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[well type=””][icon type=”fa fa-cube” color=”#dd3333″] Réflexe juridique
L’installation d’un dispositif de géolocalisation n’est pas de droit. Les juridictions exercent un contrôle de proportionnalité au regard du but poursuivi par l’employeur et de l’atteinte aux libertés du salarié. [/well]
La société JC Decaux, spécialisée dans la publicité urbaine essentiellement sur des panneaux d’affichage, dispose d’une flotte d’environ 1 000 véhicules utilisés par des salariés itinérants chargés de la pose des affiches et de l’entretien du matériel urbain. Ces véhicules, alors propriété de la société, ont été équipés de chronotachygraphes papiers, et sont équipés depuis 2002 de chronotachygraphes électroniques. La société a équipé les véhicules, désormais loués, de nouveaux boîtiers chronotachygraphes électroniques appelés FM 100 incluant un système de géolocalisation (FM tracer) non encore activé. Afin d’être autorisée à les activer en mode géolocalisation, la société les a déclarés à la CNIL. Par jugement, le TGI de Paris a ordonné le retrait de ce nouveau dispositif de géolocalisation (confirmé en appel).
L’employeur ne peut apporter aux droits des salariés des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir, ni proportionnées au but recherché (L.1121 -1 du code du travail). L’article 6 de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 prévoit également que les systèmes de traitement de données à caractère personnel ne peuvent être mis en place que pour des finalités déterminées, explicites et légitimes.
Entre 2006 et 2015 la CNIL a adopté plusieurs délibérations destinées à encadrer les dispositifs de géolocalisation, en fixant leurs objectifs de manière à ne pas entraver les libertés des salariés.
Dans l’esprit du principe général de proportionnalité des moyens aux fins, la CNIL a indiqué dans sa délibération n° 2015-165 du 4 juin 2015 portant adoption d’une norme simplifiée concernant les traitements automatisés de données à caractère personnel mis en oeuvre par les organismes publics ou privés destinées à géolocaliser les véhicules utilisés par leurs employés, que le traitement d’information relative aux employés doit être proportionné à la finalité déclarée, c’est-à dire qu’il doit s’effectuer de façon adéquate, pertinente, non excessive et strictement nécessaire à l’objectif poursuivi car l’employeur ne peut restreindre les droits et libertés de ses employés que si cette restriction est justifiée par la nature des tâches à accomplir et proportionnée au but recherché.
En effet, dans sa délibération du 4 juin 2015, la CNIL rappelle à titre liminaire le principe général, applicable aux deux régimes de déclaration (simplifiée et normale) selon lequel les données à caractère personnel ne peuvent être collectées que pour des finalités déterminées, explicites et légitimes et ne doivent pas être traitées ultérieurement de manière incompatible avec ces finalités ; elle indique ensuite dans son article 2 les conditions spécifiques de mise en oeuvre du traitement de ces données obtenues par le système de géolocalisation, lesquelles ne concernent effectivement que le régime de déclaration simplifiée, mais que la cour juge applicable en l’espèce, pour les raisons sus-énoncées.
Des limitations ont été prévues par la CNIL pour les dispositifs de géolocalisation couverts par la norme simplifiée ; en effet, ces dispositifs ne peuvent être mis en oeuvre que pour tout ou partie des finalités suivantes : i) le respect d’une obligation légale ou réglementaire imposant la mise en oeuvre d’un dispositif de géolocalisation en raison du type de transport ou de la nature des biens transportés ; ii) le suivi et la facturation d’une prestation de transport de personne ou de marchandises ou d’une prestation de services directement liée à l’utilisation du véhicule, ainsi que la justification d’une prestation auprès d’un client ou d’un donneur d’ordre ; iii) la sûreté ou la sécurité de l’employé lui-même ou des marchandises ou véhicules dont il a la charge, en particulier la lutte contre le vol du véhicule ; iv) une meilleure allocation des moyens pour des prestations à accomplir en des lieux dispersés, notamment pour des interventions d’urgence ; v) le contrôle du respect des règles d’utilisation du véhicule définies par le responsable de traitement, sous réserve de ne pas collecter une donnée de localisation en dehors du temps de travail du conducteur.
Le traitement peut avoir pour finalité accessoire le suivi du temps de travail, lorsque ce suivi ne peut être réalisé par un autre moyen, sous réserve notamment de ne pas collecter ou traiter de données de localisation en dehors du temps de travail des employés concernés.
Les employés doivent pouvoir désactiver la fonction géolocalisation des véhicules, à l’issue de leur temps de travail et pendant leur temps de pause, le responsable de traitement pouvant le cas échéant demander des explications en cas de désactivation trop fréquentes ou trop longues du dispositif.
En l’occurrence, il a été jugé que la prestation de services (l’affichage sur les mobiliers urbains et le nettoyage de ce mobilier) n’est pas toujours directement liée à l’utilisation du véhicule, notamment pour les agents assurant seulement le nettoyage du mobilier urbain, de sorte que le dispositif de géolocalisation mis en oeuvre par la société ne correspond pas à la finalité prévue par la loi. En outre, aucune obligation légale ou réglementaire n’impose à la société la mise en oeuvre d’un dispositif de géolocalisation en raison du type de transport ou de la nature des biens transportés, comme pour les transports de fonds. Enfin, le suivi du temps de travail peut être effectué par le dispositif précédent déjà intégré dans le nouveau boîtier chronotachygraphe électronique des véhicules.
De manière générale, le contrôle, par le biais du nouveau dispositif de géolocalisation revient à donner à la société la possibilité de suivre l’activité du salarié de façon constante au cours de la journée, de mesurer son temps de travail et de vérifier son organisation de travail, alors qu’il dispose d’une certaine autonomie, notamment dans la tournée de nettoyage.
Les juridictions restent attacher à l’existence de dispositifs moins intrusifs pour contrôler le temps de travail et la bonne réalisation des tâches. Contrairement à l’article 16 de la recommandation du Comité des ministres du Conseil de l’Europe, il a été jugé que le dispositif de géolocalisation en cause instaurait un contrôle quasi permanent de l’activité des salariés concernés pendant leur temps de travail, qui est disproportionné par rapport aux finalités de ce dispositif et porte atteinte aux droits de ces salariés à la protection de leur vie privée, outre qu’il sape le lien de confiance qui s’était instauré entre les salariés et leur employeur, les salariés pouvant légitimement se sentir constamment surveillés.
En conclusion, le nouveau dispositif de géolocalisation n’apparaissait pas être justifié et proportionné aux finalités annoncées par la société.
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