Gestion d’actifs de propriété intellectuelle : le risque de fraude fiscale
Gestion d’actifs de propriété intellectuelle : le risque de fraude fiscale
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La gestion d’actifs de propriété intellectuelle pour le compte d’une société française, par une société sans ressources suffisantes établie à Gilbraltar, emporte présomption de fraude fiscale.

Dans l’affaire Caudalie, il a été jugé que le juge des libertés était en droit de présumer que la société de droit gibraltarien CAUDALIE IP LIMITED exerce et/ou a exercé sur le territoire national une activité de détention et de gestion de la propriété intellectuelle du groupe CAUDALIE, sans souscrire les déclarations fiscales correspondantes et ainsi omet de passer les écritures comptables y afférentes en FRANCE.

L’activité de la société de droit gibraltarien CAUDALIE IP LIMITED semble consister notamment en la détention de marques et de brevets, et la perception de redevances de propriété intellectuelle, elle bénéficie, à GIBRALTAR, d’un régime fiscal privilégié pour sa principale activité, la détention de marques et brevets.

A noter que le Commissaire aux Comptes en charge de l’audit des comptes clos au 31 décembre 2018 des trois sociétés du groupe CAUDALIE au ROYAUME-UNI a émis un avis avec réserve concernant la société CAUDALIE INTERNATIONAL SE et a renoncé à émettre une opinion concernant la société TOMCAT INTERNATIONAL LIMITED, suite à la production de son rapport sur les états financiers de l’exercice clos en 2018 de la société TOMCAT INTERNATIONAL LIMITED, il n’est pas renouvelé dans son mandat.

Le nouveau Commissaire aux Comptes chargé d’auditer les états financiers de l’exercice clos au 31/12/2019 du groupe britannique CAUDALIE et des trois entités le composant, a émis un avis défavorable sur les comptes consolidés du groupe dont la société TOMCAT INTERNATIONAL LIMITED est la société mère. Affaire à suivre ….


Grosses délivrées aux parties le :



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS









COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 15



ORDONNANCE DU 28 JUIN 2023



(n°25, 13 pages)







Numéro d’inscription au répertoire général : 22/16781 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGO4S





Décision déférée : Ordonnance rendue le 19 septembre 2022 par le Juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de PARIS n°28/2022





Nature de la décision : Contradictoire



Nous, Elisabeth IENNE-BERTHELOT, Conseillère à la Cour d’appel de PARIS, déléguée par le Premier Président de ladite Cour pour exercer les attributions résultant de l’article L16B du Livre des procédures fiscales, modifié par l’article 164 de la loi n°2008-776 du 04 août 2008 ;



assistée de Véronique COUVET, greffier lors des débats et de la mise à disposition ;

Exposé du litige






Après avoir appelé à l’audience publique du 17 mai 2023 :



Société TOMCAT INTERNATIONAL LIMITED, société de droit britannique

Prise en la personne de [I] et [F] [S]

Elisant domicile au cabinet JTBB AVOCATS

[Adresse 1]

[Localité 11]



Société CAUDALIE INTERNATIONAL UK SOCIETAS, société de droit britannique

Prise en la personne de [I] et [F] [S]

Elisant domicile au cabinet JTBB AVOCATS

[Adresse 1]

[Localité 11]





Représentées par Me Agnès ANGOTTI, avocat au barreau de PARIS, toque : P254





APPELANTES





et







LA DIRECTION NATIONALE D’ENQUETES FISCALES

[Adresse 10]

[Localité 12]



Représentée par Me Jean DI FRANCESCO de la SCP URBINO ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0137

Assistée de Me Nicolas NEZONDET substituant Me Jean DI FRANCESCO de la SCP URBINO ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0137





INTIMÉE







Et après avoir entendu publiquement, à notre audience du 17 mai 2023, l’avocat des appelants, et l’avocat de l’intimée ;



Les débats ayant été clôturés avec l’indication que l’affaire était mise en délibéré au 28 Juin 2023 pour mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.



Avons rendu l’ordonnance ci-après :





Le 19 septembre 2022, le juge des libertés et de la détention (ci-après JLD) près du Tribunal Judiciaire (ci-après TJ) de PARIS a rendu, en application de l’article L.16B du Livre des procédures fiscales (ci-après LPF), une ordonnance à l’encontre des sociétés suivantes:



-La société de droit britannique TOMCAT INTERNATIONAL LIMITED, représentée par Monsieur [I] [S] et Mme [F] [S], dont le siège social est sis [Adresse 6], ROYAUME-UNI et ayant une activité de holding ;



-La société de droit britannique CAUDALIE INTERNATIONAL UK SOCIETAS (anciennement de droit luxembourgeois et dénommée CAUDALIE INTERNATIONAL SE), représentée par Monsieur [I] [S] et Mme [F] [S], dont le siège social est sis [Adresse 6], ROYAUME-UNI et ayant une activité de holding et de financement ;



-La société de droit gibraltarien CAUDALIE IP LIMITED, représentée par Monsieur [I] [S] et Mme [F] [S], dont le siège social était sis [Adresse 2] et dont l’activité était une activité de holding ;



L’ordonnance autorisait des opérations de visite et saisie dans les lieux suivants :



-Locaux et dépendances sis [Adresse 9] et/ou [Adresse 3], susceptibles d’être occupés par la SAS CAUDALIE et/ou toute entité du groupe CAUDALIE dont la présence en ces lieux serait revélée le jour de l’intervention ;



-Locaux et dépendances sis [Adresse 5], susceptibles d’être occupés par la SAS CAUDALIE et/ou toute entité du groupe CAUDALIE dont la présence en ces lieux serait revélée le jour de l’intervention ;



-Locaux et dépendances sis [Adresse 7], susceptibles d’être occupés par Mme [F] [S] et/ou Monsieur [I] [S] et/ou Mme [X] [S] et/ou Monsieur [K] [S];



L’autorisation de visite et saisie des lieux susmentionnés était délivrée aux motifs que les sociétés de droit britannique TOMCAT INTERNATIONAL LIMITED, CAUDALIE INTERNATIONAL UK SOCIETAS et la société de droit gibraltarien CAUDALIE IP LIMITED seraient présumées exercer ou avoir exercé, sur le territoire français, une activité commerciale et/ou financière sans souscrire les déclarations fiscales correspondantes et ainsi omettre ou avoir omis de passer les écritures comptables y afférentes.



Et ainsi, seraient présumées s’être soustraites et/ou se soustraire à l’établissement et au paiement et au paiement de l’Impôt sur les bénéfices ou des Taxes sur le chiffre d’Affaires, en se livrant à des achats ou des ventes sans facture, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles ou en omettant sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le Code Général des Impôts (Article 54 et 209-I pour l’IS, et 286 pour la TVA).



L’ordonnance était accompagnée de 154 pièces numérotées de I-1 à VIII-4 annexées à la requête.



La SAS CAUDALIE est une entreprise familiale française de cosmétique spécialisée dans la vinothérapie (produits de soins contenant des polyphénols de pépins de raisin réputés pour leurs vertus anti -oxydantes). Créée en 1994, elle s’est par la suite diversifiée dans les spas et les séjours à base de vinothérapie et la marque connaît un développement international.



Initialement créée sous la forme sociale d’une SARL, elle change de dénomination sociale pour ‘Caudalie’ en 2000 et est tranformée en SAS en 2010, son siège social est actuellement – [Adresse 15] à [Localité 14]. Elle a déposé, entre 1995 et 2014, de nombreux brevets et marques, propriété intellectuelle du groupe CAUDALIE.



Le capital social de la SAS CAUDALIE, est détenu par la société de droit luxembourgeois, CAUDALIE INTERNATIONAL SÁRL, qui en devient par ailleurs Présidente en 2010, représentée par ses deux co-gérants, Mme [F] [S] et Monsieur [I] [S].



La société de droit luxembourgeois CAUDALIE INTERNATIONAL SÁRL, créée en 2004 au Luxembourg est devenue CAUDALIE INTERNATIONAL SE (société européenne), sans interruption de sa personnalité juridique. Elle a eu, dès sa création en 2004, un rôle de holding financière dans le cadre du développement du groupe CAUDALIE.



A compter d’octobre 2017, la société de droit luxembourgeois CAUDALIE INTERNATIONAL SA a entendu élargir son activité de société holding à une activité financière. A sa création, elle avait pour associés et gérants, Monsieur [I] [S] et Mme [F] [P] épouse [S], tous deux résidents français.



Suite à une augmentation de capital, [I] et [F] [S] disposent de parts représentant l’intégralité du capital social de la société CAUDALIE INTERNATIONAL SÁRL .Le 31/12/2010, [I] et [F] [S] transfèrent l’intégralité du capital de la société luxembourgeoise à la société SCHWANDHI LIMITED, enregistrée au registre des sociétés de Jersey Il pouvait être présumé que les sociétés SCHWANDHI LIMITED et SHWANDI LIMITED mentionnées ci-dessus, ayant toutes deux pour numéro d’enregistrement 5907, constituent une seule et même entité.



Ainsi le capital social de la société de droit luxembourgeois CAUDALIE INTERNATIONAL,intégralement détenu par Monsieur [I] et Mme [F] [S] depuis sa création est transféré à la société de droit britannique SHWANDHI LIMITED sise à JERSEY, elle même détenue majoritairement par la société APPLEBY NOMINEES LIMITED, faisant partie du groupe APPLEBY, spécialisée notamment dans l’optimisation fiscale.



Entre 2010 et 2016, la société CAUDALIE INTERNATIONAL SÁRL a eu pour associées deux sociétés résidentes de pays considérés comme étant des pays à fiscalité privilégiée, SHWANDHI LIMITED et CAUDALIE IP LIMITED.



La société de droit luxembourgeois CAUDALIE INTERNATIONAL a vu, au cours de sa vie sociale, sa détention capitalistique passer des époux [S] à une entité sise à JERSEY puis à GIBRALTAR, deux territoires considérés par la communauté internationale comme des paradis fiscaux, et enfin au ROYAUME-UNI.



Malgré le départ de [I] et [F] [S] à l’étranger en 2010, la direction des opérations européennes du groupe CAUDALIE a toujours été réalisée depuis la FRANCE au moyen du comité exécutif qu’ils ont constitué.



Il pouvait être présumé que le [Adresse 4], siège social initial de la société CAUDALIE INTERNATIONAL SÁRL, et que le [Adresse 8], nouveau siège social de la société CAUDALIE INTERNATIONAL SÁRL à partir de 2015, sont des adresses de domiciliation.



Il pouvait être présumé que la société de droit luxembourgeois CAUDALIE INTERNATIONAL SÁRL ne disposait pas de moyens humains et matériels lui permettant de déployer ses activités au LUXEMBOURG où était fixé son objet social. Les époux [S] restent dirigeants de la société CAUDALIE INTERNATIONAL suite à son changement de forme juridique de SÁRL à SA.



En 2018, la société de droit britannique CAUDALIE INTERNATIONAL HOLDING LIMITED, actionnaire unique de la société de droit luxembourgeois CAUDALIE INTERNATIONAL SE, décide de nommer aux postes de directeurs de cette dernière, Monsieur [I] et Madame [F] [S], résidents français et de transférer son siège social du LUXEMBOURG au ROYAUME-UNI.



Depuis la création de la société de droit luxembourgeois CAUDALIE INTERNATIONAL SÁRL devenue SE, la direction effective de la société a toujours été réalisée depuis la FRANCE, soit directement par les époux [S], soit par le comité exécutif constitué par ces derniers.



Le siège social de la société de droit luxembourgeois CAUDALIE INTERNATIONAL est à la même adresse que deux autres entités britanniques CAUDALIE formant toutes trois le groupe CAUDALIE UK.



La société CAUDALIE INTERNATIONAL conserve un actionnariat et une direction identiques après son transfert au ROYAUME-NI en avril 2018 et jusqu’à aujourd’hui.



La société nouvellement de droit britannique CAUDALIE INTERNATIONAL conserve son activité de holding et de centrale de financement des filiales commerciales du groupe mondial CAUDALIE. Par différence entre ces états financiers, il pouvait être présumé que la société de droit britannique CAUDALIE INTERNATIONAL emploie au maximum un salarié pour la réalisation de ses activités en 2018 et 2019 entre zéro et deux salariés en 2020, et qu’elle ne déclare dans ses actifs immobilisés aucun moyen matériel pour la réalisation de ses activités en 2018, 2019 et 2020.



La société CAUDALIE IP LIMITED a eu recours, dans le cadre de sa constitution, aux services et aux personnes des sociétés LINE HOLDINGS LIMITED, LINE SECRETARIES LIMITED, LINE MANAGEMENT SERVICES LIMITED et LINE GROUP LIMITED, il en résulte que ces sociétés constituent un seul et même groupe ayant pour tête, la société LINE GROUPE LIMITED. Il pouvait être présumé que le 57/63 Line Wall Road, GX 11 1AA, GIBRALTAR, siège social initial de la société CAUDALIE IP LIMITED, est une adresse de domiciliation.



Il pouvait être présumé que la société de droit gibraltarien CAUDALIE IP LIMITED a, dès sa création, eu recours aux services et aux personnels des sociétés du groupe LINE GROUP LIMITED, proposant des services de fiducie, de mise à disposition d’administrateurs et de domiciliation de sociétés. Au jour de sa création, la société de droit gibraltarien CAUDALIE IP LIMITED dispose de deux directeurs, [I] et [F] [S], résidents à [Localité 13] et est détenue à 100% par SHWANDHI LIMITED, société domiciliée à JERSEY.



Malgré leur déménagement à l’étranger, les époux [S], seuls actionnaires et directeurs de la société de droit gibraltarien CAUDALIE IP LIMITED, ont pris les mesures nécessaires par la constitution d’un comité exécutif afin d’assurer la direction effective de la société depuis la FRANCE.



En mai 2019, Monsieur et Madame [I] et [F] [S], actionnaires et directeurs de la société de droit gibraltarien CAUDALIE IP LIMITED, transfèrent le siège social à l’adresse du liquidateur de la société, RSM GIBRALTAR LIMITED, procèdent à la liquidation volontaire de la société et perçoivent à cette occasion un boni de liquidation.



Il pouvait être présumé que du 01/01/2019 au moins à aujourd’hui, le centre décisionnel de la société CAUDALIE IP LIMITED est situé en FRANCE, en la personne des époux [S].



L’activité de la société de droit gibraltarien CAUDALIE IP LIMITED semble consister notamment en la détention de marques et de brevets, et la perception de redevances de propriété intellectuelle, elle bénéficie, à GIBRALTAR, d’un régime fiscal privilégié pour sa principale activité, la détention de marques et brevets.



La société TOMCAT INTERNATIONAL LTD semble intégralement détenue par les époux [S].



La société CAUDALIE IP LIMITED a détenu, de 2015 à 2019, plusieurs marques et brevets, propriété intellectuelle du groupe CAUDALIE, appartenant désormais en partie à la société de droit anglais TOMCAT INTERNATIONAL LIMITED.



La société de droit britannique CAUDALIE INTERNATIONAL HOLDING LIMITED, renommée TOMCAT INTERNATIONAL LIMITED, a pour dirigeants et associés [I] et [F] [S] et partage la même adresse de siège social que deux autres entités britanniques CAUDALIE formant le groupe CAUDALIE UK.



Le Commissaire aux Comptes en charge de l’audit des comptes clos au 31 décembre 2018 des trois sociétés du groupe CAUDALIE au ROYAUME-UNI a émis un avis avec réserve concernant la société CAUDALIE INTERNATIONAL SE et a renoncé à émettre une opinion concernant la société TOMCAT INTERNATIONAL LIMITED, suite à la production de son rapport sur les états financiers de l’exercice clos en 2018 de la société TOMCAT INTERNATIONAL LIMITED, il n’est pas renouvelé dans son mandat.



Le nouveau Commissaire aux Comptes chargé d’auditer les états financiers de l’exercice clos au 31/12/2019 du groupe britannique CAUDALIE et des trois entités le composant, a émis un avis défavorable sur les comptes consolidés du groupe dont la société TOMCAT INTERNATIONAL LIMITED est la société mère.



La société de droit anglais TOMCAT INTERNATIONAL LIMITED détient depuis 2015 plusieurs marques et brevets, propriété intellectuelle du groupe CAUDALIE, appartenant auparavant pour certains à la société de droit gibraltarien CAUDALIE IP LIMITED également détenue par les époux [S]. Cette société s’est vu confier, à compter de sa création en 2017, le rôle de la société holding mère du groupe CAUDALIE via la détention notamment de la holding CAUDALIE INTERNATIONAL SE.



La société TOMCAT INTERNATIONAL LIMITED assure les fonctions les plus importantes au niveau du groupe CAUDALIE, notamment celles liées à la stratégie du groupe, à son développement international, au recrutement des postes clefs de ses filiales, à la recherche, au développement et à la distribution des produits sur les différents territoires, à la détention et à la gestion de la propriété intellectuelle du groupe et à la communication et au marketing.



La réalisation des prestations support par la holding de tête TOMCAT INTERNATIONAL au bénéfice de la société de droit français CAUDALIE est assurée par les époux [S].



Dans le cadre du contrôle fiscal en cours de la SAS CAUDALIE, le service vérificateur a rejeté la déduction des ‘management fees’ facturés par la société TOMCAT INTERNATIONAL LIMITED en 2018 et en 2019 aux motifs que ceux-ci sont insuffisamment justifiés tant dans leur nature exacte que dans la matérialité des prestations fournies et la valeur des contreparties que la filiale française en retire, ce que cette dernière conteste. Il pouvait être présumé que la société de droit britannique TOMCAT INTERNATIONAL LIMITED employait, jusqu’en 2019, au maximum un seul salarié et ne détenait aucune immobilisation corporelle pour la réalisation de ses activités au sein du groupe mondial CAUDALIE et qu’à compter de 2020, elle employait entre zéro et et deux salariés et qu’elle ne détient pas de moyen matériel, hormis un bien immobilier, pour réaliser son objet social.



La société SAS CAUDALIE dispose en FRANCE, au lieu de son siège social, de moyens pour la réalisation des activités mondiales du groupe CAUDALIE. Il pouvait être présumé que la société de droit britannique TOMCAT INTERNATIONAL LIMITED utilise les moyens humains de sa filiale française, la SAS CAUDALIE, pour réaliser son activité.



Compte tenu de tout ce qui précède, il pouvait être présumé que la société de droit gibraltarien CAUDALIE IP LIMITED exerce et/ou a exercé sur le territoire national une activité de détention et de gestion de la propriété intellectuelle du groupe CAUDALIE, sans souscrire les déclarations fiscales correspondantes et ainsi omet de passer les écritures comptables y afférentes en FRANCE.



Compte tenu de tout ce qui précède, il pouvait être présumé que la société de droit luxembourgeois puis britannique CAUDALIE INTERNATIONAL UK SOCIETAS

exerce et/ou e exercé sur le territoire national une activité de holding financière, sans souscrire les déclarations fiscales correspondantes et ainsi omet de passer les écritures comptables y afférentes en FRANCE.



Compte tenu de tout ce qui précède, il pouvait être présumé que la société de droit britannique TOMCAT INTERNATIONAL LIMITED exerce sur le territoire national une activité de sur-holding et de détention et gestion de la propriété intellectuelle du groupe CAUDALIE, sans souscrire les déclarations fiscales correspondantes et ainsi omet de passer les écritures comptables y afférentes.



Au vu de l’ensemble de ces éléments, le JLD a autorisé la visite domiciliaire dans les lieux susvisés. Les opérations de visite et saisie se sont déroulées les 22 et 23 septembre 2022.



Le 7 octobre 2022, la société TOMCAT INTERNATIONAL LIMITED et la société CAUDALIE INTERNATIONAL UK SOCIETAS ont interjeté appel de l’ordonnance du JLD (RG 22/16781).



L’affaire a été audiencée pour être plaidée le 17 mai 2023.



Les sociétés appelantes ont déposé au greffe de la Cour d’appel de Paris des conclusions d’ appel en date du 17 janvier 2023 et des conclusions en réplique et récapitulatives en date du 11 mai 2023.



L’Administration fiscale a déposé des conclusions en date du 24 avril 2023.

Moyens




Dans leurs conclusions, les parties appelantes font une présentation des trois sociétés suspectées de fraude : les deux sociétés britanniques à la tête du groupe Caudalie et la société Caudalie IP Limited constituée à Gibraltar.



Elles demandent au Premier président de la Cour d’appel de Paris d’annuler l’ordonnance rendue par le JLD au motif que cette ordonnance ne caractérise pas les conditions posées par l’article L 16B du LPF, du fait de l’absence de présomption de fraude à l’encontre des sociétés suspectées de fraude et du fait de l’absence de présomption de recours à l’un des procédés listés à l’article L.16B du LPF de manière intentionnelle, elles demandent l’annulation de l’ordonnance au motif que l’Administration fiscale a manqué à son devoir de loyauté et que le juge n’a pas procédé au contrôle de proportionnalité de la mesure.



Par ces motifs, il est demandé au premier président de la cour d’appel de :



-Juger que l’ordonnance rendue le 19 septembre 2022 par Monsieur F K , Juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de Paris, ne caractérise pas les conditions d’application posées par l’article L. 16 B du LPF.
-Juger que la DNEF a manqué à son devoir de loyauté.

-Juger que Monsieur F K , Juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de Paris, n’a pas exercé de contrôle de proportionnalité avant de délivrer son ordonnance en violation des dispositions de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme.
-Juger que la mesure autorisant la visite domiciliaire prise par Monsieur F K , Juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de Paris, porte atteinte au principe de proportionnalité.
Et en conséquence

-Annuler l’ordonnance rendue le 19 septembre 2022 par Monsieur F K , Juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de Paris, en ce qu’il a autorisé des procédures de visite et de saisies régies par les dispositions de l’article L.16 B du LPF dans les locaux et dépendance sis :
– [Adresse 9] susceptibles d’être occupés par la SAS Caudalie et/ou toute entité du groupe Caudalie dont la présence en ces lieux serait révélée le jour de l’intervention;
– [Adresse 5], susceptibles d’être occupés par la SAS Caudalie et/ou toute entité du groupe Caudalie dont la présence en ces lieux serait révélée le jour de l’intervention;- [Adresse 7], susceptibles d’être occupés par [F] [S] et/ou [I] [S] et/ou [X] [S] et/ou [K] [S].
-Condamner le Directeur général des finances publiques au paiement d’une somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Dans ses écritures, l’Administration fiscale conclut au rejet des moyens soulevés par les parties appelantes en ce que les présomptions de fraude à l’encontre des sociétés britanniques et de la société de droit gibraltarien sont fondées sans qu’il soit besoin de caratériser l’élément intentionnel, en ce que l’Administration fiscale n’a pas manqué à son devoir de loyauté et en ce que le contrôle de la proportionnalité ne s’impose pas au JLD.



Par ces motifs, l’Administration fiscale demande de :



– confirmer l’ordonnance du Juge des libertés et de la détention de Paris du 19 septembre 2022,
– rejeter toutes demandes, fins et conclusions,
– condamner les appelantes au paiement de la somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du
Code de procédure civile.



La Cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.



Après avoir entendu à l’audience publique du 17 mai 2023, le conseil des sociétés appelantes et le conseil de l’Administration fiscale, la Cour d’appel a mis l’affaire en délibéré au 28 juin 2023.

Motivation






SUR CE







-Sur le moyen selon lequel l’ordonnance ne caractérise pas les conditions posées par l’article L.16B du LPF, du fait de l’absence de présomption de fraude à l’encontre des sociétés suspectées de fraude.



Les parties appelantes rappellent les termes de l’article L 16B du LPF et que le JLD doit procéder à une analyse concrète des éléments qui lui sont soumis, or les éléments produits à l’appui de la requête ne permettent pas de présumer que les sociétés suspectées de fraude se seraient soustraites à l’établissement ou au paiement de l’impôt en France, ce qui suppose au préalable de rapporter des présomptions de l’exercice d’une activité en France, or en l’espèce aucune présomption d’exercice d’une activité sur le territoire national français ne résulte des pièces. Selon les parties appelantes, TOMCAT INTERNATIONAL LIMITED, CAUDALIE INTERNATIONAL UK SOCIETAS et CAUDALIE IP LIMITED disposaient chacune des moyens adaptés à leur activité financière et leur organisation dans l’Etat de leur siège.



Il convient de relever que concernant les présomptions de fraude à l’égard de la société de droit britannique CAUDALIE INTERNATIONAL UK SOCIETAS le JLD a retenu que cette société a fixé successivement son siège à des adresses de domiciliation au LUXEMBOURG depuis la date de sa création en 2004 à celle de son transfert au ROYAUME-UNI en 2018. Il apparaît que la détention capitalistique directe de la société est successivement passée entre 2010 et 2016 des époux [S] à deux sociétés résidentes de territoires considérés comme privilégiés du point de vue fiscal (JERSEY et GIBRALTAR). Le JLD a également retenue que les bilans déposés entre 2011 et 2017 ne faisaient état d’aucun frais de personnel ou d’immobilisation corporelle, ce qui n’est pas sérieusement contesté par les appelantes. Ainsi, le JLD a pu retenir dans sa décision que la société ne disposait pas de moyens humains et matériels pour exercer une activité conforme à son objet social, lorsque son siège social était établi au LUXEMBOURG. De plus, le projet de transfert de siège social du LUXEMBOURG vers le ROYAUME-UNI, déposé en décembre 2017, précise que la société n’a pas d’employé. Depuis son établissement, pourtant à la même adresse que deux autres entités britanniques du groupe CAUDALIE, la société nouvellement transférée ne dispose pas au ROYAUME-UNI de moyens humains et matériels suffisants pour exercer une activité conforme à son objet social. En effet, il ressort des pièces à l’appui de l’ordonnance que l’Administration a relevé que la société a employé un salarié entre 2018 et 2019, puis entre zéro et deux salariés en 2020, qu’elle ne dispose d’aucun moyen matériel, outre des investissements financiers entre 2018 et 2020. En revanche, il est apparu que la société britannique a pu disposer de moyens humains et matériels conséquents et qualifiés en FRANCE au sein de sa filiale, la SAS CAUDALIE, notamment elle dispose de son centre décisionnel en FRANCE au travers des époux [S] dirigeants, associés indirects et résidents français depuis au moins 2019, et antérieurement au travers du comité exécutif mis en place en FRANCE afin de gérer les affaires européennes du groupe CAUDALIE.



Ainsi, il en résulte que le JLD a retenu suffisamment d’éléments permettant de caractériser une présomption de fraude concernant la société CAUDALIE INTERNATIONAL UK SOCIETAS.



Il convient de relever que concernant les présomptions de fraude à l’égard de la société de droit gibraltarien CAUDALIE IP LIMITED, le JLD a retenu que cette société a fixé son siège social à une adresse de domiciliation à GIBRALTAR depuis sa création et a eu recours à une société proposant des services de fiducie, de mise à disposition d’administrateurs et de domiciliation des sociétés disposant de mandats dans de nombreuses sociétés et présumée ne pas exercer de réel pouvoir décisionnel. Le JLD a également retenu qu’il est établi que la société gibraltarienne a eu recours aux services de secrétariat, ainsi qu’au personnel des sociétés du groupe LINE GROUP LIMITED pour ses différents changements juridiques et statutaires, il apparaît que cette société a ainsi bénéficié, à GIBRALTAR, d’un régime fiscal privilégié pour sa principale activité, à savoir la détention de marques et brevets. En outre, il ressort des pièces soumises au JLD qu’en mars 2015, la société est passée d’une détention capitalistique d’une société gibraltarienne (LINE HOLDING LIMITED) à une société sise à JERSEY (SHWANDHI LIMITED), puis aux époux [S] en Janvier 2016. En revanche, il apparaît que la société gibraltarienne dispose de moyens humains et matériels conséquents et qualifiés en FRANCE au sein de sa filiale, la SAS CAUDALIE., et qu’elle dispose de son centre décisionnel en FRANCE au travers des époux [S], dirigeants depuis la création de la société en 2015, associés indirects (puis directs en 2016) et résidents français depuis au moins 2019, et antérieurement au travers du comité exécutif mis en place en FRANCE par les époux [S] afin de gérer les affaires européennes du groupe CAUDALIE.



Ainsi, il en résulte que le JLD a retenu suffisamment d’éléments permettant de caractériser une présomption de fraude concernant la société CAUDALIE IP LIMITED.



Il convient de relever que concernant les présomptions de fraude à l’égard de la société de droit britannique TOMCAT INTERNATIONAL LIMITED (dénommée CAUDALIE INTERNATIONAL HOLDING LIMITED avant avril 2018) dont la principale activité est d’être une société holding mère et de détenir la propriété intellectuelle du groupe CAUDALIE sur le territoire national, le JLD a retenu que le capital de cette société est intégralement détenu par les époux [S] depuis sa création, qu’elle a fixé son siège social au ROYAUME-UNI où elle ne dispose pas de moyens humains et matériels suffisants pour réaliser ses activités sociales consistant en la détention et la gestion des actifs de la propriété intellectuelle du groupe CAUDALIE et la fourniture de prestations stratégiques à ses filiales. Il résulte des pièces soumises au JLD que même si la société partage les locaux de deux autres entités britanniques du groupe CAUDALIE, il apparaît qu’une convention de management fees, conclue entre la société TOMCAT INTERNATIONAL LIMITED et la SAS CAUDALIE en 2018, prévoit un versement forfaitaire s’élevant à 6 000€ par jour et par fondateur (les époux [S]) en rémunération de prestations de conseil en gestion rendues. Au titre des exercices clos 2018 et 2019, les sommes forfaitaires totales facturées s’élevaient pour chacune à 1 002 000 euros. Ainsi, selon l’ordonnance du JLD, la réalisation des prestations support par la holding de tête TOMCAT INTERNATIONAL LIMITED au bénéfice de la société française CAUDALIE est assurée par les époux [S], ainsi que par le personnel de la société française CAUDALIE. De plus le JLD a retenu que la société TOMCAT INTERNATIONAL LIMITED employait, jusqu’en 2019, un unique salarié et ne détenait aucune immobilisation corporelle pour la réalisation de ses activités au sein du groupe CAUDALIE, qu’à compter de 2020, elle employait entre zéro et deux salariés et elle ne détient pas de moyen matériel pour réaliser son objet social, hormis un bien immobilier. Enfin, il apparaît que les audits réalisés par les commissaires aux comptes successifs et relatifs aux exercices clos en 2018 et 2019 ont conclu à des anomalies significatives. Le JLD a également retenu que la société dispose de son centre décisionnel en FRANCE au travers des époux [S], dirigeants, associés directs et résidents français depuis au moins 2019, et antérieurement au travers du comité exécutif mis en place en FRANCE par les époux [S] afin de gérer les affaires européennes du groupe CAUDALIE.



Il convient de rappeler que l’application de la Convention fiscale franco-luxembourgeois évoquée par les parties appelantes relève du juge de l’impôt et non du magistrat appelé à se prononcer sur l’autorisation de visite selon la jurisprudence et que lors de l’autorisation de la mise en oeuvre de l’article L.16B du LPF, le juge dans sa décision ne doit retenir que des présomptions de fraude. En l’espèce, contrairement à ce que font valoir les appelantes selon lesquelles le siège réel d’une société est présumé conforme à celui indiqué par les statuts, le JLD dans sa décision n’est pas tenu par cet élément dès lors que d’autres éléments sont de nature à faire présumer une absence de moyens humains et matériels au lieu du siège social déterminé statutairement.



Ainsi, il en résulte que le JLD a retenu suffisamment d’éléments permettant de caractériser une présomption de fraude concernant la société TOMCAT INTERNATIONAL LIMITED.



Il apparaît, au vu des pièces soumises au JLD, que les présomptions de fraude à l’égard des deux sociétés de droit britannique TOMCAT INTERNATIONAL LIMITED et CAUDALIE INTERNATIONAL UK SOCIETAS, ainsi qu’à l’égard de la société de droit gibraltarien CAUDALIE IP LIMITED sont fondées.



Ce moyen sera rejeté.





-Sur le moyen selon lequel l’ordonnance ne caractérise pas les conditions posées par l’article L.16B du LPF, du fait de l’absence de présomption de recours à l’un des procédés listés à l’article L.16B du LPF de manière intentionnelle.



Les parties appelantes rappellent les termes de l’article L 16B du LPF duquel il résulte selon elles que le JLD doit dans son ordonnance constater que le contribuable a agi selon l’un des quatre procédés listés : en se livrant à des achats ou à des ventes sans facture, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles, ou en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures ou en passant ou en faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le CGI, et cela de manière intentionnelle, or l’ordonnance ne comporte pas d’élément de fait ou de droit de nature à faire présumer que les sociétés visées auraient fraudé par le recours à l’un de ces procédés, et l’absence de dépôt de déclaration fiscale en France ne saurait à elle seule constituer une présomption d’absence de comptabilité justifiant la mise en oeuvre de l’article L 16B du LPF.



Concernant ce moyen, il convient de rappeler que dans son ordonnance, le JLD vise les sociétés de droit britannique TOMCAT INTERNATIONAL LIMITED, CAUDALIE INTERNATIONAL UK SOCIETAS et la société de droit gibraltarien CAUDALIE IP LIMITED, en ce qu’elles sont présumées exercer sur le territoire français une activité professionnelle sans souscrire les déclarations fiscales correspondantes et ainsi omettre de passer, en FRANCE, les écritures comptables y afférentes. En l’espèce, l’Administration dans sa requête ne reproche pas aux trois sociétés d’être de nationalité britannique et gribaltarienne et de tenir leur comptabilité au Royaume-Uni et à Gibraltar, ce qui est en cause, c’est la présomption d’une activité exercée à partir de la FRANCE, où il pouvait être présumé que les sociétés disposaient d’une direction effective et de moyens propres d’ exploitation, une telle activité ainsi exercée, aurait dû être déclarée en FRANCE, pour y être soumise à l’ensemble des impôts commerciaux. Il convient de relever que le JLD dans sa décision a bien retenu les éléments permettant de présumer que les sociétés ne respectaient pas leurs obligations comptables en FRANCE, dès lors qu’il avait été relevé l’absence de toute déclaration fiscale relative à leur activité. En outre, le fait que les trois sociétés tiennent leur comptabilité au Royaume Uni et à Gibraltar n’interdit pas à l’Administration fiscale d’enquêter sur les conditions effectives d’exercice de leur activité en FRANCE et de recourir à l’article L.16B du LPF, sans que cela ne constitue une quelconque entrave à la tenue d’une comptabilité sur le territoire du lieu de situation du siège social ou au choix du lieu du siège social. Ce qui est en cause c’est la suspicion d’une activité professionnelle occulte sur le territoire national sans souscrire les déclarations fiscales y afférentes, situation qui autorise la mise en oeuvre de la procédure de l’article L.16B du LPF selon le jurisprudence de la Cour de cassation, cette procédure constituant un moyen d’investigation destiné à contrôler le respect de la réglementation fiscale.



Concernant l’argument selon lequel l’ordonnance du JLD n’aurait pas caractérisé l’aspect intentionnel des agissements présumés, il convient de rappeler que l’article L.16B du LPF exige de simples présomptions, et qu’il résulte de la jurisprudence de la Cour de cassation que le Premier président saisi en appel n’a pas à rechercher l’élément intentionnel des agissements de fraude sous peine d’ajouter à la loi une condition qu’elle ne comportait pas.



Ce moyen sera rejeté.





-Sur le moyen selon lequel l’Administration a manqué à son devoir de loyauté.



Il résulte de la lecture attentive de l’ordonnance rendue le 19 septembre 2022, que le JLD a motivé sa décision en s’appuyant sur les pièces communiquées par l’Administration fiscale à l’appui de sa requête qui sont au nombre de154, que les appelantes n’apportent aucune critique envers les pièces produites, qu’elles critiquent ‘leur utilisation’ , qu’aucun élément ne permet d’affirmer que le JLD n’a pas effectué un contrôle sérieux de la requête et des pièces soumises à son appréciation, qu’il s’est fondé à juste titre sur le nombre important des pièces annexées à la requête pour rendre sa décision ce qui est conforme à son office, que l’argument selon lequel ‘le JLD a pu être influencé par cette masse de documents et d’information très orientées’ ne repose sur aucun élément objectif, que l’Administration fiscale a rappelé à juste titre qu’elle doit pouvoir justifier du caractère licite de l’obtention des pièces produites au juge pour fonder sa décision sans qu’il lui soit interdit de recueillir des informations tirées de la consultation de sites d’accès publics, qu’en l’espèce l’Administration fiscale a produit les pièces utiles pour mettre en évidence les régimes fiscaux privilégiés proposés par les systèmes fiscaux des lieux des sièges sociaux des sociétés, ce qui n’est pas contesté par les appelantes, qu’il en résulte que l’Administration n’a pas manqué à son devoir de loyauté et que l’ordonnance répond aux exigences de l’article L 16B du LPF.



Ce moyen sera rejeté.





-Sur le non respect du principe de proportionnalité du fait de l’absence du contrôle par le juge des libertés et de la détention.



Selon les parties appelantes, le JLD n’a procédé à aucun contrôle de proportionnalité en violation des dispositions de l’article 8 de la CESDH concernant le droit au respect de la vie privée qui est désormais également reconnu à destination des sociétés commerciales qui subissent des visites et saisies dans leurs locaux, elles précisent que la motivation de l’ordonnance ne fait pas mention du caractère proportionné des mesures autorisées. Les appelantes estiment que l’Administration fiscale avait recueilli suffisamment d’informations lors de la vérification de comptabilité et que le recours à la visite domiciliaire n’était pas nécessaire.



Il convient de rappeler qu’en prenant connaissance du dossier présenté par l’Administration fiscale, le JLD exerce de fait un contrôle de proportionnalité. En cas de refus, il peut inviter l’Administration à avoir recours à d’autres moyens d’investigation moins intrusifs. En conséquence, la signature de l’ordonnance par le JLD signifie que ce dernier entend privilégier l’enquête et les mesures prévues par l’article L 16B du LPF et qu’il considère que des diligences auprès de la société ou auprès de tiers seraient insuffisantes et dénuées de «’l’effet de surprise’», qu’au surplus aucune disposition légale n’oblige le JLD à motiver sa décision sur le caractère proportionné de la mesure.



L’article 8 de la CESDH, tout en énonçant le droit au respect de la vie privée et familiale, est tempéré par son paragraphe 2 qui dispose que ‘il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui’. En l’espèce, il n’y a pas eu de violation des dispositions de l’article 8 de la CESDH et la mesure n’a aucunement été disproportionnée eu égard au but poursuivi.



Ce moyen sera rejeté.





Les circonstances de l’instance justifient l’application de l’article 700 du Code de procédure civile au bénéfice de l’Administration fiscale.






Dispositif

PAR CES MOTIFS







Statuant contradictoirement et en dernier ressort:



– Confirmons en toutes ses dispositions l’ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de PARIS en date du 19 septembre 2022 ;



– Rejetons toute autre demande ;



– Disons qu’il convient d’accorder la somme 1500 euros à l’Administration fiscale en application de l’article 700 du code de procédure civile ;



– Disons que la charge des dépens sera supportée par les parties appelantes.







LE GREFFIER







Véronique COUVET



LE DÉLÉGUÉ DU PREMIER PRESIDENT





Elisabeth IENNE-BERTHELOT


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