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Les montages audiovisuels ne sont pas neutres et peuvent être sanctionnés pénalement sur le fondement de l’article 226-8 du code pénal.
Dans l’affaire l’opposant à Complément d’enquête Gérard Depardieu a Pour rappel, Gérard Depardieu reproche à France Télévisions d’avoir produit et diffusé un documentaire comprenant des images, accompagnées d’un commentaire, qui le présentent comme tenant des propos sexualisant une enfant pratiquant l’équitation, alors que ces propos étaient, selon lui, destinés à une femme d’une trentaine d’années. Dans le documentaire “La chute de l’ogre” Gérard Depardieu multiplie les remarques obscènes à l’égard des femmes et ce qui a suscité une intense polémique à l’échelle nationale, et notamment la scène, dite scène du ‘haras’, au cours de laquelle l’acteur assiste, en Corée du Nord, devant un manège équestre, à une démonstration de cavaliers, parmi lesquels se trouve une enfant chevauchant un poney et accomplissant des tours de piste. Cette séquence montre l’acteur tenant des propos à caractère sexuel tels que Si jamais il galope elle jouit, c’est bien ma fifille, continue!, Tu vois elle se gratte, là, tandis qu’une voix-off indique il n’hésite pas à sexualiser une fillette d’une dizaine d’années. Pour justifier les mesures d’instruction, l’acteur soutient qu’il a pu être victime d’un montage illicite prévu et réprimé par l’article 226-8 du code pénal, lequel pourrait servir de fondement à une future action pénale. Ce texte énonce en son dernier alinéa, que ‘lorsque les délits prévus au présent article sont commis par la voie de la presse écrite ou audiovisuelle, les dispositions particulières des lois qui régissent ces matières sont applicables en ce qui concerne la détermination des personnes responsables’. Cependant, il résulte de la combinaison des articles 10, 11 et 145 du code de procédure civile, qu’à la demande de tout intéressé, il peut être ordonné à des tiers de produire tous documents qu’ils détiennent s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès des éléments de preuve utiles à la solution d’un futur litige et si aucun empêchement légitime ne s’oppose à cette production par le tiers détenteur. La cour rappelle, en outre, qu’il n’est pas exigé que la personne visée par la mesure d’instruction soit le défendeur potentiel au futur procès ou, dans le cadre d’une action pénale, la partie faisant l’objet de celui-ci. Ainsi, dès lors qu’une mesure d’instruction peut être ordonnée entre les mains de tiers et supportée par des personnes qui ne seront pas nécessairement parties au futur procès, la recevabilité de l’action engagée par l’acteur, sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, contre les sociétés Hikari et France Télévisions, détentrices des éléments réclamés, n’est pas discutable. L’application de l’article 145 du code de procédure civile n’impliquant aucun préjugé sur la responsabilité des parties appelées à la procédure ni sur les chances de succès du procès susceptible d’être ultérieurement engagé, suppose seulement que soit constatée l’existence d’un procès ‘en germe’ possible et non manifestement voué à l’échec au regard des moyens soulevés par le défendeur, dont la solution peut dépendre de la mesure d’instruction sollicitée à condition que celle-ci soit circonscrite dans son objet et dans le temps et proportionnée à l’objectif poursuivi. Il incombe dès lors au juge de vérifier si la mesure d’instruction est nécessaire à l’exercice du droit à la preuve du demandeur et procède d’un juste équilibre entre les intérêts antinomiques en présence. Cette mesure d’instruction n’a pas été jugée comme portant atteinte au secret des sources des journalistes. Il résulte des dispositions des articles 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et 2 de la loi du 29 juillet 1881 que le secret des sources des journalistes est protégé dans l’exercice de leur mission d’information du public, et qu’il ne peut être porté atteinte directement ou indirectement à ce secret que si un impératif prépondérant d’intérêt public le justifie et si les mesures envisagées sont strictement nécessaires et proportionnées au but légitime poursuivi. Le secret des sources s’applique à l’informateur du journaliste mais aussi à tous matériaux journalistiques à l’origine d’une information, et donc, ainsi que l’indique la société Hikari, à l’ensemble des éléments d’enquête et des documents de travail d’un journaliste destinés à lui permettre de rédiger un article ou de préparer une séquence d’information audiovisuelle. Le reportage diffusé procède d’un travail journalistique mais la seule question soumise à l’appréciation de la cour est de savoir si les images issues du tournage en Corée du Nord, en septembre 2018, dans le haras, intégrées dans le reportage de 2023, sont issues, comme le soutiennent les sociétés Hikari et France Télévisions et l’USPA, d’une séquence à caractère purement journalistique et, comme telle, légalement protégée. Or, au cas présent, la société Hikari ne démontre pas que les enregistrements de la séquence du haras, réalisés en 2018, dans des circonstances mal définies ainsi qu’il a été précédemment exposé, constituent un élément de travail journalistique. Le seul fait que la société Hikari soit une agence de presse et qu’elle produise des documentaires ne suffit pas à considérer que les enregistrements litigieux sont des sources journalistiques alors, au surplus, qu’il n’est pas démontré que cette société ne produit que des documentaires d’information. |
Résumé de l’affaire : Le 7 décembre 2023, France 2 a diffusé un documentaire intitulé [M] [H] : la chute de l’ogre, qui a suscité une controverse nationale en raison des propos obscènes tenus par l’acteur M. [H] à l’égard des femmes, notamment lors d’une scène en Corée du Nord où il fait des remarques sexualisant une fillette. Suite à la polémique, France Télévisions a fait constater par un commissaire de justice que les propos visaient effectivement une jeune enfant. M. [H] a contesté l’authenticité des images et a assigné Hikari et France Télévisions en justice pour obtenir des enregistrements et des documents relatifs à la production du documentaire. Le tribunal a rejeté plusieurs de ses demandes, tout en ordonnant la communication de certains enregistrements. Hikari a fait appel de cette décision, et des procédures ont été engagées pour examiner les enregistrements et déterminer le contexte des propos de M. [H]. L’expertise a été ordonnée pour analyser les enregistrements et établir si les propos étaient destinés à la fillette ou à une autre personne. Le tribunal a également imposé des astreintes pour le non-respect des délais de communication des documents.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 1 – Chambre 8
ARRÊT DU 18 OCTOBRE 2024
(n° , 19 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 24/11058 – N° Portalis 35L7-V-B7I-CJTSA
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 30 Mai 2024 -Président du TJ de PARIS – RG n° 24/52283
APPELANTE
S.A.S. HIKARI, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 4]
[Localité 6]
Représentée par Me Arnaud GUYONNET de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044
Ayant pour avocats plaidants Me Frank BERTON et Bérangère LECAILLE, avocats au barreau de LILLE et Me Christophe BIGOT, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉS
M. [M] [H]
[Adresse 12]
[Localité 8]
Représenté par Me Jérémie ASSOUS, avocat au barreau de PARIS, toque : K0021
S.A. FRANCE TELEVISIONS, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 7]
[Localité 11]
Représentée par Me Arnaud GUYONNET de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044
Ayant pour avocat plaidant Me Juliette FELIX, avocat au barreau de PARIS
PARTIE INTERVENANTE :
Syndicat UNION SYNDICALE DE LA PRODUCTION AUDIOVISUELLE
[Adresse 3]
[Localité 10]
Représentée par Me Christophe CARON de l’AARPI Cabinet Christophe CARON, avocat au barreau de PARIS, toque : C0500
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 12 Septembre 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :
Florence LAGEMI, Président de chambre
Marie-Catherine GAFFINEL, Conseiller
Patrick BIROLLEAU, Magistrat honoraire
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Jeanne BELCOUR
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Florence LAGEMI, Président de chambre et par Jeanne BELCOUR, Greffier, présente lors de la mise à disposition.
Le 7 décembre 2023, a été diffusé sur la chaîne France 2, appartenant à la société France Télévisions, lors de l’émission ‘Complément d’enquête’, un documentaire produit par la société Hikari, consacré à l’un des plus grands acteurs du cinéma français, intitulé [M] [H] : la chute de l’ogre.
Ce documentaire, dans lequel M. [H] multiplie les remarques obscènes à l’égard des femmes et qui a suscité une intense polémique à l’échelle nationale, contient une scène, dite scène du ‘haras’, au cours de laquelle l’acteur assiste, en Corée du Nord, devant un manège équestre, à une démonstration de cavaliers, parmi lesquels se trouve une enfant chevauchant un poney et accomplissant des tours de piste.
Cette séquence montre M. [H] tenant des propos à caractère sexuel tels que Si jamais il galope elle jouit, c’est bien ma fifille, continue!, Tu vois elle se gratte, là, tandis qu’une voix-off indique il n’hésite pas à sexualiser une fillette d’une dizaine d’années.
Afin de mettre un terme à la polémique survenue dans les jours ayant suivi la diffusion de ce documentaire, laquelle tendait à décrédibiliser les sociétés Hikari et France Télévisions ainsi que les équipes de ‘Complément d’enquête’ et à propager des versions différentes sur l’origine et la nature des images en cause ainsi que sur la destinataire des propos tenus, la société France Télévisions a fait procéder à un constat par un commissaire de justice. Celui-ci a été chargé de visionner les prises de vue effectuées lors du tournage de la séquence du ‘haras’ et a constaté que les propos litigieux visaient bien une jeune enfant. Les conclusions de cet officier public ministériel ont été utilisées dans la presse pour répondre aux accusations portées contre les équipes éditoriales de l’émission.
Contestant l’authenticité des images de cette séquence, qu’il estime résulter d’un montage illicite, et soutenant pouvoir engager différentes actions tant pénales que civiles pour des faits constitutifs de montage illicite, abus de confiance, travail dissimulé, recel de ces deux dernières infractions, atteinte à ses droits d’artiste-interprète sur les images litigieuses et à son image, M. [H], a, par acte du 26 mars 2024, assigné les sociétés Hikari et France Télévisions, devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris, afin d’obtenir, sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile :
d’une part, la communication, sous astreinte, de l’intégralité des enregistrements audiovisuels captés en Corée du Nord, en 2018, lors d’un tournage auquel il a participé avec M. [Y], le procès-verbal de constat portant sur lesdits enregistrements et mentionné dans un article de presse de France Info en date du 22 décembre 2023 et des documents contractuels attestant de la qualité de producteur délégué de la société Hikari de l’émission litigieuse et de la garantie de tout recours qu’elle aurait consentie à la société France Télévisions ;
d’autre part, une mesure d’expertise aux fins, notamment :
– d’analyse comparative des enregistrements audiovisuels captés en Corée du Nord, en 2018, lors du tournage précité, en possession de la société Hikari, de ceux captés dans les mêmes circonstances en possession de la société France Télévisions et de l’émission litigieuse ;
– de description de toutes les opérations de montage intervenues sur lesdits enregistrements, plus particulièrement, les propos tenus par M. [H] dans ces trois documents et leur contexte précis par rapport aux prises d’images correspondant, dans la séquence dite du ‘haras’ ;
– et de précision sur le fait de savoir si les propos querellés étaient destinés à la jeune fille ou à une autre personne.
M. [H] a sollicité en outre l’octroi d’une provision pour frais d’instance d’un montant de 10.000 euros ainsi qu’une indemnité procédurale de 5.000 euros.
Par ordonnance contradictoire du 30 mai 2024, le premier juge a :
rejeté les demandes de la société Hikari tendant à l’annulation et l’irrecevabilité de l’assignation délivrée par M. [H] le 26 mars 2024 ;
rejeté l’ensemble des demandes formées par M. [H] à l’encontre de la société France Télévisions ;
déclaré irrecevable la demande formée à l’encontre de la société Hikari tendant à la communication du procès-verbal de constat établi sur la base des enregistrements audiovisuels captés en Corée du Nord ;
ordonné la communication par la société Hikari des enregistrements réalisés en Corée du Nord, en 2018, correspondant strictement à la séquence filmée en présence de M. [H] dans le haras, ayant donné lieu à un montage en vue de la réalisation du reportage intitulé [M] [H]: la chute de l’ogre, diffusé le 7 décembre 2023 sur France 2 lors de l’émission ‘Complément d’enquête’ ;
dit n’y avoir lieu à assortir cette obligation d’une astreinte ;
rejeté les autres demandes de communication forcée formées par M. [H] contre la société Hikari ;
rejeté la demande tendant à ordonner une mesure d’expertise ;
rejeté la demande de provision pour frais d’instance ;
rejeté l’ensemble des demandes formées au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
condamné la société Hikari aux dépens.
Par déclaration du 24 juin 2024, la société Hikari a relevé appel de cette décision en critiquant ses dispositions relatives au rejet des exceptions de procédure et fin de non-recevoir, à la communication ordonnée des enregistrements réalisés en Corée du Nord en 2018, aux dépens et à tous chefs de la décision lui faisant grief.
Par ordonnance du 27 juin 2024, la société Hikari a été autorisée à assigner à jour fixe M. [H] et la société France Télévisions pour l’audience du 12 septembre 2024.
Par actes des 1er et 3 juillet 2024, la société Hikari a fait assigner à jour fixe ces parties.
Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 11 septembre 2024, la société Hikari demande à la cour de :
la déclarer recevable et bien fondée en son appel,
en conséquence,
réformer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a :
rejeté les fins de non-recevoir soulevées ;
ordonné la communication des enregistrements réalisés en Corée du Nord, en 2018, correspondant strictement à la séquence filmée en présence de [M] [H] dans le haras, ayant donné lieu à un montage en vue de la réalisation du reportage intitulé [M] [H]: la chute de l’ogre, diffusé le 7 décembre 2023, sur France 2, lors de l’émission ‘Complément d’enquête’ ;
rejeté sa demande formée au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
prononcé sa condamnation aux dépens ;
et statuant à nouveau,
déclarer M. [H] irrecevable en ses demandes formées à son encontre ;
subsidiairement,
dire n’y avoir lieu à référé et débouter M. [H] de l’ensemble de ses demandes ;
sur l’appel incident formé par M. [H],
le débouter de l’ensemble de ses demandes formées au titre de cet appel incident ;
confirmer les chefs de jugements y afférents ayant débouté M. [H] de ses demandes ;
condamner M. [H] à lui payer la somme de 15.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
condamner M. [H] en tous les frais et dépens de l’instance.
Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 11 septembre 2024, la société France Télévisions demande à la cour de :
confirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a :
rejeté l’ensemble des demandes formées par M. [H] à son encontre ;
déclaré irrecevable la demande formée à l’encontre de la société Hikari tendant à la communication du procès-verbal de constat établi sur la base des enregistrements audiovisuels captés en Corée du Nord ;
dit n’y avoir lieu à prononcer une astreinte ;
rejeté les autres demandes de communication forcée formées par M. [H] contre la société Hikari ;
rejeté la demande tendant à ordonner une mesure d’expertise ;
rejeté la demande de provision ad litem ;
infirmer l’ordonnance en ce qu’elle a :
ordonné la communication par la société Hikari des enregistrements réalisés en Corée du nord, en 2018, correspondant strictement à la séquence filmée en présence de M. [H] dans le haras, ayant donné lieu à un montage en vue de la réalisation de reportage intitulé [M] [H] : la chute de l’ogre, diffusé en date du 7 décembre 2023, sur France 2, lors de l’émission ‘Complément d’enquête’ ;
et statuant à nouveau,
dire n’y avoir lieu à référé et débouter M. [H] de l’ensemble de ses demandes ;
condamner M. [H] à lui verser la somme de 30.000 euros au titre des frais irrépétibles ;
condamner M. [H] aux entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 29 août 2024, l’Union Syndicale de la Production Audiovisuelle (ci-après USPA), intervenant volontairement à l’instance, demande à la cour de :
infirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a :
rejeté les demandes de la société Hikari tendant à l’irrecevabilité de l’assignation délivrée par M. [H] le 26 mars 2024 ;
ordonné la communication, par la société Hikari, des enregistrements réalisés en Corée du Nord, en 2018, correspondant strictement à la séquence filmée en présence de M. [H] dans le haras, ayant donné lieu à un montage en vue de la réalisation du reportage intitulé [M] [H] : la chute de l’ogre, diffusé en date du 7 décembre 2023, sur France 2, lors de l’émission ‘Complément d’enquête’ ;
rejeté l’ensemble des demandes formées par la société Hikari au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
condamné la société Hikari aux dépens ;
Et, statuant à nouveau,
déclarer recevable et bien fondée son intervention volontaire au soutien de l’un de ses membres, la société Hikari, et pour défendre l’intérêt collectif de la profession des producteurs audiovisuels ;
déclarer irrecevable et infondé M. [H] en ses demandes formées contre la société Hikari et le débouter de ses prétentions ;
condamner M. [H] à lui payer la somme de 5.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens de la présente procédure avec faculté de recouvrement direct conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 9 septembre 2024, M. [H] demande à la cour de :
confirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a :
rejeté les demandes de la société Hikari tendant à l’annulation et l’irrecevabilité de l’assignation délivrée le 26 mars 2024 ;
ordonné la communication, par la société Hikari, des enregistrements réalisés en Corée du Nord en 2018 correspondant strictement à la séquence filmée en sa présence dans le haras, ayant donné lieu à un montage en vue de la réalisation du reportage intitulé [M] [H] : la chute de l’ogre, diffusé le 7 décembre 2023, sur France 2, lors de l’émission ‘Complément d’enquête’ ;
réformer l’ordonnance dont appel en ce qu’elle a :
rejeté l’ensemble de ses demandes formées à l’encontre de la société France Télévisions ;
dit n’y avoir lieu à assortir l’obligation de communication des enregistrements d’une astreinte ;
rejeté ses autres demandes de communication forcée formées contre la société Hikari ;
rejeté la demande tendant à ordonner une mesure d’expertise ;
rejeté la demande de provision ad litem ;
rejeté l’ensemble des demandes formées au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Et statuant à nouveau,
déclarer recevables et bien fondées ses demandes ;
débouter la société Hikari de l’ensemble de ses demandes ;
débouter l’Union Syndicale de la Production Audiovisuelle de l’ensemble de ses demandes ;
débouter la société France Télévisions de ses demandes ;
ordonner, sous astreinte, à la société Hikari qu’elle lui communique :
l’intégralité des enregistrements audiovisuels captés en Corée du Nord, en 2018, lors d’un tournage avec sa participation et celle de M. [Y] ;
le constat d’huissier portant sur les enregistrements susvisés et mentionnés dans l’article de France Info en date du 22 décembre 2023 “Complément d’enquête” sur [M] [H] : constat d’huissier à l’appui, France Télévisions confirme que les mots prononcés par l’acteur sexualisent une fillette à cheval ;
le document contractuel attestant de ce que la société Hikari est le producteur délégué de l’émission ‘Complément d’enquête’ [M] [H] : la chute de l’ogre, diffusée le 7 décembre 2023 sur France 2 ;
le document contractuel par lequel la société Hikari a garanti la société France Télévisions contre tous recours ou actions qui pourraient être engagés contre elle à propos de cette émission ;
l’intégralité des documents contractuels et autorisations relatives à l’exploitation des enregistrements audiovisuels sur lesquels il figure
ordonner, sous astreinte, à la société France Télévisions qu’elle lui produise et communique :
l’intégralité des enregistrements audiovisuels captés en Corée du Nord, en 2018, lors d’un tournage avec sa participation et celle de M. [Y], qui lui ont été adressés par la société Hikari;
le constat d’huissier portant sur les enregistrements susvisés et mentionné dans l’article de France Info précité du 22 décembre 2023 ;
le document contractuel attestant de ce que la société Hikari est le producteur délégué de l’émission ‘Complément d’enquête’ [M] [H] : la chute de l’ogre, diffusée le 7 décembre 2023 sur France 2 ;
le document contractuel par lequel la société Hikari a garanti la société France Télévisions contre tous recours ou actions qui pourraient être engagés contre elle à propos de cette émission ;
l’intégralité des documents contractuels et autorisations relatives à l’exploitation des enregistrements audiovisuels sur lesquels il figure ;
fixer les astreintes à 10.000 euros par jour à compter du 3ème jour suivant la signification de l’arrêt à intervenir ;
ordonner une expertise ;
désigner pour y procéder un expert audiovisuel (cinéma, télévision, vidéogramme), assisté de tout sachant, avec pour mission, notamment, de :
se faire communiquer puis examiner tous documents utiles (dont notamment les enregistrements audiovisuels captés en Corée du Nord, en 2018, lors d’un tournage avec sa participation et celle de M. [Y]) ;
réaliser une analyse comparative détaillée des documents suivants :
les enregistrements audiovisuels captés en Corée du Nord, en 2018, lors d’un tournage avec sa participation et celle de M. [Y] en possession de la société Hikari ;
les enregistrements audiovisuels captés en Corée du Nord, en 2018, lors dudit tournage en possession de la société France Télévisions ;
déterminer si ces deux documents sont identiques ou s’ils présentent des différences ;
réaliser une analyse comparative détaillée des documents suivants :
‘ les enregistrements audiovisuels captés en Corée du Nord, en 2018, susvisés en possession des sociétés Hikari et France Télévisions ;
l’émission [M] [H] : la chute de l’ogre, diffusée le 7 décembre 2023 sur France 2 ;
décrire avec précision, à partir de ces trois documents, toutes les opérations de montage intervenues sur les enregistrements audiovisuels précités aux fins de leur diffusion lors de l’émission litigieuse ;
en particulier, décrire avec précision, dans ces trois documents, les propos qu’il a tenus et le contexte précis de ses propos par rapport aux prises d’images y correspondant dans le temps, dans la séquence dite du haras, débutant dans l’émission en cause à 14 minutes 25 secondes, et s’achevant à 15 minutes et 15 secondes ;
donner un avis sur le fait de savoir si c’est nécessairement la jeune fille à l’image qui est ciblée par ses propos dans la séquence dite du haras débutant
à 14 minutes et 25 secondes et se terminant à 15 minutes et 15 secondes ou s’il est plausible que ses propos étaient adressés à une autre personne dans le haras ;
condamner solidairement les sociétés France Télévisions et Hikari ainsi que l’USPA à lui payer une provision pour frais d’instance d’un montant de 10.000 euros, destinée à couvrir les frais d’expertise, d’éventuelle contre-expertise et d’avocats en vue des instances à venir ;
condamner solidairement les sociétés France Télévisions et Hikari ainsi que l’USPA à lui payer la somme de 15.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’à l’intégralité des frais et dépens.
Sur la recevabilité de l’intervention volontaire de l’USPA
L’intervention volontaire de l’USPA, qui a pour objet, notamment, de représenter les producteurs d’oeuvres audiovisuelles et de protéger leurs intérêts professionnels nationaux et internationaux, ainsi qu’il résulte de ses statuts, se rattache par un lien suffisant aux prétentions originaires. Elle est donc recevable.
Sur l’application de l’article 145 du code de procédure civile
Aux termes de l’article 145 du code de procédure civile, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé.
Les sociétés Hikari et France Télévisions font valoir que ce texte ne serait pas applicable en l’espèce dès lors que sa mise en oeuvre aurait pour effet de contourner les autorités légalement chargées de l’enquête et de l’instruction.
Ainsi, il est soutenu qu’une juridiction pénale pourrait être saisie afin d’enquêter et instruire sur les faits dénoncés consistant en un montage illicite de la séquence dite du haras intégrée dans le documentaire diffusé sur France 2, le 7 décembre 2023 ; que M. [H] cherche à obtenir une mesure d’instruction ‘privée’ en évitant les seules autorités compétentes pour établir les conditions dans lesquelles un délit pénal aurait été commis, alors, au surplus, que les productions demandées sont les mêmes que celles ayant fait l’objet de réquisitions par le juge pénal dans le cadre de l’information ouverte contre M. [H] auxquelles il n’a pas été satisfait en raison de l’atteinte que porterait une telle communication au secret des sources journalistiques ; que le juge des référés ne peut donc se substituer à ces autorités.
Mais, une mesure d’instruction peut être sollicitée, sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, afin de réunir des preuves pour une future action pénale susceptible d’être ultérieurement engagée, l’action publique pouvant en effet mise en mouvement par une partie civile.
Il n’est au surplus pas démontré ainsi qu’il sera ci-après développé, que le recours à l’article 145 conduirait, en l’espèce, à contourner des textes spécifiques de la procédure pénale visant à garantir le secret des sources journalistiques. Ce secret, opposé par les sociétés Hikari et France Télévisions aux réquisitions qui leur ont été délivrées fin 2023 et début 2024, n’est pas de nature à faire obstacle à la présente procédure.
Il est encore soutenu que cette action en référé serait contraire aux dispositions d’ordre public de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.
A cet égard, tant la société Hikari que la société France Télévisions font valoir que l’objet du litige ne porte que sur la scène du haras puisque l’intimé leur reproche d’avoir produit et diffusé un documentaire comprenant des images, accompagnées d’un commentaire, qui le présentent comme tenant des propos sexualisant une enfant pratiquant l’équitation, alors que ces propos étaient, selon lui, destinés à une femme d’une trentaine d’années.
Elles considèrent donc que M. [H] se plaint en réalité d’une diffamation puisqu’il impute des faits précis, portant atteinte à son honneur et sa considération, qui sont susceptibles d’un débat contradictoire.
Elles en déduisent que seule la loi sur la liberté de la presse et, notamment, ses dispositions sur la diffamation sont susceptibles de s’appliquer en l’espèce faisant ainsi obstacle à toute action sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile.
Mais, la recherche de preuves poursuivie par M. [H] ne tend pas à lui permettre d’engager une action en diffamation dont il serait victime et qu’il n’invoque pas dans ses écritures, celui-ci ayant d’ailleurs affirmé qu’il n’entendait pas se prévaloir d’un abus de la liberté d’expression, qu’il n’avait pas porté plainte pour diffamation et qu’il n’entendait pas le faire contre quiconque (pages 18, 20 et 51 des conclusions de l’intimé).
Le but poursuivi par M. [H], compris des sociétés Hikari et France Télévisions, est de s’assurer de l’absence de déformation délibérée des images diffusées et des paroles qu’il a tenues qui leur sont associées.
En effet, M. [H] suspecte un montage illicite, qui constitue une infraction pénale distincte du délit de diffamation en ce qu’elle repose sur des éléments constitutifs différents. Dès lors aucun obstacle ne s’oppose, a priori, à la présente action.
Le contournement allégué des dispositions de la loi du 29 juillet 1881 relatives au mécanisme d’ordre public de la preuve de la vérité des faits diffamatoires sera ultérieurement examiné pour apprécier le caractère légalement admissible des mesures d’instruction sollicitées.
Sur la recevabilité de la demande de M. [H]
Pour justifier les mesures d’instruction, M. [H] soutient qu’il a pu être victime d’un montage illicite prévu et réprimé par l’article 226-8 du code pénal, lequel pourrait servir de fondement à une future action pénale.
Ce texte énonce en son dernier alinéa, que ‘lorsque les délits prévus au présent article sont commis par la voie de la presse écrite ou audiovisuelle, les dispositions particulières des lois qui régissent ces matières sont applicables en ce qui concerne la détermination des personnes responsables’.
Il est soutenu que la présente action serait irrecevable puisque n’ont été appelées à la cause ni le directeur de la publication de la société France Télévisions, ni le réalisateur et/ou le représentant légal de la société de production.
Cependant, il résulte de la combinaison des articles 10, 11 et 145 du code de procédure civile, qu’à la demande de tout intéressé, il peut être ordonné à des tiers de produire tous documents qu’ils détiennent s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès des éléments de preuve utiles à la solution d’un futur litige et si aucun empêchement légitime ne s’oppose à cette production par le tiers détenteur. La cour rappelle, en outre, qu’il n’est pas exigé que la personne visée par la mesure d’instruction soit le défendeur potentiel au futur procès ou, dans le cadre d’une action pénale, la partie faisant l’objet de celui-ci.
Ainsi, dès lors qu’une mesure d’instruction peut être ordonnée entre les mains de tiers et supportée par des personnes qui ne seront pas nécessairement parties au futur procès, la recevabilité de l’action engagée par M. [H], sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, contre les sociétés Hikari et France Télévisions, détentrices des éléments réclamés, n’est pas discutable.
Sur les mesures d’instruction sollicitées
L’application de l’article 145 du code de procédure civile n’impliquant aucun préjugé sur la responsabilité des parties appelées à la procédure ni sur les chances de succès du procès susceptible d’être ultérieurement engagé, suppose seulement que soit constatée l’existence d’un procès ‘en germe’ possible et non manifestement voué à l’échec au regard des moyens soulevés par le défendeur, dont la solution peut dépendre de la mesure d’instruction sollicitée à condition que celle-ci soit circonscrite dans son objet et dans le temps et proportionnée à l’objectif poursuivi.
Il incombe dès lors au juge de vérifier si la mesure d’instruction est nécessaire à l’exercice du droit à la preuve du demandeur et procède d’un juste équilibre entre les intérêts antinomiques en présence.
Au cas présent, M. [H] entend obtenir, d’une part, la communication de divers documents dont les enregistrements audiovisuels captés en Corée du Nord, en 2018, lors d’un tournage auquel il a participé avec M. [Y] et un procès-verbal de constat réalisé à la demande de la société France Télévisions postérieurement à la diffusion de l’émission ‘Complément d’enquête’, qui lui a été consacrée le 7 décembre 2023 et, d’autre part, une mesure d’expertise aux fins, notamment, d’examiner lesdits enregistrements et décrire les opérations de montage effectuées.
Au soutien de sa demande, il indique que ces mesures sont nécessaires à l’exercice de son droit à la preuve pour les besoins d’une future action pénale ou civile en énonçant divers faits et fondements juridiques, selon lui, possibles tels que les infractions d’abus de confiance, de travail dissimulé, de recel de celles-ci, de montage illicite, ainsi que des atteintes à ses droits d’artiste-interprète ou à son image.
Il est rappelé que le juge, qui n’a pas à se prononcer, à ce stade de la procédure, sur le bien fondé ou même l’opportunité d’un procès éventuel, doit seulement apprécier l’existence d’un litige potentiel.
Parmi les fondements invoqués, la cour, qui n’est pas tenue de les examiner dans le détail, d’autant que le demandeur à la mesure d’instruction n’a pas à justifier de toutes les actions qu’il pourrait engager, mais seulement d’un possible procès, retiendra l’infraction de montage illicite.
Pour établir le motif légitime tenant à l’illicéité du montage litigieux, M. [H] soutient que les enregistrements utilisés pour la séquence du haras appartenaient à une oeuvre de fiction réalisée par M. [Y]. Il indique que les propos tenus, présentés comme étant adressés à une enfant d’une dizaine d’années, étaient en réalité destinés à une cavalière d’une trentaine d’année, évoluant au second plan, dans le manège, aux côtés de l’enfant, M. [Y] ayant d’ailleurs déclaré, dès le 21 décembre 2023, être sûr à 99 % que [M] a tenu ces propos sur une cavalière qui n’était pas la petite fille. Enfin, il affirme que les extraits du procès-verbal de constat portant sur les rushes de la séquence critiquée, partagés par France Info et parus dans M, le Magazine du Monde, mettent sérieusement en doute le montage de celle-ci.
A cet égard, M. [H] indique que les éléments ainsi rapportés dans la presse accréditent les déclarations de M. [Y] puisque les phrases Oh c’est bien, madame. Si jamais elle galope, elle jouit . S’il la fait galoper, elle mouille, elle jouit, qui ne pouvaient désigner une enfant, ont été coupées au montage et que les constatations réalisées par le commissaire de justice n’ont porté que sur le premier plan et non sur les autres plans de la caméra.
Il ajoute que les mesures demandées sont indispensables pour lui permettre de démontrer la manipulation de la réalité à travers le montage frauduleux suspecté et ne se heurtent à aucun empêchement légitime tenant au droit de la presse ou au secret des sources journalistiques.
Afin de rechercher la plausibilité de l’infraction alléguée et, par suite, de la possible action susceptible d’être exercée de ce chef, puis, à la supposer établie, la légitimité des mesures d’instruction sollicitées, il convient d’examiner le contexte dans lequel le reportage critiqué a été réalisé mais aussi les circonstances dans lesquelles la séquence du haras, intégrée dans le reportage diffusé sur France 2, le 7 décembre 2023, a été tournée en septembre 2018 en Corée du Nord.
Sur le contexte du documentaire litigieux et les circonstances du tournage de la séquence du haras en Corée du Nord
Ainsi qu’il est soutenu par les sociétés Hikari et France Télévisions ainsi que par l’USPA, le documentaire, proposé aux équipes de ‘Complément d’enquête’ par la société appelante, s’intitulant [M] [H] : la chute de l’ogre, s’inscrivait dans le cadre des ‘affaires’ dont l’acteur fait l’objet. En effet, plusieurs plaintes ont été déposées à son encontre pour viol et agressions sexuelles et M. [H] a été mis en examen pour ces faits en décembre 2020. Au cours de l’année 2023, plusieurs médias ont publié des enquêtes comportant le témoignage de plusieurs femmes l’accusant de violences sexuelles et de nouvelles plaintes ont été ultérieurement déposées.
Ces faits autour de l’acteur, en résonance avec le mouvement de plus grande ampleur MeToo et les violences sexistes et sexuelles dénoncées dans le cinéma ainsi que dans d’autres milieux, ont conduit la société Hikari à réaliser, en 2023, un documentaire sur M. [H], lequel révèle des propos tenus par ce dernier lors de son voyage en Corée du Nord, en septembre 2018.
Il est donc acquis, au regard du contexte précédemment décrit, que le documentaire en cause participait d’un débat d’intérêt général et avait pour finalité d’informer le public sur le comportement de l’acteur envers les femmes.
Les images litigieuses sont extraites d’enregistrements effectués cinq ans plus tôt, dans des circonstances sur lesquelles les parties ne s’accordent pas.
C’est ainsi, que la société Hikari, agence de presse, fondée en 2002, par M. [O], journaliste et réalisateur, qui indique produire des reportages et documentaires et bénéficier d’une expertise particulière de l’Asie, explique avoir envoyé en Corée du Nord, début septembre 2018, à l’occasion des célébrations du 70ème anniversaire de ce pays, un réalisateur et un monteur afin d’y tourner des images ; que MM. [H] et [Y] participaient à ce voyage, précisant que ce dernier y était présent pour poursuivre le développement d’un projet intitulé Korea et effectuer un reportage pour Paris Match en qualité d’envoyé spécial avec l’acteur.
Elle affirme que ce n’est qu’à son retour en France, que M. [Y] imaginera monter un film, nommé ’70’, en utilisant les images tournées par son salarié mais aussi les siennes et en souhaitant l’entraîner dans une coproduction, celui-ci étant persuadé de pouvoir donner une valeur artistique à ce qui avait été tourné, de manière fortuite, lors d’un reportage ayant la nature d’un documentaire en Corée du Nord. Elle ajoute que le montage du projet ’70’ a été réalisé, dans ses locaux, entre 2020 et 2022, à la demande de M. [Y] ; que n’ayant pas été convaincue par ce projet, elle n’a pas souhaité le produire ; qu’en 2023, ce dernier ayant voulu reprendre le projet, a entendu acquérir ses images ; que les pourparlers engagés à cette fin n’ont pas abouti.
Elle ajoute que les images litigieuses intégrées dans le reportage critiqué ne sont pas issues du projet de film ’70’, lequel n’a jamais été diffusé, mais proviennent du tournage réalisé par son équipe en 2018 et qu’elles lui appartiennent.
M. [H] soutient pour sa part, que M. [Y] a tourné en Corée du Nord, du 6 au 12 septembre 2018, un ‘long-métrage cinématographique’, intitulé ’70’, produit par la société Hikari, le mettant en scène dans le rôle principal d’interprète de son propre rôle, dans le décor du régime dictatorial de la Corée du Nord. Il précise que ce film devait montrer les réactions du personnage exubérant qu’il incarnait dans différentes situations habituellement vérouillées par l’étroit contrôle imposé par le régime politique. Il affirme que MM. [Y] et [O] étaient convenus de la nature d’oeuvre de fiction du film ’70’ et que ce dernier avait garanti son exploitation en salle de cinéma et sur différentes plateformes.
Il explique donc sa présence et celle de M. [Y] en Corée du Nord, aux côtés des équipes de la société Hikari, par le tournage de ce film, monté au cours du premier trimestre 2020, par un salarié de cette société, sans que sa version définitive ne soit arrêtée et ni même qu’il soit achevé, M. [O] ayant, dans le contexte précédemment décrit, souhaité ne plus poursuivre sa production.
Il ajoute que M. [O] a exprimé le souhait de céder les droits détenus par la société Hikari sur le film ’70’ ; que des projets de contrats de cession ont été établis sans cependant aboutir ; qu’en octobre 2023, M. [O] a proposé à M. [Y] une cession gratuite des droits à titre non exclusif, qui a été refusée en raison de son absence d’acceptation de l’utilisation de son image sous forme d’extraits inclus dans une autre oeuvre audiovisuelle.
Il affirme encore que le 6 décembre 2023, M. [Y] a découvert que certains des enregistrements du film ’70’ seraient diffusés dans l’émission ‘Complément d’enquête’ et que les images litigieuses dont il prétend qu’elles ont fait l’objet d’un montage illicite afin de les présenter comme des images authentiques dans le documentaire, sont issus de ce film de fiction.
Il ressort des déclarations de M. [Y], faites en septembre 2018, que celui-ci a proposé à M. [H] de l’accompagner en Corée du Nord, puis qu’il a décidé de le filmer, M. [Y] ayant précisé c’est de manière tacite que je l’ai fait, je ne lui ai pas demandé l’autorisation (…), il n’a pas dit oui ni non, j’ai filmé, il n’a rien dit (Le Point – 21 septembre 2018) ou encore avoir fait cohabiter les 70 ans de [M] [H] avec les 70 ans du régime de la Corée du Nord, j’ai eu l’idée de filmer [M], il m’a dit ni oui ni non, j’ai filmé, j’arrive à 1h et demie de film, que je vais appeler ’70’ (France inter- 21 septembre 2018).
Lors d’un entretien avec Mme [N], M. [Y] lui a déclaré Tout a été improvisé. J’avais rendez-vous un jour à la délégation nord-coréenne à [Localité 14] et 1 heure plus tard j’avais rendez-vous avec [M] [H] pour un projet de film de fiction. Nous n’avons jamais évoqué ensemble le moindre film. Je lui ai dit [M], est-ce que ça te dirait de venir avec moi à [Localité 15] ‘ Il a ouvert son carnet. Il m’a dit à quelle date ‘ Et je n’ai jamais fait allusion au fait que nous allions faire un film. Simplement j’ai tourné. Je ne lui ai jamais demandé si je pouvais jamais demand(é) d’arrêter de le faire. Il y a eu quelque chose de tacite entre nous. Il savait qu’il était filmé, on n’a jamais fait allusion à ça. Et nous avons obtenu quelque chose qui n’est ni un documentaire ni un film de fiction. C’est d’une certaine manière Pantagruel à [Localité 15] (…).
Il ressort également de l’attestation de M. [U], réalisateur-chef opérateur, salarié de la société Hikari, que celui-ci indique être l’auteur des images captées en Corée du Nord utilisées dans le documentaire diffusé par la société France Télévisions. Ce témoin affirme qu’il s’agissait d’un tournage strictement documentaire qui a eu lieu en septembre 2018, que M. [Y] lors de ce voyage n’a donné aucune consigne ni technique ni artistique, ni envers (lui) ni envers M. [H] et qu’ il n’a jamais été question de réaliser un film de fiction. Il n’y avait pas de direction d’acteur ni même aucun choix de cadre de la part de [A] [Y], qui avait par ailleurs sa propre caméra.
Il est indiqué dans la publication de France Info (pièce 25 de M. [H]), postérieure à la diffusion du documentaire [M] [H] : la chute de l’ogre, que le commissaire de justice, mandaté par la société France Télévisions pour attester de la rigueur (du) travail de l’équipe de ‘Complément d’enquête’, a visionné les images du tournage en Corée en Nord utilisées dans la séquence litigieuse et que ces rushes sont notamment issus de deux caméras positionnées dans le haras. Sur ces images on distingue une troisième caméra : il s’agit du caméscope tenu par un participant au voyage. Il apparaît aux côtés de la star de cinéma’. Ce participant apparaît être M. [Y].
Enfin, il est relevé, dans un mail de M. [O], adressé le 1er octobre 2023 au conseil de M. [Y] afin de lui proposer la cession gratuite de l’exploitation des rushes à titre non exclusif, que celui-ci a écrit Pour 70, le tournage est un tournage Hikari. Que pensez-vous d’une cession gratuite de l’exploitation des rushes à titre non exclusif ‘ M. [Y] pourrait ainsi les utiliser pour monter le film qu’il désire, il devra simplement mentionner l’équipe de tournage si le film est exploité (pièce n° 6 de M. [H]) alors qu’il avait précédemment indiqué, dans le paragraphe précédent de ce mail Pour Korea, le tournage ayant été effectué par M. [Y] (à l’exception de quelques plans que j’ai tournés, mais n’en faisons pas une affaire) et le montage financé par Hikari (…).
Le tournage étant l’ensemble des opérations visant à enregistrer les images et les sons nécessaires à la réalisation d’un film, ce propos tenu par M. [O] laisse clairement entendre que le projet de film ’70’ dont il est établi qu’il était consacré à M. [H], a été tourné par la société Hikari, de sorte que cette dernière a pu utiliser les images issues de ce tournage, confortant ainsi la version de M. [H], mais aussi les mentions figurant sur l’état des dépenses du film ci-après examiné.
Il résulte en effet, des pièces 4 et 12 produites par M. [H] que la société Hikari a financé le voyage en Corée du Nord, celle-ci reconnaissant dans ses écriture avoir financé ce tournage, et que selon l’état des dépenses pour le film ’70’, non contesté par cette société, il figure, au poste ‘personnel’, notamment, M. [Y] en qualité de réalisateur, M. [U] en qualité de chef opérateur et M. [J] en qualité de monteur – assistant son. Ce dernier a attesté avoir procédé au montage des rushes tournés à [Localité 15] lors du voyage de septembre 2018 auquel participait [M] [H] et précisé que la séquence dite du haras a été tournée le 4ème jour de ce voyage (…) (et) dure (…) sur les rushes 1h 17 minutes et 40 secondes.
Sur le motif légitime
Dans la publication de France Info susvisée, retranscrivant certaines des constatations effectuées par le commissaire de justice, (pièce 25 précédemment citée), il est indiqué, à propos de la scène du haras pour laquelle il est soupçonné un montage frauduleux, que [M] [H] tient des propos obscènes lors de deux passages de l’enfant devant lui. Lors d’un premier tour effectué par la très jeune cavalière, l’acteur s’exclame : ‘Oh c’est bien madame. Si jamais elle galope, elle jouit’, glisse-t-il à son voisin qui tient le caméscope avant d’ajouter : ‘S’il la fait galoper, elle mouille, elle jouit’. Le commissaire de justice conclut son procès-verbal en relevant : sur la camera 2, on voit la jeune fille sur un équidé guidé par un homme. (…). M. [H] dit : ‘C’est bien ma fifille, continue. Tu vois, elle se gratte là (…). M. [H] dit ‘Oh, c’est bien ! La jeune fille tourne la tête vers la droite. M. [H] prononce une onomatopée gutturale’.
Or, ainsi que le soutient M. [H], les bribes de phrases Oh c’est bien madame et S’il la fait galoper, elle mouille, elle jouit ne sont pas prononcées dans la séquence litigieuse que la cour a visionnée (pièce 11 de la société Hikari). De même, il est observé qu’il a été rapporté dans l’article précité les propos suivant : Si jamais elle galope, elle jouit alors que le visionnage de la séquence permet d’entendre et de lire Si jamais il galope, elle jouit. Enfin, une des premières images de la scène du haras montre, au premier plan, la très jeune cavalière sur un poney, guidée par un homme, et, en arrière plan, une cavalière adulte sur un cheval, aux côtés de l’enfant, entre lesquelles s’interpose un homme à pied.
Si ces éléments sont insuffisants pour établir qu’un montage a été effectué dans le but de déformer de manière délibérée des images ou des paroles, soit par ajout, soit par retrait d’éléments qui sont étrangers à son objet, ils constituent cependant des indices permettant d’étayer les soupçons de M. [H] sur cette infraction pénale.
Ce dernier justifie donc d’une action possible fondée sur l’article 226-8 du code pénal, qui, à ce stade, n’apparaît pas manifestement vouée à l’échec et donc, d’un motif légitime au sens de l’article 145 du code de procédure civile rendant nécessaire, pour améliorer sa situation probatoire, la communication des enregistrements audiovisuels tournés en Corée du Nord, dans le haras, et du procès-verbal de constat, seules pièces permettant de caractériser l’existence de l’infraction suspectée.
La cour écarte dès à présent la communication des documents contractuels par ailleurs réclamés portant sur la qualité de producteur délégué de l’émission ‘Complément d’enquête’ de la société Hikari, que nul ne conteste, sur la garantie que celle-ci aurait accordée à la société France Télévisions contre tout éventuel recours et sur l’exploitation des enregistrements audiovisuels sur lesquels figure l’acteur dès lors que ces pièces sont sans lien avec le motif légitime établi et qu’il n’est, en tout état de cause, pas démontré l’utilité que présenteraient ces documents pour un futur procès que pourrait engager M. [H].
Sur le caractère légalement admissible des mesures sollicitées
Les sociétés Hikari et France Télévisions, soutenues par l’USPA, s’opposent à la communication des enregistrements audiovisuels et du procès-verbal de constat en invoquant une atteinte au secret des sources journalistiques, une atteinte à la liberté d’informer, un détournement de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, voire une atteinte au secret professionnel s’attachant à la relation entre la société France Télévisions et le commissaire de justice ayant visionné des éléments couverts par le secret des sources.
Il résulte des dispositions des articles 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et 2 de la loi du 29 juillet 1881 que le secret des sources des journalistes est protégé dans l’exercice de leur mission d’information du public, et qu’il ne peut être porté atteinte directement ou indirectement à ce secret que si un impératif prépondérant d’intérêt public le justifie et si les mesures envisagées sont strictement nécessaires et proportionnées au but légitime poursuivi.
Le secret des sources s’applique à l’informateur du journaliste mais aussi à tous matériaux journalistiques à l’origine d’une information, et donc, ainsi que l’indique la société Hikari, à l’ensemble des éléments d’enquête et des documents de travail d’un journaliste destinés à lui permettre de rédiger un article ou de préparer une séquence d’information audiovisuelle.
Il ne fait pas de doute que le reportage diffusé en décembre 2023, intitulé [M] [H] la chute de l’ogre procède d’un travail journalistique. Mais, la seule question soumise à l’appréciation de la cour est de savoir si les images issues du tournage en Corée du Nord, en septembre 2018, dans le haras, intégrées dans le reportage de 2023, sont issues, comme le soutiennent les sociétés Hikari et France Télévisions et l’USPA, d’une séquence à caractère purement journalistique et, comme telle, légalement protégée.
Or, au cas présent, la société Hikari ne démontre pas que les enregistrements de la séquence du haras, réalisés en 2018, dans des circonstances mal définies ainsi qu’il a été précédemment exposé, constituent un élément de travail journalistique.
Le seul fait que la société Hikari soit une agence de presse et qu’elle produise des documentaires ne suffit pas à considérer que les enregistrements litigieux sont des sources journalistiques alors, au surplus, qu’il n’est pas démontré que cette société ne produit que des documentaires d’information. A cet égard, la cour relève que cette société avait envisagé la production du film ’70’ qu’elle destinait principalement à Netflix et d’autres plateformes en précisant que notre ambition est uniquement artistique ainsi qu’il ressort du mail de M. [O] adressé à M. [Y] le 11 novembre 2020 (pièce n°5 de M. [H]).
En outre, la société Hikari, qui affirme qu’il ne doit exister aucune confusion avec le projet de film ’70’, ne fournit aucune justification des raisons pour lesquelles elle aurait effectué un tournage sur M. [H], indépendamment de celui de M. [Y], en septembre 2018 en Corée du Nord, alors qu’elle explique la présence de ses équipes, dans ce pays, par les célébrations du 70ème anniversaire de son régime politique.
Il est rappelé que M. [Y] dont la participation est incontestable, a eu l’idée de faire coïncider les 70 ans de l’acteur avec les 70 ans de la Corée du Nord et que figure sur l’état des dépenses du film ’70’ susvisé, les noms des deux salariés de la société Hikari, envoyés en Corée du Nord en septembre 2018, MM. [U] et [J], en qualité de chef-opérateur et monteur et assistant son.
En tout état de cause, la société Hikari ne démontre ni même n’allègue qu’elle aurait, à l’époque, voulu effectuer un documentaire d’information sur M. [H].
La cour observe, qu’en septembre 2018, même si une plainte simple, inconnue du public, venait d’être déposée par une jeune comédienne à l’encontre de M. [H], le tournage revendiqué par la société Hikari ne pouvait s’inscrire dans un travail journalistique, préparatoire à un reportage d’investigation sur le comportement de l’acteur non encore inquiété judiciairement et ne faisant pas l’objet du scandale médiatique, qui n’éclatera que postérieurement à sa mise en examen fin 2020 en prenant toute son ampleur en 2023.
Ainsi, faute pour la société Hikari d’établir les motifs exacts du tournage qu’elle a réalisé en 2018, apparaissant de façon évidente décorrélé du reportage qu’elle effectuera cinq ans plus tard et au regard des contradictions sur les circonstances de ce tournage, il n’est pas démontré que les enregistrements de la séquence du haras qu’elle a effectués, mettant en scène M. [H], en présence de M. [Y], face à des cavaliers ou personnes travaillant dans le manège, sont issus d’un travail journalistique et, par suite, constituent une source d’information.
Il en résulte que la protection revendiquée, instituée par les textes susvisés, n’a pas lieu de s’appliquer dès lors qu’aucune source d’information n’est, en l’espèce, susceptible d’être mise en péril ainsi que l’a exactement retenu le premier juge, la production étant seulement et strictement limitée aux seuls enregistrements des images et sons tournés dans le haras, en Corée du Nord en septembre 2018.
Pour les motifs qui précèdent, le procès-verbal de constat réalisé à la demande de la société France Télévisions à partir des enregistrements susvisés n’a pas davantage lieu d’être protégé au titre du secret des sources journalistiques.
Au regard des éléments qui précèdent sur la nature et les circonstances des enregistrements audiovisuels de la séquence du haras, aucune atteinte à la liberté d’informer n’est caractérisée.
La cour rappelle que n’est pas reproché le fait d’avoir porté à la connaissance du public les images de M. [H] filmé dans le haras ni les paroles qu’il prononce en ce lieu, mais de les avoir potentiellement manipulées afin de dénaturer de façon délibérée la réalité des propos tenus.
Il est encore soutenu que la production des pièces demandées porterait une atteinte irréversible aux droits de la directrice de publication de la société France Télévisions mais aussi à ceux du réalisateur du documentaire [M] [H] : la chute de l’ogre, tous deux susceptibles d’être poursuivis pour diffamation, et devant bénéficier des mêmes garanties procédurales du droit de la presse.
Il est ainsi fait valoir qu’il serait possible que M. [H] ait déposé une plainte en ce sens de sorte que le juge des référés ne pourrait ordonner la mesure d’instruction sollicitée sauf à interférer dans le mécanisme d’ordre public de la preuve des faits diffamatoires à l’occasion d’un procès en diffamation.
S’il est exact que les éventuels responsables au sens de la loi sur la presse pourraient se prévaloir des enregistrements litigieux et du procès-verbal de constat pour rapporter la preuve de la vérité du fait diffamatoire dont ils auraient éventuellement à répondre, à supposer toutefois que ces éléments suffisent à constituer une preuve parfaite, complète et corrélative à l’imputation formulée dans toute sa matérialité et sa portée, il doit être observé que l’action en diffamation est à ce jour totalement hypothétique au regard du temps écoulé depuis la diffusion de l’émission ‘Complément d’enquête’.
Au surplus, il est relevé que M. [H] affirme dans ses écritures n’avoir déposé plainte contre quiconque pour de tels faits, ce qui rend inopérantes les suppositions des sociétés Hikari et France Télévisions sur ce point.
Dans ces conditions, il n’apparaît pas que la production des pièces sollicitées porte atteinte au mécanisme de preuve prévu par les dispositions d’ordre public de la loi du 29 juillet 1881.
Enfin, la société Hikari n’explique pas en quoi la production du procès-verbal de constat porterait atteinte au secret professionnel qui s’attache à la relation entre la société France Télévisions et le commissaire de justice alors que les actes dressés par cet officier public ministériel sont généralement destinés à être produits en justice pour établir les faits constatés.
Sur la mise en oeuvre des mesures d’instruction
La mesure d’expertise sollicitée est nécessaire pour déterminer si un éventuel montage frauduleux a été réalisé. Il convient donc de l’ordonner, aux frais avancés de M. [H] qui a intérêt à ce que cette mesure soit diligentée.
Afin de préserver l’anonymat des personnes susceptibles d’avoir été filmées pendant toute la durée de la séquence du haras, alors qu’il est relevé que des visages ont été floutés dans le documentaire diffusé, les enregistrements des images et sons tournés dans le haras, d’une durée totale de 1 heure, 17 minutes et 40 secondes, seront directement communiqués à l’expert judiciaire dont la mission sera précisée au dispositif.
La communication des enregistrements, limités à la seule séquence du haras, sera mise à la charge de la société Hikari dont nul ne conteste qu’elle est en possession des enregistrements réalisés en Corée du Nord, en 2018. La société France Télévisions affirmant ne pas détenir ces enregistrements, il n’y a pas lieu de lui ordonner de les communiquer.
Il ne convient pas, à ce stade, de prononcer une astreinte à l’encontre de la société Hikari pour la communication des rushes de la séquence du haras, étant rappelé que celle-ci pourra être sollicitée auprès du juge chargé du contrôle des opérations d’expertise dans l’hypothèse où l’expert serait empêché d’accomplir sa mission.
Etant en possession du procès-verbal de constat qu’elle a fait diligenter, il convient d’enjoindre à la société France Télévisions de le communiquer directement à M. [H], aucun risque d’atteinte à l’anonymat ou à l’image de l’une quelconque des personnes filmées en Corée du Nord n’étant encouru par la communication de cette pièce.
Afin d’assurer l’effectivité de cette mesure, il y a lieu de l’assortir d’une astreinte ainsi qu’il sera précisé au dispositif.
Dès lors qu’il n’est pas démontré que la société Hikari serait en possession de ce procès-verbal de constat, il n’y a pas lieu d’accueillir la demande de communication de cette pièce formée à son encontre.
Sur la demande de provision pour frais d’instance
La demande de provision formée par M. [H] à hauteur de 10.000 euros pour couvrir les frais d’expertise et autres frais de procédure n’est pas justifiée, la cour rappelant que les mesures d’instruction sollicitées avant tout procès le sont au seul bénéfice de celui qui les sollicite, en vue d’un éventuel procès au fond, et sont donc en principe à la charge de ce dernier.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
La partie défenderesse à une mesure ordonnée sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile ne peut être considérée comme une partie perdante au sens de l’article 696 du code de procédure civile.
En revanche, il est possible de laisser à chacune des parties la charge de ses propres dépens.
Au regard de l’issue du litige, il convient de laisser à chacune des parties la charge de ses propres dépens et de ses frais irrépétibles exposés tant en première instance qu’en appel.
Déclare recevable l’intervention volontaire de l’Union Syndicale de la Production Audiovisuelle ;
Infirme l’ordonnance entreprise en ses dispositions ayant :
rejeté la demande formée par M. [H] à l’encontre de la société France Télévisions au titre de la communication du procès-verbal de constat ;
ordonné la communication par la société Hikari entre les mains de M. [H] des enregistrements réalisés en Corée du Nord, en 2018, correspondant strictement à la séquence filmée en présence de M. [H] dans le haras, ayant donné lieu à un montage en vue de la réalisation du reportage intitulé [M] [H] : la chute de l’ogre, diffusé le 7 décembre 2023 sur France 2 dans l’émission ‘Complément d’enquête’ ;
rejeté la demande tendant à ordonner une mesure d’expertise ;
condamné la société Hikari aux dépens ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
Ordonne une mesure d’expertise et désigne pour y procéder :
M. [G] [T]
[Adresse 5]
[Localité 9]
Tél : [XXXXXXXX01]
Port. : [XXXXXXXX02]
Email : [Courriel 13]
avec faculté, si besoin, de s’adjoindre un sapiteur dans une spécialité distincte de la sienne à charge pour lui d’en informer préalablement les parties et le juge chargé du contrôle des expertises et de joindre l’avis du sapiteur à son rapport, et mission de :
convoquer les parties, leurs conseils et tous sachants afin de les entendre en leurs explications ;
se faire communiquer par les parties l’ensemble des documents utiles à l’accomplissement de sa mission et, notamment :
– par la société Hikari, les enregistrements réalisés en Corée du Nord, en septembre 2018, correspondant à la séquence filmée en présence de M. [H] dans le haras, d’une durée totale de 1 heure 17 minutes et 40 secondes, ayant donné lieu à un montage en vue de la réalisation du reportage intitulé [M] [H] : la chute de l’ogre, diffusé le 7 décembre 2023 sur France 2 dans l’émission ‘Complément d’enquête’ ;
– par M. [H] et/ou la société France Télévisions le procès-verbal de constat que cette dernière a fait réaliser à la suite de la diffusion de cette émission ;
– par la partie la plus diligente, le documentaire diffusé le 7 décembre 2023 sur France 2, intitulé [M] [H] : la chute de l’ogre ;
visionner en présence des parties et de leurs conseils d’une part, les enregistrements réalisés en Corée du Nord, en 2018, correspondant strictement à la séquence filmée dans le haras, dont certains des sons et images ont été utilisés pour la réalisation du documentaire [M] [H] : la chute de l’ogre, que lui remettra la société Hikari et, d’autre part, la séquence du haras intégrée dans ledit documentaire, débutant à 14 minutes 25 secondes et s’achevant à 15 minutes et 15 secondes ;
dire, dans la mesure du possible, si les enregistrements remis par la société Hikari correspondent à ceux visionnés par le commissaire de justice saisi par la société France Télévisions postérieurement à la diffusion de l’émission ‘Complément d’enquête’ le 7 décembre 2023 ;
décrire avec précision toutes les opérations de montage intervenues à partir des enregistrements de la séquence du haras tournée en 2018 et communiqués par la société Hikari pour parvenir à la séquence intégrée dans le documentaire [M] [H] : la chute de l’ogre, débutant à 14 minutes 25 secondes et s’achevant à 15 minutes et 15 secondes ;
plus particulièrement, retranscrire les propos tenus par M. [H] dans la séquence du haras enregistrée en Corée du Nord, en septembre 2018 et le contexte précis de ces propos au regard des prises d’images leur correspondant chronologiquement ;
après avoir procédé à une analyse comparative des rushes remis par la société Hikari et de la séquence du haras intégrée dans le documentaire [M] [H] : la chute de l’ogre, débutant à 14 minutes 25 secondes et s’achevant à 15 minutes et 15 secondes, dire si les propos tenus par M. [H] dans cette séquence correspondent en temps et images à ceux réellement tenus lors des enregistrements en Corée du Nord ;
indiquer, plus précisément, et dans la mesure du possible, si les propos tenus dans la séquence du haras intégrée dans le documentaire [M] [H] : la chute de l’ogre, étaient destinés à la jeune fille ou à une autre personne dans le haras ;
donner tous éléments techniques et de fait permettant à la juridiction qui sera éventuellement saisie au fond de statuer sur les responsabilités encourues ;
Dit que l’expert devra communiquer un pré-rapport aux parties en leur impartissant un délai raisonnable pour la production de leurs dires écrits auxquels il devra répondre dans son rapport définitif ;
Dit que l’expert sera saisi et effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 232 à 248, 263 à 284-1du code de procédure civile et qu’il déposera l’original de son rapport au greffe du tribunal judiciaire de Paris avant le 30 avril 2025 sauf prorogation de ce délai dûment sollicitée en temps utile de manière motivée auprès du juge du contrôle ;
Dit qu’à l’issue de ses opérations, l’expert restituera à la société Hikari les enregistrements qu’elle lui aura communiqués ;
Dit que M. [H] devra consigner à la régie du tribunal judiciaire de Paris la somme de 4.000 euros à titre de provision à valoir sur la rémunération de l’expert au plus tard le 30 novembre 2024 ;
Dit que faute de consignation de la provision dans ce délai impératif, ou demande de prorogation sollicitée en temps utile, la désignation de l’expert sera caduque et de nul effet ;
Désigne pour suivre les opérations d’expertise le juge du contrôle des expertises du tribunal judiciaire de Paris ;
Ordonne à la société France Télévisions de communiquer à M. [H] le procès-verbal de constat qu’elle a fait réaliser à la suite de la diffusion du documentaire [M] [H] : la chute de l’ogre le 7 décembre 2023, dans un délai de huit jours à compter de la signification du présent arrêt ;
Dit que passé ce délai, la société France Télévisions sera tenue au paiement d’une astreinte de 1500 euros par jour de retard, laquelle sera due pendant une période de deux mois à l’issue de laquelle il pourra être statué sur une nouvelle astreinte ;
Confirme l’ordonnance entreprise en ses autres dispositions dont il a été relevé appel ;
Laisse à chacune des parties la charge des dépens qu’elle a exposés tant en première instance qu’en appel ;
Dit n’y avoir lieu de faire application de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur de cour.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT