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ARRÊT DU
21 FEVRIER 2023
NE/CO*
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N° RG 21/00775 –
N° Portalis DBVO-V-B7F-C5NK
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[G] [U]
C/
SA ETABLISSEMENTS [L][U]
———————–
Grosse délivrée
le :
à
ARRÊT n° 23 /2023
COUR D’APPEL D’AGEN
Chambre Sociale
Prononcé par mise à disposition au greffe de la cour d’appel d’Agen conformément au second alinéa des articles 450 et 453 du code de procédure civile le vingt et un février deux mille vingt trois par Nelly EMIN, conseiller faisant fonction de président de chambre assistée de Chloé ORRIERE, greffier
La COUR d’APPEL D’AGEN, CHAMBRE SOCIALE, dans l’affaire
ENTRE :
[G] [U]
demeurant [Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par Me Dominique FERAL SAINT GENIEST, avocat inscrit au barreau de TOULOUSE
APPELANT d’un jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de CAHORS en date du 06 juillet 2021 dans une affaire enregistrée au rôle sous le n° R.G. 20/00091
d’une part,
ET :
La SA ETABLISSEMENTS [L] [U] prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Philippe ISOUX, avocat inscrit au barreau de TOULOUSE
INTIMÉE
d’autre part,
A rendu l’arrêt contradictoire suivant après que la cause a été débattue et plaidée en audience publique le 13 décembre 2022 sans opposition des parties devant Nelly EMIN, conseiller faisant fonction de président de chambre et Pascale FOUQUET, conseiller, assistés de Nathalie CAILHETON, greffier. Les magistrats en ont, dans leur délibéré rendu compte à la cour composée, outre eux-mêmes, de Benjamin FAURE, conseiller, en application des dispositions des articles 945-1 et 805 du code de procédure civile et il en a été délibéré par les magistrats ci-dessus nommés, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l’arrêt serait rendu.
* *
*
FAITS ET PROCÉDURE
La SA Etablissements [U] est une entreprise familiale qui exerce à [Localité 3] depuis de nombreuses années une activité de fabrication de produits de confiserie.
La convention collective applicable est celle de l’alimentation : industries alimentaires diverses (5 branches).
M. [G] [U] est entré dans l’entreprise le 05 mai 1982 en qualité de salarié, sans contrat de travail écrit.
Il a été nommé directeur général sur décision du conseil d’administration, le 1er juillet 1991.
Il sera ensuite nommé Président du Conseil d’Administration et directeur général (PDG), en remplacement de Monsieur [H] [U], par décision du conseil d’administration du 29 juin 2005.
Par décision du conseil d’administration du 13 février 2017, M. [G] [U] a été révoqué de ses mandats de Président du Conseil d’Administration et de directeur général et remplacé par M. [T] [U], son cousin.
Le 23 janvier 2017, M. [G] [U] a été placé en arrêt maladie. Cet arrêt maladie a été renouvelé à plusieurs reprises.
Par courrier du 15 février 2017, M. [T] [U] et Mme [Z] [I], directeurs généraux et également cousine, rappelaient à M. [G] [U] que suite à sa révocation, son contrat de travail qui avait été suspendu du fait de sa nomination en qualité de directeur général avait repris ses effets à compter du 14 février 2017 et lui demandaient de cesser de se rendre dans l’entreprise jusqu’à la fin de ses arrêts maladie.
Lors de l’assemblée générale ordinaire du 26 janvier 2018, M. [G] [U] a été révoqué de son mandat d’administrateur.
Par courrier du 5 novembre 2018, M. [T] [U], en sa qualité de Président directeur général de la société, a informé M. [G] [U] qu’il ne pouvait plus utiliser le véhicule BMW jusque là mis à sa disposition en sa qualité d’administrateur, le contrat de leasing liant la SA Etablissement [U] au concessionnaire BMW arrivant à échéance le 1er décembre 2018. De même, il était mis fin aux forfaits de son téléphone mobile personnel. Enfin, il lui était rappelé qu’il ne pouvait se rendre dans les locaux de l’entreprise durant son arrêt maladie et indiqué que les serrures d’accès au bâtiment de la société avaient été changées pour des raisons de sécurité.
M. [G] [U] a saisi, en référé le conseil des prud’hommes de Montauban le 16 novembre 2018 pour solliciter la restitution d’un véhicule équivalent à celui qu’il utilisait précédemment sous astreinte de 100 euros par jour de retard, le versement d’une provision de 10000 euros et une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par ordonnance du 18 décembre 2018, la juridiction prud’homale s’est déclarée incompétente au profit du tribunal de commerce de Toulouse et a renvoyé l’affaire devant cette juridiction.
Le tribunal de commerce de Toulouse, par ordonnance du 4 juillet 2019 a constaté le désistement de M. [G] [U] de son instance contre la SA Etablissement [U].
Le 11 juin 2019, M. [G] [U] a passé une visite médicale de reprise à l’issue de laquelle le médecin du travail l’a déclaré apte en mentionnant : « à revoir dans 3 semaines ».
Il a été revu par le médecin du travail le 5 juillet 2019 qui l’a déclaré : « inapte au poste, apte à un autre poste : poste de directeur général ».
La SA Etablissement [U] lui a indiqué par lettre du 16 juillet 2019 qu’elle était dans l’incapacité de le reclasser.
Il a été convoqué par lettre recommandée avec accusé de réception du 17 juillet 2019 à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement fixé au 26 juillet 2019.
M. [G] [U] a été licencié par lettre recommandée du 20 août 2019 pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
M. [G] [U] a saisi le conseil des prud’hommes de Montauban par requête du 24 octobre 2019 en demande d’indemnisation de préjudices subis en raison des manquements de l’employeur dans le cadre de l’exécution du contrat de travail, pour voir juger son licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse, en contestation du montant de l’indemnité de licenciement perçue, en réparation du préjudice causé par le licenciement.
La SA Etablissement [U] a soulevé l’incompétence du conseil de prud’hommes de Montauban sur le fondement de l’article 47 du code de procédure civile au motif que M. [G] [U] exerçait des fonctions de juge consulaire auprès du tribunal de commerce de Montauban.
Par jugement du 10 avril 2020 le conseil de prud’hommes de Montauban a ordonné le renvoi de l’affaire devant le conseil de prud’hommes de Cahors.
Devant le conseil de prud’hommes de Cahors, M. [G] [U] a demandé la condamnation de la SA Etablissement [U] au paiement des sommes suivantes :
‘ rappel de salaire au titre du complément maladie : 21 446,89 € et congés payés afférents 2 144,68 €
‘ rappel de salaire pour le mois d’août 2019 : 4956,17 € majorés de 495,61 € de congés payés afférents.
‘ dommages-intérêts liés au préjudice subi du fait de la suppression de l’avantage en nature durant l’exécution du contrat de travail : 9 986,40 €
‘ dommages-intérêts pour non-respect des obligations contractuelles : 10 000 €
‘ dommages-intérêts au titre du préjudice moral : 100 000 €
‘ complément d’indemnité de licenciement : 214.533,52 €
‘ indemnité compensatrice de préavis : 40.068,25 €
‘ congés payés afférents : 4.006,83 €
‘ dommages-intérêts pour licenciement nul subsidiairement sans cause réelle et sérieuse : 480.821,04 €
‘ dommages-intérêts pour privation de l’avantage véhicule : 39 945,60 €
‘ préjudice lié à la minoration de rente (article 83) : 93 070,60 €
‘ perte de droits à la retraite : 338 754 €
‘ indemnisation liée au brevet Liquicroc : 100 000 €
‘ article 700 du code de procédure civile : 5000 €
Par jugement du 6 juillet 2021, le conseil de prud’hommes de Cahors a :
– déclaré que le contrat de travail de M. [G] [U] avait été suspendu pendant la durée de ses mandats sociaux du 1er juillet 1991 au 13 février 2017,
– déclaré qu’au 14 février 2017 les établissements [U] n’ont pas respecté la convention collective des industries alimentaires diverses (5 branches) en réintégrant Monsieur [G] [U] dans un emploi salarié de chef de service classée en N8E1, doivent reclasser M. [G] [U] dans un emploi salarié de chef de service classée en N9E1 avec un salaire de référence mensuel brut de 5 114 € (base 1er janvier 2019),
– déclaré que le licenciement pour inaptitude médicale de M. [G] [U] reposait sur une cause réelle et sérieuse,
– condamné les Etablissements [U] à verser à M. [G] [U] :
– 21 446,89 € au titre du complément de salaire durant l’arrêt maladie, soit 6 mois à 100% et 6 mois à 85% calculé sur la différence entre le salaire de référence à appliquer et le salaire versé,
– 2144,68 € à titre de congés payés afférents au complément de salaire durant l’arrêt maladie,
– 2005 € au titre du rappel de salaire pour le mois d’août 2019,
– 200,05 € de congés payés afférents au rappel de salaire d’août 2019,
– 5114 € au titre du non-respect de la convention collective des industries alimentaires diverses (5 branches) soit un mois de salaire,
– 2 965,50 € de rappel d’indemnités de licenciement, en recalculant l’indemnité sur la base d’un salaire mensuel brut de 5 114 € avec une ancienneté de 11,75 ans, en déduisant les 25 877,46 € déjà versés,
– 1 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté M. [G] [U] de ses demandes de dommages et intérêts de :
– 9 986,40 € liés au préjudice subi du fait de la suppression de l’avantage en nature véhicule,
– 39 945,60 € pour privation de l’avantage véhicule,
– 480.821,04 € pour licenciement nul, subsidiairement sans cause réelle et sérieuse,
– 93 070,60 € préjudice lié à la minoration de la rente (article 83),
– 338 754, € de perte de droits à la retraite,
– 100 000 € pour le harcèlement moral,
– déclaré que la demande de 100 000 € de dommages et intérêts portant sur le brevet Liquicroc n’entre pas dans le champ de compétence du conseil de prud’hommes de Cahors mais est de la compétence du tribunal judiciaire,
– débouté les Etablissements [U] de leur demande de 5000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné les Etablissements [U] aux dépens.
M. [G] [U] a interjeté appel de ce jugement par déclaration au greffe du 23 juillet 2021, en visant les chefs expressément critiqués.
La procédure de mise en état a été clôturée par ordonnance du 17 novembre 2022.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
I. Moyens et prétentions de Monsieur [G] [U] , appelant principal et intimé sur appel incident
Selon dernières écritures enregistrées au greffe de la cour le 12 avril 2022, expressément visées pour plus ample exposé des moyens et prétentions de l’appelant, M. [G] [U] demande à la Cour de :
– dire et juger recevable et bien fondé son appel formé à l’encontre du jugement rendu par le conseil de Prud’hommes de Cahors le 6 juillet 2021.
– débouter la société Etablissements [U] de son appel incident.
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société Etablissements [U] au paiement des sommes suivantes :
– 21 446,89 € au titre du rappel de complément de salaire durant l’arrêt maladie
– 2 144,68 € de congés payés afférents
-1 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile
– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
– jugé qu’il devait être reclassé dans un emploi de chef de service classé en N9E1 avec un salaire de référence de 5 114 € brut
– jugé que le licenciement pour inaptitude médicale était fondé sur une cause réelle et sérieuse.
– limité à 2 965,50 € le rappel d’indemnité de licenciement au motif que son contrat de travail avait été suspendu pendant la durée de ses mandats sociaux du 1er juillet 1991 au 13 février 2017
– limité à 2 005 € le montant du rappel de salaire réclamé pour le mois d’août 2019 et à 200,05 € les congés payés afférents.
– limité à 5 114 € les dommages et intérêts pour non-respect de la convention collective applicable.
– l’a débouté de ses demandes de dommages et intérêts suivantes :
o 9 986,40 € liés au préjudice subi du fait de la suppression de l’avantage en nature véhicule,
o 39 945,60 € pour privation de l’avantage véhicule
o 480 821,04 € pour licenciement nul, subsidiairement sans cause réelle et sérieuse,
o 93 070,60 € pour le préjudice lié à la minoration de rente (article 83),
o 338 754 € de perte de droits à la retraite
o 100 000 € pour harcèlement moral
– dire et juger que la société établissements [U] a manqué à ses obligations contractuelles à son égard durant l’exécution de son contrat de travail
– dire et juger qu’il a été victime de faits de harcèlement moral de la part de son employeur.
– condamner en conséquence la société établissements [U] au paiement des sommes suivantes :
‘ rappel de salaire pour le mois d’août 2019 : 4 956,17 € majorés de 495,61 € de congés payés afférents.
‘ dommages-intérêts liés au préjudice subi du fait de la suppression de l’avantage en nature véhicule : 9986,40 €
‘ préjudice lié à l’absence de cotisations au contrat de retraite AG2R La Mondiale après le mois de février 2017 : 41 256,04 €.
‘ dommages-intérêts pour non-respect des obligations contractuelles 10 000 €
‘ dommages-intérêts au titre du préjudice subi du fait du harcèlement moral : 100 000 €
– dire et juger que la société établissements [U] ne lui a pas réglé le montant de l’indemnité de licenciement à laquelle il avait droit au regard de son ancienneté résultant de la présomption de reprise d’ancienneté liée aux mentions figurant sur ses bulletins de salaire et au montant du salaire qui devait être retenu pour le calcul de ladite indemnité.
– dire et juger que l’indemnité de licenciement devait être calculée sur la base d’une ancienneté de 34 ans et 10 mois et en se référant à un salaire mensuel brut de 13 356,14 € et subsidiairement de 9 625,55 euros.
– condamner la société établissements [U] à lui payer un rappel d’indemnité de licenciement d’un montant de 214 533,52 €.
A titre subsidiaire et si la Cour retient une ancienneté de 25 ans et 11 mois condamner la société Etablissements [U] à payer une indemnité de licenciement de 172 871,72 € et à titre encore plus subsidiaire de 164 332,89 €.
– dire et juger que le licenciement dont il a fait l’objet est nul voire sans cause réelle et sérieuse.
– condamner la société Etablissements [U] à l’indemniser de l’ensemble des préjudices subis et la condamner au paiement des sommes suivantes :
‘ indemnité compensatrice de préavis : 40.068,25 €
‘ congés payés afférents : 4.006,83 €
‘ dommages-intérêts pour licenciement nul subsidiairement sans cause réelle et sérieuse : 480.821,04 €
‘ dommages-intérêts pour privation de l’avantage véhicule : 39 945,60 €
‘ préjudice lié à la minoration de rente (article 83) : 93 070,60 €
‘ perte de droits à la retraite : 338 754 €
‘ article 700 du code de procédure civile : 5000 €
– condamner la société Etablissements [U] aux dépens.
Au soutien de ses prétentions, il fait valoir :
– le jugement du conseil des prud’hommes de Cahors est critiquable en ce qu’il contient de graves inexactitudes, y compris dans le rappel des faits, et dans la motivation retenue,
Sur l’ancienneté qui doit être prise en compte pour le calcul de son indemnité de licenciement :
– il y a une présomption de reprise d’ancienneté liée aux mentions portées par l’employeur sur les bulletins de salaire,
– les renseignements qui ont été portés sur les bulletins de salaire sont la conséquence d’un calcul très précis de la part de l’employeur et traduisent sa volonté de reconnaître en sa faveur une ancienneté de 34 ans et 10 mois et ce sans équivoque possible : l’indication du 14 février 2017 correspond à la date à laquelle, selon l’employeur, son contrat de travail a repris effet après une période de suspension liée à l’exercice des mandats sociaux et le fait que cette date soit suivie de la totalité de l’ancienneté depuis la date d’entrée dans l’entreprise démontre que c’est en connaissance de cause que la société établissement [U] a décidé de prendre en compte l’ancienneté globale dans l’entreprise,
– l’ancienneté de 16 ans et 7 mois qui figure sur le bulletin de salaire du mois d’août 2019 ne correspond à rien et s’explique uniquement par la décision de l’employeur de minorer l’indemnité de licenciement en violation de ses engagements précédents,
– pour le calcul de la durée du maintien du salaire à 100% durant l’arrêt maladie, en application de la convention collective, la société établissement [U] a retenu une ancienneté de plus de 15 ans en sa faveur. L’application de cette règle du maintien du salaire est cohérente avec l’ancienneté qui figure sur les bulletins de salaire et démontre encore la volonté réitérée de la société établissements [U] de lui reconnaître une ancienneté globale sans suspension d’aucune sorte depuis le mois de mai 1982,
– la présomption de reprise d’ancienneté liée aux mentions figurant sur les bulletins de salaire n’est pas inversée par l’employeur qui ne démontre absolument pas qu’il aurait eu la volonté de ne pas reprendre l’ancienneté,
– contrairement aux affirmations de l’employeur, lorsque le contrat de travail est antérieur au mandat social il n’y a pas de procédure d’autorisation puisque le cumul est expressément prévu par l’article L.225-22 du code de commerce, dès lors si le cumul du contrat de travail avec le mandat social était juridiquement possible ce qui est le cas en l’espèce puisque le contrat préexistait aux mandats sociaux, a fortiori la reprise d’ancienneté l’était également,
– la reconnaissance de cette ancienneté globale s’explique par un usage constant dans l’entreprise : à côté de leur mandat social chacun des membres de la famille [U] a toujours exercé des attributions particulières et opérationnelles (il s’est consacré à la production, l’informatique et les ressources humaines ; M. [T] [U] s’occupait de l’aspect commercial et Mme [Z] [I] de la comptabilité),
– ce sont ces fonctions spécifiques, exercées parallèlement au mandat social, qui font exclusivement l’objet d’une rémunération ainsi qu’en témoignent plusieurs éléments : les différentes composantes de cette rémunération, les modalités selon lesquelles l’indemnité de départ en retraite de M. [H] [U] a été calculée au mois de mars 2005, en 1991 les deux cousins, un directeur général et l’autre non, percevaient exactement le même salaire, tous les deux perçoivent la même prime de Noël de 1450 € ainsi que la 5eme semaine de congés payés, il n’y a aucun changement concernant sa rémunération lorsqu’il est devenu PDG,
– le fait qu’il ait bénéficié du contrat de prévoyance applicable à l’ensemble des salariés de l’entreprise démontre bien qu’il y avait une assimilation totale entre la rémunération qu’il percevait avec la rémunération des salariés parce qu’il s’agissait d’une rémunération en contrepartie des seules fonctions techniques et non du mandat social.
Sur la rémunération qui doit servir de référence au calcul des indemnités de rupture :
– il s’agit de la rémunération figurant sur les bulletins de salaire durant l’année précédent la révocation puisque seules les fonctions techniques étaient rémunérées,
– il a toujours exercé des fonctions techniques dans l’entreprise avant et pendant l’exercice de ses mandats sociaux et la rémunération qu’il a perçue est la contrepartie exclusive de ces fonctions opérationnelles,
– dès son arrivée dans l’entreprise en 1982, il a pris en charge la direction de la production ainsi que l’informatisation des services ; il a ensuite assumé la direction des ressources humaines,ce qui est établi par les attestations versées aux débats,
– si jusqu’à sa nomination en qualité de directeur général, ses bulletins de salaire mentionnent le poste de chef de service c’est uniquement en application du principe d’égalité qui existait entre les trois branches de la famille [U] et qui sont issues des trois frères : [B] [U], [S] [U] et [H] [U] et notamment du fait que [T] [U] exerçait des fonctions de chef de service,
– la description des tâches et des missions qu’il assumait correspond à un poste de Directeur Industriel dont la rémunération moyenne annuelle se situe, selon la taille de l’organisation et le périmètre du poste, entre 100 et 200 k€,
– il a a continué à exercer les mêmes fonctions techniques en même temps que ses mandats sociaux et sa rémunération n’a pas changé,
– les procès-verbaux des réunions du conseil d’administration qui sont produits démontrent qu’au cours des mêmes séances étaient fixées les primes en faveur aussi bien des directeurs ou PDG que du personnel cadre ou encore des salariés de l’entreprise,
– dans la mesure où l’ancienneté est prise en compte par l’employeur depuis le 5 mai 1982 conformément aux mentions figurant sur les bulletins de salaire, et où seules les fonctions techniques étaient rémunérées, cela suffit pour que le montant de l’indemnité de licenciement soit calculé en prenant en considération d’une part une ancienneté de 34 ans et 10 mois et d’autre part le salaire moyen perçu en 2016 qui aurait dû continuer à lui être attribué après sa révocation de son mandat de PDG jusqu’à son licenciement,
Sur la question du lien de subordination :
– pour la période du 1er juillet 1991 au 29 juin 2005 durant laquelle ses bulletins de salaire mentionnent un emploi de directeur général, il dépendait hiérarchiquement des PDG de l’entreprise qui se sont succédés à savoir ses deux oncles, M. [S] [U] et M. [H] [U],
– il n’avait pas la signature sur les comptes en banques de l’entreprise,
– la société Etablissements [U] a elle-même reconnu qu’après le 1er juillet 1991 il avait continué à être salarié puisqu’elle a porté sur les documents sociaux de fin de contrat la mention selon laquelle le contrat avait été suspendu à partir du 30 juin 1996,
– pour la période du 1er juillet 2005 jusqu’à la révocation du 13 février 2017, il y avait un contrôle très actif du conseil d’administration, et donc des membres de la famille, y compris à l’égard du PDG et pas seulement de sa gestion de l’entreprise mais également de tout ce qui concernait la vie de l’entreprise qu’il s’agisse de la production, des innovations informatiques ou même des décisions importantes en termes de ressources humaines,
– cette organisation est attestée par plusieurs anciens salariés, et par une lettre que lui ont adressé trois membres de la famille le 5 décembre 2012 dans laquelle ils mettent en cause des décisions qu’il voulait prendre,
Sur la demande de complément de salaire durant l’arrêt maladie :
– le salaire sur lequel doit être calculé le montant du maintien de rémunération est
le salaire perçu durant l’année précédant les arrêts de travail,
– durant l’année 2016, son salaire annuel s’est élevé à 160 273,68 € soit une moyenne de salaire mensuel brut de 13 356,14 €.
Sur la demande de rappel de salaire après l’avis d’inaptitude :
– le salaire qui lui a été versé par la société établissement [U] un mois après l’avis d’inaptitude soit à partir du 5 août 2019 et jusqu’au licenciement qui est intervenu le 20 août suivant a été calculé par référence à un salaire mensuel de 3109 €, or, la reprise du paiement du salaire aurait dû être calculée sur la base du salaire qu’il percevait avant la suspension de son contrat de travail soit un salaire mensuel brut de 13 356,14 €,
Sur le préjudice subi du fait de la suppression injustifiée de l’avantage en nature véhicule pendant le contrat :
– pour l’exercice de ses fonctions, il disposait d’un véhicule de fonction qui est mentionné comme avantage en nature sur tous ses bulletins de salaire, la décision prise par la société Etablissements [U] de lui retirer son véhicule de fonction constitue une violation caractérisée de ses obligations contractuelles d’employeur,
– les comptes-rendus de réunions du conseil d’administration ne mentionnent pas à quel titre les véhicules de fonction sont mis à disposition des personnes bénéficiaires,
– il est certain que si la mise à disposition du véhicule était uniquement liée au mandat de président du conseil d’administration, la société Etablissements [U] ne l’aurait pas autorisé à continuer à bénéficier de cet avantage après l’avoir révoqué de son mandat social le 13 février 2017,
– en aucun cas un mandat d’administrateur au sein d’une société anonyme ne permet de faire bénéficier l’administrateur d’une rémunération mensuelle comprenant un avantage en nature véhicule comme il en bénéficiait après sa révocation de son mandat de PDG,
– à supposer même que cet avantage en nature ait été lié au mandat social, à partir du moment où la société établissements [U] a maintenu cet avantage après la révocation et l’a porté en avantage en nature sur tous les bulletins de salaire cela signifie qu’elle a décidé de rattacher cet avantage au contrat de travail,
– cette faute lui a causé un préjudice financier, représenté par le coût de location d’un véhicule équivalent qui s’élève à la somme mensuelle de 1 109,60 € jusqu’au terme du contrat de travail soit le 20 août 2019, dont il est en droit de demander réparation.
Sur l’indemnisation du préjudice subi du fait de l’absence de cotisation par l’employeur après la révocation au contrat de retraite souscrit auprès de AG2R La Mondiale :
– il est totalement faux de soutenir comme l’a fait la société établissements [U] que ce contrat avait été souscrit au bénéfice des mandataires sociaux ; le certificat d’adhésion qui a été produit mentionne que le régime est applicable à la catégorie des « cadres dirigeants »,
– en agissant ainsi la société établissements [U] a manqué à ses obligations contractuelles ce qui lui a créé un préjudice supplémentaire dont il est en droit de demander l’indemnisation puisque l’absence de cotisations jusqu’à la date de son licenciement a réduit d’autant ses droits à cette retraite contractuelle.
Sur les dommages-intérêts liés aux manquements commis par la société établissements [U] :
– la violation de ses obligations contractuelles par la société établissements [U] est le fait d’une volonté de nuire caractérisée, les dirigeants de l’entreprise, guidés par une animosité hors du commun, lui ont sciemment retiré les derniers avantages qui étaient liés à son contrat de travail,
– outre le préjudice financier il y a un préjudice moral qui mérite d’être réparé.
Sur l’indemnité de licenciement :
– l’ancienneté qui doit être retenue notamment pour le calcul de l’indemnité de licenciement est une ancienneté de 34 ans et 10 mois qui est celle qui a été mentionnée par la société établissements [U] sur ses bulletins de salaire,
– la rémunération de référence est d’après la convention collective le 12eme de la rémunération des 12 derniers mois précédant la résiliation ou, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié, le tiers des 3 derniers mois,
– en ce qui le concerne, il faut prendre comme salaire de référence le salaire perçu avant la suspension de son contrat de travail c’est-à-dire la moyenne des 12 derniers mois de l’année 2016,
– il avait plus de 57 ans et demi au moment de son licenciement si bien que l’indemnité doit être majorée de 20 % conformément à la convention collective ce qui en porte le montant à 240 410,98 €,
– dans l’hypothèse où la cour considèrerait que son ancienneté doit exclure la période durant laquelle il était Président du conseil d’administration, l’indemnité devrait alors être calculée sur la base d’une ancienneté de 25 ans et 11 mois.
Sur la nullité du licenciement en raison des faits de harcèlement moral dont il a été victime :
– il y a eu tout d’abord de la part de la société établissement [U] et de ses dirigeants la manifestation d’une véritable volonté d’humiliation en décidant de le cantonner après sa révocation de PDG à un poste de chef de service qui n’avait strictement rien à voir avec les fonctions qu’il exerçait dans le cadre de son contrat de travail aussi bien avant qu’après l’année 1991,
– la volonté de rétrogradation est donc indéniable ; elle constitue une brimade et un dénigrement inacceptable de son travail et de son investissement durant toutes ces années dans l’intérêt de l’entreprise,
– la division du salaire par quatre est également le signe de cette volonté de le rabaisser et de l’ asphyxier sur le plan financier,
– les faits de harcèlement se sont également manifestés par la volonté de l’employeur de l’effacer littéralement de l’entreprise : son adresse mail a été désactivée ; il a été répondu aux personnes qui voulaient le joindre par téléphone qu’il ne faisait plus partie de l’entreprise, le véhicule de fonction qu’il utilisait lui a été brutalement retiré, l’accès à l’entreprise lui a été interdit par le changement des serrures,
– après qu’il ait été déclaré apte par le médecin du travail, la société établissements [U] n’a rien fait pour définir son poste et lui permettre de reprendre une activité
normale, cette situation a duré pendant plusieurs semaines et lorsqu’il s’est présenté
dans l’entreprise le 28 juin 2019, sa cousine [Z] [I] lui a demandé de ranger des cartons,
– le comportement de violence verbale voire même physique de Monsieur [T] [U] participe à cette situation de harcèlement,
– les faits de harcèlement dont s’est rendu coupable l’employeur en sont la cause et sont donc directement à l’origine de la décision d’inaptitude prise par le médecin du travail,
– ces faits de harcèlement ont profondément dégradé son état de santé déjà altéré par la révocation de son mandat de PDG et l’ont même conduit à un geste suicidaire qui a justifié son hospitalisation du 14 au 21 décembre 2018.
Sur le licenciement est sans cause réelle et sérieuse :
– l’absence de cause réelle et sérieuse est liée au fait que le comportement de l’employeur est la cause de l’inaptitude décidée par le médecin du travail,
– la société établissement [U] n’a pas échangé avec le médecin du travail après l’avis d’inaptitude dans le cadre de sa recherche de reclassement,
– après sa révocation, et comme cela a été évoqué par M. [T] [U] lors de l’entretien téléphonique qu’ils ont eu le 13 juin 2019, toute une série de fonctions n’était plus assurée au sein de l’entreprise puisqu’elles avaient été externalisées : RH, informatique notamment et le service recherche et développement était complètement à l’arrêt ; il existait donc de très grandes possibilités de reclassement qui consistait tout simplement à lui permettre de reprendre les fonctions qu’il avait assumées sur le plan opérationnel jusqu’à la fin de l’année 2016 et qui avaient été externalisées après sa révocation.
Sur les dommages et intérêts pour harcèlement moral :
– le dossier médical démontre la gravité des répercussions psychologiques que les agissements de l’employeur ont eu sur son état de santé.
Sur Le préjudice financier lié à l’arrêt anticipé de son activité du fait du licenciement :
– compte tenu de son âge il n’était pas envisageable qu’il retrouve une activité professionnelle ; il a donc fait valoir ses droits à la retraite alors qu’il était dans ses prévisions de continuer à travailler au minimum jusqu’à l’âge de 65 ans c’est-à-dire au moins 3 ans de plus,
– le manque à gagner est donc extrêmement important puisque s’il était resté en activité durant 3 ans de plus il aurait pu retirer de son activité professionnelle près de 500 000 € de revenus,
– il a été obligé de vendre deux appartements dont il était propriétaire et les loyers faisaient partie bien évidemment de compléments de revenus pour sa retraite à l’âge de 65 ans.
Sur la perte de droits au titre du contrat AG2R la Mondiale :
– ce contrat de retraite souscrit par l’entreprise était normalement prévu jusqu’à l’âge de 65 ans, ayant fait valoir ses droits à la retraite à l’âge de 62 ans la rente prévue s’est trouvée minorée ainsi que cela résulte des relevés de situation qui sont versés aux débats.
Sur la perte de droits au titre de la retraite de base et de la retraite complémentaire :
– la simulation qui est versée aux débats démontre que s’il avait continué à cotiser jusqu’à 65 ans sa pension de retraite se serait élevée à 5490 € par mois au lieu de 4177 € soit une différence de 1313 €.
II. Moyens et prétentions de la SA Etablissements [U], intimée sur appel principal et appelante incidente
Selon dernières écritures enregistrées au greffe de la cour le 28 octobre 2022, expressément visées pour plus ample exposé des moyens et prétentions de l’intimée, la SA Etablissements [U] demande à la cour de :
– confirmer le jugement dont appel :
– en ce qu’il a dit et jugé que le contrat de travail de M. [G] [U] avait été suspendu pendant la durée de ses mandats sociaux ;
– en ce qu’il a jugé le licenciement de M [G] [U] fondé sur une cause réelle et sérieuse ;
– en ce qu’il a débouté M. [G] [U] de ses demandes en paiement de :
* 9.986,40 euros liés au préjudice subi du fait de la « suppression de l’avantage en nature véhicule »,
* 39.945,60 euros pour « privation de l’avantage véhicule »,
* 40.068,25 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
* 4.006,83 euros à titre d’indemnité de congés y afférents,
* 480.824,04 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,subsidiairement pour cause réelle et sérieuse,
* 93.070,60 euros à titre de «préjudice lié à la minoration de la rente (article 83)»,
* 338.754 euros à titre de « perte de droits à la retraite »,
* 100.000 euros pour « harcèlement moral »,
* 10.000 euros pour « non-respect des obligations contractuelles »
– confirmer également le jugement dont appel en ce qu’il a considéré que l’emploi salarié de M. [G] [U] antérieur à sa suspension correspondait au coefficient N9E1 et que le salaire afférent devait être actualisé à la somme mensuelle de 5.114 euros ;
– confirmer dès lors le jugement dont appel en ce qu’il l’a condamnée à régler à M. [G] [U] :
* 2.005 euros à titre de rappel de salaire pour le mois d’août 2019,
* 200,05 euros à titre d’indemnité de congés afférents,
* 2 965,50 euros à titre de rappel sur indemnité de licenciement.
– infirmer en revanche le jugement dont appel en ce qu’il l’a condamnée à régler à M. [G] [U] la somme de 21 .446,89 euros à titre de complément de salaire durant l’arrêt maladie, outre 2 144,68 euros à titre d’indemnité de congés afférents ainsi que celle de 5.114 euros au titre du « non-respect de la convention collective des industries alimentaires diverses »,
– et, statuant à nouveau :
* dire et juger que la demande de M. [G] [U] en paiement d’un rappel sur maintien de salaire durant la période de maladie d’un montant de 21.446,89 euros est infondée, et en débouter l’appelant,
* dire et juger en toute hypothèse que la demande en paiement d’une indemnité de congés (2.144,68 euros) sur maintien de salaire durant la maladie est, infondée et en débouter l’appelant,
* dire et juger qu’il n’y a pas lieu a condamnation pour « non-respect de la convention collective des industries alimentaires diverses » (5.114 euros) et subsidiairement ramener toute condamnation éventuelle de ce chef à de plus justes proportions.
– en toute hypothèse :
– condamner M. [G] [U] à lui régler la somme de 5.000 euros à titre d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner M [G] [U] aux entiers dépens de l’instance.
Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que :
Sur le statut de M. [G] [U] du 5 mai 1982 au 20 août 2019
– la question principale, sinon unique, que devra trancher la cour est de déterminer quel était le statut juridique de M. [G] [U] pendant les 26 années durant lesquelles il a été investi des mandats sociaux de Directeur Général puis de Président Directeur Général, la réponse à cette question est évidente : le contrat de travail initial a été suspendu,
– lorsque M. [G] [U] affirme que les rémunérations perçues par lui de 1991 à 2017 l’étaient non pas au titre de ses mandats sociaux mais au titre des fonctions techniques qu’il a exercées, il évoque, de fait et par nécessite, un cumul entre les mandats sociaux et son contrat de travail initial,or, en l’espèce, les conditions du cumul ne sont absolument pas remplies,
– concernant les fonctions techniques, il s’occupait en réalité de tout, comme seul un président peut le faire,
– concernant la rémunération distincte, les bulletins de salaire, pour la période des mandats sociaux, ont toujours fait référence au mandat de directeur général puis a celui de PDG et la rémunération des mandats sociaux était fixée par le conseil d’administration qu’il présidait,
– M. [G] [U] n’était subordonné à personne et il ne fournit, à ce sujet,aucune explication ou élément de preuve,
– en outre, dans les sociétés anonymes, le cumul d’un mandat social et d’un contrat de travail entre dans le champ des «conventions réglementées » et nécessite que des conditions spécifiques aux sociétés anonymes soient par ailleurs remplies : une décision expresse et préalable du conseil d’administration, un rapport spécial soumis au commissaire aux comptes de la structure, une délibération annuelle lors de l’approbation des comptes, or en l’espèce, et cela n’est pas contesté par l’appelant, aucune de ces conditions n’est remplie,
– l’argument formel relatif à la date d’ancienneté qui figurait sur ses bulletins de salaire après révocation du mandat social est totalement inopérant car d’une part la mention de d’ancienneté sur les bulletins de paie ne vaut que présomption simple pouvant être renversée par tout moyen et d’autre part les mentions d’ancienneté apparaissant sur les derniers bulletins de salaire s’expliquent uniquement par la poursuite du profil de paye informatique du demandeur sans possibilité, en toute hypothèse, de déroger aux dispositions d’ordre public régissant les règles générales et spécifiques du cumul mandat social/contrat de travail, en particulier celles découlant des dispositions des articles L.225-38 et suivants du code du commerce
– l’expert-comptable en charge du dossier, M. [B] [N], atteste que « lors de la reprise du traitement de la paye par notre cabinet en date du 1er juillet 2017, les indications concernant l’ancienneté figurant sur le bulletin de salaire de M. [G] [U], ont été reprises à partir de données informatiques, sans instruction particulière de la société [U]» ,
– le moyen développé selon lequel il existerait un usage selon lequel par principe d’égalité dans le cadre familial les dirigeants devaient tous percevoir la même rémunération et que la période des mandats sociaux devait être retenue dans le cadre de l’ancienneté globale, ne saurait prospérer. La notion d’usage concerne le droit du travail subordonné exclusivement, certainement pas le droit des sociétés commerciales et les règles régissant les actionnaires et mandataires sociaux. Si un principe d’égalité a effectivement existé pendant plusieurs années au niveau de la rémunération des membres de la famille, il a été totalement anéanti par les velléités de M. [G] [U] lorsque celui-ci a accédé aux mandats sociaux, et il suffit, pour s’en convaincre, de se reporter aux procès-verbaux du conseil d’administration consignant les délibérations des administrateurs sur la rémunération des mandataires sociaux,
-le mandataire social de la société anonyme n’est pas salarié, au regard du droit du travail, mais bénéficie en revanche d’une assimilation au salariat, uniquement pour l’application des règles relatives au droit de la protection sociale, c’est pour cette seule raison, qu’il a bénéficié du régime de prévoyance auquel il était affilié et que ses prestations ont été calculées sur la base des rémunérations perçues avant le début des arrêts, alors que la révocation du mandat de Président n’avait pas encore eu lieu,
Sur les demandes liées à l’exécution du contrat de travail
– l’expert-comptable atteste que les établissements [U] ont maintenu le salaire de M. [G] [U] à 100 % jusqu’au 21 juillet 2017, puis à 85 % jusqu’au 31 décembre 2017 comme stipulé dans le contrat de prévoyance,
– la suspension du contrat de travail pour cause de maladie ne permet pas l’acquisition de droits à congés, M. [U] ne peut donc pas solliciter 10 % d’indemnité de congés payés (2.144,69 euros) sur des compléments aux indemnités journalières de la sécurité sociale,
– après la révocation, et après la suspension liée aux arrêts de travail, le conseil des prud’hommes a jugé, que la rémunération afférente devait être fixée, par application des minima conventionnels, à 5.114 euros, elle a ainsi réglé dans le cadre de l’exécution provisoire la somme de 2.005 euros outre 200,05 euros à titre d’indemnité de congés afférents sur la base du dépassement du délai de trente jours suivant l’inaptitude, et ne forme pas d’appel incident,
– la somme de 5.114 euros à laquelle elle a été condamnée au regard du rappel de salaire alloué ne correspond à aucun préjudice avéré et démontré dans son existence et son étendue, ni à aucune demande présentée par M. [G] [U] ni dans son dispositif de première instance ni dans son dispositif d’appel,
– il ne fait aucun doute que l’avantage véhicule avait été concédé à M. [G] [U], comme aux directeurs généraux, en sa qualité de mandataire social, et il suffit, pour s’en convaincre, de se reporter au procès-verbal de la réunion du conseil d’administration du 28 février 2013,
– les dirigeants de la société, cousin et cousine de l’appelant, ont préféré, par souci d’apaisement, et compte tenu des liens familiaux, ne pas ajouter à la révocation l’obligation de restituer immédiatement le véhicule, dans l’attente de la fin du contrat de location financière,
– elle n’a manqué a aucune de ses obligations contractuelles à l’égard de M. [G] [U].
Sur le prétendu harcèlement moral
– le contrat de travail de M. [G] [U] qui était suspendu depuis 26 ans, l’a été à nouveau pendant 2,5 ans, il est difficile, dans ces conditions, d’évoquer un quelconque harcèlement et les différentes correspondances échangées entre les parties au cours de cette période sont des correspondances d’administrateurs, d’actionnaires, de membres de la même famille mais certainement pas d’employeur et de subordonné,
– contrairement à ce que prétend aujourd’hui l’appelant, les parties se sont entendues, de façon tout à fait pacifique et courtoise, sur le fait qu’il était nécessaire d’attendre l’avis définitif du médecin du travail et que dans l’intervalle, il était dispensé d’activité avec maintien de sa rémunération, M. [G] [U] a parfaitement accepté cette situation ce qu’il a même écrit a l’employeur le 14 juin 2019,
– les propos prêtés à M. [T] [U], ne sont que pures affabulations comme le sont également les prétendues violences physiques brièvement évoquées, sans l’ombre du commencement d’un début de preuve, par l’appelant, dans ses écritures,
– l’arrêt de travail de M. [G] [U] a débuté avant sa révocation de son mandat de PDG, puis s’est prolongé durant deux ans et demi, il est donc matériellement et chronologiquement impossible que la dégradation de son état de santé soit en lien avec son contrat de travail, qui au début de l’arrêt de travail, était suspendu.
Sur le licenciement fondée sur une cause réelle et sérieuse
– l’avis d’inaptitude n’a pas été contesté par M. [G] [U],
– la fonction de Directeur Général n’est pas une fonction salariée mais un mandat social exclu, par nature et par hypothèse, du champ du droit du travail, le reclassement de M. [G] [U] était par conséquent totalement impossible,
– les digression développées par M. [G] [U], sur la question de l’entretien préalable, sont sans lien avec l’appréciation de la cause réelle et sérieuse du licenciement et relèveraient au pire de la régularité de la procédure à propos de laquelle aucune demande n’ est formulée.
Sur le contrat de retraite complémentaire souscrit
– ce dispositif a été mis en place au bénéfice des mandataires sociaux de l’entreprise, c’est en raison de la révocation de son mandat que M. [G] [U] n’a pu bénéficier à l’âge de 65 ans de l’intégralité des avantage du régime ; ce contentieux ne relève donc pas de la juridiction du travail.
MOTIVATION
I. SUR L’EXECUTION DU CONTRAT DE TRAVAIL
Sur la suspension du contrat de travail pendant la durée des mandats sociaux
Il est constant que M. [G] [U] a été :
– embauché en qualité de salarié à compter du 05 mai 1982 par la SA Etablissements [U]
– nommé directeur général par décision du conseil d’administration du 1er juillet 1991
– nommé président du conseil d’administration et directeur général par décision du conseil d’administration du 29 juin 2005
– été révoqué de ses mandats de président du conseil d’administration et de directeur général par décision du conseil d’administration du 13 février 2017.
Il n’existe pas d’incompatibilité de principe entre un contrat de travail et un mandat social, un salarié peut devenir administrateur aux seules conditions que son contrat de travail soit la traduction d’un emploi effectif.
Ce cumul implique que les fonctions salariées correspondent à un emploi effectif exercé dans un état de subordination à l’égard de la société et ce, en contrepartie d’une rémunération distincte de celle qui peut être allouée comme mandataire social.
Contrairement à ce que prétend l’appelant, la délivrance de bulletins de paie portant mention de son ancienneté, les modalités de sa rémunération, les documents sociaux de fin de contrat, le fait qu’il ait bénéficié du contrat de prévoyance applicable à l’ensemble des salariés de l’entreprise ou même l’existence d’un usage au sein de l’entreprise, ne sauraient suffire à justifier ni la réalité de l’emploi salarié, ni la poursuite de son exécution durant le temps d’exercice du mandat social.
En effet, le contrat de travail doit correspondre à un emploi réel et répondre aux conditions du salariat à savoir l’existence d’une rémunération et d’un lien de subordination juridique entre l’intéressé et l’entreprise.
Sur l’exercice de fonctions techniques M. [G] [U] justifie par les différentes attestations produites ( Mme [K], Mme [J], M. [Y], Mme [O]) que suite à ses nominations en qualité de directeur général, puis président directeur général, il a continué à exercer les fonctions techniques qui étaient les siennes avant l’exercice de ses mandats sociaux, au niveau du service de production et de l’informatisation de l’entreprise.
Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
M. [G] [U] ne produit aucune pièce propre à démontrer que suite à sa nomination aux fonctions de directeur général, il ait reçu des ordres ou des directives, ou eu à rendre des comptes.
Il résulte du compte rendu de réunion du conseil d’administration du 29 juin 2005 que M. [G] [U] assurait la direction de la société avec les pouvoirs les plus étendus pour agir en toutes circonstances et qu’il n’était soumis à aucun lien de subordination, et que déjà depuis le 1er juillet 1991, M. [G] [U], en sa qualité de directeur général, jouissait des mêmes pouvoirs que ceux du président du conseil d’administration.
L’attestation de M. [M] ne caractérise nullement l’existence d’un lien de subordination.
La cour confirme ainsi la décision des premiers juges qui ont déclaré que le contrat de travail de M. [G] [U] a été suspendu pendant la durée de ses mandats sociaux du 1er juillet 1991 au 13 février 1997.
Sur la demande de complément de salaire durant l’arrêt maladie
A titre liminaire il convient de rappeler, en droit que l’article L.1226-1 du code du travail dispose que tout salarié ayant une année d’ancienneté dans l’entreprise bénéficie, en cas d’absence au travail justifiée par l’incapacité résultant de la maladie, d’une indemnité complémentaire à l’allocation journalière prévue à l’article L.321-1 du code de la sécurité sociale, dont le taux, les délais et les modalités de calcul sont déterminés par voie réglementaire.
Il n’est pas discuté qu’en application des dispositions de la convention collective la société Etablissements [U] a maintenu la totalité de sa rémunération à M. [G] [U] durant les six mois suivants sa mise en arrêt maladie.
Aux termes du contrat de prévoyance souscrit par l’employeur auprès de la Mutex, dont l’application au cas d’espèce n’est pas critiquée par les parties, M. [G] [U] pouvait prétendre à une garantie de salaire de 85% à compter du 31eme jour.
Compte tenu des énonciations qui précèdent et donc de la suspension du contrat de travail durant la période du 1er juillet 1991 au 13 février 2017, M. [G] [U] ne peut revendiquer comme salaire de référence le revenu perçu au titre de son mandat social mais celui perçu au titre de son contrat de travail.
Le conseil des prud’hommes a retenu qu’à partir du 17 février 2017, la classification de l’emploi de chef de service qu’occupait M. [G] [U] ne pouvait être inférieure au niveau N9E1 de la convention collective des industries alimentaires diverses (5 branches) avec un salaire de référence mensuel brut de 5114 euros.
Cette disposition n’est ni critiquée par la société Etablissements [U] ni utilement combattue par M. [G] [U] qui ne s’est prévalu que des revenus perçus au titre de son mandat social.
Dès lors, la cour constate que M. [G] [U] qui a perçu 114 248,73 euros pour l’année 2017 et 101887,59 euros pour l’année 2018 a été rempli de ses droits.
Le jugement du conseil des prud’hommes sera donc infirmé sur ce point.
Force est de constater qu’aucune demande n’a été formée devant le conseil des prud’hommes au titre du non respect de la convention collective par l’employeur et que dès lors, le conseil des prud’hommes qui a condamné la société Etablissements [U] à payer une somme de 5114 euros à ce titre a statué ultra petita. La cour infirmera en conséquence le jugement de ce chef.
Sur la demande de rappel de salaire après l’avis d’inaptitude
Aux termes de l’article L.1226-4 du code du travail, « lorsque, à l’issue d’un délai d’un mois à compter de la date de l’examen médical de reprise du travail, le salarié déclaré inapte n’est pas reclassé dans l’entreprise ou s’il n’est pas licencié, l’employeur lui verse, dès l’expiration de ce délai, le salaire correspondant à l’emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail ».
Pour confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société des Etablissements [U] à payer à M. [G] [U] la somme de 2005 euros au titre du rappel de salaire pour le mois d’août 2019 et celle de 200,05 euros au titre des congés payés afférents, il suffira de dire, tenant les développements précédents, que sur la base du salaire retenu d’un montant mensuel brut de 5114 euros, l’employeur qui a versé à ce titre une somme de 3109 euros est redevable de ce rappel de salaire.
Sur la demande au titre du préjudice subi du fait de la suppression de l’avantage en nature véhicule
Pour confirmer la décision du conseil des prud’hommes qui a débouté M. [G] [U] de ses demandes liées au préjudice subi du fait de la suppression de l’avantage en nature véhicule et de la privation de l’avantage véhicule, il suffira de rappeler, respectivement de rajouter que :
– il n’est pas discuté que M. [G] [U] a bénéficié d’un véhicule de fonction par décision du conseil d’administration du 28 février 2013 ainsi prise :
« Le conseil est réuni afin d’autoriser Monsieur [G] [U], Président, à utiliser un véhicule BMW 530D, appartenant à la société, qui constituera un avantage en nature, à compter du 1er mars 2013 ».
– contrairement à ce que soutient M. [G] [U], le compte rendu de réunion de ce conseil d’administration vise expressément sa qualité de président,
– à la date d’attribution de cet avantage en nature, le contrat de travail était suspendu, de sorte que cet avantage ne peut qu’être en lien avec l’exercice de son mandat social,
– le maintien de l’avantage, jusqu’au terme du contrat de leasing le 1er décembre 2018, après la révocation des mandats sociaux, doit s’analyser en une tolérance dans le cadre d’une société familiale et ne suffit pas à conférer à l’usage du véhicule la qualité d’avantage en nature lié au contrat de travail.
Sur la demande au titre du préjudice subi du fait de l’absence de cotisations par l’employeur après le mois de février 2017 au contrat de régime supplémentaire de retraite souscrit auprès de AG2R La Mondiale
Pour débouter M. [G] [U] de sa demande liée au préjudice subi du fait de l’absence de cotisations par l’employeur après le mois de février 2017 au contrat de régime supplémentaire de retraite souscrit auprès de AG2R La Mondiale, il suffira de constater que la société Etablissements [U] a adhéré au contrat Mondiale Perspectives Entreprise le 7 décembre 2008, qu’à cette date le contrat de travail de M. [G] [U] était suspendu, et que c’est donc bien au titre de son mandat social que M. [G] [U] bénéficiait de ce régime de retraite surcomplémentaire.
Il sera rajouté que contrairement à ce que prétend l’appelant, l’engagement de retraite produit, signé entre la société et La Mondiale, ne concernait que les cadres dirigeants et spécifiquement les trois directeurs généraux, M. [G] [U], M. [T] [U] et Mme [Z] [I].
Sur les dommages et intérêts demandés liés au manquements commis par la société Etablissements [U]
Force est de constater que pour solliciter une somme de 10 000 euros de dommages et intérêts en raison de manquements de l’employeur, M. [G] [U] se contente d’invoquer la violation des obligations contractuelles, une volonté de nuire sans spécifier ces obligations et a fortiori sans en justifier.
La cour déboutera en conséquence M. [G] [U] de cette demande par ajout à la décision du conseil des prud’hommes qui n’a pas statué sur ce chef de demande.
II. SUR LE LICENCIEMENT
Sur la nullité du licenciement et le harcèlement moral
Aux termes de l’article 1152-1 du code du travail « Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».
Il résulte de cet article que le harcèlement moral est constitué, dès lors que sont caractérisés des agissements répétés ayant pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d’altérer sa santé ou de compromettre son avenir professionnel, ce qui signifie que le harcèlement moral est caractérisé par la constatation de ses conséquences telles que légalement définies, peu important l’intention, malveillante ou non de son auteur.
Par ailleurs, l’employeur est tenu d’une obligation de sécurité à l’égard de ses salariés qui lui impose de prendre toute mesure nécessaire pour prévenir tout harcèlement moral et de sanctionner les salariés qui se rendraient auteurs de tels agissements.
Méconnaît l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, notamment en matière de harcèlement moral, l’employeur qui ne justifie pas avoir pris toutes les mesures de prévention des articles L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail et qui, informé de l’existence faits susceptibles de constituer un harcèlement moral, n’a pas pris les mesures immédiates propres à le faire cesser.
Le régime probatoire du harcèlement moral est régi par l’article L.1154-1 de ce même code qui prévoit que lorsque le salarié présente des éléments de fait qui laissent supposer l’existence d’un harcèlement, il incombe à la partie défenderesse, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Il résulte de ce texte que le salarié n’est tenu que d’apporter au juge des éléments permettant de présumer l’existence d’un harcèlement moral et que la charge de la preuve d’un harcèlement moral ne pèse pas sur le salarié.
Le juge doit en premier lieu examiner la matérialité des faits allégués par le salarié en prenant en compte tous les éléments invoqués, puis qualifier juridiquement ces éléments en faits pris dans leur ensemble pour savoir s’ils laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral, et enfin examiner les éléments de preuve produits par l’employeur pour déterminer si ses décisions à l’égard du salarié étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
En l’espèce, M. [G] [U] invoque plusieurs faits :
– une volonté d’humiliation et de de rétrogradation en décidant de le cantonner après sa révocation de PDG à un poste de chef de service qui n’avait strictement rien à voir avec les fonctions qu’il exerçait dans le cadre de son contrat de travail aussi bien avant qu’après l’année 1991,et une absence de définition de son poste
– la division par quatre de son salaire
– son effacement de l’entreprise avec la désactivation de son adresse mail, le retrait de son véhicule de fonction, son accès à l’entreprise interdit par le changement des serrures
– un comportement de violence verbale voire même physique de M. [T] [U].
Il produit en ce sens :
– des notes manuscrites prises par lui même lors de son entretien préalable au licenciement paraphées par le délégué syndical M. [D] [R] l’ayant assisté,
– un courriel de M. [T] [U] du 18 juillet 2017 évoquant la récupération des courriels reçus sur la boîte professionnelle de M. [G] [U] et la création d’un boîte dénommée [Courriel 4]
– un courriel du 6 septembre 2017de Mme [F], de l’INPI, informant M. [G] [U] qu’elle a essayé de le joindre téléphoniquement à l’entreprise mais qu’il lui a été répondu qu’il ne faisait plus partie de l’entreprise,
– un courrier de M. [T] [U] du 5 novembre 2018 l’informant qu’il n’aura plus la possibilité d’utiliser le véhicule de fonction à compter du 1er janvier 2019,
– un courrier adressé à la société le 19 septembre 2017 aux termes duquel il se plaint notamment de recevoir ses salaires en retard et avec des erreurs quant au nombre de jours,
– un échange de courriels entre lui et M. [T] [U] entre le 28 juin 2019 et le 2 septembre 2019,
– un courrier du docteur [A] du 15 mars 2019,
– un SMS de son épouse du 8 novembre 2018,
Pour confirmer le jugement entrepris en ses dispositions déboutant M. [G] [U] de sa demande de condamnation de la société Etablissements [U] à lui payer la somme de 100 000 euros au titre du préjudice prétendument subi des faits de harcèlement moral et la somme de 480 821,04 euros de dommages et intérêts pour licenciement nul, il suffira de rappeler, respectivement de rajouter que :
– il ne peut être tiré aucune conclusion des notes manuscrites prises par M. [G] [U] lors de son entretien préalable au licenciement, fussent elles paraphées par le délégué syndical M. [D] [R] l’ayant assisté, dès lors que ce dernier atteste ne pas avoir rédigé lesdites notes, n’avoir signé qu’à la demande de M. [G] [U] dans l’urgence, que ces notes sont peu compréhensibles, manifestement incomplètes,
– M. [G] [U] s’est trouvé en arrêt de travail à partir du 23 janvier 2017, soit avant la fin de la suspension de son contrat de travail, avec une reprise le 11 juin 2019, avant d’être déclaré inapte au poste le 5 juillet 2019,
– des échanges de courriels se déduit que M. [G] [U] a accepté d’être dispensé d’activité dans l’entreprise dans l’attente de l’avis définitif du médecin du travail, et que c’est donc d’un commun accord entre lui même et l’employeur que son poste de travail n’avait pas été mieux défini dans l’attente de l’avis définitif du médecin du travail,
– il ne peut se déduire une volonté de nuire de la part de l’employeur qui modifie les boites mail ou l’accès à l’entreprise alors que le salarié est en arrêt maladie depuis plusieurs mois,
– le courriel de Mme [F] évoque un fait isolé, antérieur de presque deux ans à la période du harcèlement allégué,
– c’est vainement que M. [G] [U] fait valoir au titre des agissements répétés de l’employeur le retrait de l’attribution du véhicule de fonction ou la diminution de sa rémunération dès lors que ces éléments étaient en lien avec son mandat social et non avec sa qualité de salarié,
– les allégations de M. [G] [U] d’un comportement violent physiquement et verbalement de la part de M. [T] [U] ne sont corroborés par aucune pièce,
– la cour constate que les courriels envoyés par M. [T] [U] à M. [G] [U] ne contiennent aucun propos humiliants, dénigrant,vexatoires ou violents,
Dès lors, la cour, considérant aussi l’absence de classification de M. [G] [U] au niveau N9E1 de la convention collective des industries alimentaires diverses, estime que ces éléments en faits pris dans leur ensemble ne laissent pas supposer l’existence d’un harcèlement moral.
Sur la cause réelle et sérieuse du licenciement
L’appelant soutient une absence de cause réelle et sérieuse du licenciement prononcé à son encontre en raison d’une part de l’inaptitude professionnelle qui serait la conséquence d’une faute de l’employeur et d’autre part d’une recherche de reclassement qui n’aurait pas été menée de façon précise et sérieuse.
Sur l’inaptitude
Le licenciement pour inaptitude d’un salarié est dépourvu de cause réelle et sérieuse lorsqu’il est démontré que l’inaptitude est consécutive à un manquement préalable de l’employeur qui l’a provoquée.
Il incombe au salarié de démontrer que le manquement de l’employeur est à l’origine de son inaptitude.
En l’espèce, M. [G] [U] soutient que son inaptitude est consécutive au comportement de l’employeur suite à la visite de reprise du 11 juin 2019 et singulièrement à sa volonté de dégradation et de dénigrement et au but poursuivi d’éviter son retour dans l’entreprise.
Il a été vu que les pièces produites par M. [G] [U] ne démontrent nullement l’existence d’une volonté de dénigrement ou de dégradation de l’employeur à son égard, et que les échanges de courriels versés au débats ne permettent pas de retenir une décision prise par l’employeur d’éviter tout retour dans l’entreprise, tout au plus une période de réflexion étant actée.
Le manquement de l’employeur n’est pas établi.
Sur l’obligation de reclassement
En application de l’article L.1226- 10 du code du travail, l’employeur doit proposer au salarié déclaré inapte à son emploi par le médecin du travail, en tenant compte des conclusions écrites de celui-ci et des indications qu’il formule sur l’aptitude du salarié, un autre emploi approprié à ses capacités et aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en ‘uvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail.
L’employeur est présumé avoir satisfait à son obligation de reclassement lorsqu’il a proposé au salarié un emploi approprié à ses capacités et aussi proche que possible de l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en ‘uvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagements du temps de travail ; en tenant compte des préconisations et indications du médecin du travail après avoir recueilli l’avis du comité social et économique.
L’employeur ne peut rompre le contrat de travail que s’il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l’article L.1226-2, soit du refus par le salarié de l’emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l’avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.
En l’espèce, l’avis d’inaptitude du médecin du travail du 5 juillet 2019 est ainsi rédigé : « inapte au poste, apte à un autre poste: poste de directeur général »
Si comme le relève à juste titre l’employeur, le poste de directeur général n’est pas un emploi salarié au sein de l’entreprise mais un mandat social ne relevant de son pouvoir, pour autant, force est de constater que de première part l’avis du médecin du travail ne mentionne pas expressément que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ou que le maintien du salarié dans l’emploi serait gravement préjudiciable à sa santé, de sorte que la recherche d’un reclassement restait obligatoire pour l’employeur et de seconde part que si lorsque le médecin du travail n’a formulé aucune proposition concrète, l’employeur doit les solliciter.
La société Etablissements [U] devait donc procéder à une recherche de reclassement de M. [G] [U].
Il appartient à l’employeur qui prétend s’être trouvé dans l’impossibilité d’effectuer un tel reclassement d’en rapporter la preuve. Cette recherche de reclassement doit être mise en oeuvre de façon loyale et personnalisée.
La société des Etablissements [U] qui se contente à cette fin de produire la consultation de l’avis des représentants élus du personnel ne justifie pas avoir satisfait à son obligation de reclassement.
En conséquence, la cour constate que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse et infirme sur ce point la décision des premiers juges.
Sur les conséquences financières du licenciement
Sur le montant de l’indemnité de licenciement
Aux termes de l’article L.1234-9 du code du travail, le salarié titulaire d’un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu’il compte 8 mois d’ancienneté ininterrompus au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement.
Les modalités de calcul de cette indemnité sont fonction de la rémunération brute dont le salarié bénéficiait antérieurement à la rupture du contrat de travail. Ce taux et ces modalités sont déterminés par voie réglementaire.
La convention collective applicable prévoit en son article 4.12.3 pour les cadres une indemnité de licenciement calculée comme suit :
‘ pour la tranche jusqu’à 15 ans d’ancienneté : 4/10 de mois par année à compter de la date d’entrée dans l’entreprise ;
‘ pour la tranche au-dessus de 15 ans d’ancienneté : 6/10 de mois par année à compter de la seizième année, étant entendu que, si la dernière année de présence est incomplète, l’indemnité est calculée au prorata du nombre de mois accomplis.
Le montant de l’indemnité ne peut excéder 15 mois de salaire.
L’article 4.12 de cette même convention dispose que sauf dans le cas où il y a versement d’une allocation de préretraite à l’occasion du licenciement, l’indemnité est majorée de :
‘ 25 % lorsque l’intéressé est âgé à la date du licenciement de 50 à 57 ans et demi ;
‘ 20 % lorsque l’intéressé est âgé à la date du licenciement de plus de 57 ans et demi.
En l’espèce, M. [G] [U] a été salarié à compter du 5 mai 1982 jusqu’au 1er juillet 1991, date à laquelle son contrat de travail a été suspendu le temps de l’exercice de ses mandats sociaux. Puis à compter du 13 février 2017, date de la révocation de son mandat de président directeur général jusqu’au 20 août 2019, date de son licenciement où il était alors âgé de 62 ans.
M. [G] [U] bénéficiait donc d’une ancienneté en qualité de salarié de la société Etablissements [U] de 11,75 ans comme l’a à juste titre retenu le conseil des prud’hommes.
Sur la base d’un salaire de référence de 5114 euros, l’indemnité de licenciement s’élève à 28842,96 euros. L’employeur ayant versé une indemnité à ce titre de 25877,46 euros, la cour confirme la décision du conseil des prud’hommes qui a condamné l’employeur à verser une somme de 2965,50 euros à titre de rappel sur indemnité de licenciement.
Sur l’indemnité compensatrice de préavis
La cour constate que le conseil des prud’hommes a omis de statuer sur ce chef de demande.
Si le salarié ne peut en principe prétendre au paiement d’une indemnité pour le préavis qu’il est dans l’impossibilité physique d’exécuter en raison d’une inaptitude à son emploi, cette indemnité est due au salarié dont le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse en raison du manquement de l’employeur à son obligation de reclassement consécutive à l’inaptitude.
En l’espèce, aux termes de l’article 4. 9.3 de la convention collective applicable la durée du préavis est de trois mois.
La société Etablissements [U] sera en conséquence condamnée à verser à M. [G] [U] une somme au titre du préavis de 15342 euros et une somme de 1534,20 euros au titre des congés payés afférents.
Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
L’article L.1235-3 du code du travail, dans sa version issue de l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, applicable à l’espèce, prévoit que si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, en cas de refus de la réintégration du salarié dans l’entreprise, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés par ledit article, en fonction de l’ancienneté du salarié dans l’entreprise et du nombre de salariés employés habituellement dans cette entreprise.
S’agissant du préjudice résultant de la perte de l’emploi, compte tenu des circonstances de la rupture, du salaire retenu d’un montant mensuel brut de 5114 euros, de l’âge de l’intéressé (62 ans), de son ancienneté dans l’entreprise en qualité de salarié (11,75 ans), de sa capacité à retrouver un emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard tel que cela résulte des pièces communiquées, la société Etablissements [U] sera condamnée à lui verser la somme de 53 697 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur les dommages et intérêts pour perte des droits à la retraite et minoration de la rente
Les dommages et intérêts alloués pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ont vocation à réparer également le préjudice relatif à la perte de chance de bénéficier d’une retraite majorée, dont il n’est en outre pas démontré qu’il constituerait un préjudice distinct de celui résultant de la perte injustifiée de l’emploi. Dès lors, la demande de dommages et intérêts distincte présentée par M. [G] [U] à ce titre ne peut qu’être rejetée, ce préjudice étant réparé par l’indemnité allouée au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse.
III. SUR LES FRAIS NON RÉPÉTIBLES ET LES DÉPENS
En considération de la solution donnée au litige, chaque partie conservera la charge de ses frais irrépétibles et les dépens seront partagés par moitié entre les parties.