Guide Michelin c/ Toptable

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Guide Michelin c/ Toptable
Ce point juridique est utile ?

Sévère revers pour le Guide MICHELIN qui a été débouté de son action en contrefaçon et atteinte à ses droits de producteur de base de données contre le site toptable.co.uk.  Le site poursuivi était notamment en droit d’utiliser une accroche publicitaire reprenant les termes « restaurants étoilés Michelin ».

Le Guide Michelin, une base de données originale ?

Il a été jugé que le Guide Michelin qu’il s’agisse de la version française ou anglaise ne constitue pas une base de données protégeable au titre du droit d’auteur.

Au sens de l’article L.112-3 du Code de la propriété intellectuelle, on entend par base de données un recueil d’œuvres, de données ou d’autres éléments indépendants, disposés de manière systématique ou méthodique, et individuellement accessibles par des moyens électroniques ou par d’autres moyens.

Pour que la base de données puisse bénéficier de la protection du droit d’auteur, il faut démontrer que le choix et la disposition des matières sont originaux c’est-à-dire qu’ils portent l’empreinte de la personnalité de son auteur.   L’originalité d’une base de données s’apprécie notamment au regard de sa présentation générale, son interface graphique, sa charte graphique, les formes graphiques (symboles, couleurs, police utilisés etc.), de son plan, sa composition, son organisation à travers le choix ou la sélection des rubriques, des thèmes, des mots et expressions permettant de structurer les informations et leur ordonnancement. Elle s’apprécie également au regard des choix des matières, à savoir la sélection des données contenues dans la base.

Il a été jugé que le choix des critères du Guide Michelin (qualité des produits, maîtrise des cuissons et des saveurs, personnalité du chef dans ses plats, rapport qualité-prix, constance de la prestation dans le temps) ne révèle aucune originalité car il est dicté par le sujet même de la base de données et par son objet et ne présente donc aucune originalité. Ces critères s’imposant d’eux-mêmes pour apprécier la qualité d’un restaurant.   Ces critères d’appréciation sont communément utilisés par tous les inspecteurs gastronomiques et se retrouvent dans tous les guides gastronomiques sans que la société Michelin Travel Partner ne puisse reprocher ce fait aux autres éditeurs.

Sur le fondement du droit d’auteur et s’agissant d’une base de données destinée à la confection d’un guide recensant et classant selon leur qualité les hôtels et les restaurants, le travail de sélection de ces établissements ainsi que le code de couleur et le graphisme utilisés ne portent que sur la création des données elles-mêmes et non pas sur la structuration de la base de données par le choix et l’agencement de ces données et seule la structuration de la base de données par le choix et l’agencement des données qui seule est la forme protégeable au titre du droit d’auteur.

De plus, le travail de sélection en lui-même ne peut être protégé puisqu’il a un caractère préparatoire et ne constitue pas la forme et la structure de la base de données qui seule est protégeable.  S’agissant du code couleur, la société Michelin Travel Partner n’a fait état que du rouge choisi pour les meilleurs établissements et ne donne aucune indication sur les choix qu’elle a opérés au titre du graphisme. Aucun choix particulier n’était revendiqué quant à la présentation graphique du guide Michelin.

Le fait de disposer les données contenues dans la base selon une présentation dans l’ordre alphabétique des communes (avec pour les plus importantes un plan de celles-ci) puis, dans chacune d’elles, par la qualité attribuée à chaque établissement, par ordre décroissant, est strictement fonctionnelle et ne présente aucun caractère spécifique ou inédit.

Notion de producteur de base de données

L’article L 341-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que «Le producteur d’une base de données, entendu comme la personne qui prend l’initiative et le risque des investissements correspondants, bénéficie d’une protection du contenu de la base lorsque la constitution, la vérification ou la présentation de celui-ci atteste d’un investissement financier, matériel ou humain substantiel. Cette protection est indépendante et s’exerce sans préjudice de celles résultant du droit d’auteur ou d’un autre droit sur la base de données ou un de ses éléments constitutifs. »

La Cour de justice de l’Union européenne a dit pour droit (CJCE, 9 novembre 2004, the british horseracing board Ltd c/ William hill organization Ltd – Aff. C-203/02, Fixture marketing Ltd c/ OPAP Aff. C-444/02 – Fixture marketing Ltd c/ Oy veikkaus ab Aff. C-46/02 Fixture marketing Ltd c/ Svenska spel ab Aff. C-338/02) que “la notion d’investissement lié à l’obtention du contenu d’une base de données au sens de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 96/9/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mars 1996, concernant la protection juridique des bases de données, doit s’entendre comme désignant les moyens consacrés à la recherche d’éléments existants et à leur  rassemblement dans ladite base. Elle ne comprend pas les moyens mis en œuvre pour la création des éléments constitutifs du contenu d’une base de données”. La notion d’investissement lié à la vérification du contenu de la base de données au sens de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 96/9 doit être comprise comme visant les moyens consacrés, en vue d’assurer la fiabilité de l’information contenue dans ladite base, au contrôle de l’exactitude des éléments recherchés, lors de la constitution de cette base ainsi que pendant la période de fonctionnement de celle-ci. Des moyens consacrés à des opérations de vérification au cours de la phase de création d’éléments par la suite rassemblés dans une base de données ne relèvent pas de cette notion.  L’arrêt de la Cour de Cassation chambre commerciale du 10 février 2015 a également précisé que les investissements substantiels consacrés au logiciel ne sont pas pris en compte pour l’application du droit sui generis du producteur de la base de données.

Or les éléments présentés par la société Michelin n’ont pas permis de vérifier si les investissements ont servi à l’obtention du contenu et de la vérification de ce contenu dans les conditions fixées par la CJUE ; au contraire, les investissements injectés n’ont servi qu’à la création des outils informatiques permettant de traiter et présenter le contenu sous forme de base de données, ainsi que sur l’hébergement et l’administration de la base ; or ces investissements ne peuvent être pris en compte dans les investissements relatifs à la création d’une base de données comme l’a jugé la Cour de cassation.

Aucun élément précis n’était produit permettant de savoir quels investissements ont été faits sur la période de 2001 à 2012 relatifs aux moyens consacrés à la recherche d’éléments existants et à leur rassemblement dans la base, en rappelant que la société Michelin Travel Partner a précisé que ce guide existait depuis au moins 1936; pas davantage ne sont précisés les investissements humains, financiers et matériels qui ont été développés pour assurer la fiabilité de l’information contenue dans la base, pour contrôler l’exactitude des éléments recherchés, lors de la constitution de la base ainsi que pendant la période de fonctionnement de celle-ci.

En conséquence, la société Michelin Travel Partner ne démontrait pas avoir effectué des investissements financier, matériel ou humain substantiels pour la création d’une base de données.

Absence de contrefaçon du Bibendum Michelin

N’a pas non plus été sanctionnée la reproduction / adaptation non autorisée du personnage Bibendum par le site toptable.co.uk

L’article L.713-3 du même code dispose que “sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s’il peut en résulter un risque de confusion dans l’esprit du public. a) la reproduction, l’usage ou l’apposition d’une marque, ainsi que l’usage d’une marque reproduite, pour des produits ou services similaires à ceux désignés dans l’enregistrement”. b) l’imitation d’une marque et l’usage d’une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l’enregistrement.

En application du droit interne interprété à la lumière de la directive 2008/95/CE du 22 octobre 2008 et au principe posé par l’arrêt Von Colson et Kamann c. Land Nordhein-Westfalen du 10 avril 1984,  le risque de confusion doit faire l’objet d’une appréciation abstraite par référence au dépôt d’une part en considération d’un public pertinent correspondant au consommateur des produits et services concernés normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, et d’autre part par comparaison entre le signe litigieux utilisé et la marque protégée par référence à son enregistrement indépendamment de ses conditions d’exploitation mais également par comparaison des services et produits visés dans l’enregistrement et des produits et services commercialisés sous le signe litigieux.

Le risque de confusion est en outre analysé globalement : tous les facteurs pertinents, dont la notoriété de la marque et l’importance de sa distinctivité, doivent être pris en considération, l’appréciation globale de la similitude de la marque et du signe litigieux devant être fondée sur l’impression d’ensemble qu’ils produisent au regard de leurs éléments distinctifs et dominants.

Le public pertinent à prendre en compte est un consommateur d’attention moyenne utilisant un guide touristique pour chercher un restaurant.  L’utilisateur du Guide Michelin se sert du guide pour connaître les restaurants d’une région ou d’une ville donnée afin de faire son choix et d’opérer ensuite lui-même une réservation.  Le public visé est donc le même mais les services ne peuvent être considérés comme similaires ou complémentaires car si le site toptable.fr fournit des informations sur les restaurants c’est dans le seul but de réaliser pour le compte de l’internaute la réservation auprès des restaurants ce que ne fait pas le Guide Michelin ni dans sa version papier ni dans sa version numérique.

En conséquence, les services n’étant ni similaires ni complémentaires, aucune confusion ne peut intervenir dans l’esprit du consommateur.

Atteinte au signe renommé Bibendum

En revanche, a été retenue l’atteinte au logo Bibendum en tant que marque semi figurative notoire. Aux termes de l’article L.713-5 du code de la propriété intellectuelle «la reproduction ou l’imitation d’une marque jouissant d’une renommée pour des produits ou services non similaires à ceux désignés dans l’enregistrement engage la responsabilité civile de son auteur si elle est de nature à porter préjudice au propriétaire de la marque ou si cette reproduction ou imitation constitue une exploitation injustifiée de cette dernière ». Il en va de même pour « la reproduction ou l’imitation d’une marque notoirement connue au sens de l’article 6 bis de la Convention de Paris ».

La renommée du signe Bibendum implique que son exploitation non autorisée pour des produits et services autres que ceux déposés au dépôt de la marque constitue des atteintes à la renommée de cette marque.

En effet, dans ce cadre le consommateur moyen sera amené à penser que la société OpenTable a conclu un partenariat avec la société Compagnie Générale des Établissements Michelin qui l’aura autorisée à décliner le bibendum pour proposer des services de réservation en ligne de restaurants distingués par les étoiles Michelin c’est-à-dire pour un service différent de ceux offerts par la marque.

L’utilisation de cette marque figurative légèrement modifiée n’est pas perçue comme un usage à titre de référence par le consommateur moyen mais bien comme un signe identifiant l’origine des services.  L’usage à titre de référence qui ne constituerait qu’un usage à titre de référence serait la mention nominale permettant une recherche : “restaurant étoilé Michelin”.

En 1900 les fondateurs de l’entreprise Michelin ont imaginé de créer un guide qui dresse la liste des dépôts d’essence et de pneumatiques afin de faciliter les déplacements des pionniers de l’automobile et de promouvoir la marque MICHELIN.  C’est en 1923 qu’est apparue la rubrique « Hôtels et restaurants recommandés » et, dès 1926, parut pour la première fois une étoile indiquant aux lecteurs que l’adresse sélectionnée constituait une « table renommée ».  A partir de 1926, le Guide étendait son service à la recommandation des restaurants et à leur classement, indiquant les qualités gastronomiques des restaurants. Les récompenses des 2 et 3 étoiles sont arrivées entre 1931 et 1936, complétant le système de classification.

Le Guide MICHELIN est constitué d’une sélection d’hôtels et de restaurants dans toutes les catégories de prix et de confort. Edité lors de sa création par la Manufacture Française des Pneumatiques Michelin, il l’est depuis 2012 par la société Michelin Travel Partner (filiale à 100% du Groupe Michelin), anciennement dénommée ViaMichelin, à la suite d’un traité d’apport partiel d’actifs par lequel la société Manufacture Française des Pneumatiques Michelin a transféré à Michelin Travel Partner la branche d’activités « tourisme » comprenant l’édition du Guide MICHELIN.

La société Michelin Travel Partner accorde des licences à certains partenaires qui souhaitent enrichir les services proposés à leurs clients en y intégrant le référencement du Guide MICHELIN. De tels contrats ont ainsi été conclus avec les sociétés Nokia, Wonderbox ou Smartbox qui achètent le droit d’utiliser tout ou partie de la sélection du Guide MICHELIN.

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