire externe mais nécessitant une contribution interne non disponible)
IV. La redondance de l’infrastructure interne (signé avec un prestataire externe mais ayant comme pré requis les points II et III)
V. D’autres projets que nous avions à envisager mais qui n’ont pas pu être cadrés comme la mise en place d’un outil interne de ticketing, la sécurisation du système d’information.
Ces projets non menés n’ont pas permis d’optimiser nos systèmes et pérennisent des difficultés techniques à gérer au quotidien.
La surcharge de travail reportée sur le reste des équipes et le non aboutissement des projets ci-dessus ont contribué à un retard sur de nombreuses demandes d’assistance qui faisaient l’objet de relance du métier.
L’engorgement du service informatique a donc entraîné une désorganisation de la société dans son ensemble .
C’est dans ce contexte que nous avons été contraints de recourir à un intérimaire pour renforcer le service début décembre 2017.
Néanmoins, cette situation ne peut se prolonger dans la mesure où, d’une part, celui-ci a une moins bonne connaissance du fonctionnement de notre équipement informatique, ce qui ne peut éviter une surcharge de travail pour vos collègues, et d’autre-part, une succession d’intérimaires n’est pas envisageable compte-tenu de l’importance et du caractère sensible des données traitées par le service.
La désorganisation qui en résulte est donc manifeste et préjudiciable.
Cette situation nous contraint à procéder à votre remplacement définitif.
Dans ces conditions, nous n’avons d’autre possibilité que de procéder à votre licenciement.
La date de première présentation de la présente lettre recommandée de licenciement marquera le point de départ de votre préavis d’une durée de trois mois, que nous vous dispensons d’effectuer (…) ».
Si l’article L.1132-1 du code du travail fait interdiction de licencier un salarié en raison de son état de santé ou de son handicap, sauf inaptitude constatée par le médecin du travail, il ne s’oppose pas au licenciement motivé, non par l’état de santé du salarié, mais par la situation objective de l’entreprise dont le fonctionnement est perturbé par l’absence prolongée ou les absences répétées du salarié, ces perturbations devant entraîner la nécessité pour l’employeur de procéder à son remplacement définitif par l’engagement concomitant ou dans un délai raisonnable d’un autre salarié ; pour apprécier la désorganisation de l’entreprise, il doit être tenu compte du nombre et de la durée des absences, de la taille de l’entreprise et de la nature des fonctions exercées par le salarié.
Il incombe à l’employeur d’établir que les conditions ci-dessus sont réunies, la réalité et le sérieux du motif de licenciement s’apprécient au jour où la décision de rompre le contrat de travail du salarié malade est prise par l’employeur.
Aux termes de la lettre de licenciement, il est reproché au salarié des absences répétées et prolongées qui ont désorganisé le service informatique mais aussi la société dans son ensemble et qui ont contraint l’employeur à procéder à son remplacement définitif. La société Balmain expose qu’entre le 17 février 2016 et le 19 février 2018, l’appelant a cumulé 63,5 jours d’absences dont 5 injustifiées, 3,5 pour enfant malade et 55 jours arrêts de travail de courte durée entre 1 et 5 jours sans qu’il prévienne et alors qu’il envoyait les justificatifs médicaux en tarif lent.
La société intimée fait valoir que les absences du salarié ont perturbé le fonctionnement du service informatique en raison du retard accumulé dont il a été averti (pièce 20 société), elle évoque à ce titre des retards dans la mise en place d’un outil de ticketing ou de la sécurisation du système d’information. Elle indique que le dossier de partage des données a dû être confié à un collègue de l’appelant et que surtout son absence lors des showroom des week-ends de septembre, décembre 2017 et de janvier 2018, ont contraint ses collègues à assurer toutes les rotations le week-end. Elle ajoute également que la migration du logiciel SAP dont M. [G] aurait dû se charger a dû être traité par son collègue M. [E].
Elle souligne que les demandes urgentes des utilisateurs ne pouvaient pas être traitées rapidement en l’absence de M. [G], puisque la charge était supportée par le reste de l’équipe, ce qui établit que la désorganisation impactait toute la société.
Le salarié réplique qu’en réalité, il a été victime d’une discrimination en raison de son état de santé en lien avec une situation de stress et de surcharge de travail lui ayant occasionné des extra-systoles ventriculaires, à l’origine de ses arrêts de travail, ce dont l’employeur était avisé. Il rappelle qu’il a géré seul pendant près de trois années le parc informatique de la société comptant plus de 150 salariés sur cinq sites. Il fait valoir qu’il a été contraint de s’absenter en raison du surmenage ainsi subi et estime que l’employeur a manqué à son obligation de sécurité dont il demande réparation sans formuler de prétentions au dispositif.
Il affirme de la même façon avoir été victime d’un harcèlement moral se plaignant d’une mise à l’écart de ses prérogatives et d’un contrôle quotidien du travail réalisé ainsi que de l’absence de promotion qui lui avait été promise en juin 2017. Il expose que les griefs reprochés le sont pour les besoins de la procédure.S’il réclame une indemnisation à ce titre, il ne chiffre pas plus sa demande dans le dispositif de ses écritures.
Or, il est rappelé que par application de l’article 954 du code de procédure civile la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif.
La cour rappelle également que pour motiver la mesure de licenciement l’employeur doit prouver que les absences répétées ou prolongées du salarié ont causé une perturbation dans le fonctionnement normal de l’entreprise et non pas uniquement dans l’organisation de son service, or les mails versés aux débats ne justifient nullement de la désorganisation dont il se prévaut et notamment que les retards d’installation de matériel soient exclusivement dus à l’absence de M. [G].
Il n’est pas démontré que la prise en charge des missions par les collègues de son service les ait mis en difficulté, notamment par la nécessité d’assurer des heures supplémentaires très importantes, les trois demandes de dérogation de travail de ses deux collègues à l’occasion des showroom, présentées par l’employeur étant insuffisantes sur ce point, pas plus qu’il n’est justifié de l’impossibilité pour l’employeur de recourir à d’autres solutions de remplacement que le recrutement d’un nouveau salarié en contrat à durée indéterminée. A cet, égard, il est encore constaté que le nouveau contrat signé avec M. [X] [V] afin de remplacer l’appelant ne l’a été que le 2 mai 2018, soit 4 mois après le licenciement de l’appelant ce qui permet de relativiser l’urgence qu’il y avait de procéder à son remplacement et ce qui démontre l’existence de solutions en interne pour assurer ses missions pendant au moins 4 mois.
Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu’il a dit que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse.
A défaut pour l’employeur de démontrer que le licenciement du salarié était justifié par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, le licenciement du salarié, fondé sur son état de santé doit en principe être considéré comme nul, toutefois M. [G] n’invoque pas cette nullité.
En application de l’article L.1235-3 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n°2018-217 du 29 mars 2018, si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l’une ou l’autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés par un barème soit en l’espèce pour une ancienneté de plus de 3 années entre 3 et 4 mois de salaire.
Eu égard à l’âge de M. [G] lors de la rupture du contrat de travail, au vu de ses fiches de paye produites aux débats il lui sera alloué par infirmation du jugement déféré une indemnité de 10.500 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Conformément aux dispositions de l’article L1235-4 du code du travail, il y a lieu, d’ordonner d’office le remboursement par l’employeur à Pôle Emploi des indemnités de chômage éventuellement versées à M. [B] [G] dans la limite de six mois d’indemnités.
Sur l’indemnité pour circonstances vexatoires du licenciement
C’est à juste titre que l’employeur soutient que ce chef de préjudice n’est pas expressément critiqué dans l’acte d’appel, de sorte que cette demande n’a pas été dévolue à la cour qui n’en est pas saisie. Le jugement déféré est confirmé sur ce point.
Sur les autres dispositions
Partie perdante la société Balmain est condamnée aux dépens d’appel et à verser à M. [G] une somme de 2.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.