Harcèlement moral au Travail : 21 février 2023 Cour d’appel de Nîmes RG n° 22/03190

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Harcèlement moral au Travail : 21 février 2023 Cour d’appel de Nîmes RG n° 22/03190
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 22/03190 – N° Portalis DBVH-V-B7G-ISP5

YRD/JL

CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE D’AVIGNON

19 septembre 2022 RG :22/00029

[U]

C/

S.A.S. CBA INFORMATIQUE LIBERALE

Grosse délivrée le 21 février 2023 à :

– Me Philippe PERICCHI

– Me Olivier BAGLIO

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH

ARRÊT DU 21 FEVRIER 2023

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’AVIGNON en date du 19 Septembre 2022, N°22/00029

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, a entendu les plaidoiries, en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président,

Madame Evelyne MARTIN, Conseillère,

Madame Leïla REMILI, Conseillère.

GREFFIER :

Monsieur Julian LAUNAY-BESTOSO, Greffier à la 5ème chambre sociale, lors des débats et du prononcé de la décision.

DÉBATS :

A l’audience publique du 18 Janvier 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 21 Février 2023.

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.

APPELANTE :

Madame [E] [U]

née le 13 Juillet 1985 à [Localité 3] (56)

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Philippe PERICCHI de la SELARL AVOUEPERICCHI, avocat au barreau de NIMES

INTIMÉE :

S.A.S. CBA INFORMATIQUE LIBERALE La société CBA INFORMATIQUE LIBERALE est spécialisée dans la production et l’édition de logiciels informatiques, de conseil et d’audit à destination d’une clientèle relevant du secteur médical.

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Olivier BAGLIO de la SCP BAGLIO-ROIG-ALLIAUME-BLANCO, avocat au barreau D’AVIGNON

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 21 Février 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour.

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS

Mme [E] [U], engagée par la société CBA Informatique Libérale à compter du 1er février 2021 selon contrat de travail à durée indéterminée, en qualité de directrice marketing, communication et commerce, a exercé son droit de retrait le 13 juin 2022 et, a saisi le conseil de prud’hommes de Nîmes en sa formation de référé le 7 juillet 2022 aux fins de voir condamner son employeur à lui verser diverses sommes à titre de rappel de salaire pour les mois de juin, juillet et août 2022.

Par ordonnance de référé du 19 septembre 2022, le conseil de prud’hommes d’Avignon a :

– dit que ce litige relève de la formation de référé,

– dit qu’il n’y a pas de troubles manifestement illicites,

– dit qu’il n’y pas d’obligation juridiquement incontestable,

– s’est déclaré incompétent sur la demande de motif raisonnable justifiant son droit de retrait,

– renvoyé Mme [E] [U] à mieux se pouvoir sur le fond sur cette demande,

– débouté Mme [E] [U] du surplus de ses demandes,

– débouté les parties de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné Mme [E] [U] aux entiers dépens.

Par acte du 3 octobre 2022, Mme [U] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 13 janvier 2023, Mme [E] [U] demande à la cour de :

– infirmer l’ordonnance rendue le 19 septembre 2022 par le conseil de prud’hommes d’Avignon, dont appel a été interjeté sur les chefs de jugement suivants :

‘ * dit qu’il n’y a pas de troubles manifestement illicites,

* dit qu’il n’y pas d’obligation juridiquement incontestable,

* se déclare incompétent sur la demande de motif raisonnable justifiant son droit de retrait,

* renvoie Mme [E] [U] à mieux à se pouvoir sur le fond sur cette demande,

* déboute Mme [E] [U] du surplus de ses demandes,

* déboute les parties de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

* condamne Mme [E] [U] aux entiers dépens.’

Statuant à nouveau

– la dire et juger recevable et bien fondée en son appel et en ses demandes;

– la dire et juger recevable et bien fondée en ses demandes provisionnelles;

– constater le trouble manifestement illicite causé par la discrimination causée du fait de la maternité de l’appelante

– constater le trouble manifestement illicite causé par les faits de harcèlement moral subis par l’appelante

– constater le trouble manifestement illicite causé par la sanction pécuniaire du mois d’octobre 2021;

– constater le trouble manifestement illicite causé par l’absence d’inspection diligentée après l’exercice du droit de retrait par la salariée

– constater le trouble manifestement illicite causé par le non paiement du salaire en l’absence d’inspection sur les mois de juin à septembre 2022

– constater le trouble manifestement illicite causé par l’absence de fourniture de travail conforme au contrat de travail suite à la reprise

– constater l’existence d’une obligation juridiquement incontestable

En conséquence,

– condamner la société CBA Informatique Libérale à lui verser les sommes provisionnelles suivantes :

‘ Au titre de la sanction pécuniaire illicite du mois d’octobre 2021: 3.036,80 euros

‘ Au titre du solde du salaire du mois de juin: 4.000,00 euros

‘ Au titre des congés payés afférents: 923,07 euros

‘ Au titre du salaire du mois de juillet: 9.230,77 euros

‘ Au titre des congés payés afférents: 923,07 euros

‘ Au titre du salaire du mois d’août: 9.230,77 euros

‘ Au titre des congés payés afférents: 923,07 euros

‘ Au titre du salaire du mois de septembre: 9.230,77 euros

‘ Au titre des congés payés afférents: 923,07 euros

Au titre d’une provision sur les dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité: 10.000,00 euros

‘ Au titre d’une provision sur les dommages et intérêts exécution de mauvaise foi du contrat de travail: 10.000,00 euros;

‘ condamner la société CBA Informatique Libérale à lui verser la somme de 3.000,00 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Elle soutient que :

– après avoir annoncé son état de grossesse et avoir accouché prématurément de deux jumeaux, son employeur n’a cessé de la dénigrer et de détériorer ses conditions de travail, elle constatait à son retour qu’elle avait d’ores et déjà été remplacée, après avoir informé l’inspection du travail et le médecin du travail de ses conditions, elle a exercé son droit de retrait, or son salaire ne lui était plus versé,

– la société CBA Informatique Libérale s’est rendue responsable d’un trouble manifestement illicite qu’il appartient au juge des référés de faire cesser car contrairement à ses obligations, l’employeur a refusé de procéder à une inspection et refusait de procéder au paiement de ses salaires,

– elle est en droit d’exiger le versement de ses salaires

En l’état de ses dernières écritures en date du 9 janvier 2023, contenant appel incident, la SAS CBA Informatique Libérale a sollicité la confirmation de l’ordonnance de référé et la condamnation de Mme [E] [U] au paiement de la somme de 3000,00 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’à supporter les entiers dépens.

Elle fait valoir que :

– l’appelante ne justifie pas qu’elle a été exposée entre le 23 mai 2022 et le 13 juin 2022 à une

situation de travail dont elle avait un motif raisonnable de penser qu’elle présentait un danger

grave et imminent pour sa vie ou sa santé,

– le procès-verbal de réunion du CSE du 10 août 2022 et le rapport de la commission d’enquête confirment qu’aucun fait susceptible de constituer un harcèlement moral ou une discrimination n’a été relevé par la commission après enquête et audition des collaborateurs,

– elle n’a jamais été saisie par un représentant du personnel d’une situation de danger grave et imminent, le CSE a confirmé lors d’une réunion du 4 août 2022 ne pas souhaiter user de la faculté offerte par l’article L.4131-2 du code du travail considérant que les faits dénoncés par la salariée ne relevaient pas d’une telle procédure.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.

Par avis de fixation à bref délai en date du 3 octobre 2022, l’affaire a été fixée à l’audience du 18 janvier 2023.

MOTIFS

Sur l’irrecevabilité des demandes nouvelles en appel

Mme [U] sollicite pour la première fois en cause d’appel la somme provisionnelle de 3.036,80 euros au titre de la sanction pécuniaire illicite du mois d’octobre 2021.

La cour a informé les parties préalablement à l’audience qu’elle entendait soulever d’office l’irrecevabilité de cette demande en application des dispositions de l’article 564 du code de procédure civile.

Les parties n’ont formulé aucune observation sur ce point.

En effet, faute pour Mme [U] d’avoir présenté cette prétention devant les premiers juges, cette demande est irrecevable en appel.

Sur l’exercice du droit de retrait

Aux termes de l’article R1455-5 du code du travail :

« Dans tous les cas d’urgence, la formation de référé peut, dans la limite de la compétence des

conseils de prud’hommes, ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend. »

L’article R1455-6 poursuit :

« La formation de référé peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent pour prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite. »

Enfin l’article R1455-7 prévoit que : « Dans le cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, la formation de référé peut accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire. »

Mme [E] [U] soutient qu’elle a été confrontée à un danger grave et imminent et que la retenue opérée sur ses salaires constitue un trouble manifestement illicite.

Il convient de relever que par courrier du 13 octobre 2022 Mme [E] [U] a fait l’objet d’une procédure de licenciement pour faute avec un préavis de 3 mois expirant le 17 janvier 2023.

Mme [E] [U] invoque la légitimité de son droit de retrait et soutient que l’employeur était tenu de lui régler son salaire.

Selon l’article L4131-1 du code du travail : « Le travailleur alerte immédiatement l’employeur de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu’il constate dans les systèmes de protection.

Il peut se retirer d’une telle situation.

L’employeur ne peut demander au travailleur qui a fait usage de son droit de retrait de reprendre son activité dans une situation de travail où persiste un danger grave et imminent résultant notamment d’une défectuosité du système de protection. »

L’article L4131-3 précise : « Aucune sanction, aucune retenue de salaire ne peut être prise à l’encontre d’un travailleur ou d’un groupe de travailleurs qui se sont retirés d’une situation de travail dont ils avaient un motif raisonnable de penser qu’elle présentait un danger grave et imminent pour la vie ou pour la santé de chacun d’eux. »

L’article L4132-5 poursuit : «L’employeur prend les mesures et donne les instructions nécessaires pour permettre aux travailleurs, en cas de danger grave et imminent, d’arrêter leur activité et de se mettre en sécurité en quittant immédiatement le lieu de travail.»

Il incombe donc à Mme [E] [U] de démontrer qu’elle était confrontée à une situation présentant un danger grave et imminent pour sa vie ou pour sa santé. Ce n’est que si l’existence d’un danger grave et imminent est rapportée que l’employeur doit prendre les mesures préconisées par le dernier de ce texte.

Mme [E] [U] a exercé son droit de retrait par courrier du 12 juin 2022 rédigé en ces termes:

« le fondement de l’article 4131-1 du code du travail, je vous informe me voir contrainte d’exercer mon droit de retrait en raison des conditions de travail délétères que je vis depuis la fin de mon congé maternité et la reprise de mon poste de travail qui s’avère impossible de votre faute.

L’élément déclencheur de ce retrait est l’entretien improvisé que nous avons eu le mardi 07 juin 2022 au matin, dans votre bureau, à votre demande expresse et lors duquel vous m’avez, je vous cite :

– signifié que vous étiez en colère et que vous en aviez marre de cette situation

– demander que cesse cette comédie le plus vite possible,

– que je vous pourrissais la vie,

– que vous aviez 8 semaines à tenir et qu’après vous me pourriez me licencier,

– que j’allais perdre 2 ans de ma vie à attendre un procès lors duquel je toucherai une somme anecdotique.

Vous avez donc admis jouer la comédie de m’avoir redonné mon poste suite à mon congé maternité, tout en me mettant une forme de pression pour que je vous trouve une solution à votre problème. Cela vient valider l’ensemble des éléments que j’ai pu collecter depuis mon retour le 23 mai 2022 et qui m’ont poussé le 30 mai à faire une seconde alerte auprès de l’inspection du travail et de la médecine du travail.

Les éléments sont les suivants (liste d’éléments et preuves non exhaustive mais suffisante) :

Mon poste est occupée par Mme [L] [A] : contrairement à vos obligations, je n’ai pas retrouvé mon emploi, ni mes prérogatives. Mon poste est occupée par une salariée, Mme [A] dont j’ai pu observer le recrutement durant mon congé maternité, à un poste présenté comme celui de «Directrice de l’expérience client” appellation trompeuse créée spécifiquement pour elle.

L’étude de son CV permet de constater qu’en réalité, son expérience est axée uniquement sur le marketing et le commerce.

Durant un CODIR vous l’avez-vous-même présenté comme responsable de la Hotline, or, [P] [I], gérant de la Hotline m’a affirmé vous reporter.

Etc’.les preuves en ma possession ne manquent pas.

Vous avez demandé aux équipes de mentir : Vous avez demandé aux équipes « commerce/marketting et produit » de ne pas m’informer du poste de Mme [A], de cacher sur leur agenda les réunions intégrant Mme [A] et de ne pas me solliciter, mais aussi de me cacher les éléments de stratégie et les évolutions produits.

Mon agenda est vide, aucune demande de la part de mes équipes, aucun point, aucun reporting, je sens le malaise ne serait-ce que de me croiser dans les couloirs. Je n’ai aucun éléments pour travailler avec elles. Elles ne me parlent pas du nouveau produit pour les KINE, elles ne me disent pas en quoi consiste leur déplacements, ni leur jours de formations, sur quoi elles travaillent’etc..

Vous avez vidé mon poste de toute substance et constance : vous me cantonnez à une mission de sur le lancement d’une solution pour les psychologues en me demandant de faire une campagne de sondages téléphoniques seule dans mon coin et de ne vous reporter qu’à vous. En parallèle, vous me faites des remarques quant à mes demandes de contacts avec les responsables « commerce/marketing/produits/infra ».

Vous m’avez demandé de laisser les salariés placés sous mon autorité tranquilles, de ne pas les déranger.

Vous avez fait en sorte de me rendre responsable de la situation : Vous avez fait courir des bruits de couloir disant que je réclamais plus « d’un demi-million d’euro » pour quitter la société’ce qui est évidement faux.

Cela afin de faire en sorte que les salariés se retournent contre moi en me considérant comme étant l’autrice de ce climat de tension persistant.

Vous continuez à me harceler : en me retirant l’avante de la crèche d’entreprise PIC & PIC pour laquelle mes 3 enfants étaient inscrits pour la rentrée de septembre 2022, et ce depuis le mois de septembre 2021. Vous vérifiez ou faites vérifiez mes horaires de travail, vous avez limiter mes accès aux outils et m’avez forcé à insister pour les obtenir auprès du service informatique; vous m’avez exclue des mails communs de la société, vous avez vider mon bureau du mobilier disposé avant mon départ en congé maternité, rendant celui-ci froid et bruyant, enlevant toute confidentialité des échanges etc…

Dans ces conditions, vous créez délibérément autour de moi un climat de tension, de défiance et de méfiance totale à mon égard dans nos locaux, les membres de l’équipe craignant de m’adresser la parole par peur de perdre leur poste. Ils ne savent pas ce qu’ils peuvent dire ou ne pas dire et préfèrent donc m’éviter.

Je suis sous le choc, épuisée alors même que vous m’avez déjà fait vivre l’enfer pendant ma période de congé maternité, protégée par la loi.

Vu mon état de stress et de santé psychique, et le risque d’altération grave de mon état de santé par le climat créé, je me vois contrainte d’exercer mon droit de retrait.

Il vous appartient de me rétablir dans mes droits et prérogatives et me fournir des missions conformes à mon contrat de travail.

J’adresse la copie de la présente à la Médecine du Travail ainsi qu’à Monsieur [J] [C], Inspecteur du Travail déjà saisi des faits….»

La simple lecture de ce courrier ne laisse pas transparaître l’existence d’un danger grave et imminent, Mme [E] [U] se plaignant, à tort ou à raison, d’avoir été remplacée, au moins pour partie, dans ses attributions par Mme [A].

Elle fait valoir que le 29 novembre 2021, la société a bloqué sa messagerie professionnelle et qu’elle n’avait plus aucun accès aux outils extranet de l’entreprise, désormais inaccessibles. Or elle se trouvait alors en congé maternité, le contrat de travail étant suspendu.

Elle se plaint d’avoir reçu le même jour, 29 novembre 2021, un avertissement rédigé en des termes absolument déstabilisants emplis de reproches injustifiés. Outre que cet avertissement n’a pas été judiciairement contesté, il est intervenu sept mois avant l’exercice du droit de retrait et ne peut justifier celui-ci.

Elle invoque, pour la première fois en cause d’appel, une sanction pécuniaire infligée au mois d’octobre 2021, dès le début du congé maternité, dont l’ancienneté, à supposer même qu’elle soit avérée, ne pouvait justifier un droit de retrait huit mois plus tard.

Elle déplore, sans produire le moindre élément, que la directrice de la société, Mme [H], lui aurait reproché son état de grossesse.

Le second avertissement du 17 décembre 2021, lui reprochant d’avoir contacté la Responsable

Commerciale afin de lui demander un point sur les résultats commerciaux n’a pas été davantage contesté et ne peut tout aussi légitimer l’exercice d’un droit de retrait six mois plus tard.

Sur son remplacement par Mme [A], Mme [E] [U] n’émet que des hypothèses alors qu’il n’est pas établi que Mme [A] ait été recrutée sur le poste qu’elle occupait.

La société intimée rétorque que Mme [A] a été embauchée au poste de Directrice de l’expérience clients et qu’elle n’occupe pas le poste de l’appelante précisant que les équipes marketing et commerciale dépendaient d’elle.

En tout état de cause, la nomination de Mme [A] au poste qui est le sien ne pouvait s’assimiler à un danger grave et imminent pour l’appelante.

Sur le comportement de ses collègues, outre que Mme [E] [U] ne produit aucune pièce, la société intimée produit les attestations des collègues de l’appelante qui pointent l’interrogatoire intrusif de Mme [E] [U] sur l’organisation du service et le rôle de Mme [A], ces collaborateurs évoquant une certaine gêne due à ces questionnements. L’employeur produit des pièces démontrant que Mme [E] [U] a repris contact avec ses collaborateurs à son retour.

Dès le 9 juin 2022 elle a pu assister à des réunions avec le service marketing.

C’est par pure affirmation que Mme [E] [U] déclare que «Ses collègues de travail lui avouaient avoir été l’objet de pressions tendant à lui mentir sur les réelles missions de Madame [L] [A] et à cacher sur leur agenda les réunions intégrant Madame [A]».

Mme [E] [U] soutient tout aussi vainement que son agenda était vide, aucune demande ne lui était adressée de la part de ses équipes, elle ne recevait plus de compte rendu, de reporting, de points de la part de ses équipes, les salariés précédemment placés sous son autorité ne l’informaient plus, à la demande de la Direction, des nouveaux produits, notamment celui pour les kiné, ne justifiaient pas du sens de leur déplacement, ne l’informaient pas de leurs jours de formation ; [L] [A] et les responsables commerce et marketing masquaient leur agenda pour tenter de masquer des réunion communes.

L’employeur lui a pourtant répondu le 15 juin 2022 : « Pour autant la mission qui vous a été confiée [ étude sur l’intérêt de développer un logiciel à destination des psychologues] fait partie intégrante de vos fonctions de Directrice Marketing & Commerciale et des enjeux stratégiques de développement de l’entreprise. Vous avez récupéré l’ensemble de vos accès (Power BI, SharePoint marketing, Teams, mail, etc..) vous permettant donc de mener à bien correctement vos missions. Vous avez également participé au Comité opérationnel du 30 mai 2022 et avez été invitée à participer au CODIR Stratégique du 13 juin 2022 comme l’ensemble des membres de la Direction».( cf : Compte rendu du Comité opérationnel du 30 mai 2022 ; Invitation au Comité du 13 juin 2022)

Concernant le placement de ses enfants inscrits pour la rentrée du mois de septembre 2022 au sein de la crèche d’entreprise PIC & PIC, ce qui ne saurait justifier un droit de retrait, l’employeur répondait à Mme [U] le 15 juin 2022 «Vous prétendez être harcelée, quant bien même vos enfants sont toujours accueillis sur la structure PIC & PIC et seront accueillis sur une autre structure de CBA à la rentrée 2022. Votre avantage de la crèche ne vous ai donc nullement retiré puisque CBA financera les berceaux de vos 3 enfants également en septembre….»

Suite au signalement de Mme [E] [U] le CSE a été saisi et a décidé une mesure d’enquête. Les conclusions de cette mesure figurent dans le procès-verbal du 10 août 2022 : « ll est pris acte que la commission conclut au regard des auditions menées et éléments factuels récoltés que Madame [E] [U] n’a pas subit de harcélement, ni de discrimination émanant de Mme [D] [M] et plus généralement de la société CBA».

L’enquête a en effet relevé :

« – Conclusions des auditions :

Concernant la reprise de poste suite au congé maternité de Mme [E] [U]. Il apparaît d’une part que les équipes ont été mises au courant de son retour par l’intermédiaire de Mme [O] [B], Directrice des Ressources Humaines. D’autre part, chacune des personnes auditées a confirmé que Mme [E] [U] avait bien retrouvé son poste de Directrice Marketing, Commerce et Communication avec une nouvelle mission qui était d’étudier le marché des psychologues.

ll est établi, toujours selon les personnes auditées que, Mme [L] [A], directrice de l’expérience client, a pris quelques missions pour le service Marketing et Communication pendant le congé maternité de Mme [E] [U] et s’est effacée a son retour. Ceci dans le but que les affaires courantes soient gérées pendant son absence.

A la reprise de Mme [E] [U], une réunion de service avec les membres présents du marketing a eu lieu. A chacun d’évoquer les sujets sur lesquels ils travaillent a ce moment-la. Plusieurs personnes auditées ont confirmé avoir eu un entretien en tête a tête avec Mme [E] [U]. Néanmoins la commission trouve quand même troublant que l’on ait demandé aux équipes marketing d’effectuer 3 jours de télétravail par semaine à partir du retour de leur responsable.

Même si cela reste quand même une pratique courante à CBA depuis le COVID et ce, quel que soit le service.

Concernant les places en crèche pour les enfants de Mme [E] [U]. CBA a des berceaux dans trois crèches différentes qui dépendent de la société People & Baby. Mme [D] [H] nous a confirmé que la demande de Mme [E] [U], pour ses trois enfants, a été acceptée comme pour n’importe quel salarié de CBA. Néanmoins l’attribution des berceaux dans telle ou telle structure est gérée par la direction régionale de People & Baby, sans aucune distinction de statut entre tel ou tel salarié. La direction de People & Baby a proposé de mettre les trois enfants au même endroit, à la crèche des petits loups qui avaient trois places disponibles. Ce qui nous a été confirmé par Mme [E] [U] lors de son audition.

La commission confirme que Mme [E] [U] a retrouvé pleinement l’accès à ses dossiers et aux locaux de CBA, même s’il a fallu plusieurs jours au service infrastructure de CBA pour effectuer ces opérations. Information confirmée par Mme [E] [U] lors de son audition.

Enfin il est d’usage à CBA, d’emprunter le matériel (chaise, écran, clavier…) des bureaux inoccupés.

Celui de Mme [E] [U] n’a pas fait exception comme le confirme la direction.

– Conclusions de la commission :

(…)

Le contexte compliqué d’une grossesse gémellaire ayant occasionné la naissance d’enfants prématurés. La réception par Mme [E] [U], pendant son congé maternité, d’un courrier d’avertissement de la part de la direction de CBA, après presque 3 mois d’absence. Courrier contesté avec assignation de CBA aux Prud’hommes. Tous ces éléments font que la commission comprend la difficulté d’une reprise de poste dans ces conditions. Il a d’ailleurs été établi entre la direction de CBA et Mme [E] [U] que cette reprise devait être progressive.

Certaines personnes auditées ont indiqué à la commission avoir pu constater qu’un sentiment de malaise était présent avec le retour de Mme [E] [U]. Selon elles cela viendrait d’un problème relationnel entre Mme [E] [U] et Mme [D] [H], directrice de CBA. Néanmoins aucun des collaborateurs audités n’a constaté que Mme [E] [U] avait subi des actes de harcèlement ou de discrimination.

La commission note que même si cela a été long et fastidieux, Mme [E] [U] a bien retrouvé son matériel, ses accès à la société ainsi qu’aux différents outils informatiques, ses fonctions de directrice marketing commerce et communication, ainsi que ses avantages dont la crèche.

Se basant sur les témoignages des personnes auditées ainsi que sur les éléments factuels portés à sa connaissance, la commission conclut qu’il n’y a, a ses yeux, ni de harcèlement, ni discrimination de la part de Mme [D] [H] et CBA, envers Mme [E] [U]. La commission d’enquête prend FIN»

L’inspecteur du travail saisi par Mme [E] [U] après avoir mis en demeure la société employeur de respecter ses obligations écrivait à ce dernier le 8 août 2022 « j’ai bien pris connaissance du PV de la réunion du CSE extraordinaire du 4 août 2022 que vous me transmettez. Je prends note du fait que les membres du CSE ont bien été destinataires du courrier de la salariée mais ont considéré que les éléments évoqués à l’appui de son droit d’alerte et de son droit de retrait ne relevaient pas de la procédure spécifique prévue à l’article L.41312 du Code du travail et que de façon unanime ils ne souhaitent pas enclencher la procédure prévue par cet article. Je vous confirme donc qu’il n’y a pas lieu de procéder à l’enquête prévue à l’article L 4132-2 du Code du travail….»

Il résulte de tout ce qui précède que Mme [E] [U] échoue à établir qu’elle avait un motif raisonnable de penser qu’elle était exposée à un danger grave et imminent le 12 juin 2022 en sorte que ses demandes ne peuvent prospérer en référé.

Sur les autres demandes

Les demandes en paiement de provisions sur les dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité et pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail qui se heurtent à une contestation sérieuse ne peuvent davantage aboutir.

En effet, Mme [U] ne caractérise aucun manquement de la part de son employeur à son obligation de sécurité, les résultats d’enquête rappelés ci-avant excluent tout harcèlement moral et toute discrimination.

Par ailleurs, il n’est pas établi, devant la formation de référé, que l’employeur n’ait pas exécuté de bonne foi le contrat de travail, les reproches exprimés par la salariée relevant d’une appréciation que seul le juge du fond peut apporter.

L’ordonnance déférée mérite confirmation.

 

 


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