Your cart is currently empty!
7 mars 2023
Cour d’appel de Nîmes
RG n°
20/01669
ARRÊT N°
N° RG 20/01669 – N° Portalis DBVH-V-B7E-HX34
EM/DO/EB
CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE D’AVIGNON
17 juin 2020
RG :18/00020
[A]
C/
S.A.R.L. RENT PROVENCE SERVICES
COUR D’APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
5ème chambre sociale PH
ARRÊT DU 07 MARS 2023
APPELANT :
Monsieur [S] [A]
né le 01 Octobre 1979 à [Localité 3]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représenté par Me Philippe PERICCHI de la SELARL AVOUEPERICCHI, avocat au barreau de NIMES
Représenté par Me Maria GRAAFLAND de la SELARL PACTA JURIS, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMÉE :
S.A.R.L. RENT PROVENCE SERVICES
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LEXAVOUE NIMES, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me Chrystelle MICHEL, avocat au barreau D’AVIGNON
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 08 Novembre 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Madame Evelyne MARTIN, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président
Madame Evelyne MARTIN, Conseillère
Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère
GREFFIER :
Madame Delphine OLLMANN, Greffière, lors des débats et Madame Emmanuelle BERGERAS, Greffière, lors du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l’audience publique du 22 Novembre 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 31 Janvier 2023 prorogé à ce jour
Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 07 mars 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :
M. [S] [A] a été engagé par la Sarl Rent Provences Services à compter du 23 juillet 2011 initialement dans le cadre de plusieurs contrats de travail à durée déterminée, puis à compter du 1er juillet 2012 dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée, en qualité de conducteur de voitures particulières.
Le 17 septembre 2015, M. [S] [A] a fait l’objet d’un avertissement pour retard dans sa prise de service et refus d’assurer ses fonctions.
À compter de 2016, le contrat de travail de M. [S] [A] a été suspendu en raison de plusieurs arrêts de travail du 10 au 15 février 2016, du 05 au 23 mars 2016 puis à compter du 20 avril 2016.
M. [S] [A] a fait l’objet d’un avis d’inaptitude au cours de deux visites médicales de reprise les 31 janvier et 15 février 2018. Le médecin du travail l’a déclaré inapte à son poste de travail en précisant que son maintien à un poste serait gravement préjudiciable à sa santé et que son état de santé faisait obstacle à tout reclassement dans l’entreprise.
Après avoir été convoqué à un entretien préalable, M. [S] [A] a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement par lettre du 06 avril 2018.
M. [S] [A] a saisi le conseil de prud’hommes d’Avignon le 22 janvier 2018 aux fins de voir reconnaître le harcèlement dont il était victime, d’obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail et pour réclamer diverses sommes au titre de l’exécution de son contrat de travail, et voir juger son licenciement nul ou pour le moins dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Par jugement du 17 juin 2020, le conseil de prud’hommes d’Avignon a :
– condamné l’Eurl Rent Provences Services à payer à M. [A] les sommes suivantes :
* 1 730,94 euros à titre de rappel pour indemnité de repas,
* 300 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté M. [A] de l’ensemble de ses autres demandes,
– débouté l’EURL Rent Provences Services de sa demande de salaire indûment perçu,
– débouté l’EURL Rent Provences Services de sa demande reconventionnelle.
Par acte du 13 juillet 2020, M. [S] [A] a régulièrement interjeté appel de cette décision.
Par ordonnance du 18 août 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 08 novembre 2022. L’affaire a été fixée à l’audience du 22 novembre 2022 à laquelle elle a été retenue.
Aux termes de ses dernières conclusions auxquelles il convient de se reporter pour connaître les moyens développés à l’appui de ses prétentions, M. [S] [A] demande à la cour de :
I ‘ Au titre de l’exécution du contrat de travail,
– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes d’Avignon en ce qu’il a condamné la société Rent Provence Services au paiement de la somme de 1 730,94 euros à titre de paniers repas,
– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes d’Avignon en ce qu’il a débouté la société Rent Provence Services de sa demande de le condamner à lui payer la somme de 268,98 euros à titre de trop perçu sur les salaires versés,
– infirmer le jugement du conseil de prud’hommes d’Avignon en ce qu’il l’a débouté de ses autres demandes,
Statuant à nouveau :
– condamner la société Rent Provence Services au paiement des sommes suivantes :
* 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour délit d’entrave,
* 13 865 euros bruts à titre d’heures supplémentaires, outre 1 386,50 euros de congés payés y afférents,
* 1 298,11 euros de majoration de travail de nuit, dimanche et jours fériés, outre 129,81 euros de congés payés y afférents,
* 681,43 euros bruts d’indemnité pour dépassement d’amplitude, outre 68,14 euros de congés payés y afférents,
* 788,72 euros de prime d’encaissement, outre 78,87 euros de congés payés y afférents,
* 1 292,54 euros de maintien de salaire, outre 129,25 euros de congés payés y afférents,
* 8 881,80 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé,
* 10 000 euros à titre d’indemnité pour exécution fautive du contrat de travail,
* 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,
II ‘ Au titre de la rupture du contrat de travail,
– infirmer le jugement du conseil de prud’hommes d’Avignon en ce qu’il l’a débouté de ses demandes,
Statuant à nouveau :
A titre principal :
– prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail,
A titre subsidiaire :
– dire et juger son licenciement pour inaptitude notifié le 6 avril 2018 nul ou à tout le moins dépourvu de cause réelle et sérieuse,
En tout état de cause :
– condamner la société Rent Provence Services au paiement des sommes suivantes :
* 2 574,67 euros à titre d’indemnité spéciale de licenciement,
* 4 061,27 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
* 406,13 euros à titre de congés payés sur préavis,
* 3 568,18 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés,
* 16 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
III ‘ Sur le surplus,
– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes d’Avignon en ce qu’il a condamné la société Rent Provence Services au paiement de la somme de 300 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société Rent Provence Services au paiement de 3 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur d’appel,
– débouter la société Rent Provence Services de l’ensemble de ses demandes,
– condamner la société Rent Provence Services aux entiers dépens de première instance et d’appel.
En l’état de ses dernières écritures auxquelles il convient de se reporter pour connaître les moyens développés à l’appui de ses prétentions, contenant appel incident, la Sarl Rent Provences Services demande à la cour de :
Déclarant recevable et bien fondé son appel incident et y faisant droit :
– infirmer le jugement en ce qu’il :
* l’a condamnée à payer à M. [S] [A] 1 730,94 euros de rappel pour indemnité de repas et 300 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
* l’a déboutée de sa demande de condamnation de M. [S] [A] à lui payer la somme de 268,98 euros à titre de trop perçu sur les salaires versés,
Statuant à nouveau sur ces prétentions,
– condamner M. [S] [A] à lui payer :
* la somme de 268,98 euros brut à titre de salaire indûment perçu,
* 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de 1ère instance et d’appel,
– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [S] [A] du surplus de ses demandes,
– débouter M. [S] [A] de toutes ses demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.
MOTIFS
Sur le délit d’entrave :
L’article L2146-1 du code du travail dispose que le fait d’apporter une entrave à l’exercice du droit syndical, défini par les articles L2141-4, L. 2141-9 et L2141-11 à L2143-22, est puni d’un emprisonnement d’un an et d’une amende de 3 750 euros.
Sur l’exception d’incompétence soulevée par l’employeur :
La soulève l’incompétence de la juridiction prud’homale pour statuer sur cette demande dès lors qu’il ne s’agit pas d’un litige né à l’occasion du contrat de travail mais d’un litige lié à un mandat de représentation.
Une juridiction prud’homale peut être saisie d’une demande de dommages et intérêts en présence d’un délit d’entrave à la condition que les éléments constitutifs soient réunis, de sorte qu’il y a lieu de rejeter l’exception d’incompétence soulevée par la Sarl Rent Provences Services.
Sur la prescription soulevée par l’employeur :
Le conseil de prud’hommes d’Avignon a reçu la requête de M. [S] [A] le 22 janvier 2018, de sorte que la demande qu’il a présentée au titre du délit d’entrave est prescrite pour la période antérieure au 22 janvier 2016 en application de l’article L1471-1 du code du travail.
M. [S] [A] a été élu délégué du personnel en 2013 et si son mandat a pris fin en 2017, le salarié précise qu’il a pu l’exercer jusqu’à son arrêt de travail du 20 avril 2016.
M. [S] [A] prétend que la Sarl Rent Provences Services a commis le délit d’entrave au fonctionnement des institutions représentatives du personnel, qu’il n’a pas été en mesure d’exercer son mandat de délégué du personnel, que les quelques réunions qui ont été programmées étaient le plus souvent l’occasion pour l’employeur d’adresser des reproches à la communauté de salariés, qu’il n’a pas été convoqué pour une réunion qui s’est tenue le 21 avril 2016, qu’il n’avait pas pu obtenir des bons de délégation et n’avait donc pas pu être réglé de ses heures de délégation ; le salarié produit à l’appui de ses prétentions :
– des photocopies de plusieurs compte-rendus de réunions du 14/09/2015 à laquelle il était présent qui mentionne notamment ‘nous vous rappelons une nouvelle fois qu’il est interdit de fumer dans les véhicules (…) Nous vous informons que tous retard entraîne des pénalités (…), nous réitérons de bien vouloir remplir correctement les tickets gasoil (…) À titre d’information nous vous rappelons que tous nos véhicules sont équipés de géolocalisation (…) ; du 11/09/2014 : ‘les chauffeurs ont constaté que les plannings arrivaient trop tard ; du 23 juillet 2015 et du 14/12/2015 ;
– deux courriers qu’il a adressés à la Sarl Rent Provences Services datés du 05 octobre 2016 et 04 novembre 2016 dans lesquels il rappelle les moyens dont doivent disposer les délégués du personnel pour exercer leurs fonctions, les obligations de l’employeur et son impossibilité de se rendre à la réunion organisée le 07 novembre 2016 en l’absence des informations qu’il avait sollicitées préalablement sur des membres du personnel et des propos péjoratifs le concernant qui ont été portés à sa connaissance,
– un courriel du 21 septembre 2016 qu’il a envoyé à l’inspection du travail, dans lequel il expose les difficultés qu’il rencontre pour exercer son mandat de délégué du personnel, notamment l’absence de transmission d’informations le concernant aux autres membres du personnel,
– un courrier du 26 octobre 2016 de l’inspection du travail qui formule des observations sur divers points à l’égard de l’employeur faisant suite à un contrôle effectué le 03 décembre 2015 : sur les délégués du personnel ‘ (…) j’avais constaté que le dialogue social…n’était pas organisé conformément aux dispositions du code du travail…je lui ai conseillé la mise en oeuvre de bons de délégation signés par vous-mêmes et contresignés par lui selon les modalités à définir ensemble…l’envoi systématique d’une invitation à participer à cette réunion par mail si une messagerie interne existe ou par lettre remise en main prore ou par lettre recommandée avec avis de réception…la mise à disposition d’un panneau d’affichage, de prévoir dans l’invitation des délégués du personnel à la réunion mensuelle une mention invitant les délégués du personnel à faire remonter leurs question…je lui rappelais que le non-respect de ces dispositions est constitutif du délit d’entrave…’,
– un courriel envoyé le 28 juin 2014 par M. [F] [P] à M. [S] [A], dans lequel il le questionne sur la possibilité ou non de pouvoir transporter d’autres salariés avec son véhicule personnel,
– un courriel envoyé le 12 décembre 2013 par un salarié, M.[K] [M] relatif au décompte des heures supplémentaires, au contingent annuel et à leur paiement,
– un courriel envoyé par M. [K] [Z], délégué suppléant, le 28/11/2014 : ‘…nous constatons qu’il n’y a pas de permanence téléphonique la nuit et quand…le téléphone décroche c’est pour s’entendre dire la phrase qui tue ‘je n’ai pas de solution’…sachez que la totalité des chauffeurs partagent mon mécontentement…’.
La Sarl Rent Provences Services conteste avoir commis un quelconque délit d’entrave, indique que les convocations étaient remises en main propre, ce qui était l’un des modes de convocation préconisé par l’inspection du travail, ou informait les salariés sur le registre des délégués du personnel, qu’elle avait été amenée à envoyer à M. [S] [A] une convocation par lettre recommandée pour la réunion prévue le 03 mai 2016 en raison de son absence pour arrêt maladie.
Il ressort des pièces produites aux débats par les parties que M. [S] [A] a été présent à plusieurs réunions qui se sont tenues en 2014 et en 2015 ; le salarié affirme qu’il ‘n’a jamais eu connaissance du ‘registre des délégués du personnel’ pas plus qu’il n’a été convoqué par courrier remis en mains propres’, sans pour autant indiquer par quel moyen il avait été convoqué aux précédentes réunions dont il est justifié qu’il était présent pour la majorité d’entre elles.
S’agissant des bons de délégation, la Sarl Rent Provences Services produit un bon portant le numéro 17452 signé par M. [S] [A] et son responsable, établi au nom du salarié avec mention du mandat exercé, délégué du personnel, concernant une absence du 27 juillet 2014 de 14h30 à 15h47, qui contredit manifestement l’argument de M. [S] [A] sur ce point.
Par ailleurs, M. [S] [A] ne démontre pas que la Sarl Rent Provences Services aurait refusé une demande qu’il aurait déjà présentée à ce titre, alors que la société a précisé dans un courrier adressé au salarié le 05 décembre 2016 ‘vous n’avez jamais pris d’heures de délégation…nous n’avons donc jamais pu vous empêcher de le faire…nous souhaitons qu’il soit noté que jamais nous n’avons fait entrave à la prise d’heures de délégation et que nous ne le ferons jamais non plus afin que toute discussion à ce sujet puisse cesser’.
La Sarl Rent Provences Services verse aux débats par ailleurs plusieurs attestations établies par des salariés :
– M. [F] [P] suppléant délégué du personnel : M. [S] [A] ne s’investissait pas du tout au sein de l’entreprise, aucune initiative n’ a été prise de sa part ; c’était lui-même, le suppléant, et avec ses coéquipiers en concertation avec la direction que Mme [X] insistait pour faire les réunions puisque nous étions déçus de son comportement envers nous,
– M. [V] [Z] : M. [S] [A] le délégué du personnel était peu entreprenant, ils étaient contraints de passer par M. [F] [P] son adjoint pour les doléances,
– M. [K] [C], délégué du personnel depuis juin 2017 : ils avaient mis en place un calendrier de réunions, tous les mois afin de parler de tous les sujets concernant le travail, la direction était présente pour apporter des solutions si nécessaires,
qui permettent d’écarter une quelconque volonté de la direction de la Sarl Rent Provences Services de faire obstacle à l’organisation de réunions des délégués du personnel.
Si la Sarl Rent Provences Services a fait l’objet d’observations de la part de l’inspection du travail suite au contrôle réalisé le 03 décembre 2015, il n’en demeure pas moins qu’aucun procès-verbal d’infraction n’a été dressé, que seules des invitations ont été formulées pour permettre à la société de se conformer aux exigences légales et que la société a fait le nécessaire pour répondre à ces invitations.
Quant au manque de moyen – absence de local et d’un panneau d’affichage – , M. [S] [A] n’apporte aucun élément permettant de corroborer ses affirmations, étant rappelé que l’inspection a formulé des observations sur ce point et qu’il n’est pas justifié que la Sarl Rent Provences Services ne s’y soit pas conformée.
Enfin, s’agissant de l’absence de formation, les premiers juges ont retenu à juste titre que M. [S] [A] ne ‘produit pas le fondement juridique de sa prétention et notamment l’obligation de l’employeur à ce sujet qui en fait n’en a pas sinon de libérer le salarié s’il souhaite suivre une formation qui est à son initiative’.
Au vu des éléments qui précèdent, il apparaît qu’il n’est pas établi que la Sarl Rent Provences Services ait porté atteinte aux missions générales des représentants du personnel, soit à leur activité collective soit à l’activité individuelle de ses membres, ou ait adopté un comportement de nature à limiter ou à faire obstacle à l’exercice du droit à la représentation du personnel.
M. [S] [A] sera donc débouté de ce chef de demande et le jugement confirmé sur ce point.
Sur les heures supplémentaires :
Selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte de ces dispositions qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures supplémentaires de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précisées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
En cas de litige relatif à l’existence et au nombre d’heures effectuées, l’employeur doit être mesure de fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié dans la limite de la prescription quinquennale.
En l’espèce, M. [S] [A] prétend que au cours de sa relation contractuelle et notamment en 2015 non soumise à la prescription, la Sarl Rent Provences Services lui a imposé la réalisation de nombreuses heures supplémentaires qui ne lui ont pas été payées et que durant ses plages horaires de service il restait à la disposition de son employeur.
M. [S] [A] produit à l’appui de sa demande un tableau récapitulatif qu’il dit avoir établi sur la base des feuilles de route produites par la société, sur lequel sont mentionnés chaque jour les horaires de début et de fin de la journée de travail, le nombre d’heures travaillées en journée et la nuit et pour chaque mois, le nombre d’heures supplémentaires relevant du taux de 25%, celles relevant du taux de 50% , le total des heures travaillées, la majoration pour les dimanches travaillés, jours fériés et pour les heures de nuit.
Le salarié soutient qu’entre le début et la fin de la journée de travail, il restait à la disposition permanente de son employeur et ne bénéficiait d’aucune pause, et produit à l’appui de ses affirmations une photocopie d’une note de service non datée qui mentionne :’nous vous rappelons pendant l’amplitude les heures qui ne sont pas conduites ( mise à disposition) doivent se passer dans le local de sarl rente provence services “, et un compte-rendu de réunion non daté qui précise que ‘tous les chauffeurs seront dans l’obligation de se rendre au siège de la société entre deux courses durant leur temps libre, pour être à la disposition de l’entreprise’.
Ces éléments sont manifestement insuffisants pour établir que M. [S] [A] était, comme il le prétend, à la disposition permanente de son employeur : les deux documents ne sont pas datés ; concernant le premier document, il n’est pas non plus signé et ne comporte pas le nom de la société à l’entête ou de tampon et l’employeur soutient qu’il aurait été établi pour les besoins de la cause ; l’extrait du compte-rendu de réunion ne démontre pas que M. [S] [A] ne disposait d’aucune pause entre le début et la fin de service.
Il convient de rappeler que l’heure supplémentaire peut être définie comme toute période répondant à la définition de temps de travail effectif effectuée par un salarié au-delà de la durée légale du travail, et que dans le secteur du transport, le temps de travail effectif des conducteurs, comme le rappelle la Sarl Rent Provences Services comprend les temps de conduite, les temps de travaux annexes et les temps à disposition qui correspondent à des périodes de simple présence, d’attente ou de disponibilité passées sur le lieu de travail ou dans le véhicule, sous réserve d’être définies par l’entreprise, et pendant lesquelles le personnel de conduite peut être amené à reprendre le travail ou doit rester proche du véhicule pour le surveiller ou pour être à la disposition des clients.
La Sarl Rent Provences Services remet en cause la pertinence du tableau produit par le salarié et conteste le fait qu’il était à sa disposition permanente entre le début et la fin de la journée de travail.
La comparaison entre les mentions figurant sur le tableau récapitulatif produit par le salarié et les feuilles de route produites par la Sarl Rent Provences Services met en évidence des incohérences dans le nombre d’heures de travail relevé par M. [S] [A] ; à titre d’exemple :
DATE
Feuille de route
tableau récapitulatif salarié
02/01/2015
heures de conduite :
départ à 05h15
fin de service 06h
45 mns
début de service 00h
fin de service 07h
7h travaillées
03/01/2015
heures de conduite :
09h05
17h30/17h50 plein d’essence et fin de service
début de service 07h
fin de service 19h
12h travaillées
04/01/2015
(Dimanche)
départ 07h15
fin de service 14h
début de service 07h
fin de service 19h
12h travaillées
15/02/2015
( dimanche)
départ 09h40
fin de service 17h30
début de service 07h
fin de service 19h
12h travaillées
26/03/2015
début de la conduite : 03h
plein d’essence 6h20/6h45
début de service 00h
fin de service 07h
7h travaillées
26/04/2015
(dimanche)
départ à 04h30
arrivée 07h
début de service 00h
fin de service 07h
7h travaillées
12/05/2015
14/05/2015
(férié)
départ 02h
arrivée 06h45
départ 08h25
arrivée 13h30
début de service 00h
fin de service 07h
7h travaillées
début de service 07h
fin de service 19h
12h travaillées
10/06/2015
départ 22h05
arrivée 00h35
début de service 19h
fin de service 00h
5h travaillées
11/07/2015
départ 20h
fin 22h30
début de service 19h
fin de service 00h
5h travaillées
12/08/2015
départ 03h
plein d’essence 06h/06h35
début de service 00h
fin de service 07h
7h travaillées
04/11/2015
départ 19h30
arrivée 21h45
début de service 19h
fin de service 00h
5h travaillées
15/12/2015
départ 02h35
arrivée 05h45
début de service 00h
fin de service 07h
7h travaillées
Outre le fait que le tableau produit par M. [S] [A] ne mentionne que des amplitudes horaires journalières qu’il dit avoir réalisées, force est de constater que des écarts très importants peuvent être relevés entre ce tableau et les feuilles de routes produites par l’employeur dont le contenu n’est pas sérieusement contesté par le salarié, tant sur les horaires encadrant ces amplitudes que sur le nombre d’heures travaillées.
En outre, la Sarl Rent Provences Services produit plusieurs attestations de salariés, M. [V] [Z], M. [E] [B] et M. [F] [P], selon lesquelles entre chaque course, ils avaient le loisir de rentrer à leur domicile avec le véhicule de service, qu’ils pouvaient donc prendre leur pause à leur domicile, que tous les chauffeurs prenaient leur pause entre leur service et à leur domicile, qu’ils pouvaient ainsi organiser leur temps de travail et de repos en fonction du planning journalier et qu’un planning mensuel leur était remis chaque mois.
La Sarl Rent Provences Services verse également aux débats des conclusions du conseil de M. [S] [A] produit à l’occasion d’un litige relatif à un accident de travail dont il dit avoir été victime le 20 avril 2016 et porté devant le tribunal des affaires de sécurité sociale d’Avignon dans lesquelles il est indiqué notamment ‘il est parfaitement établi que le 20/04/2016 M. [S] [A] a pris son service avant un peu 3h30 jusqu’à 8h45, il était en pause à son domicile jusqu’à 11h, l’entreprise ne disposant pas de locaux permettant aux chauffeurs de faire de pause…’ et un questionnaire de la Caisse primaire d’assurance maladie de Vaucluse se rapportant à cet accident renseigné par M. [S] [A] qui confirme la réalité de cette pause : ‘dépôt du véhicule au siège, passage à mon domicile pour récupérer…lieu précis de l’accident : domicile…’.
Enfin, la Sarl Rent Provences Services produit un courrier de l’inspection du travail du 07 mai 2014 qui rappelle que selon la convention collective ‘le chauffeur rentrant à son domicile entre deux vacations n’est pas considéré comme étant en temps de travail effectif et ce temps de coupure à domicile n’est pas indemnisé’.
Ces éléments vont à l’encontre des affirmations de M. [S] [A] selon lesquelles il était de permanence à la disposition de son employeur et ne disposait donc pas de pause entre le début et la fin de service.
Les premiers juges ont justement relevé par ailleurs que ‘ M. [S] [A] ne fait pas apparaître des temps de coupure ou de pauses dans ses relevés d’horaire et qu’en conséquence le bureau de jugement ne peut apprécier avec exactitude les temps réellement travaillés’.
M. [S] [A] sera donc débouté de ce chef de demande et le jugement entrepris confirmé sur ce point.
Sur la demande d’indemnisation pour dépassement d’amplitude :
M. [S] [A] prétend que la Sarl Rent Provences Services ne l’a que partiellement indemnisé au titre des dépassements d’amplitude, et fait référence au tableau récapitulatif qu’il a établi.
Pour les mêmes motifs que ceux exposés précédemment, il apparaît que les amplitudes telles qu’elles apparaissent sur le tableau dont s’agit présentent des incohérences trop importantes avec les éléments mentionnés sur les feuilles de route pour étayer sérieusement ses prétentions.
M. [S] [A] sera également débouté de ce chef de demande.
Sur la demande relative aux majorations pour travail de nuit, dimanche et jours fériés :
M. [S] [A] prétend que la convention collective prévoit que les heures de nuit, soit celles travaillées entre 21h et 06h, ouvrent droit pour le salarié à un repos de 10%, une majoration de 100% pour les jours fériés travaillés, et le versement d’une indemnité forfaitaire pour les dimanches travaillés dont le montant diffère selon que le salarié a travaillé plus ou moins de 3 heures, que selon le tableau récapitulatif qu’il produit, la Sarl Rent Provences Services ne lui a que partiellement payé les majorations au titre du travail de nuit, dimanche et jours fériés.
A l’examen du tableau récapitulatif dont s’agit et des feuilles de route que la Sarl Rent Provences Services a produites, il apparaît que le nombre des heures travaillées de nuit que le salariés prétend avoir réalisées tout comme pendant les dimanches et jours fériés est erroné, de sorte qu’il n’établit pas ne pas avoir été rempli de ses droits, alors que les bulletins de salaire mentionnent des indemnisations à ce titre.
Sur la demande relative à la prime d’encaissement :
M. [S] [A] soutient que la Sarl Rent Provences Services ne lui a jamais versé de prime prévue à la convention collective qui prévoit le versement d’une prime de 3% du salaire minimum conventionnel au bénéfice des conducteurs de véhicules qui assurent ‘les encaissements sur présentation de factures ou autres documents’, alors qu’il avait en charge les opérations administratives liées au règlement des courses effectuées par ses soins.
La Sarl Rent Provences Services soutient que la convention collective ne prévoit une prime d’encaissement que pour les conducteurs mécaniciens, livreurs ou conducteurs encaisseurs et qu’elle n’est pas prévue pour le transport de tourisme.
Il résulte de l’annexe 1 article 13 de la convention collective applicable qu’effectivement, la prime d’encaissement n’est prévue que pour les conducteurs mécaniciens, livreurs ou conducteurs encaisseurs, ce qui n’était pas le cas de M. [S] [A] qui conduisait des véhicules de voyageurs de tourisme.
Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point.
Sur la demande relative aux paniers repas :
M. [S] [A] soutient la Sarl Rent Provences Services ne lui a payé que partiellement les indemnités de repas, sur la base de son tableau récapitulatif et un second tableau sur lequel sont mentionnées les indemnités de repas, l’indemnité de repas unique et l’indemnité de casse-croûte.
Cependant, force est de constater que M. [S] [A] n’indique pas les dates auxquelles l’employeur aurait failli à son obligation de paiement de cette indemnité, alors que les seuls tableaux qu’il produit sont insuffisants pour vérifier à quelle période correspond la somme que le salarié sollicite à ce titre à hauteur de 1 730,94 euros.
Le salarié sera donc débouté de ce chef de demande et le jugement entrepris infirmé en ce sens.
Sur la demande au maintien du salaire pendant l’arrêt maladie :
La convention collective prévoit :
b) Absences pour maladies.
Chaque maladie constatée conformément aux dispositions du paragraphe 1 du présent article donne lieu, après application d’un délai de franchise de 5 jours (1), au versement d’un complément de rémunération assurant les garanties de ressources suivantes.
Après 3 ans d’ancienneté :
– 100 % de la rémunération du 6e au 40e jour d’arrêt ;
– 75 % de la rémunération du 41e au 70e jour d’arrêt.
En cas de prolongation de l’absence au-delà d’une durée de 6 mois, les dispositions ci-dessus ne peuvent faire obstacle à l’application des dispositions prévues par le paragraphe 2 de l’article 16 de la convention collective nationale du 21 décembre 1950.(…)
c) Absences pour accident du travail.
Chaque accident du travail, constaté conformément aux dispositions du paragraphe 1 du présent article donne lieu, sans application d’un délai de franchise, au versement d’un complément de rémunération assurant les garanties de ressources suivantes :
Après 3 ans d’ancienneté :
– 100 % de la rémunération du 1er au 30e jour d’arrêt ;
– 75 % de la rémunération du 31e au 90e jour d’arrêt.
En cas de périodes successives d’absence maladie, la durée totale d’indemnisation au cours d’une période quelconque de 12 mois consécutifs ne peut pas dépasser les durées fixées ci-dessus.
M. [S] [A] prétend que la Sarl Rent Provences Services n’a que partiellement réglé son salaire durant ses arrêts maladie.
Pour la période d’arrêt maladie ordinaire du 16 au 22 juillet 2015 : après déduction de 5 jours de carence, M. [S] [A] aurait dû percevoir, 2 jours de salaire journalier, soit 97,16 euros ( 2 X 48,58 euros) ; or, il ressort d’une attestation de paiement de la Caisse primaire d’assurance maladie de Vaucluse qu’il a perçu des indemnités journalières d’un montant de 126,80 euros (4 jours X 31,70 euros) ; M. [S] [A] a donc été rempli dans ses droits.
Pour la période d’arrêt maladie ordinaire du 20 octobre au 03 novembre 2015 : après déduction de 5 jours de carence (déduction opérée par le salarié sur le tableau intégré dans ses écritures), M. [S] [A] aurait dû percevoir 10 jours de salaire journalier, soit 485,80 euros ; or, M. [S] [A] a perçu des indemnités journalières de 368,40 euros ; sur les bulletins de salaire d’octobre et novembre 2015, M. [S] [A] n’a pas perçu le complément de salaire, de sorte que la Sarl Rent Provences Services reste redevable à ce titre d’une somme de 117,40 euros.
Pour la période d’arrêt de travail consécutif à l’accident de travail déclaré, du 04 au 28 mars 2016 : M. [S] [A] aurait dû percevoir 18 jours ( pour atteindre la période de 40 jours) avec maintien à 100% du salaire journalier d’un montant de 48,89 euros, soit 880,02 euros puis 7 jours avec maintien à 75%, soit 256,67 euros ; le salarié a perçu des indemnités journalières pour la période du 05 au 28 mars 2016 d’un montant de 641,04 euros ; M. [S] [A] indique avoir perçu de l’employeur une somme de 263,82 euros ; la Sarl Rent Provences Services reste donc redevable à son égard d’une somme de 231,83 euros.
Pour la période d’arrêt de travail pour maladie ordinaire, à compter du 20 avril 2016 : M. [S] [A] aurait dû percevoir après déduction de 5 jours de carence ( déduction opérée par le salarié) 75% du maintien de son salaire pendant 23 jours jusqu’au 12 mai 2016 ( soit jusqu’au 70ème jour) soit 660 euros ; or, il a perçu des indemnités journalières de 613,18 euros sur cette période ; l’employeur n’avait donc pas à compléter sa rémunération pendant cette période.
Il en résulte que la Sarl Rent Provences Services reste redevable à l’encontre de M. [S] [A] d’une somme totale de 349,23 euros, outre celle de 34,92 euros à titre d’indemnité de congés payés y afférente.
Sur le travail dissimulé :
Selon l’article L. 8221-5 du code du travail : est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur :
1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ;
2° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 3243-2, relatif à la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;
3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.
En l’espèce, pour les raisons exposées précédemment, M. [S] [A] a échoué a établir que l’employeur ne l’aurait pas payé de toutes les heures supplémentaires qu’il prétend avoir réalisées en 2015, de sorte que le délit de travail dissimulé n’est pas établi.
Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point.
Sur la demande de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail :
Les seules pièces produites par M. [S] [A], soit un courriel qu’il a envoyé le 08 janvier 2016 pour signaler que son salaire de décembre n’a toujours pas été réglé et un courriel de M. [F] [P] du 04 mars 2015 qui interroge la société sur la date prévisible du paiement du salaire du mois, s’ils établissent que deux retards ont pu se produire dans le paiement du salaire, elles sont néanmoins insuffisantes pour démontrer qu’il s’agissait de retards réguliers.
Par ailleurs, la seule production d’un compte-rendu de réunion du 05 février 2014 dans lequel il est évoqué la nécessité pour les chauffeurs d’appeler leurs collègues par téléphone ou de communiquer par textos ou courriels pour ‘gagner en temps, en disponibilié et en frais’ est insuffisante pour établir que M. [S] [A] était contraint d’être en permanence au téléphone et vérifier ses courriels et ce, en violation des règles du code de la route.
En outre, si les courriels que M. [S] [A] a produits aux débats établissent que des modifications ont pu intervenir sur des plannings déjà communiqués, la Sarl Rent Provences Services démontre par la production de plusieurs plannings, que les plannings étaient bien établis pour le mois, à l’avance.
Enfin, les affirmations de M. [S] [A] selon lesquelles il a dû faire face à de nombreuses difficultés d’organisation à l’occasion de l’exercice de son travail ne sont pas étayées par les éléments produits aux débats et sont contredites en partie par les attestations de plusieurs salariés que la Sarl Rent Provences Services a versées aux débats.
C’est donc à bon droit que les premiers juges ont débouté M. [S] [A] de ce chef de demande.
Sur le harcèlement moral :
L’article L1152-1 du code du travail dispose qu’aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Selon l’article L. 1154-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, lorsque survient un litige relatif à l’application de ces dispositions, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
En l’espèce, M. [S] [A] soutient avoir fait l’objet d’actes de harcèlement moral de la part de son employeur lesquels auraient consisté en : une mise à l’écart, refus de prise de congés injustifiés, accusations et sanctions injustifiées, intimidation, insultes, dénigrement, humiliation, et produit à l’appui de sa demande :
– un courriel qu’il a envoyé le 16 avril 2015 à Mme [X] dans lequel il indique n’avoir pu prendre ses premiers congés payés qu’en 2013, il exprime son souhait de pouvoir prendre ses congés pendant les périodes scolaires pour pouvoir partager des moments avec ses enfants,
– un courriel qu’il a envoyé le 01 mai 2015 à Mme [X] dans lequel il apporte des précisions sur une course [Localité 6]/[Localité 7], il évoque la mise en place du système de géolocalisation, les reproches qui lui sont faits ; il se plaint que ‘cela fait plusieurs semaines’ qu’on le menace d’un ‘dossier’ contre lui,
– un courriel envoyé par ‘[N]’ une salariée de la société, le 01/05/2015 ‘…je tiens à préciser que ce n’est pas du harcèlement mais une constatation d’un travail mal fait. Le matin du 30/04 alors que vous étiez trois, tu t’es débrouillé à ce qu’un agent de la SNCF ait du retard. La seule réponse que j’ai eu a été ‘c’est pour montrer que [Localité 5] gênait’ . Il suffisait simplement de donner la course Av/mas à [Localité 6]’ Chose que tu aurais faite il y a quelques mois…Tu précises ‘des faits complètement faux’ à croire que tu as la mémoire courte. Te rappelles-tu de la course…tu n’es pas allé à [Localité 6] mais à l’opposé [Localité 7] (géolocalisation) et celles où tu refusais de faire les courses parce qu’il était 6h55! Nous t’avons convoqué pour avoir des explications à aucun moment tu n’as contesté les faits mais la seule réponse était ‘je m’en rappelle plus’ nous t’avons averti verbalement et non humilié j’en conclus qu’il faut le faire par écrit…Tu sais très bien que je suis là pour vous aider, on doit travailler main dans la main et non saboter le travail’,
– plusieurs courriers qu’il a adressés à la société : le 21 septembre 2015 pour contester les faits à l’origine d’un avertissement qui lui a été envoyé le 17 septembre 2015 ; le 04 janvier 2016 dans lequel il s’inquiète de ne pas avoir reçu le planning du mois ; le 26 janvier 2016 : il indique ne pas vouloir signer un nouveau contrat de travail ‘vous avez essayé de m’extorquer sous la pression dans vos locaux la signature d’un contrat dont j’ignore le sens…’ ; le 23 février 2016 : il conteste les congés qui lui auraient été imposés en janvier et le fait qu’il ne supporte plus que ‘[G]…ou qui que ce soit d’autre de votre famille’ lui ‘crie dessus’, l’insulte ou le ‘dénigre’….; le 11 avril 2016, le 12 mai 2016 ‘vous me privez de liberté d’expression..’ ; le 25 août 2016, le 05 octobre 2016, le 04 novembre 2016 dans lesquels il invoque notamment les manques de moyens qui sont mis à sa disposition pour exercer ses fonctions de délégué du personnel,
– un avis d’arrêt de travail du 20 octobre 2015 pour ‘anxiété réactionnelle’,
– un courrier du médecin du travail du 28 octobre 2015 adressé à la Sarl Rent Provences Services dans lequel il souhaite ‘alerter’ son attention sur ‘la situation que vit actuellement M. [S] [A]’, qu’il a reçu dans le cadre d’une visite à sa demande le 28 octobre 2015; ‘il présente une souffrance qu’il attribue à ses conditions de travail et plus précisément en lien avec les risques psychosociaux. Il semble que M. [S] [A] vous ait déjà informé de cette problématique…je pense que vous devriez examiner la situation afin d’apporter rapidement une réponse qui évitera une aggravation de son état de santé…’,
– un courrier adressé par la Sarl Rent Provences Services au médecin du travail, daté du 03 novembre 2016 ‘…vous constaterez à la lecture du courrier d’avertissement du 17 septembre 2015 de son courrier de réponse du 21 et de notre propre réponse du 02 octobre dernier, que nous sommes restés très modérés à l’égard de M. [S] [A] lui rappelant uniquement son obligation de respecter ses engagements professionnels…’.
Les faits invoqués par M. [S] [A], pris en leur ensemble, ne laissent pas présumer l’existence un harcèlement moral.
Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point.
Sur la demande relative à l’atteinte aux droits, à la dignité, à la santé physique ou mentale ou à son avenir professionnel :
Les seuls éléments produits :
– courrier du médecin du travail du 28 octobre 2015,
– un courrier que Mme [Y] [L], l’épouse de M. [S] [A] a envoyé à l’inspecteur du travail daté du 28 avril 2016 dans lequel elle expose les difficultés rencontrées par son époux dans le cadre de son travail ‘ harcèlement, pression financière, non paiement des heures de travail effectuées, primes conventionnelles…’ ,
– l’avis d’inaptitude rendu par le médecin du travail le 15 février 2018 : ‘inapte définitivement à son poste de conducteur VL et minibus. Le maintien du salarié à un poste serait gravement préjudiciable à sa santé. L’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l’entreprise. Une procédure de reconnaissance d’AT est en cours contesté par l’employeur’,
– un courrier de la Sarl Rent Provences Services du 20 février 2018 ayant pour objet ‘impossibilité de reclassement ‘,
sont insuffisants pour établir un lien de causalité entre une éventuelle dégradation de ses conditions de travail et les problèmes de santé que le salarié a rencontrés et que son inaptitude résulterait d’un harcèlement moral pour lequel il a été retenu que les éléments produits par M. [S] [A] pris dans leur ensemble ne laissent pas présumer son existence.
M. [S] [A] sera donc débouté de ce chef de demande.
Sur la demande de résiliation judiciaire :
A défaut de rapporter la preuve que la Sarl Rent Provences Services aurait commis des manquements graves de nature à rendre impossible la poursuite de la relation contractuelle, de sorte que M. [S] [A] sera débouté de ce chef de demande.
Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point.
Sur la demande de nullité ou d’absence de cause réelle et sérieuse de son lienciement pour inaptitude :
Dans la mesure où il a été retenu précédemment que les faits invoqués par M. [S] [A], pris en leur ensemble, ne laissent pas présumer l’existence un harcèlement moral, il apparaît que la demande de nullité du licenciement pour inaptitude motivée par le fait que l’inaptitude trouverait son origine dans les faits de harcèlement moral n’est pas fondée, étant précisé, de surcroît, que le le tribunal judiciaire d’Avignon, dans son jugement du 25 novembre 2021 qui est devenu définitif, a débouté M. [S] [A] de sa demande de reconnaissance du caractère professionnel d’un accident du travail qui se serait produit le 20 avril 2016 consécutivement à la réception d’un courrier de son employeur du 18 avril 2016 pour les raisons suivantes : ce courrier ‘qui s’inscrit dans la normalité des relations entre l’employeur et son salarié…ne contenait aucun terme insultant ou méprisant ou agressif, n’avait aucun caractère désobligeant, ne constituait ni une vexation ni une humiliation susceptible d’entraîner une souffrance psychologique et émotionnelle et ne pouvait donc pas se définir comme un fait accidentel pouvant être qualifié d’accident du travail’.
M. [S] [A] ne rapporte donc pas non plus la preuve que la Sarl Rent Provences Services aurait manqué à son obligation de sécurité, de sorte qu’il sera débouté de ce chef de demande.
Sur la demandes liées à la rupture du contrat de travail :
Les règles protectrices applicables aux victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle s’appliquent dès lors que l’inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l’employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement.
L’application de ces dispositions n’est pas subordonnée à la reconnaissance par la caisse primaire d’assurance maladie du caractère professionnel de l’accident ou de la maladie.
En l’espèce, il ressort des éléments produits par M. [S] [A] notamment l’avis d’inaptitude du 15 février 2018, que la Sarl Rent Provences Services était informée qu’une procédure de reconnaissance d’un accident de travail au 20 avril 2016 était en cours au moment où elle a prononcé son licenciement, peu importe que le le tribunal ait finalement débouté le salarié de sa demande de reconnaissance d’accident du travail.
Cependant, force est de constater que M. [S] [A] n’apporte la preuve de l’existence d’un lien de causalité entre les problèmes de santé constatés en 2018 et son travail, tout comme il ne démontre pas que la Sarl Rent Provences Services aurait failli à son obligation de sécurité, les premiers juges ayant justement relevé que ‘ M. [S] [A] se contente d’alléguer que la Sarl Rent Provences Services a failli en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l’entreprise sans citer le moindre cas d’espèce ni pour les autres salariés…que le médecin du travail a précisé que les visites de reprises s’effectuaient dans le cadre de maladie simple et non pour maladie d’origine professionnelle’.
Il convient en conséquence de débouter M. [S] [A] de sa demande de nullité de son licenciement et de sa demande tendant à ce qu’il soit dit que son licenciement soit dénué de cause réelle et sérieuse.
Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ces deux points et M. [S] [A] sera également débouté de ses demandes indemnitaires en résultant.
Sur la demande de congés payés :
Sauf disposition conventionnelle plus favorable, la notion de travail effectif ouvrant droit à congés payés, telle qu’elle résulte de la loi française, exclut les périodes où l’exécution du contrat de travail a été suspendue, soit notamment, les périodes de maladie ou accident non professionnels.
En l’espèce, il ressort du bulletin de salaire d’avril 2018 qu’une indemnité de congés payés a été fixée par l’employeur à la somme de 2 587,06 euros avec mention ‘compteur au 20/04/2016 4 en solde +27,5 acquis + 7 pour 2017/2018”.
M. [S] [A] soutient que la Sarl Rent Provences Services lui reste redevable d’une somme de 3 568,18 euros à ce titre alors qu’il ressort des bulletins de salaire qu’il était en arrêt maladie en octobre 2017, novembre 2017, décembre 2017, janvier 2018, février 2018 et du 1er au 14 mars 2018, et qu’il devait reprendre son activité professionnelle le 15 mars 2018.
Manifestement, M. [S] [A] a comptabilisé à tort des congés payés pendant les périodes d’absences pour maladie, de sorte que le décompte qu’il présente à ce titre est erroné.
Enfin, la demande présentée par M. [S] [A] au titre de l’article L1226-14 du code du travail n’est pas fondée dès lors qu’il n’a pas été retenu une origine professionnelle de son inaptitude et que le médecin du travail a conclu dans un avis 15 février 2018 à son inaptitude et au fait que tout maintien dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé et que son état de santé fait obstacle à tout reclassement dans un emploi’, dispensant ainsi l’employeur de toute recherche de reclassement.
Sur la demande reconventionnelle de la Sarl Rent Provences Services :
Force est de constater, comme l’ont fait les premiers juges, que la société n’apporte pas d’explication ni d’élément à l’appui de sa demande de remboursement de la somme de 268,98 euros, de sorte qu’elle sera déboutée de cette prétention et le jugement entrepris confirmé sur ce point.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière prud’homale et en dernier ressort ;
Confirme le jugement rendu par le conseil de prud’hommes d’Avignon le 17 juin 2020 en ce qu’il a :
– condamné l’Eurl Rent Provences Services à payer à M. [A] la somme de 300 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté M. [A] de l’ensemble de ses autres demandes, à l’exception de celle se rapportant au maintien de son salaire pendant les périodes d’arrêts maladie,
– débouté l’EURL Rent Provences Services de sa demande de salaire indûment perçu,
– débouté l’EURL Rent Provences Services de sa demande reconventionnelle,
L’infirme pour le surplus,
Statuant sur les dispositions réformées et y ajoutant,
Condamne la Sarl Rent Provences Services à payer à M. [S] [A] la somme de 349,23 euros au titre du maintien de son salaire pendant les périodes d’arrêt maladie, outre 34,92 euros d’indemnité de congés payés y afférente,
Condamne la Sarl Rent Provences Services à payer à M. [S] [A] la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,
Rejette les demandes plus amples ou contraires,
Condamne la Sarl Rent Provences Services aux dépens de la procédure d’appel.
Arrêt signé par le président et par la greffiere.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,