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Engagement de M. [G] [W] par la société FortisM. [G] [W] a été engagé par la société Fortis en contrat à durée indéterminée le 21 novembre 1988. En 2010, la société BNP Paribas a absorbé Fortis, devenant ainsi l’employeur de M. [W] tout en reprenant son ancienneté. Évolution de la carrière de M. [W]M. [W] a été affecté le 28 juin 2010 à l’Agence “[Localité 5] Hôtel de Ville” en tant que conseiller accueil. Il a été promu conseiller de clientèle et accueil le 31 mars 2014, puis a occupé le poste de conseiller client depuis le 24 novembre 2015, avec une rémunération mensuelle de 2809,33 euros bruts. Licenciement de M. [W]Le 17 décembre 2019, M. [W] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement, qui a eu lieu le 7 janvier 2020. Le 31 janvier 2020, il a été licencié pour faute grave. La commission paritaire a jugé ce licenciement inapproprié, tandis que BNP Paribas a confirmé le licenciement le 10 mars 2020. Procédure judiciaireLe 17 juillet 2020, M. [W] a assigné BNP Paribas devant le conseil de prud’hommes de Paris pour obtenir des indemnités liées à son licenciement. Le jugement du 23 juin 2021 a requalifié le licenciement en licenciement pour cause réelle et sérieuse et a condamné BNP Paribas à verser diverses indemnités à M. [W]. Appels des deux partiesBNP Paribas a interjeté appel le 23 juillet 2021, suivi par M. [W] le 1er août 2021. Les deux parties ont formulé des demandes spécifiques concernant la requalification du licenciement et les indemnités à verser. Motifs du licenciementLe licenciement de M. [W] a été justifié par des négligences graves en matière de risques et de conformité, avec des irrégularités dans l’ouverture de comptes et des prêts. L’employeur a produit des preuves de ces manquements, tandis que M. [W] a contesté la validité des accusations. Décision de la courLa cour a confirmé que les griefs reprochés à M. [W] ne constituaient pas une faute grave, mais une négligence dans l’exécution de ses missions. Le jugement a été confirmé en ce qui concerne les indemnités dues à M. [W], tout en déboutant ses demandes supplémentaires. Exécution déloyale du contrat de travailM. [W] a également reproché à son employeur des conditions de travail difficiles et un licenciement non justifié. La cour a estimé que les éléments fournis ne démontraient pas de mauvaise foi de la part de l’employeur. Condamnation aux dépensLa cour a condamné BNP Paribas aux dépens d’appel et à verser à M. [W] une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile, confirmant ainsi les dispositions du jugement initial. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 4
ARRET DU 06 NOVEMBRE 2024
(n° /2024, 1 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/06906 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CEEJS
Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Juin 2021 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° F 20/04879
APPELANTE
S.A. BNP PARIBAS Prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège.
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Laurent GAMET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0061
INTIME
Monsieur [G] [W]
[Adresse 3]
[Localité 4] / France
Représenté par Me Florence VERAN, avocat au barreau de PARIS, toque : G0037
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 Septembre 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Guillemette MEUNIER, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Mme MEUNIER Guillemette, présidente de chambre rédactrice
Mme NORVAL-GRIVET Sonia, conseillère
Mme MARQUES Florence, conseillère
Greffier, lors des débats : Madame Clara MICHEL
ARRET :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Guillemette MEUNIER, Présidente de chambre, et par Clara MICHEL, Greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.
M. [G] [W] a été engagé par la société Fortis, suivant contrat à durée indéterminée en date du 21 novembre 1988.
Au cours de l’année 2010, la société BNP Paribas a absorbé la société Fortis et est par suite devenue l’employeur de M. [W], reprenant son ancienneté.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective de la Banque.
Le 28 juin 2010, M. [W] a été affecté à l’Agence ” [Localité 5] Hôtel de Ville “, comme conseiller accueil.
Le 31 mars 2014, M. [W] a été promu au poste de conseiller de clientèle et accueil.
En dernier lieu, et depuis le 24 novembre 2015, M. [W] occupait le poste de conseiller client à l’agence de [Localité 5] Hôtel de Ville moyennant und rémunération mensuelle de 2809, 33 euros bruts.
Par courrier du 17 décembre 2019, M. [W] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 7 janvier 2020.
Par courrier du 31 janvier 2020, M. [W] a été licencié pour faute grave.
Le 4 mars 2020, la commission paritaire saisie par M. [W] conformément aux dispositions de l’article 27-1 de la convention collective applicable a rendu un avis par lequel la délégation syndicale a considéré le licenciement de M. [W] inparroprié et la délégation patronale a pris acte de la décision de la BNP Paribas SA de licencier M. [W].
Le 10 mars 2020, la BNP Paribas SA a confirmé à M. [W] son licenciement pour faute grave.
Par acte du 17 juillet 2020, M. [W] a assigné la S.A. BNP Paribas devant le conseil de prud’hommes de Paris aux fins de voir, notamment, son employeur condamné à lui verser diverses sommes relatives à l’exécution et à la rupture de la relation contractuelle.
Par jugement du 23 juin 2021, le conseil de prud’hommes de Paris a:
– requalifié le licenciement pour faute grave de M. [G] [W] en licenciement pour cause réelle et sérieuse,
– condamné la société BNP Paribas à verser à M. [G] [W] :
* 5 792,60 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,
* 579,29 euros au titre des congés payés afférents,
* 27 842,62 euros au titre de l’indemnité de licenciement,
* 700,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– rappelé l’exécution provisoire de droit en application des articles R.1454-28 et R.1454-14 du code du travail, dans la limite de neuf mois de salaire, calculée sur la moyenne des trois derniers mois, établie en l’espèce à la somme de 2 896,30 euros ;
– débouté M. [G] [W] du surplus de ses demande ;
– débouté la société BNP Paribas de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné la société BNP Paribas aux entiers dépens.
Par déclaration du 23 juillet 2021, la S.A. BNP Paribas a interjeté appel de cette décision.
Par déclaration du 1er août 2021, M. [W] a interjeté appel de cette décision.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 24 janvier 2022, la S.A. BNP Paribas demande à la cour de :
Vu les dispositions des articles L. 1235-3 et L. 1332-4 du code du travail ;
Vu les dispositions de l’article L. 511-33 du code monétaire et financier ;
Vu l’article 27-1 de la convention collective nationale de la Banque ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile ;
– joindre les procédures n°21/07046 et 21/06906 ;
– infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Paris le 23 juin 2021 (RG n° F 20/04879) en ce qu’il a :
* requalifié le licenciement pour faute grave de M. [W] en licenciement pour cause réelle et sérieuse ;
* condamné la S.A. BNP Paribas à verser à M. [W] :
5792,60 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,
579,29 euros au titre des congés payés afférents,
27 842,62 euros au titre de l’indemnité de licenciement,
700 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
* débouté la S.A. BNP Paribas de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
* condamné la S.A. BNP Paribas aux entiers dépens ;
– débouter M. [W] de l’ensemble de ses demandes ;
– condamner M. [W] à verser à la S.A. BNP Paribas la somme de 3 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner M. [W] aux dépens.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 12 avril 2022, M. [W] demande à la cour de :
Vu les articles L.1222-1, L.1232-1 et L.1235-1 du code du travail,
Vu les articles 455 et 700 du code de procédure civile,
Vu la jurisprudence,
Vu les pièces,
– joindre les procédures enregistrées sous le numéro de répertoire général 21/07046 et 21/06906 ;
– déclarer recevable et bien fondé l’appel de M. [W] du jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Paris du 23 juin 2021 ;
– confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Paris du 23 juin 2021 en ce qu’il a condamné la S.A. BNP Paribas à verser à M. [W] au titre de l’article 700 du code de procédure civile la somme de 700 euros ;
– infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Paris du 23 juin 2021 en ce qu’il a requalifié le licenciement pour faute grave de M. [W] en licenciement pour cause réelle et sérieuse ;
– infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Paris du 23 juin 2021 en ce qu’il a débouté M. [W] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Paris du 23 juin 2021 en ce qu’il a débouté M. [W] de sa demande de dommages et intérêts pour conduite déloyale de la relation de travail ;
Et, statuant à nouveau :
– condamner la S.A. BNP Paribas à verser à M. [W] :
* préavis : 5 792,60 euros,
* congés payés sur préavis : 579,26 euros,
* indemnité de licenciement : 27 842,62 euros,
* dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 57 926 euros,
* dommages et intérêts pour conduite déloyale de la relation de travail : 2 896,30 euros,
* article 700 du code de procédure civile : 3 500 euros,
– condamner la S.A. BNP Paribas aux dépens.
La cour se réfère pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties à leurs conclusions conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 11 juin 2024.
L’ordonnance de jonction a été rendue le 13 septembre 2022. Il n’y a donc plus lieu de statuer sur ce point.
Sur le licenciement
En cas de litige, en vertu des dispositions de l’article L. 1235-1 du code du travail, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties.
La faute grave se définit comme étant un fait ou un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salariés dans l’entreprise ou la poursuite du contrat de travail. La charge de la preuve repose sur l’employeur qui l’invoque.
La lettre de licenciement, qui fixe les termes du litige, est rédigée selon les termes suivants :
‘ Nous avons pris connaissance de l’avis formulé par la Commission Paritaire de la Banque en formation recours qui s’est réunie le 4 mars 2020.
En l’absence d’élément nouveau, nous vous confirmons par la présente votre licenciement pour faute grave.
Nous vous reprochons les faits ci-après que vous avez commis dans le cadre de vos fonctions de Conseiller Client à l’agence de [Localité 5] Hôtel de Ville.
Nous avons constaté de graves négligences de votre part en matière de risques et de conformité.
En effet, il s’avère que de nombreuses entrées en relation que vous avez réalisées présentent des irrégularités, cela alors même que votre directrice d’agence vous a alerté à plusieurs reprises sur ce point.
Ainsi, nous notons :
– six comptes pour lesquels une lettre de préavis de clôture a été adressée peu de temps après l’ouverture,
– trois comptes débiteurs sans mouvement hormis des frais bancaires,
-certains comptes alimentés par des dépôts de chèques d’un montant rond alors qu’il devrait s’agir de salaire,
-l’ouverture d’un compte sur la base d’une recommandation d’un client alors même qu’en juillet 2019 votre directrice d’agence avait refusé une autre ouverture de compte du fait même de cette recommandation,
-deux entrées en relation sur la base de la recommandation d’un client dont les comptes sont aujourd’hui indicés des particularités ” IMB / IMP ” (interdiction bancaire / impayé(s) compte de prêt),
-seize entrées en relation pour lesquelles les clients sont logés chez des tiers logeurs dont 2 clients chez le même,
-l’absence de compte-rendu systématique dans l’outil informatique pour les entrées en relation que vous avez réalisées.
De plus, pour cinq prêts que vous avez mis en place, les charges et les revenus renseignés ne correspondent pas aux informations figurant dans les outils informatiques.
Ces nouvelles défaillances de votre part en termes de risque et de conformité démontrent la persistance de pratiques que nous ne pouvons pas tolérer.
En effet, votre directrice d’agence avait déjà constaté durant l’été 2019 des pratiques qui ne sont pas acceptables compte tenu de votre expérience.
Ainsi en juillet 2019, il a été identifié que vous avez mis en place un prêt personnel d’un montant de 20.000 euros au bénéfice d’un client qui vous avait exprimé son souhait de souscrire ces emprunts en vue d’un achat immobilier en Syrie.
L’opération de retrait d’espèces pour un montant de 19.000 euros demandé par le client suite à la mise à disposition des fonds a pu être stoppée par votre hiérarchie, étant précisé qu’une lettre de préavis de clôture de la relation a depuis été adressée au client.
Interrogé sur la mise en place de ce prêt, vous avez indiqué ne pas avoir su opposer un refus de prêt au client, l’avoir prévenu que cette demande de prêt ne serait probablement pas acceptée et avoir déjà mis en place pour ce client en 2016 un prêt de 10.000 euros dont les fonds avaient été transférés en Syrie.
De même, en août 2019, votre directrice d’agence a dû vous rappeler à l’ordre car vous aviez accepté, avant de les restituer, des cadeaux de marque ainsi que des espèces pour un montant total de 300 euros de la part de deux clientes.
Vous avez expliqué ne pas vous souvenir du montant au-delà duquel les cadeaux doivent obligatoirement faire l’objet d’une déclaration, alors même que vous aviez fait le nécessaire pour des chocolats en décembre 2018.
Nous constatons que vous n’avez tenu aucun compte des mentions figurant dans vos évaluations professionnelles depuis 2015, des rappels à l’ordre et alerte de votre hiérarchie quant à vos pratiques et défaillances en matière de gestion du risque et de la conformité.
Aussi, compte tenu de la gravité des faits et de leur persistance, nous nous trouvons dans l’obligation de mettre un terme à votre collaboration et de vous confirmer votre licenciement pour faute grave “.
Liminairement, M. [W] oppose la prescription de ces faits aux motifs que la BNP Paribas a eu connaissance des faits le 18 juillet 2019 et n’a diligenté une enquête que le 22 octobre 2019.
Cependant, si aux termes de l’article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, ces dispositions ne font pas obstacle à la prise en considération de faits antérieurs dès lors que le comportement du salarié s’est poursuivi ou s’est réitéré dans ce délai.
Liminairement, si M. [W] fait le reproche aux premiers juges de ne pas avoir examiné la prescription des faits fautifs reprochés au soutien du licenciement, l’employeur opposant que le point de départ de la prescription doit être fixé à la date du rapport d’enquête interne en date du 22 octobre 2018 lui permettant la connaissance dans leur plénitude des griefs.
L’employeur produit à ce titre l’extrait du rapport d’enquête interne qui, bien que comportant des ratures, n’en dévoile pas moins le résultat des investigations consolidé à la date du 22 octobre 2019, suite auquel elle a pris un temps supplémentaire pour l’analyser et entendre le salarié à son retour de congés le 13 novembre 2019. Il s’en évince que l’employeur alerté par des événements intervenus en juillet 2019 a sollicité une enquête et a eu connaissance des griefs reprochés au salarié au terme de cette enquête, soit moins de deux mois avant l’engagement de la procédure disciplinaire engagée par la convocation à l’entretien préalable du 17 décembre 2019. Il peut donc invoquer des faits antérieurs s’agissant de fait de même nature et qui se sont poursuivis.
Le moyen tiré de la prescription doit être écarté.
En l’espèce, il n’est pas contesté que de par ses fonctions M. [W] avait une connaissance tant du code de conduite que des règles applicables au sein de la banque. Par deux notes en date du 21 décembre 2016 et du 16 octobre 2019, la banque rappelait le dispositif de sécurité financière du groupe BNP Paribas
Il résulte des pièces produites par l’employeur que M. [W], en tant que conseiller clientèle, avait bien reçu depuis 2011 plusieurs formations appropriées à ce titre et relatives à la gestion des risques et à la conformité, la sécurité financière, la lutte contre le blanchiment des capitaux. Le salarié ne conteste d’ailleurs pas l’existence de consignes prohibant l’ouverture d’un compte dans les circonstances rappelées par l’employeur (s’assurer de l’idendité des clients, vérifier leur adresse exacte, s’informer sur leur activité professionnelle ou les éléments de leur patrimoine, déclarer les cadeaux offerts par les clients etc… ) et de la néccesité de se conformer aux règles internes eu égard au poste qu’il occupait.
Il s’évince des documents versés aux débats une continuité ‘d’anomalies’ dans l’exercice par le salarié de ses fonctions. Les pièces produites font apparaître que le salarié a procédé à six ouvertures de comptes qui ont été clôturés peu de temps après leur ouverture eu égard à leur caratère supect selon l’employeur; qu’il a procédé à trois ouvertures de compte qui n’ont donné lieu à aucun mouvement bancaire; que certains comptes sont alimentés par des chèques de montant rond et non de salaires; qu’une ouverture de compte a été recommandée pour un foyer alors qu’elle avait été refusée antérieurement; des clients sont logés chez des tiers dont deux chez la même personne.
Enfin l’employeur établit que le salarié a mentionné sur les outils informatiques des informations erronées ne correspondant pas aux véritables revenus et charges des clients, en majorant essentiellement leurs revenus et ce afin d’éviter de possibles refus de prêt faisant courrir à la banque un risque d’impayés.
L’employeur produit également copie des chèques émis en montant rond pour trois clients.
La matérialité des griefs ressort du rapport d’enquête et des documents produits (notamment relevés des compte concernés, attestation d’hébergement transmise par les clients, demandes de prêts etc). Il est également établi par les pièces versées et le courriel résumant l’entretien avec M. [W] que celui-ci n’a pas fait preuve de rigueur dans la déclaration des cadeaux reçus par les clients et a formé une demande de prêt sous couvert d’une aide familiale pour un client qui était destiné à un achat en Syrie.
M. [W] fait cependant valoir qu’aucune note de service des risques et conformité n’interdisait l’ouverture de comptes avec un tiers logeur au moyen de cartes de paiement limitatives à débit immédiat afin de limiter les risques ou que la lettre sur le dispositif de sécurité financière applicable faisait interdiction d’accorder un prêt personnel à un réfugié syrien. Toutes les entrées qu’il a pu ‘ réaliser’ ont été validées par la direction de son agence et les justificatifs d’hébergement contrôlés. S’agissant des six comptes pour lesquels une lettre de préavis de clôture a été adressée peu de temps après leur ouverture et les trois comptes sans mouvement hormis les frais bancaires, il oppose qu’il ne peut être tenu responsable de la décision des clients de clôturer leur compte ou de ne pas domicilier leurs revenus à l’agence malgré ses relances. Il fait encore valoir que la situation d’un client ne saurait présager celle du client qu’il recommande, que les seize entrées en relation pour lesquelles les clients sont logés chez des tiers logeurs validées par ses supérieurs hiérarchiques n’auraient pu être connues de l’employeur s’il n’avait pas fait de compte-rendu dans l’outil informatique. Enfin, les demandes de crédit sont pré-scorés de sorte que le seul justificatif à fournir est les avis d’impôt sur les revenus qui ont été vérifiés par sa supérieure hiérarchique avant de prendre la décision de leur accorder un crédit.
Mais ces éléments ne l’exonèrent pas des manquements commis qui sont contraires aux règles applicables au sein d’un établissement bancaire et sur lesquels son attention avait déjà été attirée à chaque entretien d’évaluation et au regard de pratique antérieurement dénoncée, notamment s’agissant de la déclaration des cadeaux offerts par les clients. Il ressort d’un courriel récapitulant l’entretien que M. [W] reconnaissait ne pas avoir été vigilant mais avait pris en compte les remarques pour les déclarations de cadeaux et les ouvertures de compte avec tiers logeurs. Il reconnaissait également son manque de rigueur dans ses actions. Il lui était rappelé à cette occasion que toutes les opérations étaient interdites pour la Syrie alors qu’il indiquait ne pas avoir été capable de dire non au client.
Par ailleurs, contrairement à ce qu’il soutient, des comptes ouverts ont été selon les relevés produits par les deux parties clôturés non pas par les clients mais en raison du caractère frauduleux de l’opération (fausses fiches de paie fournies par le client, justificatif de domicile falsifié, facilité de caisse dénoncée, engagement douteux, risque de défaut avéré douteux) et ses compte-rendus ont été notés comme n’étant pas rigoureusement complétés.
Enfin, les pièces auxquelles il se réfère pour établir que les chèques émis d’un montant rond par des clients travaillant dans le bâtiment et sollicitant des avances ne correspondent pas aux trois comptes visés par la banque.
Il ne saurait par ailleurs se dédouaner en imputant la responsabilité de certains faits à ses supérieurs hirérarchiques qui auraient validé ses opérations alors qu’il n’a pas vérifié des informations qui se sont révélées fausses ou de nature à placer la banque à risque dans le cadre de la constitution des dossiers relevant de son périmètre de compétence selon sa fiche de poste.
Les circonstances que la banque n’a subi aucun préjudice, que M. [W] donnait satisfaction dans son travail ainsi qu’en témoignent plusieurs clients et avait une importante ancienneté sont sans incidence sur l’appréciation et la réalité des manquements contractuels.
Mais il apparaît au vu de l’ensemble des éléments que les griefs reprochés à M. [W], qui n’avait jamais été sanctionné sur le plan disciplinaire, ne caractérisent pas un comportement intentionnel constitutif d’une faute grave mais s’analysent en une carrence et une négligence fautive dans l’exécution des ses missions constitutives, au regard des rappels lors de ses évaluations pendant plusieurs années de la nécessité de porter plus d’attention, constitutives d’une cause cause réelle et sérieuse de licenciement.
Le jugement doit être en conséquence confirmé en ce qu’il a condamné la BNP Paris à lui verser une indemnité de préavis, les congés payés afférents et une indemnité de licenciement dont les montants ne sont pas sérieusement contestés.
Sur l’exécution déloyale du contrat de travail
Au visa de l’article L.1222-1 du code du travail selon lequel le contrat de travail est exécuté de bonne foi, M. [W] fait grief à son employeur de lui avoir imposé des conditions difficiles pour la conduite de sa mission aux motifs qu’il assurait une double mission au sein de l’agence de [Localité 5], conseiller clientèle et chargé de l’accueil, sans tenir compte de sa nomination en qualité de conseiller client exclusivement depuis 24 novembre 2015 et qu’il n’avait pas de bureau fixe et devait recevoir ses clients au sous-sol de l’agence.
Il reproche également à son employeur de ne pas avoir tenu compte de l’avis clairement négatif émis sur son projet de licenciement par la délégation syndicale et d’avoir fait le choix de mettre fin à la relation en le licenciant pour faute grave.
L’employeur répond que sa fiche de poste prévoit que les activités principales du conseiller clientèle sont le conseil des clients et l’accueil des clients au sein de l’agence, ce qui explique que le salarié partageait son temps entre les deux missions mais n’avait pas deux postes. Elle précise que si l’agence était composée de 4 bureaux pour 5 collaborateurs il y avait toujours un collaborateur à l’accueil et que la salle au sous-sol n’était utilisée qu’exceptionnellement.
En application de l’article L.1222-1 du code du travail, le contrat de travail est présumé exécuté de bonne foi, de sorte que la charge de la preuve de l’exécution de mauvaise foi dudit contrat incombe à celui qui l’invoque.
Nonobstant le fait qu’il ne saurait être reproché à l’employeur de ne pas avoir suivi l’avis de la délégation syndicale lors du projet du licenciement, par ailleurs justifié pour cause réelle et sérieuse, les éléments produits par le salarié ne permettent pas de confirmer ses allégations. En effet, si plusieurs clients attestent qu’il les a reçus au sous sol de l’agence, il n’est pas contesté que les cinq collaborateurs présents au sein de l’agence de [Localité 5] partageaient leur temps entre l’accueil et le travail à proprement parler de conseiller client de sorte que les quatre bureaux étaient en nombre suffisant, sauf de façon exceptionnelle, conduisant le salarié à recevoir des clients dans une salle de réunion située au sous-sol de l’agence. Ces éléments ne permettent pas de caractériser la faute de l’employeur, ni le préjudice en découlant pour le salarié.
Par ailleurs, il ressort de la fiche de poste que le conseiller client doit dédier une partie de son activité à l’accueil clients. Ceci étant , M. [W] se prévaut de ce qu’il avait obtenu une promotion en étant muté d’un poste de ‘ conseiller clients et accueil’ à ‘ conseiller clients’ et que le temps d’accueil devait être réservé à sa clientèle.
Toutefois, de telles circonstances alors que le salarié ne démontre pas le préjudice en découlant, n’établit pas la mauvaise foi de l’employeur dans l’exécution du contrat.
M. [W] sera débouté de sa demande à ce titre par voie de confirmation du jugement déféré.
Sur les demandes accessoires
Partie perdante principalement, la BNP Paribas sera condamnée aux dépens d’appel et à verser à M. [W] la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Les dispositions du jugement sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile seront confirmées.
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions;
Y AJOUTANT,
CONDAMNE la SA BNP PARIBAS à verser à M. [G] [W] la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile;
CONDAMNE la SA BNP PARIBAS aux dépens d’appel.
Le greffier La présidente de chambre