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Faire un chiffre d’affaires important tout en étant basé aux Pays Bas sans moyen humain ou matériel sur place suffisant afin de gérer l’activité d’un groupe, est suspect sur le terrain fiscal. En effet, l’administration fiscale est alors enclin à retenir une simple domiciliation de surcroît lorsque le directeur de publication est résident fiscal français.
La perquisition fiscale menée aux Pays Bas au sein d’un groupe leader européen du divertissement pour adultes (production, distribution et diffusion de contenus et produits pour adultes), a été validée. Ce dernier déploie une activité média (production, chaine TV ou plateforme VOD) dans plus de 75 pays.
La société néerlandaise du groupe réalise un chiffre d’affaires important conforme à son objet social, son activité repose sur des relations contractuelles avec de nombreux clients des médias et télécommunications dans de nombreux pays de l’Union Européenne auxquels elle concède le droit de diffusion de ses chaînes TV.
Par ailleurs, la société propose directement à ses clients, opérateurs de communication électronique, la distribution de ses chaînes pour adultes. La société doit gérer mensuellement un flux important de facturations et de paiements en provenance de ses nombreux clients, elle doit également assurer le suivi technique de mise à disposition optimale de ses chaînes auprès des distributeurs ainsi qu’assurer leur contenu.
A l’adresse du siège social est également présent le cabinet comptable, laissant ainsi présumer qu’il s’agit d’une adresse de domiciliation.
Il en résulte que la société néerlandaise dispose à l’adresse de son siège social aux PAYS BAS de moyens d’exploitation limités tant au regard du niveau d’activité qu’elle déclare qu’aux exigences techniques, juridiques et financières que son activité impose.
La société ne dispose au mieux que d’une salariée sur place en la personne d’une responsable administrative et opérationnelle alors qu’il apparaît que l’administrateur et directeur de la publication est résident fiscal français et déclaré comme l’un des deux salariés déclarés par la société néerlandaise. A noter qu’eu égard à l’importance des tâches listées au contrat de travail de la salariée, il apparaît peu plausible qu’elle soit en capacité d’y faire face seule.
En ce qui concerne le contrat de bail celui-ci concerne un local dénommé ‘espace de bureau’ d’une surface de 34,2 m2, sans plus de précision (le plan en annexe n’étant pas produit). Or, cette surface ne semble pas adaptée pour permettre à la société de développer son activité telle que déclarée.
Dès lors, il ressort de ce qui précède que la société qui ne semble posséder aux PAYS-BAS ni le matériel ni les moyens humains nécessaires à la réalisation de son objet social et de ses obligations contractuelles pour le volume d’affaires qu’elle déclare, est présumée disposer en FRANCE des moyens d’exploitation techniques et humains de la SAS 1979.
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 15
ORDONNANCE DU 30 NOVEMBRE 2022
(n° 45, 16 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : 22/05956 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFQHY
Décision déférée : Ordonnance rendue le 22 mars 2022 par le Juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de PARIS
Nature de la décision : Contradictoire
Nous, Elisabeth IENNE-BERTHELOT, Conseillère à la Cour d’appel de PARIS, déléguée par le Premier Président de ladite Cour pour exercer les attributions résultant de l’article L16B du Livre des procédures fiscales, modifié par l’article 164 de la loi n°2008-776 du 04 août 2008 ;
assistée de Véronique COUVET, greffier lors des débats et de la mise à disposition ;
Après avoir appelé à l’audience publique du 12 octobre 2022 :
Société [H] [D] TV NETHERLANDS BV, société de droit néerlandais
Prise en la personne de son représentant légal
Elisant domicile au cabinet de Me Pierre BOUDRIOT
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me Pierre BOUDRIOT, de la SELEURL PIERRE BOUDRIOT, avocat au barreau de PARIS, toque : J056
APPELANTE
et
LA DIRECTION NATIONALE D’ENQUETES FISCALES
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Jean DI FRANCESCO, de la SCP URBINO ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0137
Assistée de Me Nicolas NEZONDET substituant Me Jean DI FRANCESCO, de la SCP URBINO ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0137
INTIMÉE
Et après avoir entendu publiquement, à notre audience du 12 octobre 2022, l’avocat de l’appelante et l’avocat de l’intimée ;
Les débats ayant été clôturés avec l’indication que l’affaire était mise en délibéré au 30 Novembre 2022 pour mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.
Avons rendu l’ordonnance ci-après :
Le 22 mars 2022 le juge des libertés et de la détention (ci-après JLD) du Tribunal Judiciaire (ci-après TJ) de PARIS a rendu, en application de l’article L. 16B du livre des procédures fiscales (ci-après LPF), une ordonnance à l’encontre de :
— la société de droit néerlandais [H] [D] TV Netherlands BV, représentée par Monsieur [S], dont le siège social est sis R […] à R […] et qui a pour objet social la production, l’édition et la distribution de programmes pour la télévision, la radio, la vidéo internet et autres supports de communication.
— la société de droit néerlandais Premium Content BV, représentée par Monsieur [S], dont le siège social est sis H […] à [Localité 6] aux Pays -Bas et qui a pour objet social la gestion, commercialisation et développement de contenus et de services numériques et autres formes de communication.
— la société de droit suisse Inmedia Digital AG, représentée par monsieur M B, dont le siège social est sis E […] S […] et qui a pour objet social de développer, fabriquer, produire, commercialiser, vendre et gérer des contenus médiatiques et des droits de la propriété intellectuelle associés, aisni que leur traitement, la conclusion d’accords de licence ou de sous-licence, de conseil et autres services pour des sociétés affiliées à des tiers ainsi que toutes les activités commerciales ou financières dans le pays et à l’étranger, qui sont liés à l’objet de l’entreprise, y compris l’acquisition, l’administration et la vente de droits de licence, de brevets , marques et autres biens immatériels.
L’ordonnance autorisait des opérations de visite et saisie dans les lieux suivants :
— locaux et dépendances sis [Adresse 1], susceptibles d’être occupés par la SAS 1979 et / ou […] la société Inmedia Digital AG et/ou la société [H] [D] TV Netherlands BV et/ou la société Premium Content BV et/ ou toute autre société du groupe informel [D].
L’autorisation de visite et saisie des lieux susmentionnés était délivrée aux motifs que les sociétés de droit néerlandais [H] [D] TV NETHERLANDS BV et Premium Content BV et la société de droit suisse Inmedia Digital AG exerceraient depuis la France tout ou partie de leurs activité sans souscrire les déclarations fiscales correspondantes et ainsi omettraient de passer les écritures comptables y afférentes ;
Et ainsi sont présumées s’être soustraites et/ou se soustraire à l’établissement et au paiement des impôts sur les bénéfices et de la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA), en se livrant à des achats ou des ventes sans facture, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles ou en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures ou en passant ou en faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le Code général des impôts (articles 54 et 209-I pour l’IS et 286 pour la TVA).
L’ordonnance était accompagnée de 88 pièces annexées à la requête.
Il résultait de l’ordonnance du JLD que le groupe [H] [D], créé en 1979, est le leader européen du divertissement pour adultes (production, distribution et diffusion de contenus et produits pour adultes), il déploie une activité média ( production, chaine TV ou plateforme VOD), il est présent dans plus de 75 pays, il est détenu et dirigé par [H] et [X] [D], pseudonymes respectifs de [L] et [I].
* * *
Concernant la société néerlandaise [H] [D] TV Netherlands BV
Le groupe [D] dispose d’une offre TV proposant des contenus pour adultes portée par la société [H] [D] TV NETHERLANDS BV dont le directeur général et directeur de la publication est Monsieur [X] [D].
Cette société est dirigée par [X] [D] qui en est le représentant légal depuis sa constitution, il dispose d’un pouvoir de signature individuel. Madame [Y] est responsable administratif et opérationnel depuis 2011. Son capital social est détenu par la société luxembourgeoise TV Rights Sàrl (50%) et par la SAS 1979 (47,55%).
Ni la société luxembourgeoise TV Rights Sàrl, qui ne dispose d’aucun moyen d’exploitation à l’adresse de son siège social, ni ses gérants actuels ne sont présumés détenir un pouvoir décisionnel sur la société néerlandaise [H] [D] TV NETHERLANDS BV, la société luxembourgeoise TV Rights Sàrl est ainsi présumée n’être qu’une holding passive.
La société néerlandaise [H] [D] TV NETHERLANDS BV réalise un chiffre d’affaires important conforme à son objet social, son activité repose sur des relations contractuelles avec de nombreux clients des médias et télécommunications dans de nombreux pays de l’Union Européenne auxquels elle concède le droit de diffusion de ses chaînes TV. Par ailleurs, [H] [D] TV NETHERLANDS BV propose directement à ses clients ces mêmes chaînes. La société [H] [D] TV NETHERLANDS BV doit gérer mensuellement un flux important de facturations et de paiements en provenance de ses nombreux clients, elle doit également assurer le suivi technique de mise à disposition optimale de ses chaînes auprès des distributeurs ainsi qu’assurer leur contenu.
A l’adresse du siège social de la société [H] [D] TV NETHERLANDS BV est également présent le cabinet comptable A, laissant ainsi présumer qu’il s’agit d’une adresse de domiciliation.
Il en résulte que la société néerlandaise [H] [D] TV NETHERLANDS BV dispose à l’adresse de son siège social aux PAYS BAS de moyens d’exploitation limités tant au regard du niveau d’activité qu’elle déclare qu’aux exigences techniques, juridiques et financières que son activité impose. Elle ne dispose au mieux que d’un salarié sur place en la personne de Madame [Y], de plus il apparaît que Monsieur [X] [D], résidant sur le territoire national, administrateur et directeur de la publication de [H] [D] TV NETHERLANDS BV , est l’un des deux salariés déclarés par la société néerlandaise.
Concernant les factures adressées à la société néerlandaise [H] [D] TV NETHERLANDS BV, il est établi que celles-ci comportent la précision d’adressage à un salarié de la société française 1979, ou bien se rapportent à des prestations ou livraisons réalisées en faveur de deux salariées de la société française 1979, ou bien sont adressées à une ancienne adresse de la société française 1979, laissant ainsi présumer que la société néerlandaise [H] [D] TV Netherlands BV utilise des moyens humains et matériels appartenant à la société française 1979.
Les demandes de remboursement de TVA déposées au nom de [H] [D] TV NETHERLANDS BV auprès de l’administration française sont suivies par Monsieur P V, associé du cabinet comptable K sis […] aux PAYS-BAS, et non pas directement par la société elle-même.
Par ailleurs la SAS 1979 emploie sur le territoire national, un grand nombre de salariés dont les compétences très variées permettent d’assurer l’exploitation quotidienne de la société néerlandaise [H] [D] TV NETHERLANDS BV (gestion du contenu des chaînes de télévision du groupe [D], suivi juridique, technique et financier avec des clients répartis dans de nombreux pays de l’Union Européenne) pour le niveau d’activité qu’elle déclare, de plus Monsieur [S], rémunéré en tant que Directeur Général de la SAS 1979, est également administrateur, directeur général et directeur de publication de la société néerlandaise [H] [D] TV NETHERLANDS BV .
La SAS 1979 facture à sa filiale néerlandaise des prestations de services intracommunautaires dont il peut être présumé qu’elles rémunèrent les prestations rendues pour assurer la marche quotidienne de la société [H] [D] TV NETHERLANDS BV tant au niveau technique, juridique, éditorial que comptable et financier.
Dès lors, il ressort de ce qui précède que la société [H] [D] TV NETHERLANDS BV, qui ne semble posséder aux PAYS-BAS ni le matériel ni les moyens humains nécessaires à la réalisation de son objet social et de ses obligations contractuelles pour le volume d’affaires qu’elle déclare, est présumée disposer en FRANCE des moyens d’exploitation techniques et humains de la SAS 1979 et de Monsieur [S], dirigeant des sociétés [H] [D] TV NETHERLANDS BV et SAS 1979, homme clef du groupe [D]. Celui-ci étant le représentant légal et directeur de la publication, en tant que dirigeant ayant les pouvoirs les plus élargis et qu’homme clef du groupe [D], il peut prendre les décisions stratégiques pouvant engager la société néerlandaise sur le long terme, ainsi que la gérer au quotidien.
Ainsi, la société de droit néerlandais [H] [D] TV NETHERLANDS BV exercerait, depuis le territoire national, tout ou partie de son activité de prestations de distribution de productions cinématographiques et télévisuelles sans souscrire les déclarations fiscales correspondantes et, ainsi, omettrait de passer les écritures comptables y afférentes.
Dès lors, compte tenu de l’ensemble des éléments qui précèdent, la société néerlandaise [H] [D] TV NETHERLANDS BV est présumée réaliser tout ou partie de son activité depuis le territoire national avec les moyens de la SAS 1979, ne disposant pas aux PAYS-BAS des moyens humains et matériels nécessaires à la réalisation de son objet social ni d’un dirigeant ayant les pouvoirs les plus élargis pour gérer quotidiennement et sur le long terme, stratégiquement, la société.
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Concernant la société néerlandaise Premium Content BV
Cette société constituée en juin 2013 est dirigée par Monsieur [S] qui réside en France, son associé unique à sa création, elle serait aujourd’hui détenue à parts égales par Monsieur M. H qui réside en France et la société néerlandaise Thematic Holding, par ailleurs Thematic Holding BV n’apparaît pas être représentante légale de Premium Content BV et en serait de fait un simple actionnaire, à l’adresse de son siège social figure une plaque comportant la dénomination [D], présumée concerner Premium Content BV, et qui la lierait de fait au groupe français du même nom.
La société Premium Content BV a une activité commerciale soutenue en lien avec les échanges commerciaux importants constatés avec la SAS 1979, lui permettant ainsi de dégager des résultats annuels conséquents alors qu’elle dispose de moyens d’exploitation humains ou matériels très limités voire néants aux PAYS-BAS selon les exercices, le pouvoir décisionnel de la société Premium Content BV est présumé être concentré entre les mains de son dirigeant Monsieur [S], également associé et dirigeant de la SAS 1979, homme clef du groupe [D], compte tenu des moyens humains et matériels très limités dont ladite société dispose aux PAYS-BAS pour la réalisation de son objet social, tant dans sa gestion quotidienne que stratégiquement, sur le long terme.
Par ailleurs la SAS 1979 emploie sur le territoire national, des salariés dont les compétences très variées permettent d’assurer l’exploitation quotidienne de la société néerlandaise Premium Content BV pour le niveau d’activité qu’elle déclare et qu’elle dispose en outre de moyens matériels d’exploitation conséquents.
Ainsi, il ressort de ce qui précède que la société Premium Content BV, présumée ne pas disposer de moyens d’exploitation suffisants lui permettant de réaliser son objet social de gestion, commercialisation et développement de contenus et de services numériques et autres formes de communication pour le niveau d’activité qu’elle déclare, est présumée disposer sur le territoire national des moyens d’exploitation humains et matériels de la SAS 1979.
La société de droit néerlandais Premium Content BV exercerait, depuis le territoire national, son activité de gestion, commerce et développement de contenus et de services numériques et autres formes de communication sans souscrire les déclarations fiscales correspondantes et, ainsi, omettrait de passer les écritures comptables y afférentes.
Dès lors, compte tenu de l’ensemble des éléments qui précèdent, la société néerlandaise Premium Content BV est présumée réaliser tout ou partie de son activité depuis en FRANCE dans les locaux de la SAS 1979, ne disposant pas aux PAYS-BAS des moyens humains et matériels nécessaires à la réalisation de son objet social ni d’un dirigeant ayant les pouvoirs les plus élargis pour gérer quotidiennement et sur le long terme, stratégiquement, la société, ce dernier étant Monsieur [I], résidant sur le territoire national et homme clef du groupe [D].
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Concernant la société de droit suisse Inmedia Digital AG
Celle-ci propose l’accès à des vidéos en ligne et à des chaînes TV du groupe [D] contre abonnement ainsi qu’un programme d’affiliation pour des sites internet partenaires.
Les serveurs utilisés par les sites www.[08].com et www.[09].com sont localisés sur le territoire national […]
Il résulte de la requête de l’administration fisacle que la société suisse Inmedia Digital AG, présumée domiciliée chez une fiduciaire où elle ne disposerait pas des moyens d’exploitation lui permettant le suivi d’un programme d’affiliation ni d’un service d’abonnement vidéo, dispose en revanche sur le territoire national des moyens d’exploitation humains et matériels de la SAS 1979 qui assurait précédemment ces deux activités, ainsi elle exercerait, depuis le territoire national, tout ou partie de son activité de programme d’affiliation et d’abonnement vidéo sans souscrire les déclarations fiscales correspondantes et, ainsi, omettrait de passer les écritures comptables y afférentes.
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La SAS 1979 entretient des relations commerciales régulières avec les sociétés néerlandaises [H] [D] TV NETHERLANDS BV et Premium Content BV, dont elle est cliente mais également fournisseur de prestations de services intracommunautaires, ces trois sociétés ont comme représentant légal commun Monsieur G . La société suissse Inmedia Digital AG et les sociétés néerlandaises semblent utiliser les moyens d’exploitation humains et matériels de la SAS 1979.
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Au vu de ces éléments, le JLD a autorisé la visite domiciliaire dans les locaux et dépendance sis [Adresse 1], susceptibles d’être occupés par la SAS 1979 et / ou […] la société Inmedia Digital AG et/ou la société [H] [D] TV NETHERLANDS BV et/ou la société Premium Content BV et/ ou toute autre société du groupe informel [D].
Les opérations de visite et saisie se sont déroulées le 24 mars 2022.
Le 4 avril 2022, la société [H] [D] TV NETHERLANDS BV a interjeté appel de l’ordonnance du JLD (RG 22/05956).
L’affaire a été audiencée pour être plaidée le 12 octobre 2022, à cette audience l’affaire a été mise en délibéré pour être rendue le 30 novembre 2022.
Par conclusions déposées au greffe de la Cour d’appel de Paris le 25 juillet 2022, et par conclusions récapitulatives déposées le 5 octobre 2022, l’appelante fait valoir :
Discussion :
L’appelante rappelle qu’en droit, le juge doit vérifier de manière concrète que la demande d’autorisation qui lui est soumise est bien fondée, conformément aux exigences de l’article L.16B du LPF et à une jurisprudence constante, la demande de l’administration doit comporter tous les éléments d’information en sa possession de nature à justifier la visite.
En l’espèce concernant l’ordonnance du 22 mars 2022, l’administration fiscale n’a pas présenté de présomptions suffisantes pour justifier la mise en oeuvre de l’art L 16B du LPF et elle s’est abstenue de fournir un certain nombre d’éléments à décharge dont elle avait connaissance et n’a produit, au soutien de sa requête, que des éléments parcellaires, et pour certains erronés, au JLD.
Pour établir la prétendue présomption de fraude, l’administration se fonde sur le seul et unique argument selon lequel la société néerlandaise ne dispose pas aux Pays-Bas des moyens humains et matériels nécessaires à la réalisation de son objet social ni d’un dirigeant ayant les pouvoirs les plus élargis pour gérer stratégiquement la société.
L’administration se fonde sur 3 affirmations de fraude qui se rapportent à l’activité de la société, à ses moyens matériels et humains, à son siège de direction effective.
L’appelante est fondée à combattre les présomptions et à présenter les éléments de fait et de droit à décharge, ces éléments ayant dû conduire le Juge des libertés et de la détention à refuser l’autorisation de visite et de saisie.
1) Sur l’activité réelle et effective de la société [H] [D] TV NETHERLANDS BVet ses obligations légales et règlementaires
L’administration a présenté de façon erronée au JLD les activités déployées par la société [H] [D] TV NETHERLANDS BV en amalgamant volontairement l’activité de production et de distribution de programmes unitaires (réalisée par la SAS 1979 établie en France) avec l’activité distincte d’édition et d’exploitation de chaines TV (réalisée par [H] [D] TV NETHERLANDS BV établie aux Pays-Bas). Or les différentes sociétés du ‘groupe [D]’, dont l’organigramme est fourni, ont chacune des fonctions précises et séparées.
La société historique du groupe créée en 1979 (société 1979) a essentiellement pour activité l’exploitation de sa marque [D], la production de ses oeuvres audiovisuelles pour adultes et le catalogue distribué à ses clients (parmi lesquels [H] [D] TV NETHERLANDS BV) sous forme de contrat de licence.
La société [H] [D] TV NETHERLANDS BV, en partenariat avec son associé (la société luxembourgeoise TV RIGHT SARL) a pour seule activité : la création et l’édition des chaines de télévisions à partir du catalogue de la société 1979 et la commercialisation des chaines à des opérateurs TV européens. En revanche la société [H] [D] TV NETHERLANDS BV ne produit et ne distribue aucun programme contrairement à ce qu’affirme l’administration. Le schéma tel que décrit est en conformité avec la chaîne de valeurs de l’industrie audiovisuelle dont chaque activité et type d’acteur est clairement définie par la loi la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.
Celle-ci distingue : les producteurs de contenus, qui possèdent des programmes et dont l’activité est de les vendre ; les titulaires de marque qui les licencient ; les éditeurs de services audiovisuels (TV ou VOD) dont l’activité est de construire leur chaîne TV et leur service VOD sous leur responsabilité éditoriale puis de les exploiter, notamment en faisant appel à des distributeurs ; et les distributeurs et opérateurs qui commercialisent ces services audiovisuels. Cette répartition des fonctions est expressément confirmée dans le rapport de juin 2017 du CSA.
Tandis que la fonction de production et distribution de programmes n’est soumise à aucune réglementation, la fonction d’édition et de diffusion de services audiovisuels (ici chaînes TV) est soumise à une réglementation stricte. la société doit disposer d’une autorisation administrative préalable dite « conventionnement ».
Dans ses conclusions, l’administration fiscale admet avoir limité la présentation de l’activité de la société [H] [D] TV NETHERLANDS BV à la description de son objet social, elle a également passé sous silence la réglementation contraignante de la diffusion de ce service audiovisuel (principe du conventionnement français délivré par l’ARCOM) et elle a donc induit en erreur le JLD.
La partie appelante rappelle les règles de conventionnement (Loi du 30/09/1986) selon lesquelles même si la diffusion de programmes à contenu pornographie est autorisée, une chaine pornographique ne peut obtenir de conventionnement en France et ne peut-être éditée en France, or cette problématique est connue de l’administration car rappelée dans la pièce 20 visée par l’ordonnance (contrat initial du 18/12/2012 avec l’opérateur Free).
L’administration fiscale dans ses conclusions ne conteste pas l’importance des ‘raisons juridiques ayant motivé la création de la société aux Pays-Bas’, information pourtant essentielle qu’elle n’a pas transmise au juge qui n’aurait pas délivré l’ordonnance s’il avait eu connaissance de cette contrainte déterminante.
La partie appelante rappelle les motifs pour lesquels les activités de création et de diffusion des chaines du groupe [D] ont été établies aux Pays-Bas en accord avec le CSA (autorisation par la Hollande de l’édition de chaines sur son territoire dans le respect des directives européennes applicables au sujet).
Il est rappelé que le Commissariat voor de Media, autorité régulatrice hollandaire, délivre des conventionnements permettant l’existence de cette activité aux seules sociétés hollandaises sous réserve qu’elles diposent d’un établissement stable au pays bas et fixent leur centre de décision éditoriale au Pays Bas, étant observé que ces obligations sont régulièrement contrôlées par l’autorité régulatrice hollandaise. Il en résulte qu’ il ne peut être contesté que la création de la société auxPays-Bas résulte de contraintes propres à l’établissement de chaines pornographies en France, et non à une volonté d’ éluder l’impôt, et que la société dispose bien d’un établissement stable aux Pays-Bas.
2) Sur la prétendue absence de moyens matériels et humains de la société [H] [D] TV NETHERLANDS BV
La société [H] [D] TV NETHERLANDS BV aux PAYS-BAS dipose de tous les moyens matériels nécessaires à l’exercice de son activité (bail d’un local fourni en pièce 11 et matériel informatique de 130.000 euros en pièce 12).
Concernant les moyens humains, contrairement à ce que soutient l’Administration au regard du registre du commerce néerlandais à jour au 18/02/2022 mentionnant 0 employé, la société emploie Mme [Y], directrice administrative et opérationnelle, en qualité non plus de salariée mais de « représentant mandaté en raison des fonctions de dirigeante qu’elle assume ». Le reclassement de celle-ci n’apparaissant pas dans le registre du commerce néerlandais.
Grâce à ses qualifications reconnues par le NICAM et compte tenu de la nature de l’activité de la société, [Y] est parfaitement à même d’assurer intégralement l’activité de la société, conformément à son contrat de travail. Celle-ci assure intégralement l’obtention et le renouvellement des conventionnements aux PAYS-BAS pour pouvoir éditer et diffuser les différentes chaînes. Elle prend les décisions éditoriales par la création des grilles de programmes et son antenne à travers une sélection mensuelle des programmes et un planning de diffusion, qu’elle signe et valide seule. Dans sa fonction éditoriale, elle était assistée par monsieur F G jusqu’en 2006, elle bénéfice désormais de la mise à disposition ponctuelle de personnels de la SAS 1979, prestations régulièrement refacturées à la société [H] [D] TV NETHERLANDS BV et dont les interventions sont limitées , elle a délégué certaines tâches à des sous-traitants, directement en relation avec elle (La société néerlandaise OD MEDIA BV) et a des agents commerciaux locaux assurant la commercialisation des chaînes auprès des opérateurs de leur zone géographique (les opérateurs européens représentant 50% du chiffre d’affaire).
Enfin, un cabinet d’expertise, la société K assure intégralement la comptabilité, les déclarations fiscales et sociales de la société [H] [D] NETHERLANDS BV et également la facturation effectuée mensuellement sous la supervision et en fonction des instructions de Madame [Y], qui découle des reportings que lui envoient les agents qu’elle coordonne.
Par conséquent, l’Administration ne pouvait ignorer que la société [H] [D] TV NETHERLANDS BV dispose bien de tous les moyens matériels et humains pour exercer son activité, et n’a pas fourni au JLD les informations nécessaires qui lui auraient permis de vérifier de façon concrète et impartiale que la demande d’autorisation de la procédure de visite et de saisie qui lui a été soumise est bien fondée. Si le JLD avait été informé de façon objective de l’activité de la société et de ses modalités de fonctionnement, il aurait refusé de délivrer l’ordonnance contestée.
Concernant les prétendues prestations réalisées par les salariés de la société SAS 1979, l’administration fait une confusion entre les activités respectives des sociétés [H] [D] TV NETHERLANDS BV et SAS 1979, et n’apporte pas la preuve d’une présomption de l’implication des salariés de la SAS 1979 dans la gestion effective et quotidienne de la société [H] [D] TV NETHERLANDS BV.
Les rapprochements des profils linkedin faits par l’administration sont hasardeux et inexacts.
Concernant l’activité de développement des produits et opérations, l’activité marketing et commerciale, celles-ci ne relèvent pas des tâches de cette activité est exercée par la SAS 1979 et ne relève pas de l’activité de la société [H] [D] TV NETHERLANDS BV.
Les salariés visés dans l’ordonnance sont affectés à des tâches relevant des fonctions de la SAS 1979. Et en aucun cas de la société [H] [D] TV NETHERLANDS BV.
D’ailleurs dans ses conclusions, l’administration fiscale ne le conteste pas.
Enfin, concernant l’activité comptable et financière de la société [H] [D] TV NETHERLANDS BV, celle-ci est assuré par le prestataire néerlandais, la société K, rémunérée pour ses services comptables et ses services de facturation (pièce 24), ainsi, contrairement à ce qu’affirme l’administration fiscale, l’activité comptable et financière n’est pas assurée par le personnel comptable de la SAS 1979.
Sur un ensemble de 196 factures communiquées, seule une facture a été adressée à tort à la société [H] [D] TV NETHERLANDS BV avec une adresse française tandis qu’une autre a été justement envoyé à la responsable des relations publiques du groupe.
Par conséquent, il ressort d’une analyse objective des fonctions exercées par les différents salariés de la SAS 1979 que ces derniers n’interviennent exclusivement que pour la SAS 1979 et en aucun cas pour le compte de la société [H] [D] TV NETHERLANDS BV.
3) Sur le siège de direction effective.
L’administration soutient que madame [Y], est présumée ne pas avoir la capacité de gérer à elle seule la marche quotidienne de la société [H] [D] TV NETHERLANDS BV, et que monsieur [S] [D],domicilié en France, en tant que dirigeant ayant les pouvoirs les plus élargis au sein du groupe [D] peut prendre les décisions stratégiques pouvant engager la société néerlandaise, ces affirmations sont erronées.
Concernant Mme [Y], elle dispose, en tant que directrice administrative et opérationnelle de pouvoirs de gestion au quotidien, conformément à son contrat de travail complété par une délégation de pouvoirs à son égard qui lui permet de conclure des contrats avec les opérateurs TV, de conduire correspondance avec les agences gouvernementales liées aux médias, ainsi que la conclusion de contrats avec le commissariat VOOR DE MEDIA ou BUMA STEMRA (organisme privé néerlandais de gestion de droits d’auteurs). Elle est également compétente dans le domaine de la gestion des débiteurs pour la société.
Concernant M. [X] [D], il est dirigeant de la société [H] [D] TV NETHERLANDS BV et à ce titre il prend les décisions stratégiques engageant la société. Toutefois le siège de direction effective se situe au lieu où sont prises les principales décisions de gestion et les grandes orientations stratégiques de la société (commentaires OCDE et doctrine administrative ). Or c’est bien aux Pays-Bas où Monsieur [S] [D] se rend régulièrement que sont prises les décisions stratégiques de la société tant ponctuelles que sur le long terme, comme le démontre les procès-verbaux des assemblées générales de la société faisant mention de sa présence physique sur place, et de la société luxembourgeoise TV RIGHT SARL, coactionnaire à 50% et elle-même détenue à 80% par des personnes physiques étrangères au groupe.
Par conséquent, si tous ces éléments de fait avaient été fournis par l’Administration au JLD, celui-ci aurait pu vérifier de manière concrète si la demande d’autorisation de visite et de saisie était bien fondée et ainsi aurait refusé d’accorder l’ordonnance du 22 mars 2022 autorisant les procédures de visites et de saisies à l’encontre de la société [H] [D] TV NETHERLANDS BV.
Non divulgation des adresses et des noms patronymiques des dirigeants et des collaborateurs
Le groupe [D] et notamment Monsieur [X] [D] ont fait l’objet de menaces terroristes en raison de leurs activités télévisuelles dans différents pays musulmans. Par conséquent, il est demandé à la Cour de ne pas divulguer dans son arrêt le nom patronymique de Messieurs [D] et de leur entourage, et des collaborateurs du groupe ainsi que leurs adresses personnelles.
Par ces motifs, il est demandé de :
— Infirmer l’ordonnance du Juge des libertés et de la détention du Tribunal Judiciaire de Paris du 22 mars 2022 ;
— Ordonner la restitution de l’ensemble des éléments saisis par l’administration ;
— Ne pas divulguer les noms patronymiques et adresses des dirigeants et des collaborateurs du groupe.
Par conclusions déposées au greffe de la Cour d’appel de PARIS en date du 22 septembre 2022 soutenues à l’audience du 12 octobre 2022, l’administration fiscale fait valoir:
1 Un rappel préalable de la procédure est exposé.
2 Discusssion
1 Rappel préalable des faits concernant la société [H] [D] TV NETHERLANDS BV
L’administration fiscale rappelle et développe les éléments soumis à l’appréciation du juge justifiant la mise en oeuvre de la procédure de visite domiciliaire dans la requête ainsi que les pièces produites. Il en résulte qu’il peut être présumé que la société néerlandaise [H] [D] TV NETHERLANDS BV réaliserait tout ou partie de prestations de distribution de productions cinématographiques et télévisuelles sans souscrire les déclarations fiscales correspondantes, ne disposant pas au Pays Bas des moyens humains et matériels nécessaires à la réalisation de son objet social ni d’un dirigeant ayant les pouvoirs les plus élargis pour gérer quotidiennement et sur le long terme stratégiquement la société.
2 L’argumentation développée par les appelantes ne remet pas en cause le bien fondé des présomptions retenues par le premier juge.
A) Sur l’activité de la société [H] [D] TV NETHERLANDS BV
Contrairement à ce que soutient l’appelante, l’administration n’a pas opéré de confusion entre les activités des sociétés [H] [D] TV NETHERLANDS BV et la SAS 1979.
En l’espèce, le JLD a, en premier lieu, retenu l’objet social de la société [H] [D] TV NETHERLANDS BV (la production, l’édition et la distribution des programmes pour la télévision, la radio, la vidéo internet et autres supports de communication) et en second lieu (à l’examen du site www.[07].tv.com) a relevé quela société , en proposant l’offre TV du groupe [D] contre abonnement soit en ligne soit via un opérateur de télévision, devait assurer le suivi technique de mise à disposition optimale de ses chaînes auprès des distributeurs, en assurer le contenu et gérer également tant la facturation que le paiement par les opérateurs TV.
Par conséquent, les éléments retenus par le JLD ne sont pas contraires au descriptif par l’appelante : assemblage et adaptation des programmes, édition et exploitation de chaînes TV sur lesquels les contenus sont diffusés.
B) Sur les règles de fonctionnement d’une chaîne de télévision pour adultes
Il est reproché à l’administration de ne pas avoir informé le JLD de la règlementation française en matière de conventionnement, au préalable il est rappelé que selon la jurisprudence constante de la Cour de cassation celle-ci subordonne la sanction d’une absence de communication d’éléments dont l’administration avait connaissance, à la condition que ces pièces aient été de nature à remettre en cause l’appréciation des éléments de fraude par le juge, ce qui n’est pas le cas.
En effet l’administration n’a jamais remis en cause les raisons juridiques ayant motivé la création de la société aux Pays-Bas du fait des règles de conventionnement applicables. Ce qui était ici en cause, c’est la présomption d’une activité exercée à partir de la France, où il pouvait être présumé que la société disposait sur le territoire national d’une direction effective et de moyens nécessaires à l’exercice de son activité alors que ces moyens paraissaient insuffisants aux PAYS-BAS. Une telle activité ainsi exercée , aurait du être déclarée en France pour y être soumise à l’ensemble des impôts commerciaux.
Contrairement à ce que soutient l’appelante, peu important l’existence d’un établissement stable en FRANCE, dont la discussion relève du contentieux de l’impôt (Cass. com., 29 juin 2010, n°09-15706).
C) Sur l’insuffisance de moyens aux PAYS-BAS et la présomption de moyens en France
Concernant les moyens matériels de la société aux PAYS-BAS, le JLD relevait d’une part, que l’existence d’un local de 35m2 uniquement depuis le 1eravril 2019 apparaissait insuffisant au regard du flux important de factures et de paiements en provenance de ses nombreux clients à gérer mensuellement, de sa tâche d’assurer le suivi technique de mise à disposition optimale de ses chaînes auprès des distributeurs ainsi qu’assurer leur contenu, d’autre part que l’adresse du siège social était également le cabinet comptable A, laissant ainsi présumer qu’il s’agit d’une adresse de domiciliation.
Concernant les moyens humains, même si Mme [Y] est directrice administrative et opérationnelle, l’effectif de la société apparaît insuffisant à l’exercice de son activité.
Parallèlement, le JLD relevait que la SAS 1979 emploie sur le territoire national un grand nombre de salariés dont les compétences très variées permettent d’assurer l’exploitation quotidienne de la société néerlandaise [H] [D] TV NETHERLANDS BV pour le niveau d’activité qu’elle déclare ; que Monsieur G directeur général de la SAS 1979, est également administrateur, directeur général et directeur de publication de la société [H] [D] TV NETHERLANDS BV , que de plus des factures adressées à la société [H] [D] TV NETHERLANDS BV sont particulièrement adressées à des salariés de la société SAS1979 ou à une ancienne adresse de cette société française, qu’enfin, la SAS 1979 facture à sa filiale néerlandaise des prestations de services intracommunautaires dont il peut être présumé qu’elles rémunèrent les prestations rendues pour assurer la marche quotidienne de la société [H] DORCELTV NETHERLANDS BV, tant au niveau technique, juridique, éditorial que comptable et financier.
Ces éléments permettant de présumer que la société [H] [D] TV NETHERLANDS BV disposait en FRANCE de moyens d’exploitation techniques et humains de la SAS 1979 et de Monsieur [S], dirigeant des sociétés [H] [D] TV NETHERLANDS BV et SAS 1979, homme clef du groupe [D].
Cette présomption est renforcée par l’appelante elle-même lorsqu’elle indique que Mme J M est régulièrement assistée par « une mise à disposition ponctuelle de personnels par la SAS 1979, prestations régulièrement refacturées à la société [H] [D] TV NETHERLANDS BV ».
D) Sur le siège de direction effective
En l’espèce, quand bien même Mme [Y] est désignée en qualité de responsable administratif et opérationnel de la société, M. [X] [D], domicilié en France, est associé et président de la SAS 1979, société française détenant 47,55% de [H] [D] TV NETHERLANDS BV.
Par conséquent, cela suffit à présumer qu’il dispose du pouvoir de prendre les décisions stratégiques pouvant engager la société [H] [D] TV NETHERLANDS BV sur le long terme ainsi que la gérer au quotidien.
Par ces motifs, il est demandé de :
— Confirmer l’ordonnance du JLD de PARIS du 22 mars 2022,
— Rejeter toutes demandes, fins et conclusions,
— Condamner l’appelante au paiement de la somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
SUR CE LA COUR
— Sur le moyen selon lequel les présomptions sont insuffisantes pour justifier la mise en oeuvre de l’article L 16B du LPF concernant l’activité effective et les obligations réglementaires de la société [H] [D] TV NETHERLANDS BV eu égard aux éléments transmis par l’administration fiscale.
Dans son ordonnance, le JLD présente la société [H] [D] TV NETHERLANDS BV en précisant son objet social comme étant ‘la production, l’édition et la distribution de programmes pour la télévision, la radio la vidéo internet et autres supports de communication’.
La partie appelante argue que cette description d’activité est erronée et démontre dans ses écritures et par la production de pièces (2,3,4 , 6 à 9) que l’activité de cette société est limitée à l’activité d’édition et d’exploitation de chaines TV qui est différente de l’activité de production et de distribution de programmes, réalisée par la société SAS 1979 établie en France. Or il convient de relever que dans dans sa requête l’administration fiscale précise l’objet social de la société en sefondant sur les statuts mêmes de cette société (pièces 13 et 14) qui présentent son objet social de cette manière, qu’il ne peut être reproché à l’administration fiscale d’avoir transmis une information erronée au JLD, qui a donc repris l’objet social tel que présenté dans son ordonnance.
Il convient de rappeler que la jurisprudence de la Cour de cassation subordonne la sanction d’une absence de communication d’éléments dont l’administration avait connaissance à condition que ces pièces aient été de nature à remettre en cause l’apréciation des élements de fraude par le juge, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, l’administration ayant défini l’objet social de la société en se fondant sur les statuts de cette dernière.
La partie appelante précise que le choix de création d’une société de droit néerlandais immatriculée au registre du commerce et des sociétés néerlandais est justifié pour des raisons légales et règlementaires, qu’en effet l’activité d’édition et de diffusion de services audiovisuels est soumise à une règlementation stricte et que la société doit disposer d’une autorisation administrative préalable dite ‘conventionnement’, qu’une chaine pornographique ne peut obtenir en France ce conventionnement et que c’est en accord avec le CSA que les activités de création et de diffusion des chaines du groupe [D] ont été établies aux Pays-Bas. La partie appelante reproche à l’administration fiscale de ne pas avoir précisé cet aspect de la réglementation dans sa requête au JLD.
S’il est vrai que dans son ordonnance leJLD n’évoque pas la règlementation particulière à laquelle a dû se plier la société [H] [D] TV NETHERLANDS BV, il convient de rappeler que la présomption de fraude telle qu’exprimée dans l’ordonnance ne repose pas sur l’établissement de la société au Pays-Bas, dont la discussion relève du contentieux de l’impôt, mais sur le fait que la société [H] [D] TV NETHERLANDS BV ne semblait pas disposer d’une direction effective et de moyens matériels et humains suffisants aux Pays-Bas pour l’exercice de son activité, et qu’il pouvait être présumé que cette société exerçait, en utilisant les moyens de la SAS1979, sur le territoire français une activité taxable sans y respecter leurs obligations fiscales déclaratives en FRANCE.
Par conséquent, le JLD, qui devait seulement analyser les éléments qui lui étaient soumis pour apprécier s’il pouvait être suspecté que la réalité ne coïncidait pas, en tout ou partie, avec la présentation juridique qui en était faite, a exactement conclu de cet examen qu’il pouvait être présumé que cette société ne semblait pas disposer des moyens matériels et humains aux Pays-Bas pour assurer son activité conformément à son objet social résultant de ses statuts, que cette motivation répond aux exigences de l’article L 16B du LPF.
Ce moyen sera rejeté.
— Sur le moyen selon lequel les présomptions sont insuffisantes pour justifier la mise en oeuvre de l’article L 16B du LPF concernant la prétendue absence de moyens matériels et humains de la société [H] [D] TV NETHERLANDS BV
Dans son ordonnance, le JLD rappelle l’objet social de la société [H] [D] TV NETHERLANDS BV et précise que le groupe [D] dispose d’une offre TV proposant des contenus pour adultes portée par cette société. Le JLD retient les éléments permettant d’établir une présomption d’une activité de prestations de distribution de productions cinématographiques et télévisuelles exercée à partir de la France, la société réalisant tout ou partie de son activité depuis la France dans les locaux de la SAS 1979, sans disposer aux Pays-Bas des moyens matériels et humains nécessaire à la réalisation de son objet social et au respect de ses obligations contractuelles au regard du volume d’affaires déclaré aux Pays-Bas.
Le JLD relève qu’il ressort des pièces produites par l’administration fiscale que la société
[H] [D] TV NETHERLANDS BV réalise à titre habituel des prestations de services intracommunautaires à destination de clients français (société Free, Orange, Canal SA, Bouygues télécom) pour des montants importants entre 2 100 000 et 2 793 484 euros entre 2016 et 2021 (pièces 16 et 17), et également à destination de clients d’autres pays de l’Union européenne (des fournisseurs d’accès à internet, des opérateurs de téléphonie mobile et des chaines de télévision) (pièces 18 et 19), que cette société réalise un chiffre d’affaire important conforme à son objet social, qu’il résulte des pièces soumises au JLD que son activité repose sur des relations contractuelles avec de nombreux médias et télécommunications dans de nombreux pays de l’Union européenne auxquels elle concède le droit de diffusion de ses chaines TV(pièces 9 à 20), qu’il en résulte que la société [H] [D] TV NETHERLANDS BV doit gérer mensuellement un flux important de facturations et de paiements en provenance de nombreux clients et qu’elle doit assurer aussi le suivi technique de mise à disposition optimale de ses chaines auprès des distributeurs et assurer leur contenu, qu’elle doit donc bénéficier de moyens d’exploitation importants pour faire face aux exigences techniques, juridiques et financières que son activité impose.
Le JLD dans sa décision, en s’appuyant sur les pièces produites par l’administration fiscale, relève qu’en ce qui concerne ses moyens matériels, le siège social de la société [H] [D] TV NETHERLANDS BV est situé dans un immeuble de deux niveaux à R […] aux Pays-Bas, que plusieurs enseignes comportant la dénomination ‘ A ‘, société exerçant l’activité de cabinet comptable, sont présentes dans cet immeuble, qu’il peut être présumé qu’il s’agit d’une adresse de domiciliation (pièces 11à 14, 58 et 59). La société [H] [D] TV NETHERLANDS BV dépose ses comptes sociaux auprès des autorités néerlandaises qui sont uniquement signés par son administrateur Monsieur ‘G’ (pièce 12-1), selon ses comptes sociaux la société déclare employer 2 salariés entre 2013 et 2018 et aucun salarié entre 2019 et 202 2( pièce 12-1, 12-2, 13). La société déclare des immobilisations corporelles entre 2013 et 2020 qui s’élèvent entre 13 072 euros (2020) et 64 319 euros (2014) sans en préciser la nature. Le JLD précise le résultat comptable moyen qui s’établit à environ 710 000 euros entre 2011 et 2019. Madame [Y], également administrateur de la société de droit néerlandais Thematics Netherlands BV dont le siège social est fixé au même lieu, apparaît comme l’unique salariée présente sur place de la société [H] [D] TV NETHERLANDS BV pour laquelle elle exerce la fonction de ‘responsable administratif et opérationnel ‘ (operations and administrative manager) (pièce 21-1, 21-2), Monsieur [S] [D], résidant sur le territoire national qui exerce la fonction d’administrateur et directeur de la publication de [H] [D] TV NETHERLANDS BV apparaît comme le second salarié de la société. La partie appelante a produit en pièces 13 et 14, le contrat de travail de Madame [Y] et une délégation de pouvoir la concernant, eu égard à l’importance des tâches listées dans l’article 1 du contrat de travail, il apparaît peu plausible qu’elle soit en capacité d’y faire face seule. En ce qui concerne la contrat de bail produit en pièce 11, il convient de relever qu’il s’agit d’un bail conclu par la société [H] [D] TV NETHERLANDS BV depuis 2014 renouvelé jusqu’en 2024, que le bail concerne un local dénommé ‘espace de bureau’ d’une surface de 34,2 m2, sans plus de précision (le plan en annexe n’étant pas produit), que cette surface ne semble pas adaptée pour permettre à la société [H] [D] TV NETHERLANDS BV de développer son activit telle que déclarée.
Il en résulte que le JLD a ainsi motivé sa décision selon laquelle la société [H] [D] TV NETHERLANDS BV ne semble pas disposer aux Pays-Bas de moyens matériels et humains nécessaires à son activité.
En revanche, il résulte des pièces soumises par l’administration au JLD, que la société SAS 1979 emploie de nombreux salariés (46 au 31/12/2020) disposant de compétences techniques nécessaires capables d’assurer l’exploitation quotidienne de la société néerlandaise pour le niveau d’activité qu’elle déclare.
Dans son ordonnance le JLD précise les fonctions très spécifiques de certains salariés de la SAS 1979 résidant sur le territoire national : M G, B L et E L qui sont chargés de l’activité de développement des produits et opérations et spécialisés dans le technique vidéo et du développement VOD, J L et T G en charge de la réalisation de l’activité marketing et commeciale et responsables VOD, LC et LP en charge de la réalisation afférente au contenu des programmes avec une analyse quotidienne des audiences des chaines du groupe [D], SJ, LP et HG pour la réalisation de l’activité comptable et financière.
Le JLD a également relevé que certaines factures des fournisseurs de la société [H] [D] TV NETHERLANDS BV sont adressées à des salariés de chez [H] [D] SA ou de la SAS 1979 ou bien sont adressées à une ancienne adresse parisienne de la SAS 1979 (pièces 22 à 28-2). Le JLD en a déduit que la société [H] [D] TV NETHERLANDS BV était présumée utiliser les moyens humains et matériels appartenant à la société française SAS1979.
Il en résulte que le JLD, en se référant aux pièces soumises par l’administration fiscale qui pour la plupart ne sont pas contestées, en a déduit à juste titre que la société [H] [D] TV NETHERLANDS BV était présumée ne pas disposer de moyens matériels et humains au Pays- Bas mais était présumée disposer sur le territoire national des moyens humains et matériels de la SAS 1979.
Ainsi, le JLD a parfaitement motivé sa décision conformément aux exigences de l’article L 16B du LPF.
Ce moyen sera rejeté.
— Sur le moyen selon lequel les présomptions sont insuffisantes pour justifier la mise en oeuvre de l’article L 16 B du LPF concernant le siège de la direction effective
Selon la partie appelante, l’absence de direction effective retenue par le JLD ne repose sur aucun élément de preuve, Madame [Y] disposant des pouvoirs de gestion au quotidien et Monsieur [S] [D] prenant les décisions stratégiques en tant que dirigeant de la société en assistant régulièrement aux assemblées générales.
Or il convient de relever que le JLD dans sa décision a retenu, en s’appuyant sur les pièces de l’administration fiscale que Monsieur [S] [D] dirige la société [H] [D] TV NETHERLANDS BV, que celle-ci est une filiale de la société de droit français elle même détenue par G et M [D], que Monsieur [S] [D] est domicilié en France, qu’il apparaît que Monsieur [S] [D] en tant que dirigeant de la société dispose de pouvoirs très élargis et que, eu égard à à son rôle central au sein du groupe [D], il peut prendre les décisions stratégiques pouvant engager la société néerlandaise sur le long terme et la gérer au quotidien, malgré la tenue des assemblées aux Pays-Bas.
En ce qui concerne Madame [Y], celle-ci en sa qualité de représentante mandatée de la société [H] [D] TV NETHERLANDS BV, dispose de pouvoirs restreints et ne semble pas avoir la capacité de gérer à elle seule la marche quotidienne de la société ni de prendre des décisions stratégiques sur le long terme.
Il en résulte que le JLD a pu déduire des pièces accompagnant la requête que Madame [Y] ne semblait pas avoir la capacité de gérer à elle seule la marche quotidienne de la société [H] [D] TV NETHERLANDS BV ni de prendre de décision stratégique engageant la société néerlandaise, que les décisions stratégiques sont présumées être prises par G [D], résidant français, que le JLD a retenu des présomptions suffisantes concernant le siège de la direction effective de la société [H] [D] TV NETHERLANDS BV et a motivé sa décision conformément à l’article L 16B du LPF.
Ce moyen sera rejeté.
Ainsi, l’ordonnance rendue le 22 mars 2022 par le JLD du Tribunal judiciaire de Paris sera déclarée régulière et confirmée.
— Sur la demande de non divulgation des noms patronymiques et adresses du dirigeant et des collaborateurs du Groupe
Eu égard aux menaces terroristes subies par le Groupe [D] du fait de son activité télévisuelle de divertissement pour adultes dans certains pays, il convient de répondre favorablement à cette demande et de ne pas faire apparaître les noms et adresses susceptibles de mettre en danger les personnes citées dans la décision.
Enfin les circonstances de l’instance commandent de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au bénéfice de l’administration fiscale.
PAR CES MOTIFS
— Déclarons régulière et confirmons en toutes ses dispositions l’ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de Paris en date du 22 mars 2022 ;
— Disons qu’il convient de ne pas faire apparaitre dans la décision les noms patronymiques et adresses des dirigeants et des collaborateurs du groupe ;
— Rejetons toute autre demande ;
— Disons qu’il convient d’accorder la somme de 300 euros (trois cents euros) à charge pour la partie appelante à verser à la DNEF au titre de l’article 700 du code de procédure civile;
— Disons que la charge des dépens sera supportée par la partie appelante.
LE GREFFIER LE DELEGUE DU PREMIER PRESIDENT
Véronique COUVET Elisabeth IENNE-BERTHELOT